« La Dynamique de l’électron » : différence entre les versions

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== I. — {{sc|Introduction}}. ==
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Comment donc est-on parvenu à réaliser des vitesses mille fois plus grandes que celles de Mercure, égales, par exemple, au dixième et au tiers de la vitesse de la lumière, ou se rapprochant plus encore de cette vitesse ? C’est à l’aide des rayons cathodiques et des rayons du radium.
 
On sait que le radium émet trois sortes de rayons, que l’on désigne par les trois lettres grecques &alpha ;, &beta;, &gamma; ; dans ce qui va suivre, sauf mention expresse du contraire, il s’agira toujours des rayons &beta;, qui sont analogues aux rayons cathodiques.
 
Après la découverte des rayons cathodiques, deux théories se trouvèrent en présence : Crookes attribuait les phénomènes à un véritable bombardement moléculaire ; Hertz, à des ondulations particulières de l’éther. C’était un renouvellement du débat qui avait divisé les physiciens il y a un siècle à propos de la lumière ; Crookes reprenait la théorie de l’émission, abandonnée pour la lumière ; Hertz tenait pour la théorie ondulatoire. Les faits semblent donner raison à Crookes.
 
On a reconnu, en premier lieu, que les rayons cathodiques transportent avec eux une charge électrique négative ; ils sont déviés par un champ magnétique et par un champ électrique ; et ces déviations sont précisément celles que produiraient ces mêmes champs sur des projectiles animés d’une très grande vitesse et fortement chargés d’électricité. Ces deux déviations dépendent de [387] deux quantités : la vitesse, d’une part, et le rapport de la charge électrique du projectile à sa masse, d’autre part ; on ne peut connaître la valeur absolue de cette masse, ni celle de la charge, mais seulement leur rapport ; il est clair, en effet, que, si l’on double à la fois la charge et la masse, sans changer la vitesse, on doublera la force qui tend à dévier le projectile ; mais, comme sa masse est également doublée, l’accélération et la déviation observable ne seront pas changées. L’observation des deux déviations nous fournira donc deux équations pour déterminer ces deux inconnues. On trouve une vitesse de 10.000 à 30.000 kilomètres par seconde ; quant au rapport de la charge à la masse, il est très grand. On peut le comparer au rapport correspondant en ce qui concerne l’ion hydrogène dans l’électrolyse ; on trouve alors qu’un projectile cathodique transporte environ mille fois plus d’électricité que n’en transporterait une masse égale d’hydrogène dans un électrolyte.
 
Pour confirmer ces vues, il faudrait une mesure directe de cette vitesse, que l’on comparerait avec la vitesse ainsi calculée. Des expériences anciennes de J.-J. Thomson avaient donné des résultats plus de cent fois trop faibles ; mais elles étaient sujettes à certaines causes d’erreur. La question a été reprise par Wiechert dans un dispositif où l’on utilise les oscillations hertziennes ; on a trouvé des résultats concordant avec la théorie, au moins comme ordre de grandeur ; il y aurait un grand intérêt à reprendre ces expériences. Quoi qu’il en soit, la théorie des ondulations paraît impuissante à rendre compte de cet ensemble défaits.
 
Les mêmes calculs, faits sur les rayons &beta; du radium, ont donné des vitesses encore plus considérables : 100.000, 200.000 kilomètres ou plus encore. Ces vitesses dépassent de beaucoup toutes celles que nous connaissions. La lumière, il est vrai, on le sait depuis longtemps, fait 300.000 kilomètres par seconde ; mais elle n’est pas un transport de matière, tandis que, si l’on adopte la théorie de l’émission pour les rayons cathodiques, il y aurait des molécules matérielles réellement animées des vitesses en question, et il convient de rechercher si les lois ordinaires de la Mécanique leur sont encore applicables.
 
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On sait que les courants électriques donnent lieu aux phénomènes d’induction, en particulier à la ''self-induction''. Quand un courant croît, il se développe une force électromotrice de self-induction qui tend à s’opposer au courant ; au contraire, quand le courant décroît, la force électromotrice de self-induction tend à maintenir le courant. La self-induction s’oppose donc à toute variation de l’intensité du courant, de même qu’en Mécanique l’inertie d’un corps s’oppose à toute variation de sa vitesse. ''La self-induction est une véritable inertie''. Tout se passe comme si le courant ne pouvait s’établir sans mettre en mouvement l’éther environnant et comme si l’inertie de cet éther tendait, en conséquence, à maintenir constante l’intensité de ce courant. Il faudrait vaincre cette inertie pour établir le courant, il faudrait la vaincre encore pour le faire cesser.
 
Un rayon cathodique, qui est une pluie de projectiles chargés d’électricité négative, peut être assimilé à un courant ; sans doute, ce courant diffère, au premier abord tout au moins, des courants de conduction ordinaire, où la matière est immobile et où l’électricité circule à travers la matière. C’est un ''courant de convection'', où l’électricité, attachée à un véhicule matériel, est emportée par le mouvement de ce véhicule. Mais Rowland a démontré que les courants de convection produisent les mêmes effets magnétiques que les courants de conduction ; ils doivent produire aussi les mêmes effets d’induction. D’abord, s’il n’en était pas ainsi, le principe de la conservation de l’énergie serait violé ; d’ailleurs, Crémieu et Pender ont employé une méthode où l’on mettait en évidence ''directement'' ces effets d’induction.
 
Si la vitesse d’un corpuscule cathodique vient à, varier, l’intensité du courant correspondant variera également, et il se développera des effets de self-induction qui tendront à s’opposer à cette variation. Ces corpuscules doivent donc posséder une double inertie : leur inertie propre d’abord, et l’inertie apparente due à la self-induction qui produit les mêmes effets. Ils auront donc une masse totale apparente, composée de leur masse réelle et d’une masse fictive d’origine électromagnétique. Le calcul montre que cette masse fictive varie avec la vitesse, et que la force d’inertie de self-induction n’est pas la même quand la vitesse du projectile s’accélère ou se ralentit, ou bien quand elle est déviée; il en est donc de même de la force d’inertie apparente totale.
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La masse totale apparente n’est donc pas la même quand la force réelle appliquée au corpuscule est parallèle à sa vitesse et tend à en faire varier la grandeur, et quand cette force est perpendiculaire à la vitesse et tend à en faire varier la direction. Il faut donc distinguer la ''masse totale longitudinale'' et la ''masse totale transversale''. Ces deux masses totales dépendent, d’ailleurs, de la vitesse. Voilà ce qui résulte des travaux théoriques d’Abraham.
 
Dans les mesures dont nous parlions au chapitre [388] précédent, qu’est-ce qu’on détermine en mesurant les deux déviations ? C’est la vitesse d’une part, et d’autre part le rapport de la charge à la ''masse transversale totale''. Comment, dans ces conditions, faire, dans cette masse totale, la part de la masse réelle et celle de la masse fictive électromagnétique ? Si l’on n’avait que les rayons cathodiques proprement dits, il n’y faudrait pas songer ; mais, heureusement, on aies rayons du radium qui, nous l’avons vu, sont notablement plus rapides. Ces rayons ne sont pas tous identiques et ne se comportent pas de la même manière sous l’action d’un champ électrique et magnétique. On trouve que la déviation électrique est fonction de la déviation magnétique, et l’on peut, en recevant sur une plaque sensible des rayons du radium qui ont subi l’action des deux champs, photographier la courbe qui représente la relation entre ces deux déviations. C’est ce qu’a fait Kaufmann, qui en a déduit la relation entre la vitesse et le rapport de la charge à la masse apparente totale, rapport que nous appellerons &epsilon;.
 
On pourrait supposer qu’il existe plusieurs espèces de rayons, caractérisés chacun par une vitesse déterminée, par une charge déterminée et par une masse déterminée. Mais cette hypothèse est peu vraisemblable ; pour quelle raison, en effet, fous les corpuscules de même masse prendraient-ils toujours la même vitesse ? Il est plus naturel de supposer que la charge ainsi que la masse ''réelle'' sont les mêmes pour tous les projectiles, et que ceux-ci ne diffèrent que par leur vitesse. Si le rapport &epsilon; est fonction de la vitesse, ce n’est pas parce que la masse réelle varie avee cette vitesse ; mais, comme la masse fictive électromagnétique dépend de cette vitesse, la masse totale apparente, seule observable, doit en dépendre, bien que la masse réelle n’en dépende pas et soit constante.
 
Les calculs d’Abraham nous font connaître la loi suivant laquelle la masse ''fictive'' varie en fonction de la vitesse ; l’expérience de Kaufmann nous fait connaître la loi de variation de la masse ''totale''. La comparaison de ces deux lois nous permettra donc de déterminer le rapport de la masse ''réelle'' à la masse totale.
 
Telle est la méthode dont s’est servi Kaufmann pour déterminer ce rapport. Le résultat est bien surprenant : ''la masse réelle est nulle''.
 
On s’est trouvé ainsi conduit à des conceptions tout à fait inattendues. On a étendu à tous les corps ce qu’on n’avait démontré que pour les corpuscules cathodiques. Ce que nous appelons masse ne serait qu’une apparence ; toute inertie serait d’origine électromagnétique. Mais alors la masse ne serait plus constante, elle augmenterait avec la vitesse ; sensiblement constante pour des vitesses pouvant aller jusqu’à 1.000 kilomètres par seconde, elle-croîtrait ensuite et deviendrait infinie pour la vitesse de la lumière. La masse transversale ne serait plus égale à la masse longitudinale : elles seraient seulement à peu près égales si la vitesse n’est pas trop grande. Le principe B de la Mécanique ne serait plus vrai.
 
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Le radium émet également des rayons analogues aux rayons-canaux, et relativement très absorbables, que l’on appelle les rayons &alpha;.
 
On peut, comme pour les rayons cathodiques, mesurer les deux déviations et en déduire la vitesse et le rapport &epsilon;. Les résultats sont moins constants que pour les rayons cathodiques, mais la vitesse est plus faible ainsi que le rapport &epsilon; ; les corpuscules positifs sont moins chargés que les corpuscules négatifs ; ou si, ce qui est plus naturel, on suppose que les charges sont égales et de signe contraire, les corpuscules positifs sont beaucoup plus gros. Ces corpuscules, chargés les uns positivement, les autres négativement, ont reçu le nom d’''électrons''.
 
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Dans certains corps, les métaux par exemple, nous aurions des électrons immobiles, entre lesquels circuleraient des électrons mobiles jouissant d’une entière liberté, sauf celle de sortir du corps métallique et de franchir la surface qui le sépare du vide extérieur, ou de l’air, ou de tout autre corps non métallique. Ces électrons mobiles se comportent alors, à l’intérieur du corps métallique, comme le font, d’après la théorie cinétique des gaz, les molécules d’un gaz à l’intérieur du vase où ce gaz est renfermé. Mais, sous l’influence d’une différence de potentiel, les électrons mobiles négatifs tendraient à aller tous d’un côté, et les électrons mobiles positifs de l’autre. C’est ce qui produirait les courants électriques, et ''c’est pour cela que ces corps seraient conducteurs''. D’autre part, les vitesses de nos électrons seraient d’autant plus grandes que la température serait plus élevée, si nous acceptons l’assimilation avec la théorie cinétique des gaz. Quand un de ces électrons mobiles rencontrerait la surface du corps métallique, surface qu’il ne peut franchir, il se réfléchirait, comme une bille de billard qui a touché la bande, et sa vitesse subirait un brusque changement de direction. Mais, quand un électron change de direction, ainsi que nous le verrons plus loin, il devient la source d’une onde lumineuse, et c’est pour cela que les métaux chauds sont incandescents.
 
Dans d’autres corps, les diélectriques et les corps transparents, les électrons mobiles jouissent d’une liberté beaucoup moins grande. Ils restent comme attachés à des électrons fixes qui les attirent. Plus ils s’en éloignent, plus cette attraction devient grande et tend à les ramener en arrière. Ils ne peuvent donc subir que de petits écarts ; ils ne peuvent plus circuler, mais seulement osciller autour de leur position moyenne. C’est pour cette raison que ces corps ne seraient pas conducteurs ; ils seraient d’ailleurs le plus souvent transparents, et ils seraient réfringents parce que les vibrations lumineuses se communiqueraient aux électrons mobiles, susceptibles d’oscillation, et qu’il en résulterait une perturbation.
 
Je ne puis donner ici le détail des calculs ; je me bornerai à dire que cette théorie rend compte de tous les faits connus, et qu’elle en a fait prévoir de nouveaux, tels que le phénomène de Zeeman.
 
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