« Laurette ou le cachet rouge » : différence entre les versions

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La grande route d’Artois et de Flandre est longue et triste. Elle s’étend en ligne droite, sans arbres, sans fossés, dans des campagnes unies et pleines d’une boue jaune en tout temps. Au mois de mars 1815, je passais sur cette route, et je fis une rencontre que je n’ai point oubliée depuis.
 
J’étais seul, j’étais à cheval, j’avais un bon manteau, un casque noir, des pistolets et un grand sabre ; il pleuvait à verse depuis quatre jours et quatre nuits de marche, et je me souviens que je chantais ''Joconde'' à pleine voix. J’étais si jeune ! - La maison du roi en 1814,
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1814, avait été remplie d’enfans et de vieillards ; l’empire semblait avoir pris et tué les hommes.
 
Mes camarades étaient en avant, sur la route, à la suite du roi Louis XVIII ; je voyais leurs : manteaux blancs et leurs habits rouges tout à l’horizon au nord ; les lanciers de Bonaparte, qui surveillaient et suivaient notre retraite pas à pas, montraient de temps en temps la flamme tricolore de leurs lances à l’autre horizon. Un fer perdu avait retardé mon cheval ; il était jeune et fort, je le pressai pour rejoindre mon escadron, il partit au grand trot ; je mis la main à ma ceinture, elle était assez garnie d’or, j’entendis résonner le fourreau de fer de mon sabre sur l’étrier, et je me sentis très fier et parfaitement heureux.
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=== Histoire de l’ordre cacheté===
 
 
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J’avais fini, après un mois, par les regarder comme mes enfans. Tout le jour, quand je les appelais, ils venaient s’asseoir auprès de moi. Le jeune homme écrivait sur ma table (c’est-à-dire sur mon lit), et quand je voulais, il m’aidait à faire ''mon point ; '' il le sut bientôt faire aussi bien que moi, j’en étais quelquefois tout interdit. La jeune femme s’asseyait sur un petit baril et se mettait à coudre.
 
Un jour qu’ils étaient posés comme cela, je leur dis : - Savez-vous, mes petits amis, que nous faisons un tableau de famille, comme nous voilà ! Je ne veux pas vous interroger ; mais probablement vous n’avez pas plus d’argent qu’il ne vous en faut, et vous êtes bien délicats tous deux pour bêcher et piocher comme font les déportés à Cayenne. C’est un vilain pays, de tout mon cœur je vous
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vous le dis ; mais moi, qui suis une vieille peau de loup desséchée au soleil, j’y vivrais comme un seigneur. Si vous aviez, comme il me semble (sans vouloir vous interroger), tant soit peu d’amitié pour moi, je quitterais assez volontiers mon vieux brick, qui n’est qu’un vieux sabot à présent, et je m’établirais là avec vous, si cela vous convient. Moi, je n’ai pas plus de famille qu’un chien, cela m’ennuie ; vous me feriez une petite société. Je vous aiderais à bien des choses, et j’ai amassé une bonne pacotille de contrebande, assez honnête, dont nous vivrions, et que je vous laisserais lorsque je viendrais à tourner l’œil, comme on dit poliment.
 
Ils restèrent tout ébahis à se regarder, ayant l’air de croire que je ne disais pas vrai, et la petite courut, comme elle faisait toujours, se jeter au cou de l’autre, et s’asseoir sur ses genoux toute rouge et en pleurant. Il la serra bien fort dans ses bras, et je vis aussi des larmes dans ses yeux. Il me tendit la main et devint plus pâle qu’à l’ordinaire. Elle lui parlait bas, et ses grands cheveux blonds s’en allèrent sur son épaule ; son chignon s’était défait comme un câble qui se déroule tout à coup, parce qu’elle était vive comme un poisson. Ces cheveux-là, si vous les aviez vus, c’était comme de l’or. Comme ils continuaient à se parler bas, le jeune homme lui baisant le front de temps en temps, et elle pleurant, cela m’impatienta.
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Son mari était assis sur une petite malle, la tête sur ses mains, et la regardait prier. Elle leva la tête en haut, comme au ciel, et je vis ses grands yeux bleus mouillés comme ceux d’une Madeleine.
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Pendant qu’elle priait, il prenait le bout de ses longs cheveux, et les baisait sans faire de bruit. Quand elle eut fini, elle fit un signe de croix en souriant avec l’air d’aller au paradis. Je vis qu’il faisait comme elle un signe de croix, mais comme s’il en avait honte. Au fait pour un homme, c’est singulier.
 
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— Pas possible dis-je.
 
— O
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— O mon Dieu si ! les couplets n’étaient même pas trop bons. J’ai été arrêté le 15 fructidor et conduit à la Force, jugé le 16 et condamné à mort d’abord, et puis à la déportation par bienveillance.
 
— C’est drôle, dis-je. Les Directeurs sont des camarades bien susceptibles, car cette lettre que vous savez, me donne l’ordre de vous fusiller.
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=== Comment je continuai ma route===