« L’Allemagne depuis 1830 » : différence entre les versions

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De toutes les contrées de l’Europe, l’Allemagne est peut-être celle où l’influence française s’est exercée avec le plus de suite depuis un demi-siècle. L’ordre civil et, sous beaucoup de rapports, l’ordre politique, y ont été modifiés d’une manière profonde, sans que ces progrès, dus à l’action de nos idées autant qu’à celle de nos armes, y aient été achetés au prix terrible qu’ils nous ont coûté.
 
Si nous nous reportons à 89, nous trouvons le Saint-Empire encore debout, tronc décrépit, aux vieilles racines, qui, s’il ne végète plus, empêche l’épanouissement de toute vie nouvelle. Cette vénérable institution n’exerçait, il est vrai, depuis les conquêtes de Frédéric II et l’apparition de la Russie sur la scène du monde politique, qu’une impuissante autorité de chancellerie. Lorsque les électeurs de Brandebourg. menaçaient la couronne impériale et qu’une czarine se portait, à Teschen, garante de la paix de l’Allemagne, il était manifeste, assurément, que le vieux droit public, restauré avec art au congrès de Westphalie, mais que la réforme avait atteint à sa source même, avait à peine conservé une existence nominale. Autour de cette ruine se groupaient néanmoins, confusément pressées, des principautés innombrables, membres épars d’un vaste corps auquel la force féodale sut donner une forme hiérarchique, mais sans parvenir à le rendre compacte. C’étaient ici des rois et des princes, des comtes et des évêques, des abbés et des abbesses, une multitude de chevaliers, sujets immédiats de l’empire, qui se refusaient à reconnaître une autre souveraineté, et réclamaient l’anarchie à titre de droit héréditaire ; c’étaient, à Ratisbonne et à Wetzlar,
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et à Wetzlar, des jurisconsultes et des publicistes, secouant la poussière des chartes et s’efforçant de concilier le droit catholique de la bulle d’or avec les principes consacrés à Osnabruck après Maurice et Gustave-Adolphe, pendant que le siècle, dans son cours rapide, emportait également tous ces souvenirs : chaos sans grandeur, mosaïque sans harmonie, où s’éteignait la plus grande des passions de l’homme, le patriotisme, sous la plus petite, la vanité héraldique ; puissance sans autorité par elle-même, mais qui assez long-temps avait agi sur les peuples pour leur ôter la force de la briser.
 
La révolution française eut à peine touché l’édifice qu’il s’entr’ouvrit et croula. Les victoires de la république et du consulat, l’influence de la Prusse, fidèle à son rôle de novatrice et à son œuvre ambitieuse, l’impuissance misérable de ces souverainetés hybrides, où la couronne compromettait la mitre, amenèrent l’Autriche à sanctionner, à Lunéville, le principe des sécularisations. A Presbourg, la prépondérance française fut fondée d’une manière très exagérée sans doute ; mais ces abus de la victoire paraissent au moins compensés, dans l’intérêt de la civilisation germanique, par l’indépendance des états méridionaux, qui pèsent déjà d’un si grand poids sur les destinées de ce pays : alors fut largement appliqué ce principe de médiatisation, avec lequel disparurent les derniers vestiges du Saint-Empire, dont le nom même s’abîma dans cet immense naufrage.
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Enfin des décisions postérieures <ref> Résolutions du 5 juillet 4532.</ref> complétèrent l’ensemble de ces mesures répressives. La diète se reconnut le droit de prononcer souverainement en matière de presse ; elle supprima toutes les associations d’une tendance dangereuse, modifia profondément l’organisation des universités et leurs vieilles prérogatives, consacra le principe de l’extradition en matière politique, en même temps qu’elle confirmait celui d’une assistance immédiate et mutuelle pour toutes ces décisions, aussi bien que pour celles qui pourraient être prises à l’avenir dans l’intérêt du maintien de la tranquillité en Allemagne.
 
Nous n’aurions pas épuisé tout ce qui se rapporte au nouveau droit public fédéfédéral
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ral et à l’établissement de cette haute tutelle exercée par deux puissances sur trente-six autres, si nous ne mentionnions tout de suite l’établissement d’une institution complémentaire décrétée plus tard par l’assemblée de Francfort, institution au moins étrange dans sa forme, et qui ne paraît pas destinée à exercer d’influence sérieuse sur l’avenir politique de ce pays.
 
Lorsque les résistances légales que nous aurons à caractériser tout à l’heure se furent produites, sinon victorieuses, du moins unanimes dans tous les états constitutionnels, on imagina, pour concilier les droits incommutables des souverains avec les prétentions des assemblées législatives, un expédient dont la donnée première remontait à 1815, époque où elle avait été conçue dans un esprit tout différent, comme base de l’unité nationale et de la liberté politique de Allemagne.
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En Wurtemberg, l’opposition affecta des allures plus vives et plus menaçantes.
 
Sur la proposition formelle d’un de ses membres <ref> M. Pfizer, 13 février 1833.</ref>, la chambre des députés déclara les résolutions de Francfort attentatoires à l’indépendance des états germaniques et aux droits que le Wurtemberg tenait de sa constitution. Elle insista énergiquement pour contraindre le roi à expliquer dans un sens constitutionnel l’assentiment qu’il leur avait donné par l’organe de son ministre près la diète. Le gouvernement wurtembergeois, ne pouvant accepter un pareil vote, qui l’aurait placé dans une situation fort grave en face de la confédération, se détermina à dissoudre la chambre. Mais en vain s’attachât-il par tous les moyens à rassurer les esprits et à calmer l’opinion, en vain le ministère prononça-t-il dans le principe, pour expliquer l’adhésion du monarque aux décrets de Francfort, des paroles qui manquaient assurément ou de courage ou de sincérité <ref> « En portant ces décrets à la connaissance générale, et pour remédier aux malentendus que l’on répand sur leur signification, nous déclarons au nom de sa majesté le roi qu’on n’entend nullement menacer l’existence de la constitution du pays, et que tel n’en a pu être le dessein, puisque l’acte final de Vienne établit formellement que les constitutions d’états, ayant une existence reconnue, ne peuvent plus être modifiées que par la voie constitution nette. Il n’y a donc, sous aucun rapport, de motif de craindre qu’il soit fait de ces décrets de la diète un usage quelconque qui ne serait pas en harmonie avec la constitution, et le gouvernement continuera, comme jusqu’ici, à maintenir la constitution avec une consciencieuse fidélité, et dans toutes ses stipulations, soit qu’elles concernent le droit des états à concourir à la législation et à voter les impôts, ou bien qu’elles soient relatives à tout autre droit assuré aux citoyens wurtembergeois. » (Déclaration ministérielle, 28 juillet 1832.)</ref> : tout fut inutile en Wurtemberg à
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n’entend nullement menacer l’existence de la constitution du pays, et que tel n’en a pu être le dessein, puisque l’acte final de Vienne établit formellement que les constitutions d’états, ayant une existence reconnue, ne peuvent plus être modifiées que par la voie constitution nette. Il n’y a donc, sous aucun rapport, de motif de craindre qu’il soit fait de ces décrets de la diète un usage quelconque qui ne serait pas en harmonie avec la constitution, et le gouvernement continuera, comme jusqu’ici, à maintenir la constitution avec une consciencieuse fidélité, et dans toutes ses stipulations, soit qu’elles concernent le droit des états à concourir à la législation et à voter les impôts, ou bien qu’elles soient relatives à tout autre droit assuré aux citoyens wurtembergeois. » (Déclaration ministérielle, 28 juillet 1832.) : tout fut inutile en Wurtemberg à cette époque, comme tout l’aurait été en France aux premiers mois de 1830. Les électeurs renvoyèrent une chambre non moins vive, qui débuta par une proposition d’abolir la censure, admise malgré les efforts du gouvernement à une majorité plus considérable qu’aucune des motions précédentes. Ailleurs qu’en Wurtemberg, un tel conflit se serait vidé par une révolution ; mais les Allemands ont le bon esprit de comprendre qu’une telle issue est dangereuse, et d’ailleurs, avant de la commencer, ils voudraient, en gens prudens, être sûrs au moins de la finir. Or, étonnez-vous que le Wurtemberg ne fît pas une révolution tout seul, en face de l’invasion imminente de la Prusse et de l’Autriche !
 
Dans le grand-duché de Bade, les idées libérales, favorisées par l’accord du grand-duc et des états, avaient fait d’importantes conquêtes. La censure abolie fut remplacée par le régime, assurément peu prudent, de la liberté absolue de la presse. Les résolutions de Francfort vinrent abolir une conquête que cette partie de l’Allemagne rhénane avait saluée de bruyans applaudissemens. Les ordres de suppression de feuilles, les poursuites contre les écrivains désignés, toutes les injonctions, enfin, de la diète, durent être d’autant plus sévèrement exécutées par le gouvernement badoins, qu’il inspirait moins de confiance, et que le grand-duché était l’objet d’une surveillance plus directe.
 
En vain la chambre des députés protesta-t-elle avec énergie ; en vain se faisait-elle, dans une adresse respectueuse, « l’interprète des inquiétudes profondes d’un peuple fidèle, dont l’esprit, attaché à la légalité, était resté étranger à tous les moyens comme à tous les efforts illégaux. » De telles paroles devaient nécessairement demeurer sans résultat, car la subordination de la faiblesse à la force reste une vérité au XIXe siècle comme en tout autre. Aussi le grand-duc Léopold se borna-t-il à répondre que « les résolutions de la diète n’avaient jamais eu la tendance qui leur était prêtée, et que leur exécution fédérale ne serait nullement en opposition avec ses devoirs comme prince constitutionnel. »
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Léopold se borna-t-il à répondre que « les résolutions de la diète n’avaient jamais eu la tendance qui leur était prêtée, et que leur exécution fédérale ne serait nullement en opposition avec ses devoirs comme prince constitutionnel. »
 
M. de Rotteck réclama la nomination d’une commission d’enquête chargée de proposer tous les moyens qu’appelait la gravité des circonstances. Une telle motion consacrait implicitement la prétention de la chambre à modifier la décision prise par le grand-duc, comme membre de la confédération germanique ; elle le plaçait, devant celle-ci, dans une situation que la diète
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n’aurait jamais acceptée, en admettant que ce prince s’y fût prêté lui-même. Le gouvernement fit comprendre, non sans peine, à la chambre la gravité qu’aurait un tel vote, et l’on vit une transaction, dans laquelle on fit la part de la prudence en réservant celle des principes, sortir, après ces longs débats, de cette lutte, l’une des plus vives qu’ait suivie la jeune Allemagne constitutionnelle.
 
Mais ce fut surtout dans les deux Hesses que les résistances se produisirent avec une exaltation, et chose plus remarquable, avec une persévérance qui, à l’issue près, ne le cédaient pas à l’élan unanime de l’opinion libérale en France aux dernières années de la restauration. A Darmstadt comme à Cassel, les chambres sont deux fois brisées et deux fois renvoyées en masse avec des mandats impératifs, malgré l’intervention la plus active de l’autorité dans les élections ; un ministre est décrété d’accusation <ref> M. Hassempflug, ministre de l’intérieur de Hesse-Cassel.</ref>, le budget est rejeté, les lois les plus libérales sont votées, malgré le pouvoir, et contre lui, signes précurseurs d’une tempête, s’il avait été donné à la tempête d’éclater !
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Dira-t-on que ce feu de paille n’a brillé qu’un jour, que les décrets de Francfort ont été acceptés, les écrivains muselés, les universités réformées ou dissoutes, et que dès la fin de 1834, l’Allemagne commençait à rentrer dans son repos ? et de ce qu’aujourd’hui les états, de concert avec les gouvernemens, s’occupent beaucoup de chemins de fer, et moins de politique, serait-on admis à conclure, avec certains publicistes, que le mouvement constitutionnel de 1832 était sans portée, que ce pays cédait à un entraînement factice, et que les intérêts nouveaux n’y ont pas acquis les développemens qu’il nous convient de leur supposer ? Étrange conclusion que celle-là, vraiment ! Eh ! que vouliez-vous donc que fissent les petits états en face des forces fédérales prêtes à marcher ? Le désir non équivoque des deux grandes puissances militaires n’était-il pas, et qui l’ignorait ? d’intervenir à main armée, en appuyant sur une violation des obligations fédérales la suppression des institutions représentatives ? Quelle résistance était possible dans un moment où la France se considérait comme dégagée de tout intérêt dans les affaires d’Allemagne ? La seule résistance vraiment sérieuse, du moment où il ne pouvait y avoir de concours à attendre de notre gouvernement, impliquait, d’ailleurs, l’emploi de moyens purement révolutionnaires, et le propre de l’opinion bourgeoise, en pareille alternative, n’est-il pas de se résigner même au despotisme ? Entre un nouvel essai de république démagogique et une nouvelle dictature impériale, l’opinion constitutionnelle n’eût-elle pas embrassé le dernier parti, même en France ? Est-ce donc à dire que cette opinion y soit sans racines et sans force propre ?
 
L’Allemagne a, du reste, bien moins cédé, comme on le dit, que transigé sur la plupart des grandes questions soulevées. Quelle qu’ait été la mesure des concessions réclamées par une position impérieuse, il faut savoir reconnaître que les six dernières années ont avancé, à l’égal d’un demi-siècle, son é
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ducationéducation constitutionnelle. Les états méridionaux ont conquis des garanties importantes ; la Saxe, le Hanovre, d’autres puissances inférieures, ont reçu des institutions plus libérales ; enfin, et c’est ici le point capital, ce pays a manifestement acquis une conscience plus distincte de ses vœux, une aperception plus lucide de ses destinées politiques.
 
L’opinion constitutionnelle y a été prudente et mesurée, parce qu’il est dans sa nature de l’être, parce qu’en Allemagne, où l’on passe à grand’peine des spéculations de l’intelligence à leur réalisation pratique, les mœurs inclinent vers le pouvoir, et que le vieux sang de ces princes, qui, pendant cinquante années de tourmente, ont partagé toutes les épreuves des peuples, est encore cher à la Germanie.
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La France, intervenant en Allemagne sitôt après juillet dans les ardeurs de son prosélytisme révolutionnaire, aurait pu soulever contre elle les repoussemens de populations honnêtes et religieuses ; la France agitant au bord du Rhin les aigles de l’empire, et s’emparant de ce qu’elle appelle ses frontières naturelles, aurait excité plus sûrement encore contre elle l’esprit national, sur lequel pesaient, comme une douleur et comme une flétrissure, les insolens souvenirs de nos jours de conquête. A cet égard, les gouvernemens allemands comprennent à merveille leur véritable situation ; ils s’efforcent par tous les moyens de persuader à l’Allemagne que l’action française ne saurait jamais s’exercer autrement. Impuissans ou dévastateurs, tel est le rôle qu’on aimerait à nous faire aux yeux de l’Europe. Le terrain serait bon, en effet, en cas de complications politiques ; mais qu’on nous permette aussi de choisir le nôtre, tel qu’il nous conviendra, le cas échéant, de le prendre et de le garder.
 
Or, notre ascendant sur ce pays est assuré si nous savons respecter sa liberté et son honneur, si, sans nous présenter en démagogues, et, ce qui serait pis encore, en conquérans hautains, nous faisons appel aux intérêts des classes moyennes, aux doctrines constitutionnelles, surtout à l’indél’indépendance
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pendance des princes et des peuples, annulés par les sénatus-consultes de la diète. Nous possédons en ce moment, pour agir sur la confédération, un levier plus puissant que celui dont disposait Richelieu, lorsqu’il associait les intérêts protestans aux intérêts français ; nous n’avons pas besoin d’y gager des pensionnaires comme Louis XIV, et d’intriguer, à force d’or, dans les résidences princières : notre action gît tout entière dans le principe que représente la France ; elle est surtout dans les bons exemples que nous saurons donner au monde qui nous observe. Respectons le gouvernement représentatif, qui fonde à la fois et notre dignité personnelle et la force véritable de la nation au dehors ; ne l’amoindrissons pas à des proportions mesquines ; qu’il représente pour chacun de nous un intérêt vraiment social, et que la France n’ait jamais à nous demander compte de la déconsidération qui pourrait le frapper.
 
Qu’un gouvernement modéré ne veuille pas abuser de l’état présent de l’Allemagne, qu’il ne tire parti ni des sympathies qui nous provoquent, ni des dissidences entre les pouvoirs et les peuples, ni des rivalités des gouvernemens germaniques entre eux ; rien de plus raisonnable et de plus sage assurément ; mais que la France sache bien, et que l’Europe n’affecte pas d’oublier, ce qu’elle pourrait si le soin de ses intérêts ou de son honneur l’appelait à sortir de son repos.
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Le concordat conclu en 1821 avec le saint-siège a donné au gouvernement prussien, sur l’administration de l’église catholique, des droits qui n’ont rien de plus exorbitant, il est vrai, que ceux reconnus au gouvernement français d’après les lois organiques et les décrets impériaux. Mais à Berlin l’application de ces dispositions se fait par des ministres et des présidens de province, tous étrangers au catholicisme, souvent en état de méfiance, si ce n’est d’irritation, contre lui. Les fidèles de cette religion, totalement exclus de la haute administration aussi bien que des grades supérieurs de la hiérarchie militaire <ref> Si l’on en croit l’ouvrage ''Sur l’état de l’Église en Allemagne au dix-neuvième siècle'', auquel nous empruntons ces détails, il n’y aurait pas dans l’armée prussienne un seul officier-général, pas même un seul colonel catholique. <br/>
Ce livre, imprimé à Augsbourg sous le titre de ''Beittrage zur Kirchengeschichte des XIXe jahrhunderts in Deutschland'', a été saisi par la Bavière sur les réclamations du cabinet de Berlin. Ce n’est point une raison de douter de ses assertions, confirmées par des renseignemens nombreux.</ref>, sont dans un état d’infériorité évidente, qui impose des sacrifices difficiles à l’ambition, pénibles à l’amour-propre. L’armée et l’enseignement universitaire sont deux moyens puissans dont dispose le gouvernement pour agir et sur le peuple et sur les classes éclairées.
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L’armée et l’enseignement universitaire sont deux moyens puissans dont dispose le gouvernement pour agir et sur le peuple et sur les classes éclairées.
 
L’organisation religieuse de l’armée est exclusivement protestante, du moins en temps de paix ; l’assistance au service divin et à la prédication est obligée. Le Westphalien, le Silésien, l’habitant des provinces polonaises ou rhénanes, confondus avec les luthériens de la vieille Prusse, compris, malgré leur croyance, dans la juridiction spirituelle d’un pasteur de division, d’après ''l’ordonnance ecclésiastique'' de 1832, vivent ainsi plusieurs années dans une atmosphère où la foi de leur enfance ne peut manquer de s’obscurcir.
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Par l’enseignement universitaire, le gouvernement domine le clergé catholique, s’attachant à favoriser, dans l’intérêt d’un vague ecclectisme religieux, ces tendances rationalistes qui se développent de plus en plus en Allemagne. Il n’y a aucune université catholique pour plus de cinq millions de sujets professant cette religion. Deux universités seulement sont mixtes, celles de Bonn et de Breslau ; les autres restent exclusivement protestantes. Encore à Bonn comme à Breslau, le commissaire royal est-il protestant, et les évêques sont-ils sans influence directe sur le choix des professeurs de théologie catholique, contre l’orthodoxie desquels ils sont seulement admis à présenter des objections au ministre.
 
Il est résulté de l’ensemble de ces causes, qu’en Silésie surtout, le catholicisme dogmatique est descendu à l’état le plus déplorable. L’interprétation
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libre du symbole y bouleverse chaque jour davantage les bases mêmes de la doctrine chrétienne. Aux bords du Rhin, l’enseignement du docteur Hermès avançait également cette œuvre de décomposition, déjà trop favorisée par le relâchement des mœurs et la faiblesse de la discipline. Aussi le gouvernement prussien n’avait-il pas vu sans vif déplaisir un bref pontifical frapper la doctrine hermésienne, « en ce qu’elle établissait le doute positif comme base de tout enseignement théologique, et qu’elle posait en principe que la raison est l’unique moyen pour arriver à la connaissance des vérités de l’ordre surnaturel <ref> Bref du 26 septembre 1835.</ref>. »
 
Un écrit, émané d’une source officielle, a récemment dénoncé cette condamnation comme « le premier pas décisif du chef de l’église pour arrêter le développement de la science catholique en Allemagne <ref> ''Exposé de la conduite du gouvernement prussien envers l’archevêque de Cologne'', Paris, Jules Renouard, 1838.</ref>. » On ne s’étonnera pas, dès-lors, que la publication de ce bref fût interdite dans toutes les provinces de la monarchie. Mais, lorsque des feuilles étrangères l’eurent porté à la connaissance des catholiques, une scission profonde éclata dans le clergé, la majorité adhérant à la décision de Rome, une autre partie se refusant à reconnaître un bref qui n’avait pas été officiellement publié ''cum placito regis''.
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LOUIS DE CARNE.
=== no match ===
DE CARNE.