« Lettres sur la Sicile/02 » : différence entre les versions

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Ils bouleversèrent le sol autour de la citerne ; tout à coup la femme s’écria qu’elle apercevait le roi : le travail se poursuivit avec une ardeur nouvelle, et fut interrompu lorsqu’enfin les piocheurs restèrent convaincus, par les cris de la malheureuse visionnaire, que la tête lui avait tourné. On fut obligé de l’enfermer dans un hospice où elle persiste encore à voir ''il re giallo''
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Après avoir quitté les carrières, nous suivîmes les débris d’une route antique conduisant à la ville, et tracée sur le sommet d’une colline nue et calcaire ; puis nous descendîmes dans la plaine, qui aboutit, du côté de la mer, à une grève sablonneuse sur laquelle les vagues viennent se déployer mollement. Nous nous y engageâmes, et bientôt nous mîmes le pied à terre auprès de quelques coteaux assez éélevés,
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levés, emplacement de l’antique Sélinonte ; ils portent maintenant le nom de ''Terra dei Pulci'', et sont entourés par les rivières de Madione et d’Hypsa, dont les bords incultes sont couverts de roseaux.
 
J’étais impatient de voir les lieux où, suivant une obscure tradition, les Phéniciens avaient formé un de leurs premiers établissemens en Sicile, et où plus tard les Mégariens, conduits par Pammilius, construisirent la cité puissante qui devait être la rivale de Ségeste et d’Héraclée. Ma mémoire me retraçait les destinées terribles de cette ville, à laquelle se rattachent les noms redoutables d’Annibal et du farouche Alcamah ; qui, trois fois bâtie et trois fois détruite de fond en comble, vit ses habitans égorgés ou vendus comme esclaves, tour à tour par les Carthaginois, par les Romains et les Sarrasins, et qu’enfin les Normands firent rentrer dans le néant.
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Il fallait qu’il fût susceptible de s’enthousiasmer pour une grande pensée, capable de comprendre ce que le génie proposait, et disposé à des sacrifices pour l’exécuter. Souvent un grand monument est l’expression d’une grande qualité nationale, et de même que les églises gothiques du moyen-âge prouvent la foi de l’époque qui les a élevées, de même les temples de Sélinonte rappellent à la mémoire l’immense développement moral donné par la civilisation antique aux peuples d’origine grecque.
 
Les édifices sacrés de Sélinonte se sont écroulés sur leurs dieux, mais leurs débris jonchent le sol, et l’on y voit des files de gigantesques colonnes tombées sans se briser, et couvrant la terre au rang et à la place qu’elles occupaient debout. Sans doute, elles ont été renversées par un affreux tremblement de terre, dont on ignore l’époque. Peut-être ce désastre a-t-il frappé la ville aux temps de sa plus grande prospérité. La nature mobile du terrain léger et sablonneux sur lequel s’élevait Sélinonte, a dû contribuer également à la ruine de ses temples. On découvre çà et là à fleur de terre les fondations de maisons avec des seuils formés d’énormes quartiers de pierre, et donnant sur des rues dont on reconnaît les traces. Les grands édifices paraissent avoir eu, dans le moyen-âge, le même sort que le temple de Ségeste ; on y reconnaît des débris de briques qui ne peuvent provenir des temples : ils ont sans doute appartenu à des foyers éphémères, relevés un moment sur les ruines par une population grossière. L’ensemble des restes de Sélinonte forme un tableau triste et mélancolique ; leurs tons clairs les feraient prendre pour des matériaux destinés à une construction, si on ne les voyait entassés pêle-mêle et couverts de lianes, d’arbousiers, d’aloës et de petites palmettes à éventail, qui y croissent en prodigieuse quantité, et d’après lesquelles Virgile donnait à Sélinonte l’épithète ''Palmosa'' <ref> Le nom même de Sélinonte dérive d’une plante, le persil, qui y est très abondante, et qu’on appelle, en grec, ???. </ref>. Du reste, point d’arbres, une végétation très basse, mais touffue, avant une immense variété de tons tranchans, une atmosphère brûlante et parfaitement calme, un ciel bleu foncé, une mer plus azurée même que celle de Naples, des terrains et des roches calcinées couleur d’ocre, et sur lesquels on voit glisser légèrement des milliers de lézards d’un vert d’émeraude ;
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d’émeraude ; tout cela fait de Sélinonte une magnifique scène de désolation ; le tombeau d’un passé éclatant qui jette encore quelques reflets sur le présent. Et combien encore ces lieux doivent-ils être plus tristes durant les quatre mois de malaria, lorsque tous les êtres vivans sauf le seul Guarda Costa, fuient ce canton empesté ! C’est alors le domaine de la mort, et l’homme s’éloigne d’un lieu où le danger se montre à lui, s’insinue sous la forme d’impressions tristes, mais douces et agréables. Ce séjour, où domine ''l’aria cattiva'', semble paisible et riant, l’air y est diaphane et parfumé, aucun signe extérieur ne manifeste sa terrible influence.
 
Le mauvais air, résultat des marais nommés jadis ''Gonusa'', avait déjà causé des maladies contagieuses à Sélinonte. Empédocle mit un terme à ce fléau au moyen de deux canaux. Les Sélinontains reconnaissans rendirent des honneurs divins à ce philosophe <ref> Diogène Laertius, liv. VIII. </ref>.
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THÉODORE DE BUSSIÈRES
=== no match ===
DE BUSSIERES