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Bardous et qui chantent la louange et le brime en s’accompagnant sur des instruments semblables aux lyres ; ils ont des philosophes et des théologiens très honorés qu’ils appellent druides. Ils ont aussi des devins, qui sont en grande vénération. Strabon mentionne que chez tous les peuples celtiques presque sans exception se retrouvent trois classes d’hommes qui sont l’objet d’honneurs extraordinaires, à savoir : les bardes (bardoi), les vates (ouateis) et les druides (druidai). César ne nous parle que des druides (druidae).
 
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Les noms de barde et de druide sont conservés dans les langues celtiques. L’ancienne Irlande connaissait trois ordres de lettrés : les bardes, bard, les druides drui, druad, et les filé. Ces derniers qui sont à la fois devins, juges et poètes étaient répartis en diverses classes d’après le nombre d’histoires épiques qu’ils pouvaient raconter. Les noms de barde et de druide n’ont pas trouvé une explication satisfaisante dans les langues celtiques. Il est probable que les auteurs grecs qui écrivent drouidai ont transcrit le nom latin druidae. L’étymologie par le grec drus, chêne, qui faisait des druides « les hommes des chênes » a tenté bien des écrivains depuis Pline l’ancien. On pourrait songer à une traduction ou une étymologie populaire grecque d’un nom celtique ignoré si le mot drui n’apparaissait pas dans les textes les plus anciens de la littérature irlandaise. Il est probable que le drasidae d’Ammien Marcellin repose sur une mauvaise lecture. Chez les historiens de l’Histoire Auguste, l’étymologie grecque de druide est si bien passée
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dans le domaine public que les druidesses sont devenues des dryades.
 
Quant aux autres noms donnés par les auteurs de l’antiquité, aucun ne semble celtique ; semnothéos est un adjectif grec que l’auteur regardait évidemment comme une explication de druidès ; euhages semble être l’adjectif grec eu-agês « vénérable » synonyme de semnothéos ; ouateis, dont on a fait en français ovates est tout simplement une transcription grecque du latin vates.
 
Les druides, pour les auteurs de l’antiquité, constituent une des classes d’hommes qui sont le plus honorés chez les Celtes. Ils ne se confondent ni avec les bardes, ni avec les devins, ni avec les vates. Les bardes sont des poètes auteurs de panégyriques ou de satires ; ils chantent sur la lyre les exploits des héros. Les devins prédisent l’avenir par le vol des oiseaux ou l’examen des entrailles des victimes. Les vates s’occupent des sacrifices et des lois de la nature. Les druides, indépendamment de la physique et de la physiologie, professent la philosophie morale et sont regardés comme les plus justes des hommes. Chez les auteurs qui ne nous parlent que des druides, ceux-ci sont confondus avec les devins et avec les vates. Le mot druide a donc chez les écrivains de l’antiquité deux sens : un sens large et un sens restreint.
 
Au sens large, on comprend sous le nom de druides à peu près tous les hommes à carrière libérale. « Dans toute la Gaule, nous dit César, il y a deux classes d’hommes à compter et à être honorées : l’une celle des druides, l’autre celle des chevaliers ». Tandis que les chevaliers constituent l’élite de l’armée gauloise, les druides ne vont pas à la guerre et sont exempts de tout service militaire. Ils
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prennent part à l’exercice du pouvoir public aussi bien que les chevaliers : ainsi Diviciacus qui, à ce que Cicéron nous apprend, était un druide, mène une vie assez peu différente de celle de son frère Dumnorix qui n’était pas druide, et est très mêlé aux affaires politiques de son temps. Il ne s’agit donc pas d’une classe sacerdotale, à plus forte raison, comme on l’a dit, d’un clergé gaulois. César parle dans un passage des sacerdotes, qui peuvent être différents des druides, et rien ne nous indique que les prêtres des Boïens, sacerdotes, antistites, que mentionne Tite-Live fussent des druides.
 
Pour désigner, à l’époque gallo-romaine, les prêtres affectés aux cultes locaux, il y avait un mot qui est sans doute celtique, gutuater. Les inscriptions nous apprennent qu’il y avait à Mâcon un gutuater de Mars et à Autun des gutuater du dieu Anvalos. La confusion du gutuater et du druide n’est faite que chez Ausone, qui d’ailleurs se sert dans un autre passage, pour désigner un prêtre de Belenus, de l’expression Beleni aedituus.
 
L’institution druidique n’était pas originaire de Gaule. Elle avait été, pensait-on, créée en Grande-Bretagne et de là avait été transportée en Gaule. Les Gaulois qui voulaient la connaître plus à fond se rendaient le plus souvent de l’autre côté de la Manche. Nous n’avons aucun renseignement ancien sur le druidisme de Grande-Bretagne. Le druidisme irlandais seul peut donner matière à des rapprochements avec les notions que nous fournissent les écrivains de l’antiquité sur les druides de la Gaule. D’après César, qui semble parler des druides en général plutôt que des druides de son temps, les druides remplissent des fonctions religieuses, éducatives, judiciaires, politiques. Nous
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allons les étudier successivement sous ces divers aspects.
 
Les fonctions religieuses des druides consistaient : surtout à assister aux cérémonies et à s’occuper des sacrifices publics et privés. Il semble d’autre part que ce soit pour se rendre au désir du peuple qu’ils assistent aux sacrifices, et qu’ils ne jouent pas dans les cérémonies un rôle prépondérant. Strabon et Diodore sont d’accord sur ce point. Strabon écrit que les Celtes sacrifiaient non sans les druides, Diodore que la coutume était que personne ne fît de sacrifice sans un philosophe.
 
La divination était au nombre des sciences qu’ils pratiquaient. Diviciacus annonçait l’avenir tant par l’observation des oiseaux que par conjecture. D’après César, les druides interprètent la volonté des dieux : religiones interpretantur. Au temps de Tacite, les druides gaulois annonçaient que l’incendie du Capitole présageait la chute prochaine de l’empire romain.
 
A l’époque de Pline, la magie est en grande faveur en Gaule, et les druides, dont il interprète le nom par magi, sont pour lui des sortes de sorciers et de féticheurs dépositaires de secrets magiques et de recettes médicales. Ce sont les druides gaulois qui prétendent que le lycopodium selago préserve des accidents et que la fumée en est utile pour toutes les maladies des yeux. Ce sont eux qui regardent le gui du rouvre comme sacré. Enfin ils ont indiqué les prescriptions à remplir pour s’emparer de l’œuf de serpent. Il faut le jeter en l’air, le recevoir sur une saie avant qu’il ait touché à terre ; s’enfuir à cheval, car les serpents poursuivent jusqu’à ce qu’ils rencontrent un cours d’eau.
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Tout cela doit être fait à une certaine époque de la lune. Cet œuf fait gagner les procès et donne accès auprès des souverains. Toutefois Pline rapporte qu’un chevalier du pays des Voconces qui en portait un dans sa tunique fut, sans motif, mis à mort par l’empereur Claude.
 
Si les sacrifices et la divination sont dans l’antiquité deux pratiques religieuses importantes, les secrets magiques, dont au temps de Pline les druides sont les dépositaires, étaient laissés à des sorciers peu estimés. Comment concilier l’idée que les druides étaient des philosophes à la fois physiciens et moralistes avec le rôle assez méprisable que leur fait jouer Pline le naturaliste ? On peut sans doute s’expliquer cette contradiction en tenant compte de la différence des dates. Entre l’époque de César et celle de Pline se placent le règne de Tibère qui supprima les druides : Tiberii Caesaris principatus sustulit druidas eorum et hoc genus vatum medicorumque, et le règne de Claude qui abolit complètement cette religion des druides si effroyablement cruelle, qui sous Auguste n’avait été qu’interdite aux citoyens romains. Au temps de Pomponius Mela, les druides donnent leur enseignement soit dans un antre, specu, soit dans des clairières cachées. La persécution n’aurait donc pas été favorable au maintien des hautes traditions morales qui avaient fait des druides les premiers personnages de la Gaule et les plus justes des hommes. Ou bien faut-il croire que de tout temps, les druides avaient cherché à assurer leur pouvoir non seulement par leur science, mais par des pratiques magiques dont ils étaient les premiers à connaître l’inanité, et que, lorsque la domination romaine leur eut supprimé toute action judiciaire et politique, il ne leur resta plus que l’
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exercice misérable d’un charlatanisme grossier ?
 
Les druides d’Irlande nous apparaissent surtout comme des magiciens, et des prophètes. Ils prédisent l’avenir, ils interprètent les volontés secrètes des fées, ils jettent des sorts. A l’aide de formules et d’incantations, ils peuvent trouver l’endroit où se cache une personne, accabler un ennemi de toute sorte de maux, faire lever entre deux armées un brouillard épais, faire tomber de la neige, changer le jour, en nuit, rendre grosse une femme stérile. Ils connaissent les breuvages qui font oublier. Ils ont le pouvoir d’imposer des obligations, geis, dont il est impossible de s’écarter et rendre tabous certains objets. Ces geis sont très divers ; tantôt c’est un guerrier qui reçoit la défense de dire son nom à un adversaire ; Mael Duin ne peut emmener trois compagnons en sus d’un nombre déterminé par un druide ; il était interdit à Noïsé de venir en Irlande, en temps de paix sauf avec trois hommes : Cûchulainn, Conall et Fergus. Fergus avait reçu pour loi de ne jamais refuser une invitation et de ne pas quitter un festin avant qu’il ne fût terminé. Cûchulainn était obligé de ne jamais passer près d’un foyer sans s’y arrêter et y accepter à manger ; il lui était interdit de manger du chien. Les prédictions des druides ont pour objet tantôt la naissance, la gloire ou les malheurs futurs d’un enfant ; l’effet meurtrier d’une arme une vengeance dont un vaincu menace son vainqueur.
 
Il est rarement question de sacrifices en Irlande ; toutes, les mentions d’offrandes aux dieux ont été, semble-t-il, supprimées des textes irlandais ; mais on trouve dans les gloses le mot gaélique qui signifie victime et sacrifice et dans une Vie latine de saint Patrice, il est dit qu’à la Fes Temrach ou « Festin de Tara » non seulement les princes de tout le royaume, les grands et les chefs de provinces,
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mais aussi les maîtres des druides, druidum magistri, s’assemblaient pour immoler des victimes aux idoles. Aux funérailles d’un chef on tue, sur la tombe ses animaux ; c’est le même usage que chez les Gaulois du temps de César.
 
Mais quel rapport offrent les prodiges de contes populaires que nous venons de rapporter avec l’ancienne religion des Celtes ? Les druides irlandais se meuvent tantôt dans un monde de féerie où l’imagination du conteur crée les prodiges les plus incroyables ; tantôt dans une société peu civilisée où les pratiques de sorcellerie semblent tenir lieu de toute croyance religieuse. Le fétichisme n’y occupe guère de place sans doute parce que les rédacteurs chrétiens des épopées irlandaises en ont fait disparaître tout ce qui pouvait rappeler l’idolâtrie. Peut-être la religion des Gallo-romains a-t-elle quelques traits communs avec cet ensemble de superstitions qu’avaient conservé les Irlandais des premiers siècles de notre ère. Il est peu probable que les druides du temps de César n’aient été comme leurs confrères d’Irlande que des sorciers et des faiseurs de prestiges. Le druide Diviciacus, en tout cas, ne différait guère, semble-t-il, pour la culture intellectuelle, des Romains instruits de son temps.
 
Les druides étaient les éducateurs de la jeunesse gauloise. Attirés par leurs privilèges, dont le principal était l’exemption des impôts et du service militaire, beaucoup de jeunes gens allaient s’instruire auprès d’eux. Les uns y venaient de leur plein gré, les autres y étaient envoyés par leurs parents et leurs proches. Qu’y apprenaient-ils ? César ne le sait que par ouï-dire. On disait que ces jeunes gens avaient à retenir de mémoire
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un grand nombre de vers. Aussi quelques-uns restaient-ils une vingtaine d’années à s’instruire. Les druides pensaient que les matières de leur enseignement ne devaient pas être confiées à l’écriture. Le principal point de leur doctrine était que l’âme ne périt pas et qu’après la mort elle passe d’un corps dans un autre. Une foule de questions sur les astres et leurs mouvements, sur la grandeur du monde et de la terre, sur les lois de la nature, sur l’action et la puissance des dieux immortels faisaient partie de leurs doctrines et de leur enseignement. Il faut y ajouter la philosophie morale. Pomponius Mela, confirmant les renseignements donnés par César sur les sujets et la durée de l’enseignement des druides, affirme que leur enseignement était secret et que le seul point de leur doctrine qui dit pénétré dans le public était l’éternité des âmes et l’existence d’une autre vie après la mort. Diogène Laërce nous a conservé en grec une maxime sous forme de triade qu’il attribue aux Druides : honorer les dieux, ne faire aucun mal, avoir de la bravoure. Rien ne nous permet de supposer que la philosophie et la science druidiques puissent être comparées à la philosophie et à la science grecques.
 
Les anciens avaient été frappés des analogies que présentait la doctrine des Grecs sur l’immortalité de l’âme avec l’enseignement de Pythagore. Aucun d’entre eux pourtant ne dit que les druides eussent eu des rapports avec Pythagore, ou ses disciples. Diodore de Sicile emploie les expressions « l’opinion
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de Pythagore prévaut chez eux, [chez les Celtes] » Valère Maxime établit seulement un rapprochement entre les deux doctrines. Le texte d’Ammien Marcellin qui a sans doute pour source Timagène est moins clair : parmi eux les druides, plus hauts dans leurs conceptions, comme l’établit l’autorité de Pythagore, liés par des associations collégiales, s’élevèrent aux questions cachées et profondes et méprisant les choses humaines proclamèrent les âmes immortelles. La phrase ut auctoritas Pythagorae decrevit, d’après l’usage ordinaire des Latins, se rapporte à ce qui suit : elle doit, signifier simplement que les sodalicia consortia des druides étaient une organisation semblable à celle qu’avait établie Pythagore, il est peu probable qu’elle détermine l’ensemble de la phrase. Sur l’origine de la doctrine druidique nous devons donc nous en tenir à l’opinion rapportée par César et d’après laquelle l’enseignement des druides venait de Grande-Bretagne. Il aurait été apporté sur le continent par les Celtes d’outre-mer qui, d’après une tradition druidique rapportée par Ammien Marcellin citant Timagène, constituaient une partie importante de la population de la Gaule : les druides rapportent qu’en réalité une partie du peuple est indigène, mais qu’il s’y est ajouté d’autres éléments provenant des îles extrêmes et des contrées au-delà du Rhin.
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L’enseignement druidique, qui fut en grande faveur tant que la Gaule resta indépendante, ne survécut pas longtemps à la conquête. Un sénatus-consulte, sous le règne de Tibère, supprima les druides, sustulit Druidas.
 
Officiellement supprimés, les druides pendant quelque temps continuèrent à enseigner dans les forêts. L’ouverture des écoles romaines d’Autun, de Lyon et de Bordeaux leur enleva la clientèle des jeunes nobles gaulois.
 
Chez les Irlandais, les druides sont entourés de nombreux disciples. Cathbad avait auprès de lui cent hommes qui sous sa direction apprenaient le druidisme, druidecht. Dans une des légendes hagiographiques rattachées à la vie de saint Patrice, deux druides sont chargés de l’éducation des deux filles du roi Loégairé. En quoi consistait l’enseignement druidique ? Une glose du Senchus Mor, recueil de jurisprudence irlandaise, nous apprend que les druides irlandais disaient que c’étaient eux qui avaient fait le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune, etc., et il est possible que ce soit là le dernier mot de cette cosmogonie druidique dont, sans la connaître, on s’est plu à vanter la profondeur scientifique. De plus, les druides enseignaient la magie, et les seuls écrits que la légende leur attribue sont des caractères oghamiques gravés sur quatre baguettes d’if qui servaient à des pratiques de divination. Quant à la doctrine de l’immortalité de l’âme, qui était généralement admise en Irlande avant le christianisme, il ne semble pas qu’elle fût spécialement enseignée par les druides irlandais. Les druides sont réputés les plus justes des hommes. Aussi les fait-on juges des contestations publiques et
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privées. S’il y a eu un crime de commis, si un meurtre a eu lieu, si l’on se dispute à propos d’héritage ou de limites, ce sont eux qui décident, et qui déterminent les amendes et les châtiments. Si un particulier ou un homme public ne veut pas s’en tenir à leur sentence, ils lui interdisent les sacrifices. C’est là le châtiment le plus grave chez eux ; ceux auxquels a été faite cette interdiction sont mis au nombre des impies et des criminels ; tout le monde s’écarte d’eux, on fuit leur approche et leur conversation pour ne pas recevoir quelque dommage de leur contact ; s’ils déposent une plainte, on ne leur rend pas la justice et ils n’ont part à aucune charge. A une époque déterminée de l’année les druides se réunissent sur le territoire des Carnutes, dans un endroit consacré. Là, de toute part s’assemblent ceux qui ont des procès, et ils obéissent à leurs jugements et à leurs décrets.
 
M. d’Arbois de Jubainville a fait remarquer qu’il était naturellement impossible que les druides connussent de toutes les contestations publiques ou privées qui s’élevaient en Gaule. De plus, aucune des contestations entre Gaulois qui sont mentionnées dans le De bello Gallico n’est soumise au jugement des druides. Il est probable que César, reproduisant des textes plus anciens, parle ainsi d’un état social qui n’existait déjà plus à l’époque de la conquête des Gaules. On peut d’ailleurs faire remarquer que la juridiction des druides n’était pas obligatoire et qu’il n’y avait sans doute à se rendre une fois l’an à l’assemblée tenue sur le territoire des Carnutes que les plaideurs qui n’avaient pu s’accorder par aucun autre moyen. Toujours est-il que rien de semblable n’a été signalé en Irlande, et que ce sont les filé et non les druides qui interviennent dans les causes judiciaires.
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Le rôle politique des druides dans l’ancienne Gaule nous est peu connu ; c’est seulement chez Dion Chrysostome que nous trouvons exprimée l’assertion que les rois ne peuvent rien décider sans les druides et qu’il serait juste de dire que ce sont eux qui commandent et que ces rois assis sur des trônes d’or, habitant de magnifiques demeures, sont leurs ministres et les serviteurs de leur pensée. Est-ce d’une élection par les druides qu’il s’agit dans le passage où César nous parle de l’accession au pouvoir de Convictolitavis nommé selon l’usage de la cité par les prêtres, per sacerdotes more civitatis ? N’est-ce pas à leur pouvoir moral plutôt qu’à leur pouvoir politique que les druides doivent d’avoir une grande autorité dans les affaires de la paix, aussi bien que dans celles de la guerre, et de pouvoir apaiser deux armées sur le point d’en venir aux mains en se jetant au milieu des combattants ? Rien ne vient confirmer pour l’époque ancienne l’assertion de Dion Chrysostome. Si les druides avaient une influence politique, elle était sans doute due à leur situation personnelle et ne constituait pas un privilège de leurs fonctions. Diviciacus, dans les nombreux incidents de sa carrière politique, use si peu de sa qualité de druide qu’il semble que César ait ignoré qu’il l’était.
 
Le meilleur commentaire du texte de Dion Chrysostome se trouve dans une épopée irlandaise intitulée l’Enlèvement des vaches de Cualngé. Cûchulainn le héros d’Ulster, après avoir essayé de repousser à lui tout seul l’invasion des hommes de Connaught, est grièvement blessé ; il se voit alors forcé d’envoyer prévenir le roi Conchobar et l’armée des Ulates du danger qui les menace. Le messager arrive en vue de la forteresse et s’écrie : « On tue, les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches, ô
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habitants d’Ulster » ! Mais il n’obtient pas de réponse. Il va sous les murs de la forteresse et renouvelle son appel : «On tue les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches, ô habitants d’Ulster ! » Et personne ne lui répond. Alors il s’avance encore ; il s’arrête sur la pierre des hôtes dans la forteresse et il répète : « On tue les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches», et c’est alors seulement que le druide Cathbad ouvre la bouche : « Qui donc tue les hommes, qui enlève les femmes, qui emmène les vaches ? » Car, explique le narrateur, telle était la règle en Ulster : défense aux Ulates de parler avant le roi, défense au roi de parler avant son druide.
 
Un des sujets qui ont le plus passionné ceux qui, en l’absence de renseignements suffisants, essayaient de restituer le druidisme à l’aide des seules ressources de leur imagination est celui des druidesses. Velléda, qui a donné son nom à une des figures les plus dramatiques des Martyrs de Chateaubriand, est une prophétesse de Germanie. Mais le géographe romain Pomponius Méla nous parle des prêtresses de l’île de Sein, dans la mer de Bretagne en face des rivages des Osismii. Elles ont fait vœu de virginité perpétuelle ; elles sont au nombre de neuf. On les appelle Barrigenae ; on les croit douées de talents singuliers ; elles excitent par leurs chants la mer et les vagues, elles se changent en animal à leur volonté, elles guérissent des maux qui sont inguérissables chez d’autres ; elles connaissent l’avenir et le prédisent aux navigateurs lorsqu’ils viennent les consulter.
 
Il semble bien que cette histoire ne soit qu’un résumé de quelque récit fabuleux comprenant beaucoup d’élé
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ments empruntés à l’histoire de Circé. Remarquons de plus que le nom de druidesse n’y est pas prononcé. Si nous n’acceptons qu’avec réserve le témoignage de Mela sur les vierges de Sein, nous ne trouvons qu’au IIIe siècle en Gaule des prophétesses appelées dryades. L’une aurait prédit en gaulois à Alexandre Sévère sa fin prochaine. L’empereur Aurélien avait consulté des prophètesses gauloises, Gallicanes Dryadas, sur l’avenir de sa postérité. Une de ces femmes aurait promis l’empire à Dioclétien. Cette dernière était une aubergiste de Tongres. Les druidesses gauloises, si tant est qu’il y en ait eu, n’étaient plus à cette époque que de simples diseuses de bonne aventure.
 
Chez les Irlandais, il n’y a pas de druidesses, mais seulement des ban-filé qui comme les filé étaient à la fois devineresses et poétesses.
 
Une question importante, et dont l’étude constitue la principale originalité du livre d’Alexandre Bertrand sur la religion des Gaulois, est l’organisation intérieure du corps druidique. César nous dit seulement que les druides ont un chef qui a sur eux l’autorité suprême. Ce chef, à sa mort, est remplacé par le plus digne et si plusieurs compétiteurs ont des titres égaux le successeur est élu par les suffrages des druides. Quelquefois même on se dispute les armes à la main cette dignité suprême. Le texte d’Ammien Marcelin cité plus haut, parle incidemment des associations corporatives des druides produites sous l’inspiration des idées pythagoriciennes.
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En Irlande, il n’est question ni d’un chef suprême, ni d’une hiérarchie, ni de corporations druidiques. Les druides agissent isolément ou par deux ou trois. Ils sont mariés et vivent en famille chacun dans leur maison. Dans une Vie de saint Patrice on lit qu’un jour dix druides vêtus de blanc se réunirent contre l’apôtre de l’Irlande ; rien n’indique que ces druides constituassent une association. A. Bertrand rapprochant le texte d’Animien Marcellin de l’organisation actuelle des lamaseries du Tibet a supposé que les affiliés du plus haut grade, les druides, étaient astreints à vivre en communautés, entourés de leurs disciples et des membres inférieurs de la corporation. Une pareille organisation entraînait de toute nécessité l’établissement de grands centres d’habitation. Comme les lamaseries de la Tartarie et du Tibet, ces espèces d’oasis religieuses auraient été le dépôt de vieilles traditions médicales et industrielles et un centre des lois civiles. Il y aurait eu dans ces communautés le mélange de doctrines d’un sentiment religieux et moral très élevé, source d’une vie cénobitique des plus sévères, avec des superstitions grossières, des pratiques barbares, un charlatanisme révoltant dont les chefs des lamaseries ont parfaitement conscience tout en se sentant impuissants à les détruire. Enfin de telles communautés auraient représenté en petit toute une société : prêtres, professeurs, architectes, artistes, musiciens, médecins, missionnaires. Les grands monastères d’Irlande, d’Ecosse et d’Angleterre qui semblent sortir de terre spontanément à une époque où la Gaule n’en possède pas encore, ne seraient
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que des communautés druidiques transformées par le christianisme. A. Bertrand remarque que dans ces monastères ce n’est pas la religion, ce sont les sciences, les lettres, ce qu’enseignaient autrefois les druides, qui sont surtout florissantes : on y sait non seulement le latin, mais le grec ; on y calligraphie avec un art qui n’a jamais été dépassé.
 
Cette ingénieuse hypothèse mérite d’être étudiée de près. En pareille matière, on ne peut arriver à la certitude. Il suffit qu’une hypothèse réunisse un certain nombre de probabilités pour qu’elle doive être retenue.
 
Une première question se pose. Le texte d’Ammien Marcellin a-t-il bien le sens que lui donne A. Bertrand : Le sens de sodalicius n’est pas douteux. Il signifie « relatif à une corporation » ; les sodalicia sont le plus souvent des corporations religieuses, mais le mot désigne aussi des corporations d’artisans ; en tout cas, il ne signifie point communautés. Quant à consortium il est difficile de déterminer si ce mot est pris au sens restreint ou au sens large, car il n’est pas employé dans un autre passage d’Ammien Marcellin et en eût-on d’autre exemple chez le même auteur, qu’on ne saurait prétendre qu’il y fût toujours employé dans le même sens. Au sens restreint, consortium se dit de la communauté de biens ; il est employé ainsi par Ulpien au Digeste, XVII, 2, 52, et par Suétone Claude 28. Mais au sens large il signifie simplement communauté au figuré, participation à, consortium reipublicae chez Tite-Live, consortium regni chez Tacite, Annales, IV, 3 ; consortium studiorum chez Pétrone, Satyricon, 101. S’il faut entendre dans la phrase d’Ammien Marcellin le mot consortium au sens restreint, on pourra peut-être donner à l’expression consortiis sodaliciis le sens d’associations cénobitiques. Si consortium est pris dans l’acception la plus
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large, consortiis sodaliciis ne signifie pas autre chose qu’associations corporatives, collèges, plus ou moins analogues aux collèges sacerdotaux des Romains.
 
On ne peut donc tirer une conclusion claire de ce texte obscur. Les raisons, qu’on pourrait opposer directement à la thèse de A. Bertrand sont surtout négatives. Comment se fait-il que si les druides ont une organisation si remarquable et si étonnante pour un Romain, César n’en ait rien dit ? On pourrait répondre que César n’a raconté avec soin et précision que ses campagnes et qu’il a peu étudié les mœurs et les coutumes des Gaulois. Mais il nous donne sur les druides assez de détails pour qu’on ne puisse supposer qu’il n’aurait pas mentionné le fait le plus caractéristique et le plus original de l’organisation druidique, d’autant qu’il nous fournit quelques renseignements sur la hiérarchie des druides. De plus, comment concilier l’hypothèse de druides vivant en communauté avec ce que nous savons de la vie du druide Diviciacus, qui est marié, a des enfants, prend part aux affaires publiques et même aux expéditions guerrières ?
 
Quant aux monastères celtiques, il est fort douteux qu’ils aient remplacé des communautés druidiques. Les premiers apôtres de l’Irlande avaient pris à tâche de faire disparaître toute trace de l’ancienne religion. Saint Patrice exigea des filé qu’ils renonçassent à toute pratique qui ne pourrait s’exécuter sans un sacrifice aux faux dieux. La prière de Nininé dit que Patrice combattit les druides au cœur dur et écrasa ces orgueilleux. Dans une prière qui lui est attribuée, Patrice prie Dieu de le protéger contre les incantations des druides. D’autre part, M. d’Arbois de Jubainville a fait remarquer que le premier monastère de Gaule fut fondé en 387 et qu’il y avait déjà plusieurs monastères en Gaule quand furent établis, au VIe siècle, les
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premiers monastères irlandais. Enfin nous ne savons rien de précis sur l’enseignement des druides. Dans les affaires publiques et privées, ils se servaient de lettres grecques. Mais faut-il croire qu’ils enseignaient le grec ? Et même qu’ils enseignaient le latin ? Le succès qu’eurent en Gaule les écoles romaines semble démontrer le contraire. Leur enseignement était oral et s’adressait à la mémoire. Il n’était pas permis de confier à l’écriture les vers où était contenue leur science. Il est très peu probable que la calligraphie fût en honneur chez eux. Aucun document historique ne vient fortifier la séduisante hypothèse de A. Bertrand, en ce qui concerne la Gaule et l’Irlande. Le fait que les moines irlandais ont orné de miniatures remarquables les manuscrits, le fait qu’ils ont ajouté des gloses à un grand nombre de textes latins et même grecs témoigne de la culture littéraire et artistique de ces moines, et ne saurait fournir d’argument à qui voudrait démontrer que les druides étaient des littérateurs et des artistes.
 
 
 
CONCLUSION
 
 
 
Essayons maintenant de grouper ici les résultats que donne cette revue rapide des principaux éléments de la religion des Celtes.
 
Des dieux nous ignorons à peu près tout ; à l’époque ancienne, nous ne connaissons que les assimilations sans doute superficielles que nous en ont rapportées les écrivains grecs et latins ; à l’époque gallo-romaine, quelques surnoms celtiques des divinités locales nous font entrevoir un panthéon gaulois très différent de celui dont les auteurs de l’antiquité nous avaient donné l’idée ; les compositions romanesques et mythiques du haut Moyen-Age
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irlandais remaniées par des rédacteurs chrétiens mettent en scène des héros nationaux, des magiciens ou des sorciers en qui l’on a quelque peine à reconnaître les personnifications des forces naturelles ou morales auxquelles les anciens Celtes auraient rendu un culte.
 
Egarés dans ce labyrinthe d’idées et de faits appartenant à des temps et à des, peuples différents, nous n’avons comme fil conducteur que la linguistique. Seule, cette science peut nous dire quelles divinités portent des noms celtiques, quelles autres sont d’origine étrangère. Mais qui nous dira quelles sont les divinités étrangères, quelles sont les croyances et les pratiques que les Celtes ont empruntées aux peuples vaincus ; quelles sont celles qu’ils ont conservées, quelles sont celles qu’ils ont modifiées par une interprétation nouvelle ?
 
Pour les anciens, les caractéristiques de la religion gauloise sont la croyance à l’immortalité de l’âme et les sacrifices humains. Or, la croyance à une vie nouvelle après la mort, loin d’être le résultat des méditations des philosophes de la Grande-Bretagne est une doctrine indo-européenne que l’on trouve déjà dans les Védas ; les druides n’ont eu qu’à la répandre dans le peuple pour lui donner le mépris de la mort et exalter sa bravoure. Quant aux sacrifices humains que l’on constate au même stade de développement chez tous les peuples dont nous pouvons étudier l’ancienne histoire, ils ne constituent pas une coutume religieuse qui soit propre aux Celtes.
 
La seule originalité de la religion des Celtes serait donc cette corporation étrange de philosophes spiritualistes, de physiciens et de naturalistes, que l’on appelle les druides. Sans avoir rien qui ressemble à des fonctions officielles, ils occcupent une grande place dans l’Etat. L’enseignement de la jeunesse noble leur appartient. On les prend pour arbitres dans la plupart des contestations publiques ou privées. On ne peut se passer de leur présence lorsqu’on
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offre un sacrifice aux dieux, car ils sont les interprètes naturels des pratiques religieuses ; ils peuvent prédire l’avenir ; ils connaissent les vertus merveilleuses des plantes. D’autre part, ils se recrutent par une sorte de cooptation. Ils sont unis entre eux par des liens étroits, puisqu’ils ont un même chef élu par eux.
 
Le druidisme est-il dans l’antiquité une institution isolée dont l’analogue n’existe point ? Il semble bien que chez les Gètes il ait existé quelque chose de semblable. Jornandès, citant les Gétiques attribuées à Dion Cassius, nous dit que Philippe de Macédoine ayant envahi la Mésie, quelques prêtres, de ceux que les Gètes nomment pii, vêtus de robes blanches, les harpes à la main, s’avancèrent à la rencontre de l’ennemi, en chantant d’une voix suppliante pliante des hymnes en l’honneur des divinités protectrices de la nation. Et les Macédoniens troublés par l’apparition de ces hommes sans armes firent la paix ét retournèrent chez eux. Cette intervention des prêtres gétiques rappelle le texte de Diodore qui nous montre les bardes ou les druides apaisant deux armées en présence et se jetant au milieu des épées tirées et des lances en arrêt.
 
Strabon nous apprend qu’un ancien esclave de Pythagore, un Gète nommé Zamolxis, revenu chez ses compatriotes, y attira l’attention des chefs par les prédictions qu’il savait tirer des phénomènes célestes et finit par persuader un roi de l’associer à son pouvoir. Un des successeurs de Zamolxis, Dicaineos, enseigna aux Gètes l’éthique, et la logique ; il leur apprit les noms et la marche des astres, les propriétés des herbes, et par sa science leur inspira une telle admiration qu’il commandait non seulement aux hommes d’un rang modeste, mais aux rois eux-mêmes. En effet, choisissant dans les familles royales des hommes à l’âme noble et à l’esprit sage, il les persuada
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de se vouer au culte de certaines divinités et d’en honorer les sanctuaires.
 
La corporation religieuse établie chez les Gètes par Dicaineos, l’enseignement qu’il donnait, la mission civilisatrice qu’il remplit, tous ces faits sont-ils comparables aux collèges druidiques, à leur doctrine philosophique, à leur rôle social ? Nous ne pouvons l’affirmer. Comnme le druidisme, la doctrine de Zamolxis a été rattachée par les anciens à l’influence de Pythagore. Y aurait-il eu une diffusion chez les peuples les plus divers des doctrines pythagoriciennes, ou la doctrine de Pythagore ne serait-elle qu’un aspect particulier d’un grand mouvement d’idées qui aurait pénétré le monde civilisé six siècles avant l’ère chrétienne ?
 
Que la doctrine des druides fût ou non d’origine étrangère, elle était distincte, semble-t-il, des pratiques religieuses fort nombreuses auxquelles s’adonnaient les Gaulois, gens admodum dedita religionibus. En tous cas, ces pratiques religieuses n’avaient pas été apportées par les druides qui se bornaient à les interpréter, à leur trouver sans doute un sens symbolique. Les doctrines druidiques venues de la Grande-Bretagne étaient-elles en Gaule d’introduction récente au moment de la conquête romaine, et, réservées à un petit nombre de privilégiés, s’étaient-elles juxtaposées à l’ancienne religion de la Gaule sans la modifier essentiellement ? La religion répandue en Gaule dans le peuple était-elle la religion de ceux qui habitaient notre pays antérieurement à l’invasion gauloise et qui auraient donné à leurs vainqueurs leurs croyances religieuses ? Si la plebs dont parle César est formée des anciens vaincus, tandis que les equites et les druides seuls sont de race celtique, et s’il est vrai que la plupart des enfants des equites fussent élevés dans le druidisme, quels é
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taient alors les adorateurs de ces divinités celtiques que les Grecs et les Romains ont assimilées à leurs dieux ? Autant de problèmes que le manque de textes historiques empêche de résoudre.
 
Ainsi, les renseignements précis sur les divinités celtiques nous font défaut, et il nous est impossible de déterminer avec sûireté l’origine des coutumes religieuses des Celtes, ainsi que la part d’originalité qui leur revient dans les conceptions sanguinaires ou spiritualistes auxquelles on a attaché leur nom. Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que dans les usages traditionnels et les superstitions locales de notre pays, il en est qui remontent à l’époque des Gaulois. Le culte des pierres, le culte du feu, la croyance aux vertus merveilleuses des plantes, le culte des eaux sont sans doute antérieurs à l’arrivée des Celtes ; saurons-nous jamais quels éléments nouveaux les Celtes y ont introduit ? Si l’on parvient à dater les faits, on peut moins facilement dater les idées qui s’échangent et se modifient sans cesse ; depuis qu’il y a des habitants en Gaule, les idées religieuses se sont perpétuellement transformées sans qu’on ait toujours fait table rase des anciennes croyances pour en adopter de nouvelles ; des symboles représentés sur des statues gréco-romaines ; des superstitions encore vivantes de nos jours peuvent atteindre aux premiers âges de l’humanité. Malheureusement, dans ce cimetière des religions passées, les inscriptions sont frustes, les tombes sont vides, les fosses bouleversées et nous ne savons rien, sinon que nous marchons sur la poussière des morts.