« De la croyance » : différence entre les versions
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C’est un véritable service que M. Cl. Gayte a rendu à la philosophie en publiant son Essai sur la croyance (Paris, Germer Baillière, 1883.) et en ramenant l’attention sur un sujet si important. Aucune philosophie ne devrait s’en désintéresser ; presque toutes le négligent ou l’esquivent. L’empirisme et le positivisme se devraient à eux-mêmes de dire comment ils définissent la certitude, et quelle différence ils font entre croire et être certain ; ils laissent généralement cette question de côté. Le spiritualisme a toujours compris l’importance du problème de la certitude : sauf quelques exceptions, il prête moins d’attention à la croyance. Il n’est pas même facile de dire dans quelle partie de la philosophie cette question devrait trouver sa place. Les psychologues ne s’en occupent guère, parce qu’il leur paraît qu’elle appartient aux logiciens. Les logiciens, tels que [[Author:John Stuart Mill|Stuart Mill]], la renvoient aux métaphysiciens. Mais les métaphysiciens ont bien d’autres visées. Pressés d’arriver aux conclusions qui leur tiennent au cœur, ils l’oublient ou l’ajournent. C’est pourtant par là qu’il faudrait commencer.
Dans la philosophie généralement enseignée en France, la croyance est considérée comme tout à fait distincte de la certitude ; elle est autre chose, si elle n’est pas le contraire, et elle est fort au-dessous. C’est une sorte de pis-aller dont on ne se contente qu’à regret et qui, par suite, ne mérite guère qu’on s’y arrête. L’œuvre propre du philosophe est de chercher la certitude ; c’est à elle seule qu’il a affaire. Rien de mieux, assurément, et ce n’est pas nous qui contesterons le devoir qui oblige tout philosophe à donner son adhésion à toute vérité clairement et distinctement aperçue. Nous n’avons garde de méconnaître ce qu’il y a de noble et d’élevé dans cette manière de comprendre le rôle de la philosophie ; nous savons les dangers du fidéisme ; l’idéal que tant de philosophes se sont proposé, que les plus illustres d’entre eux se
En supposant même que la croyance soit maintenue au rang subalterne où on l’a reléguée jusqu’ici, et qu’on contribue à la confondre, non sans quelque dédain, avec l’opinion ; en admettant qu’elle s’attache, dans la vie pratique et faute de mieux, à de simples probabilités, et qu’à ce titre elle soit fort éloignée de la haute et pleine certitude à laquelle aspire le philosophe, ne mériterait-elle pas encore une étude attentive ? La plupart des hommes, et même tous les hommes, dans les circonstances les plus importantes de leur vie, se décident sur des croyances et non sur des certitudes. « Le sage, disait déjà Cicéron, quand il entreprend un voyage sur mer, quand il ensemence son champ, quand il se marie, quand il a des enfants, dans mille autres occasions, fait-il autre chose que de suivre des probabilités ? » ([[Scriptor:Marcus Tullius Cicero|Cic.]], Acad., liv. II, 34, 109.) Que deviendrait l’art oratoire si la masse des hommes n’agissait [pas] plus par persuasion que par conviction ? Mais si la croyance tient tant de place dans la vie, et s’il y a une philosophie de l’esprit qui doit nous apprendre à nous rendre compte de ce que nous faisons, l’étude de la croyance ne doit-elle pas aussi tenir quelque place dans cette philosophie ? Que ce soit dans la psychologie ou dans la logique, c’est une autre question dont nous n’avons cure pour le moment. À coup sûr, le philosophe sans renoncer à son idéal de certitude, ne dérogera pas en s’en occupant.
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