« L’Abîme (Rollinat) » : différence entre les versions

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L’HYPOCRISIE
 
 
 
 
 
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/10]]==
 
<poem>
Elle est dans l’homme et dans la bête,
 
Elle est dans tout ce qu’a fait Dieu,
L’ABIME
Dans l’air, dans l’onde et dans le feu,
 
Dans le vent et dans la tempête.
 
 
LE FACIES HUMAIN
 
 
 
Notre âme, ce cloaque ignoré de la sonde, Transparait louchement dans le visage humain ; — Tel un étang sinistre au long d’un vieux chemin Dissimule sa houe au miroir de son onde.
 
 
 
Si la face de l’homme et de l’eau taciturne
 
Réfléchit quelquefois des lueurs du dedans,
 
C’est toujours à travers des lointains très prudents,
 
Comme un falot perdu dans le brouillard noclurnc.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/11]]==
<poem>
Pour l’esprit souterrain, c’est une carapace
 
 
 
 
 
 
 
Que ce marbre animé, larmoyant et rieur
 
Où le souffle enragé du rêve intérieur
 
Ne se trahit pas plus qu’un soupir dans l’espace.
 
Peut-être y lirait-on la douleur et la honte,
La colère et l’orgueil, la peur et le regret ;
Mais la tentation lui garde son secret,
Et la perversité rarement s’y raconte.
 
Qui donc a jamais vu les haines endormies,
i-es projets assassins, les vices triomphants,
Les luxures de vieux, de vierges et d’enfants ;
Sourdre distinctement des physionomies ?
 
La joue, en devenant tour à tour blême et rouge,
Ne manifeste rien des mystères du cœur ;
La bouche est un Protée indécis et moqueur
Et l’Énigme revêt la narine qui bouge.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/12]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Se rapprochant ou non, battantes ou baissées,
Les paupières, sans doute, ont un jeu préconçu
Sur leur vitrage où doit glisser inaperçu
Le reflet cauteleux des mauvaises pensées.
 
L’âme écrit seulement ce qu’elle veut écrire
Sur le front jeune ou vieux, limpide ou racorni,
Et ne laisse filtrer qu’un sens indéfini
Dans l’éclair du regard et le pli du sourire.
 
Elle exerce avec art son guet et sa police
Sur tous les messagers de la sensation,
Et fixe le degré de locomotion
Où devra s’arrêter chaque organe complice.
 
Calculant sa mimique et dardant sa vitesse,
Elle parcourt les traits, mais sans y déployer
L’ombre des cauchemars qui la font tournoyer
Dans ses bas-fonds d’horreur et de scélératesse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/13]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La strideur do son cri profond et solitaire
N’y fait qu’un roulement d’échos fallacieux ;
Et les lèvres, le front, le nez comme les yeux
S’entendent pour voiler tout ce qu’elle veut taire.
 
Et l’homme a beau savoir combien le Mal nous ronge.
L’horrible expérience a beau coûter si cher,
A peine surprend-il, sur ce rideau de chair.
Les apparitions informes du mensonge.
 
Pourtant, il vient une heure où le visage exprime
La rage des démons ou la stupeur des morts,
C’est quand l’Enfer vengeur et divin du remords
Éclaire à fleur de peau les ténèbres du Crime ;
 
C’est lui qui, du fin fond de cette cave obscure.
Soutire lentement, comme une Acre vapeur,
L’abominable aveu dont la parole a peur,
Et le projette enfin sur toute la figure.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/14]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Alors le faciès du coupable qui souffre
 
Exhibe les poisons de son hideux péché ;
 
Il mime le forfait si longuement caché
 
Et répercute un coin le plus noir de son gouffre.
 
Et contre l’attentat qu’elle crie et proclame
Avec sa flamboyante et froide nudité,
Impitoyablement surgit la Vérité
Sur ce masque imbibé de la sueur de l’âme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/15]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA PENSÉE
 
 
 
C’est l’ennemi sournois, mais Sphinx intime, cancer obscur, De ce tas de cendres futur
 
Appelé l’homme. Elle fausse tous ses ressorts, Épuise tous ses réconforts Et chicane tous ses efforts
 
Qu’elle consomme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/16]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sans doute, elle évoque à ses yeux
Maint rêve descendu des cieux
Avec le vol délicieux
 
De la colombe,
Mais elle nourrit son remord
Et le réveille quand il dort
Par des chuchotements de mort
 
Et d’outre-tombe.
 
Hélas ! chacun est l’écheveau
Qu’embrouille au fond de son caveau
Ce vieux spectre toujours nouveau ;
 
Mauvaise mère
Dont les petits qu’elle a couvés,
Par elle-même dépravés
Deviennent les enfants-trouvés
 
De la Chimère.
 
En nous elle plombe et tarit
L’illusion verte qui rit ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/17]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Elle étend sur l’âme et l’esprit
Sa glu chancreuse ;
 
Puis, sur eux. tirant ses verrous.
 
Les écrase entre ses écrous,
 
Et, féroce, y creuse des trous
Qu’elle recreuse.
 
Sans cesse elle revient au deuil
Comme un flot revient à l’écueil :
Elle grossit en un clin d’œil
 
Ce qui nous froisse ; Tout le jour elle nous a nui. Et l’implacable dans la nuit Nous tricote encor de l’ennui
 
Et de l’angoisse.
 
Elle glace nos jeux, nos arts
Qui lazzaronaient en lézards,
Nous prédit les mauvais hasards
Des occurrences ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/18]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et dans la nocturne vapeur
Elle nous invente la Peur
Avec l’éveil ou la stupeur
Des apparences.
 
 
 
Ce comptable sec et retors
Additionne tous nos torts
Et fige dans ses coffres-forts
 
Toutes nos larmes ;
C’est le maniaque secret
Qui jamais las, jamais distrait.
Tourne la meule du regret
 
Et des alarmes.
 
 
 
Nous croyons noyer dans le vin
Ce monstre infernal ou divin
Pour qui notre moelle est en vain
 
Redépensée ;
Le Ciel serait si consolant,
Le corps si pur. l’amour si blanc
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/19]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et le cercueil si peu troublant
Sans la pensée !
 
Mais buvons sans trêve ! Agissons !
Lutte inutile ! nous pensons :
Notre chair a tous les frissons
 
De la contrainte, Et, malgré notre acharnement Pour exister physiquement, Nous retombons dans le tourment
 
De cette étreinte.
 
Que l’on veuille croire ou douter.
Elle arrive à nous dérouter,
Et si parfois, pour nous tenter,
 
Elle aventure
Un Parce que contre un Pourquoi,
Bien vite elle oppose à la Foi
Le scepticisme qui rit froid
 
Et qui rature.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/20]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sous le chagrin qu’elle épaissit,
L’enthousiasme se rancit ;
Elle supprime ou raccourcit
 
La confidence,
Et dans le danger, qu’elle accroît,
Nous fait du courage un adroit
Qui suppute, esquive et ne croit
 
Qu’à la prudence.
 
La Justice et la Vérité
 
Qui nous mènent à la clarté,
 
Elle les jette de côté,
 
Et l’on s’embarque
Pour le noir et pour l’incertain
Devant ce douanier hautain
Qui ne laisse passer l’instinct
 
Qu’avec sa marque.
 
Elle a le conseil si lortu.
Si captieux et si pointu
 
 
 
 
 
 
 
Qu’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/21]]==
<poem>
elle suggère à la Vertu
 
Le goût du crime ; Et pas un homme n’est vainqueur De ce terrible épilogueur, Espèce de crapaud du cœur
 
Qui nous opprime.
 
Elle use par l’obsession,
Par la mystification,
Par le fiel et la succion
 
De sa censure
Le labeur qu’elle a suscité.
Et fournit à l’oisiveté
La vénéneuse activité
 
De la luxure.
 
Et quand par elle on est à bout,
Si terminé, si mort à tout,
Qu’on n’a pas même le dégoût
De la souffrance,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/22]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Un drap noir croule sur nos jours, Un drap lourd entre les plus lourds, Sans croix ni larmes de velours : L’Indifférence !
 
Puis elle atteint son but fatal ;
 
Après un voyage final,
 
Elle nous perd au fond du Mal
 
Et nous oublie
Par delà l’horrible cloison
Qui limite notre horizon :
Et c’est la mort de la Raison
 
Dans la Folie.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/23]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’HYPOCRISIE
 
 
 
Elle est dans l’homme et dans la bête, Elle est dans tout ce qu’a fait Dieu, Dans l’air, dans l’onde et dans le feu, Dans le vent et dans la tempête.
 
 
 
Mais c’est surtout dans l’àme humaine,
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Agit, manœuvre et se promène.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/24]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Le chemin de notre mystère
Ligne 439 ⟶ 36 :
Comme un serpent qui serait doux
Avant d’envelopper sa proie.
 
 
 
 
 
 
 
Le
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/25]]==
<poem>
 
mensonge expert lui procure
Le mensonge expert lui procure
L’air tranquille, amer ou joyeux,
Toutes les lueurs pour ses yeux,
Ligne 470 ⟶ 60 :
Sur les ressorts de son adresse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/26]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Elle se juge, se critique
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Elle étend ses contagions
Aux deux genoux de la prière.
Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/27]]==
<poem>
 
n’est pas jusqu’à la tristesse
Il n’est pas jusqu’à la tristesse
Qu’elle ne fréquente en secret,
Car tout l’homme est le cabaret
De cette astucieuse hôtesse.
 
 
 
 
 
 
 
Multipliant sa flatterie,
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Cadenassé de méfiance.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/28]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LES DEUX SOLITAIRES
 
<poem>
 
 
« Je sais que depuis des années
Vous habitez un vieux manoir
Qui se dresse lugubre et noir
Sur des landes abandonnées ;
 
 
 
Vous y vivez sans chat ni chien.
Ligne 552 ⟶ 116 :
Qui suppute et qui se souvient.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/29]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Mais dans l’étrange solitude
Ligne 577 ⟶ 135 :
 
Il vous vient une impression
 
Très vague, et qui pourtant vous gêne
 
A mesure qu’elle s’enchaîne
 
A votre méditation.
 
 
 
 
 
 
 
Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/30]]==
<poem>
 
vous faut la lumière énorme,
Il vous faut la lumière énorme,
Le plein midi vivace et dru
Embrasant avec son jour cru
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Se dispose à s’ensanglanter.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/31]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Pendant qu’il drape les montagnes
Ligne 634 ⟶ 176 :
 
Au froidissement des haleines,
 
A la décadence des sons,
 
Au je ne sais quoi des frissons
 
Sur les hauteurs et dans les plaines,
 
Vous mesurez par le chemin
 
L’invasion du crépuscule.
 
Et dès que le hibou circule
 
Le cauchemar vous prend la main.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/32]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La rentrée augmente vos craintes
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Qui brûle au chevet du défunt ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/33]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La raison froide qui dissèque
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Dont le tac tac tac tac se loge
Dans tel vieux meuble on ne sait où…
V’ous
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/34]]==
<poem>
 
ne pouvez tenir en place,
Vous ne pouvez tenir en place,
Et vous vous possédez si peu
Que vous jouez ce mauvais jeu
De vous regarder dans la glace.
 
 
 
 
 
 
 
Un bruit monte et descend ; cela
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Éclate entre vos quatre murs,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/35]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Entre vos quatre murs livides,
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Hein ? Suis-je diagnostiqueur
 
De votre nocturne supplice ?
 
Je vous ai raillé sans malice,
 
Et je vous plains de tout mon cœur.
 
Pour moi qui ramène le songe
 
A sa stricte irréalité,
 
La nuit n’est qu’une vérité
 
Où l’on veut trouver du mensonge.
 
Ligne 769 ⟶ 275 :
De silence et de vétusté,
Ma veille avec tranquillité
Jusqu’après minuit se prolonge. «
 
 
 
 
 
 
 
— t
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/36]]==
<poem>
Eh bien I ne parlez pas si haut 1 Qu’un seul frisson prenne en défaut Votre incrédulité savante,
 
 
— « Eh bien ! ne parlez pas si haut !
Qu’un seul frisson prenne en défaut
Votre incrédulité savante,
 
Vous sentirez avec stupeur
 
Que vous avez peur d’avoir peur !…
 
D’ailleurs vous savez l’épouvante.
 
 
 
Votre effroi, vous l’avouerez bien,
Ligne 797 ⟶ 292 :
Que vous avez faite du mien ;
Oui ! vous partagez ma torture.
 
 
 
Allons ! trêve au raisonnement
Ligne 805 ⟶ 298 :
L’humilité de votre doute,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/37]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Puisque cette peur qui vous mord
Ligne 818 ⟶ 305 :
Que vous puissiez rendre à l’abîme
De l’Existence et de la Mort ! »
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/38]]==
 
L’INTÉRÊT
 
 
 
 
 
 
L’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/38]]==
<poem>
INTÉRÊT
 
 
 
L’Intérêt nous cloue et nous visse
Au mensonge lâche et tortu.
Tout de prudence revêtu
Il calcule avec artifice.
 
 
 
Il vend très cher le sacrifice,
Ligne 845 ⟶ 321 :
Au mensonge lâche et tortu.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/39]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Chez tout homme, vieux ou novice,
Ligne 860 ⟶ 330 :
L’Intérêt nous cloue et nous visse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/40]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’ÉGOÏSME
 
<poem>
La mort nous ayant mis dans sa barque à couvercle
Descendra notre oubli sur son fleuve sans fin ;
Ligne 880 ⟶ 343 :
Le survivant pâtit du cœur et de la main !
Heureux les libérés de leur service humain ! »
- Ainsi parle et conclut la société fausse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/41]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et cependant tout homme osant la vérité
 
Dirait que son remords est sa nécessité,
 
Qu’il lui faut le tourment des vices qui l’infestent.
 
Ligne 900 ⟶ 355 :
Et qu’il est bien cent fois trop enterré dans lui
Pour envier les morts et plaindre ceux qui restent
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/42]]==
 
L’ESPION
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/42]]==
<poem>
ESPION
 
 
 
Entre le matin qui regarde
Et le crépuscule qui voit,
On dissimule au fond de soi
Le mauvais levain qu’on y garde
 
 
 
La nuit venue, on décafarde.
Ligne 931 ⟶ 371 :
Et le crépuscule qui voit !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/43]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Mais dans ses méfaits on s’attarde,
Ligne 946 ⟶ 380 :
Entre le matin qui regarde !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/44]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES REGARDS
 
<poem>
 
 
On regarde sans voir, de même
On voit aussi sans regarder.
D’où l’on oserait hasarder
Que l’œil humain est un problème.
 
 
 
Vivrait-il un sort incertain
Ligne 971 ⟶ 395 :
Que parce qu’il a plus d’instinct ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/45]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Qu’est-ce qui revêt son office
Ligne 1 000 ⟶ 418 :
Contre un faux regard d’amitié.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/46]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Est-ce bien le cœur qui s’exhale
Ligne 1 029 ⟶ 441 :
Qu’une ombre louche d’inconnu.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/47]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’éclair d’en haut nous dit : i Prends garde
Ligne 1 058 ⟶ 464 :
Quand il s’en ôte et s’y remet ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/48]]==
<poem>
 
Puisque pour le fond de sa geôle,
Ayant quitté les soupiraux,
Il gaze leurs petits carreaux
D’un mirage qui nous enjôle.
 
 
 
 
 
 
 
Parfois il parle dans un cri,
Ligne 1 086 ⟶ 487 :
Regardait comme la vertu !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/49]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
A tel œil fou la raison perche.
Ligne 1 115 ⟶ 510 :
Reste enfoui sous ces reflets.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/50]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Leur lumineuse pantomime
Ligne 1 143 ⟶ 532 :
La totale signifiance
De son énigme d’en dedans.
 
 
 
 
 
 
 
Mais
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/51]]==
<poem>
 
ni sa mère ni personne
Mais ni sa mère ni personne
Ne surprendront ces regards-là
Par lesquels il dit : t Me voilà ! »
A son propre cœur qui frissonne.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/52]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA GRIMACE
 
<poem>
 
 
Avec certain sourire louche
 
On darde sa méchanceté,
 
Et, pour ainsi dire, on accouche
 
De tout le venin remonté
 
Qui stationne à fleur de bouche.
 
 
 
A la manière de la mouche
Ligne 1 189 ⟶ 557 :
Avec certain sourire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/53]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
C’est par là que maint cœur farouche
Ligne 1 205 ⟶ 567 :
Avec certain sourire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/54]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE- MAL DISTINGUE
 
 
LE MAL DISTINGUE
 
<poem>
La Perversité comme il faut
S’observe trop pour qu’elle éclate
Fiel patient, colère plate
Ne lui font pas souvent défaut.
 
 
 
Elle n’a pas le verbe haut
Ligne 1 230 ⟶ 582 :
S’observe trop pour qu’elle éclate.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/55]]==
<poem>
Le Mal Canaille est un gerfaut
Ligne 1 237 ⟶ 589 :
Mais elle a peur de l’échafaud
La Perversité comme il faut.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/56]]==
 
LA MÉDISANCE
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA AIÉ DIS ANGE
 
 
 
La
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/56]]==
<poem>
La Médisance est un moustique
Aux ailes de loquacité,
Décochant l’aigre et le caustique
Ligne 1 272 ⟶ 605 :
Serait-elle problématique
La Médisance ?
 
 
 
 
 
 
 
— Allons !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/57]]==
<poem>
— Allons ! vieux cœur jésuitique,
Ne te sonde pas à côté !
Tu sais bien que la vanité
Ligne 1 290 ⟶ 615 :
La Médisance.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/58]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE SOUPÇON
 
<poem>
 
 
Nous disons pleins d’une impudence
Qui singe la simplicité
Que l’amour de la vérité
Est la loi de noire prudence ;
 
 
 
Qu’il faut se précautionner
Ligne 1 315 ⟶ 630 :
Nous oblige à tout soupçonner.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/59]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Alors, c’est elle qui nous crie
Ligne 1 340 ⟶ 649 :
 
Partout craindre un piège invisible,
 
C’est le hideux état normal
 
De cet égoïste du Mal
 
Qui voudrait seul être nuisible.
 
 
 
 
 
 
 
II
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/60]]==
<poem>
 
se gare de qui le suit
Il se gare de qui le suit
Comme d’une mauvaise atteinte,
Pèse une odeur, creuse une teinte,
Ligne 1 377 ⟶ 676 :
Le mensonge de son semblable.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/61]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Dans l’éloge ou dans le pardon
Ligne 1 390 ⟶ 683 :
Servi par un ami tenace
Il songe : « Que me veut-il donc ? »
 
 
 
Gomme un château plein de mitrailles
Ligne 1 402 ⟶ 693 :
En faisant de l’hypocrisie
La sentinelle du soupçon.
 
 
 
Il braque sur ceux qu’il redoute
Ligne 1 410 ⟶ 699 :
A la muraille de son doute.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/62]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Lui qui, peut-être, accomplirait
Ligne 1 439 ⟶ 722 :
L’affreux savoir de la vieillesse
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/63]]==
<poem>
 
Enfin, le monstre se résout
A toiser le cœur de sa mère,
Et policier de sa chimère
Il inquisitionne tout.
 
 
 
 
 
 
 
Il surveille ses portes closes ;
Ligne 1 467 ⟶ 745 :
Et deux yeux derrière la tète !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/64]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Pas un oubli, pas un repos I
Ligne 1 496 ⟶ 768 :
Que ce glacé de l’épouvante.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/65]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Jamais de halte à son tourment !
Ligne 1 515 ⟶ 781 :
Qu’il s’est empoisonné lui-même.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/66]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA COLÈRE
 
<poem>
 
Tous, les naissants et les adultes,
 
Tous, les naissants et les adultes, Les mûrissants et les vieillards,
Sont obscurcis par ses brouillards
Et sillonnés par ses tumultes.
 
 
 
Comme l’ouragan tient les mers,
Ligne 1 536 ⟶ 795 :
Toujours sitôt bouleversées
Dans leurs calmes toujours amers.
Elle
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/67]]==
<poem>
 
est la passion tempête
Elle est la passion tempête
Qui bat l’esprit, fouille les os :
Triple torrent, triple chaos
Du corps, de l’âme et de la tête.
 
 
 
 
 
 
 
Car tous trois subissent en bloc
Ligne 1 566 ⟶ 819 :
Dans la mort de la volonté.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/68]]==
<poem>
 
Chez l’envieux qui se harcelle,
 
 
 
 
 
 
Chez l’envieux qui se harcelle, •
Et qui se ronge au fond de lui,
Sorte de pantin de l’ennui
Ligne 1 585 ⟶ 832 :
Et des maléfices du sang ;
 
Bref,, chez tout vibrant qui s’aiguise
Alors qu’il devrait s’émousser,
Qui ressent au lieu de penser
Ligne 1 594 ⟶ 841 :
La bête humaine qu’elle étale,
Sans souci de sa trahison.
 
 
 
 
 
 
 
Dès l’instant
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/69]]==
<poem>
 
qu’elle s’y décrète,
Dès l’instant qu’elle s’y décrète,
Sa soudaineté de ressort
Exécute au hasard du sort
Ligne 1 625 ⟶ 865 :
De l’irresponsabilité.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/70]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Mais chez celui qui se regarde ;
Ligne 1 654 ⟶ 888 :
Que délibérativement.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/71]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Elle courbe sa résistance
Ligne 1 674 ⟶ 902 :
 
Cette colère à double face
 
N’est plus qu’un sentiment profond
 
Devant accumuler au fond
 
Ce qu’il dérobe à la surface.
 
Ligne 1 686 ⟶ 911 :
Et se convertit en venin.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/72]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
C’est pourquoi ce monstre à la chaîne
Ligne 1 700 ⟶ 919 :
De la Rancune et de la Haine.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/73]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ENNUI
 
<poem>
 
 
Quand il s’appelle oisiveté,
Si confit en fatalité
Qu’il ignore sa volonté
 
De ne rien faire,
Il nous donne un pas de vieillard
Marchant derrière un corbillard,
Et flotte en nous comme un brouillard
 
Dans l’atmosphère.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/74]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
C’est l’ennui monotone et flou,
L’ennui du serpent et du loup,
Du vieux chenet et du vieux clou
 
Mangé de rouille ;
L’ennui placide et végétant
Où ne couve aucun feu latent
Et qui dort plat comme un étang
 
Dont l’eau s’embrouille.
 
Ligne 1 747 ⟶ 948 :
N’a jamais d’heures de réveil ;
C’est un mécanique appareil
 
D’insouciance,
Qui s’acquitte, sans s’en douter,
De sa fonction d’exister
Et qui n’entend pas chuchoter
 
Sa conscience.
 
Sous ce nuage de stupeur
 
Sans désir, sans remords ni pour,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/75]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La vie, à force de torpeur,
Est insoufferte Par cet opaque abasourdi,
 
Est insoufferte Par cet opaque abasourdi, Somnambule du plein midi Traînant dans un corps engourdi
Traînant dans un corps engourdi
 
Une âme inerte.
 
Ligne 1 777 ⟶ 968 :
L’ennui n’est plus ce morne égout
Où toute l’âme se dissout,
 
Stagne et se fige ;
Il devient un remous géant
Qui submerge l’esprit béant
Et le roule dans un néant
 
Fait de vertige.
 
Ligne 1 790 ⟶ 979 :
Qui le disperse,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/76]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
En laissant à jamais planté
Dans ces morceaux de vanité
Le coutelas d’inanité
 
Qui les transperce.
 
Le désorienté du beau
 
Est rongé par l’Ennui-corbeau,
 
Mais il renaît de son lambeau.
 
Martyr vivace,
Fierté morte, esprit décadent
Que le cauchemar obsédant
Avec son hâle, avec sa dent
 
Gerce et crevasse.
 
Ligne 1 821 ⟶ 998 :
Dans tous les chaos de l’effroi,
Et qu’un marasme lent et froid
 
Poisse et repoisse ;
Et par son œil épouvanté
Jamais plus rien n’est reflété
 
 
 
 
 
 
 
Que
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/77]]==
<poem>
Que la solitaire clarté
De son angoisse.
 
Ligne 1 842 ⟶ 1 010 :
Son labeur comme sa raison
Pour n’avoir plus la trahison
 
D’aucun mensonge,
Il a beau faire, il est mordu
Par le regret du temps perdu,
Et le Doute est le résidu
 
De ce qu’il songe.
 
 
 
Le désillusionnement
 
A croulé sur son sentiment,
 
Sa foi, définitivement,
 
Est trépassée ;
Et son triste cœur orphelin,
 
Qui n’a plus l’espoir pour tremplin
 
Languit, penche et suit le déclin
 
De sa pensée.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/78]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Tirant ses jambes — lent compas
Jaugeant toujours le même pas —
Il use en ne les vivant pas
 
Ses jours funèbres ;
C’est l’aveugle hermétique et noir
Qui chemine sans le savoir,
Et qui se guide, sans y voir,
 
Dans les ténèbres.
 
 
 
Pour se plaire en no !n séjour
 
Son mépris jette un pont trop lourd
 
Sur les océans de l’Amour
 
Et de la Haine ;
Et pour ce damné plein de nuit,
Le lendemain qui nous séduit
N’est qu’un éternel aujourd’hui
 
Qui se retraîne.
 
Les hommes ? Il n’est plus chez eux.
Il mêle en son oubli vaseux
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/79]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ceux qui l’adulent comme ceux
Qui le détestent ;
 
Qui le détestent ; Ce qu’ils disent ou ce qu’ils font,
Qu’importe ! Et du même œil sans fond ,
Il regarde ceux qui s’en vont
 
Et ceux qui restent.
 
Ligne 1 922 ⟶ 1 061 :
Qui vous asphyxie en détail,
Devoir, tendresse, orgueil, travail.
 
Tout l’homme tombe,
Et le croupissement du sort
Ne prend pas ce singulier mort
Qui vit quand même et qui se tord
 
Dans une tombe.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/80]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE PRESSENTIMENT
 
<poem>
 
 
Dans ses heures de rêve et de réalité,
Que la douleur l’épargne ou s’acharne à sa piste,
Tout homme conscient reçoit à l’improvisle
Un avertissement de la Fatalité.
 
 
 
La flèche de l’amour et le dard de la crainte
Ligne 1 958 ⟶ 1 081 :
Que ce chuchotement qui perce nos dessous
Ët parcourt d’un seul trait tout notre labyrinthe.
Ouvert à
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/81]]==
<poem>
 
tous les plans que le Destin ourdit,
Ouvert à tous les plans que le Destin ourdit,
11 présage l’effet dont il connaît la cause,
Il présage l’effet dont il connaît la cause,
En laissant à l’esprit une attente morose
Et le doute inquiet sur l’accident prédit.
 
 
 
 
 
 
 
Comme un tourbillon noir dans les campagnes blêmes
 
Galvanise l’eau morte et fouille la forêt,
 
Ainsi l’inattendu de cet avis secret
 
Nous ébranle et nous scrute au plus creux de nous-mêmes.
 
Ligne 1 990 ⟶ 1 104 :
Écho vague et précis, reflet ardent et froid
Du bonheur arrivable ou du malheur possible.
 
 
 
 
 
 
 
Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/82]]==
<poem>
use quelquefois sa pénétration
 
Il use quelquefois sa pénétration
A ce métal humain qu’on appelle un avare,
 
Et s’émousse aux cœurs plats sans boussole ni phare
 
Qui flottent sur l’égout de la Sensation.
 
Ligne 2 024 ⟶ 1 128 :
D’un pressentiment noir qui rampe dans leur être.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/83]]==
<poem>
 
Tous nos maux à venir, tous nos futurs tourments,
Abeilles du malheur dont nous serons la ruche,
La maladie en marche, imminente, et l’embûche
De l’homme, de la bête et des quatre éléments,
 
 
 
 
 
 
 
L’amour vil devenant la luxure collante,
Ligne 2 051 ⟶ 1 150 :
On se verra trahi jusqu’à l’égorgement
Par celle qu’on adore et celui qu’on vénère ;
 
 
 
 
 
 
 
Et puis,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/84]]==
<poem>
 
dans un lointain vitreux comme un carreau,
Et puis, dans un lointain vitreux comme un carreau,
Le vertige assassin nous montant à la tête,
Et nous laissant crouler avec des cris de bête,
Ligne 2 082 ⟶ 1 174 :
Moucheron du destin qui bourdonne dans l’âme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/85]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES
Ligne 2 095 ⟶ 1 180 :
TANT MIEUX ET LES TANT PIS
 
<poem>
 
 
On use avec intempérance
Des tant mieux comme des tant pis,
Ligne 2 108 ⟶ 1 192 :
Ils ont ruse et persévérance
Pour adoucir la concurrence
 
 
 
 
 
 
 
LES
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/86]]==
<poem>
TANT MIEUX ET LES TANT PIS. 77
 
Des égoïsmes bien tapis.
Et pourtant, dans mainte occurrence,
Ligne 2 128 ⟶ 1 202 :
Nos rancunes et nos dépits.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/87]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA DOUCEUR
 
<poem>
 
 
Comme l’eau, comme la nuit,
Deux sphinx aimés qu’on redoute,
Ligne 2 153 ⟶ 1 219 :
La Douceur tente et séduit.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/88]]==
<poem>
 
Cependant, rien n’y reluit :
C’est fond noir sous noire voûte..
Comme l’eau, comme la nuit.
 
 
 
 
 
 
 
Le devin qui la traduit
 
Ne la comprend jamais toute :
 
La Douceur tente et séduit.
 
Ligne 2 182 ⟶ 1 241 :
Un charme qui le velouté
Comme l’eau, comme la nuit.
Qu’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/89]]==
<poem>
 
importe si son appui
Qu’importe si son appui
Est sincère ou vous filoute ?
La Douceur tente et séduit
 
 
 
 
 
 
 
Puisqu’elle parle sans bruit,
Ligne 2 205 ⟶ 1 258 :
 
Elle prend même celui
 
Chez qui le soupçon s’encroûte,
 
Gomme l’eau, comme la nuit.
 
En vain le temps nous instruit
Et l’on sait ce qu’il en coûte…
La Douceur tente et séduit.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/90]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
En somme, elle nous conduit
Ligne 2 226 ⟶ 1 273 :
La Douceur tente et séduit.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/91]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES CAUSEURS
 
<poem>
 
 
L’astuce file à ses rouets
Mainte apparence qui nous vole ;
La pensée a ses faux billets
Que répand la langue frivole.
 
 
 
L’âme est le livre du biais
Ligne 2 251 ⟶ 1 288 :
Seul en dépoisse les feuillets.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/92]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
On ne lit que les inquiets
Ligne 2 271 ⟶ 1 302 :
 
Car le vrai remords est niais
GommeComme la vraie horreur est folle !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/93]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE SPECTRE
 
<poem>
 
 
Devant ma porte, chaque soir.
C’est l’Effroi ! sans que je l’évite.
Ligne 2 295 ⟶ 1 314 :
Et j’ai beau raisonner, vouloir,
Mon cœur bat plut fort et plus vite.
 
 
 
La clef tourne, il me va falloir
Ligne 2 303 ⟶ 1 320 :
De ma porte.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/94]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Or, je finis par concevoir
Ligne 2 319 ⟶ 1 330 :
Derrière ma porte.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/95]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’IMPERDABLE
 
<poem>
 
 
Égarer ton hideux toi-même,
 
C’est le rêve que tu poursuis.
 
Mais dans quels tournants, dans quel puits,
 
Par quel tortueux stratagème ?
 
 
 
Pas d’abnégation suprême
Ligne 2 347 ⟶ 1 345 :
Sans trouver la clef du problème ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/96]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La Mort ? mais’si ton âme blême
 
Y repasse toutes ses nuits ?
 
Clos tes poisons dans leurs étuis :
 
Tu pourrais retomber quand même Au fond d’éternels aujourd’huis Devant ton éternel toi-même.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/97]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE SOLILOQUE
 
 
 
Le soliloque ne ment pas
 
Quand il nous dénonce à nous-mêmes
 
Le néant de nos stratagèmes
 
Et notre frayeur du trépas.
 
 
 
A travers nos piteux combats
 
Et nos infortunés blasphèmes,
 
Le soliloque ne ment pas
 
Quand il nous dénonce à nous-mêmes.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/98]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Oh ! lorsque la nuit pas à pas
Ligne 2 410 ⟶ 1 378 :
Le soliloque ne ment pas !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/99]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES OUBLIETTES
 
<poem>
 
 
Dans les oubliettes de l’âme
Nous jetons le meilleur de nous
Qui languit lentement dissous
Par une moisissure’infâme.
 
 
 
Pour le vice qui nous enflamme
Ligne 2 435 ⟶ 1 393 :
Nous jetons le meilleur de nous.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/100]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Comme personne ne nous blâme,
Ligne 2 449 ⟶ 1 401 :
C’est la Conscience qui clame
Dans les oubliettes de l’âme.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/101]]==
 
L’AME
 
 
 
 
 
 
LAME
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/101]]==
<poem>
 
 
 
L’Ame s’épanche en elle seule.
Le corps, ce mannequin distrait
N’en peut donner qu’an louche extrait
Avec sa mimique si veule.
 
 
 
Front cynique ou face bégueule
Ligne 2 476 ⟶ 1 418 :
L’Ame s’épanche en elle saule.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/102]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Quand l’âge l’a rendue aïeule,
Ligne 2 492 ⟶ 1 428 :
A la nuit qui nous enlinceule ?..
L’Ame s’épanche en elle seule.
</poem>
 
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/103]]==
 
 
 
 
 
 
LES DÉLATEURS
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/103]]==
<poem>
 
 
 
Pauvres hommes, soyez donc vrais !
 
Ligne 2 516 ⟶ 1 443 :
A même pris vos intérêts ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/104]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Vous trahir par des mots distraits
Vous avez sur vous trop d’empire.
Ligne 2 537 ⟶ 1 457 :
Vous oubliez qu’on peut vous lire
Dans leurs terribles à peu près.
 
 
 
Pauvres hommes, soyez donc vrais !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/105]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE RIRE JAUNE
 
<poem>
 
La Rire Jaune s’est foncé
 
Lg Rire Jaune s’est foncé
 
Sur ta lèvre déjà si jaune,
 
Car tu vis un présent glacé
 
En sachant trop ce que vaut l’aune
 
De l’avenir et du passé.
 
 
 
Tous tes vieux vices t’ont lassé,
Ligne 2 572 ⟶ 1 476 :
Le Rire Jaune.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/106]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ton âme où le doute a passé
Ligne 2 588 ⟶ 1 486 :
Le Rire Jaune !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/107]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA LUXURE
 
<poem>
 
 
C’est l’unie du Péché, notre despote intime,
Celle qui fait mentir tout homme également,
Ligne 2 615 ⟶ 1 501 :
Et n’est jamais à bout de curiosités
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/108]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ogresse de verlu que l’innocence attire,
Ligne 2 644 ⟶ 1 524 :
Il visait l’inconnu de la Mort et du Mal !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/109]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
C’est la consolatrice abominable et fausse
Ligne 2 664 ⟶ 1 538 :
 
Maniaque des Sens, Nonne de la matière,
 
Devant l’impureté sans cesse à deux genoux,
 
Elle offre au Mauvais Dieu qui n’est pas mort pournous
 
Son vénéneux soupir en guise de prière.
 
Ligne 2 676 ⟶ 1 547 :
Et s’accroche en cachette à sa tentation.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/110]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Pratiquant sur la peau, de l’orteil à la nuque,
Ligne 2 701 ⟶ 1 566 :
 
Son vœu le plus choyé dans ses quintes d’orgueil
 
Et quand elle a trouvé l’être qui la seconde
 
Serait de posséder pendant une seconde
 
L’ubiquité des mains, de la bouche et de l’œil
 
 
 
 
 
 
 
Pour
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/111]]==
<poem>
 
aspirer d’un trait comme une seule essence
Pour aspirer d’un trait comme une seule essence
Les charmes de l’aspect et de l’attouchement,
Et pour désaltérer dans un abreuvement
Ligne 2 738 ⟶ 1 593 :
Pour l’oiseau hasardeux qui chante en voletant.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/112]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Que de luxurieux qui font les bons apôtres ?
Ligne 2 758 ⟶ 1 607 :
 
Parfois cette barbare, en ses cruautés vaines,
 
Imagine au milieu de l’ombre et du secret
 
Un corps adolescent qui se convulserait
 
En pleurant sur les draps les larmes de ses veines.
 
Et toujours ce grand sphinx enverminé d’ennui,
Moitié dans un cloaque et moitié dans la nue,
Cherche le cri nouveau sur la bouche inconnue
Et la forme d’hier dans celle d’aujourd’hui.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/113]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Mais sa rage, à la fin, languit dans le marasme,
Ligne 2 785 ⟶ 1 628 :
Et dans les yeux navrés de l’homme et de la femme
Allume son enfer à perpétuité.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/114]]==
 
DERNIÈRE VISITE
 
 
 
 
 
 
DERNIÈRE
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/114]]==
<poem>
VISITE
 
 
 
Qui frappe si fort et si tard
A la porte de ce cœur vide
Ligne 2 805 ⟶ 1 639 :
Dans l’horreur qui la redévide
Son existence de têtard ?
 
 
 
Le toc toc devient plus mignard,
Ligne 2 812 ⟶ 1 644 :
Puis, net comme un coup de poignard..
— Qui frappe ?
 
 
 
 
 
 
 
— Moi ! répond
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/115]]==
<poem>
 
du fond du brouillard
— Moi ! répond du fond du brouillard
Une espèce de plainte avide.
Et l’octogénaire livide,
Ligne 2 829 ⟶ 1 654 :
Court ouvrir au péché paillard
Qui frappe.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/116]]==
 
L’INVITATION
 
 
 
 
 
 
L’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/116]]==
<poem>
INVITATION
 
 
 
Dès que le diable nous invite
Au sabbat de lubricité,
Vers ce rendez-vous convoité
Toute notre bête gravite.
 
 
 
Toi philosophe, toi lévite,
Ligne 2 856 ⟶ 1 670 :
Et la conscience te quitte.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/117]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Car aucun homme ne s’acquitte
 
Envers son animalité :
 
La créancière Volupté
 
N’est pas de celles qu’on évite.
 
 
 
Notre continence profite
Ligne 2 882 ⟶ 1 685 :
Dès que le diable nous invite.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/118]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE VIEUX SERPENT
 
<poem>
 
 
Dans le ravin de la tristesse
Peut-elle nous faire du tort,
Ligne 2 906 ⟶ 1 701 :
Devant Sa Majesté la Mort !
La lubrique scélératesse ?
 
 
 
 
 
 
 
Allons
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/119]]==
<poem>
 
donc ! quelle poétesse
Allons donc ! quelle poétesse
Pourrait nous rimer du remord
Dans le ravin de la tristesse ?
Ligne 2 937 ⟶ 1 725 :
Dans le ravin de la tristesse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/120]]==
<poem>
 
Sachant que malgré sa rudesse,
Notre chagrin n’est pas bien fort,
La lubrique scélératesse
 
 
 
 
 
 
 
Siffle avec tant de morbidesse
Ligne 2 965 ⟶ 1 748 :
La lubrique scélératesse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/121]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
On l’écrasera ! Mais quand est-
Ligne 2 979 ⟶ 1 756 :
La lubrique scélératesse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/122]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LES MAGICIENS
 
<poem>
 
 
Bergère noire de l’étrange
Qui mène son vague troupeau
Ligne 3 008 ⟶ 1 773 :
Et le mystère, son suppôt,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/123]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sous les ténèbres de la peau
Fait éclore le mauvais ange…
Mais brusquement le jour se venge
Et l’Amour redevient crapaud.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/124]]==
 
LA VIRGINITÉ
 
 
 
 
 
 
LA VIRGINITÉ
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/124]]==
<poem>
 
 
 
La virginité nous attire,
Ligne 3 039 ⟶ 1 790 :
Car il demeure aussi profond
Dans la souillure et le martyre.
 
 
 
Les syllabes qu’on lui soutire
Ligne 3 047 ⟶ 1 796 :
Mais son mystère nous confond.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/125]]==
<poem>
Et masque ambigu qui retire
Ligne 3 055 ⟶ 1 804 :
La virginité nous attire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/126]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’inconnu qui nous pousse à la Perversité
Ligne 3 077 ⟶ 1 811 :
Se justifie ainsi devant plus d’une belle
Lui reprochant la mort de sa virginité :
 
 
 
— Oui, maintenant je suis ton hôte,
Ligne 3 084 ⟶ 1 816 :
Ce certain soir de pourpre et d’or
Où tu fis ta première faute.
 
 
 
 
 
 
 
Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/127]]==
<poem>
 
ne faudrait point t’abuser :
Il ne faudrait point t’abuser :
Ce n’est pas moi qui t’ai perdue,
Et, ma confidence entendue,
Ligne 3 115 ⟶ 1 840 :
A la fraîcheur de ta salive.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/128]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ton cœur s’ignorait d’être pur
Ligne 3 144 ⟶ 1 863 :
Je finirais par l’interrompre ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/129]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Je ne songeais pas à prévoir
Ligne 3 173 ⟶ 1 886 :
Le goût de la coquetterie,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/130]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ta modeste apparition
Ligne 3 202 ⟶ 1 909 :
Y passaient. J’en forçais les doses.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/131]]==
<poem>
 
Et je retournais en tous sens
Les astuces de ma magie
Pour éveiller la léthargie
De tes pensers et de tes sens.
 
 
 
 
 
 
 
Maintenant, mes souffles moins vagues
Ligne 3 229 ⟶ 1 931 :
Où surgissait devant tes yeux
L’obscénité de mes fantômes.
 
 
 
 
 
 
 
Des
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/132]]==
<poem>
 
soirs orageux et malsains
Des soirs orageux et malsains
Je pompais les langueurs perfides
Que j’aggravais de mes fluides,
Ligne 3 259 ⟶ 1 954 :
Sentais-tu même à fleur de peau
Ce qui devait brûler ton âme ?
 
 
 
 
 
 
 
Restait
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/133]]==
<poem>
 
la Curiosité :
Restait la Curiosité :
Elle eût beau siffler et se tordre ;
A quoi bon ? Elle ne put mordre
Ligne 3 278 ⟶ 1 966 :
Ayant tout fait pour te damner,
J’avais fini d’imaginer
J/occasionL’occasion de ta faiblesse.
 
Et honteux, confus, interdit,
Ligne 3 290 ⟶ 1 978 :
Du végétal et de la bête…
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/134]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Quand j’aurai mis mon ver tortu
Ligne 3 318 ⟶ 2 000 :
Au fond, la Nature et Satan
C’est peut-être la même chose ! »
 
H.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/135]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE ROMAN
 
<poem>
Un auteur contrefait le manuscrit du Mal,
Il ne reproduit pas son texte original,
Ligne 3 343 ⟶ 2 016 :
Que pour le cœur épais qui s’ignore ou s’oublie.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/136]]==
<poem>
 
Car l’homme conscient de sa perversité,
N’y voyant qu’un portrait vaguement reflété
Ligne 3 350 ⟶ 2 024 :
Se dit : « J’ai déjà lu tout cela dans mon âme
 
« Or, le démon avide au labeur dépêché
 
Presse les attentats que mon rêve élucubre ;
 
Il apporte partout sa trouvaille lugubre,
 
 
 
 
es Or, le démon avide au labeur dépêché Presse les attentats que mon rêve élucubre ; Il apporte partout sa trouvaille lugubre,
 
« Son imprévu hideux au roman du péché,
 
Et je suis sa dictée avec un tel délire
 
Hélas ! que je n’ai pas le temps de me relire. »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/137]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
SOLILOQUE DU RÊVE
 
<poem>
 
La tombe étouffe son mystère.
 
La tombe étouffe son mystère. Après chaque engloutissement,
Plus rien qu’une ironie austère
Et qu’un morne épouvantement
Qui s’exhalent de dessous terre.
 
 
 
Soit ! incurieux volontaire
Ligne 3 390 ⟶ 2 048 :
Dans la tombe.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/138]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et pourtant celui qu’on enterre
Ligne 3 406 ⟶ 2 058 :
Par delà la tombe !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/139]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE COEUR BLASE
 
<poem>
 
 
Chacun prend du péché la dose nécessaire
Pour varier son sort hideusement égal :
La luxure contraste avec l’amour brutal,
Et mentir change un peu d’être toujours sincère.
 
 
 
Une tentation distrait notre misère,
 
Un vice nous dispute au dégoût radical :
 
On greffe la vertu sur l’opprobre natal
 
Et l’on reste un lépreux qui tient à son ulcère.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/140]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Le seul devoir, piteux régal !
Ligne 3 451 ⟶ 2 084 :
L’originalité du Mal.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/141]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
NOS SEIGNEURS
 
<poem>
 
 
Sans l’Orgueil, on mourrait son sort.
Au lieu de vivre sa mort.
Ligne 3 476 ⟶ 2 101 :
Dans son prochain plus qu’en soi.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/142]]==
<poem>
 
Sans l’Avarice, le métal
Ne ferait ni bien ni mal.
 
 
 
 
 
 
 
Sans la Luxure, certains coins
Ligne 3 499 ⟶ 2 119 :
Des Sept Péchés Capitaux.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/143]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES ANTAGONISTES
 
<poem>
 
 
L’Esprit humain est sur la terre
Une espèce de Dieu banni
Expiant un crime infini
Dont il ignore le mystère.
 
 
 
Il devrait donc à sa fierté
Ligne 3 524 ⟶ 2 134 :
En attendant l’Éternité.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/144]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Mais, hélas ! au lieu qu’à la longue
ILIl consente à se résigner,
Il se consume à recogner
Contre sa sépulture oblongue.
Ligne 3 553 ⟶ 2 157 :
D’un aliment spirituel,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/145]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Cependant qu’elle est le vampire
Ligne 3 582 ⟶ 2 180 :
Le corps veut son auberge à lui.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/146]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Malgré l’atroce mécanisme
Ligne 3 613 ⟶ 2 205 :
Folie, accours et me délivre ! »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/147]]==
<poem>
 
L’àme répond : c Geôlier hideux,
L’àme répond : Geôlier hideux,
Nous serions toujours tous les deux,
Car être fou, c’est encore vivre !
 
 
 
 
 
 
 
« Et sais-tu même si ta mort
Ne me sera pas tracassière,
Et si je n’aurai pas le sort
De cohérer à ta poussière !
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/148]]==
 
L’HUMANITÉ
 
 
 
 
 
 
----
 
 
 
L’HUMANITÉ
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/148]]==
<poem>
 
 
 
La bibliothèque mouvante
Faisant grouiller par l’univers
Ligne 3 658 ⟶ 2 233 :
Qui les voue à tant de revers,
Et qui les tient si recouverts
 
 
 
 
 
 
 
D’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/149]]==
<poem>
uneD’une énigme si captivante.
 
La lecture en est décevante :
 
On les devine de travers ;
 
Les a-t-on bien même entr’ouverts ?
 
Insensé celui qui s’en vante !
 
La curiosité fervente
 
Se glace à scruter leur envers ;
 
Quant à leur fond, bon ou pervers,
 
Secret que personne n’évente !
 
En attendant, vers les enfers,
 
Sous les étés, sous les hivers,
 
Elle roule son épouvante
 
La Bibliothèque Mouvante.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/150]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’AUBERGE
 
<poem>
A l’auberge de l’Égoïsme,
Certains soirs le Deuil apparaît
Drapé de noir et tout maigret
Dans son humble fantômatisme.
 
D’abord il jette un froid secret.
Mais au bout d’un vague mutisme
Chacun reprend son air distrait,
Reboit, retrinque à l’optimisme.
 
A l’auberge de l’Égoïsme, Certains soirs le Deuil apparaît Drapé de noir et tout maigret Dans son humble fantômatisme.
 
 
 
D’abord il jette un froid secret. Mais au bout d’un vague mutisme Chacun reprend son air distrait, Reboit, retrinque à l’optimisme.
 
 
 
 
 
 
 
— «
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/151]]==
<poem>
Encore un, grogne l’Intérêt, Qui se trompe de cabaret ! *
 
— « Au moins, ricane le Cynisme, Quand on vient chez nous, on devrait Rengainer le Croquemortisme ! »
 
— « Bah ! j’aurai soin de ce pauvret Sussurre le Jésuitisme »
 
— « Encore un, grogne l’Intérêt,
Qui se trompe de cabaret !
— « Au moins, ricane le Cynisme,
Quand on vient chez nous, on devrait
Rengainer le Croquemortisme ! »
— « Bah ! j’aurai soin de ce pauvret
Sussurre le Jésuitisme »
Bref, on relègue l’indiscret
Dans le coin du parasitisme.
 
 
 
Quelques hélas au laconisme,
Ligne 3 744 ⟶ 2 285 :
Dont on repaît son famélisme
A l’auberge de l’Égoïsme.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/152]]==
 
LES PROJETS
 
 
 
 
 
 
LES
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/152]]==
<poem>
PROJETS
 
 
 
Qu’on soit instable ou sédentaire
On tisse des projets beaucoup ;
Ligne 3 771 ⟶ 2 303 :
Un souffle bref qu’un rien dissout
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/153]]==
<poem>
Et que l’âge rend délétère,
Ligne 3 789 ⟶ 2 321 :
Et s’immobiliser en nous,
Au fond de l’âme solitaire.
</poem>
 
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/154]]==
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
SOLLICITUDE
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/154]]==
<poem>
 
« Dans la nuit où ton cœur s’attarde
Tu m’écoutes comme le vent.
Ligne 3 819 ⟶ 2 337 :
Retourne-toi, retourne-toi !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/155]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Pourtant, l’avis que je hasarde
Ligne 3 848 ⟶ 2 360 :
Et plus ton salut me regarde ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/156]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Dans tes vices que je défarde,
Ligne 3 872 ⟶ 2 378 :
Que ce chuchotement poignarde.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/157]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA VANITÉ
 
<poem>
 
 
Tel trappiste de l’Incroyance
Dépose ainsi devant son cœur
Ce formidable épilogueur
Si pointu dans sa clairvoyance :
 
 
 
« Gomme tous mes frères mauvais.
Ligne 3 897 ⟶ 2 393 :
En songeant toujours que j’y vais.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/158]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Je suis cette ébauche terreuse,
Ligne 3 925 ⟶ 2 415 :
Je m’avance à ma dernière heure
Revêtu de mon propre deuil.
 
 
 
 
 
 
 
.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/159]]==
<poem>
 
Mon esprit, ma bête et mon ame
Végètent sur leurs appétits,
Ligne 3 956 ⟶ 2 439 :
En stérilisant mon désir.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/160]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Jusqu’au fossé du cimetière,
Ligne 3 969 ⟶ 2 446 :
Je ne m’accorde que l’instinct
Et les besoins de la matière.
 
 
 
Cet ici-bas ne m’étant rien.
Ligne 3 981 ⟶ 2 456 :
Si cloisonné d’oubli de tout,
Que je vis derrière ma vie.
 
 
 
Donc, s’en remettant à son sort
Ligne 3 988 ⟶ 2 461 :
Qu’à faire ce par quoi j’existe,
C’est-à-dire à n’être pas mort.
 
 
 
 
 
 
 
Plus
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/161]]==
<poem>
 
d’affection qui m’enchaîne !
Plus d’affection qui m’enchaîne !
Insoucieux de mon lambeau,
Dans l’égoïsme du tombeau,
Ligne 4 018 ⟶ 2 484 :
Moitié certain, moitié perplexe
Et moins tranquille qu’étonné.
 
 
 
 
 
 
 
D’où
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/162]]==
<poem>
 
vient que la mansuétude
D’où vient que la mansuétude
Met une sueur à mon front,
Et qu’ayant supporté l’affront
Ligne 4 040 ⟶ 2 499 :
 
— Eh bien ! dit le Cœur, fais relâche
 
A ta pompeuse humilité :
 
C’est encor de la vanité
 
Que d’avoir souci d’être lâche !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/163]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ORGUEIL
 
<poem>
 
 
Soumise en ce monde incertain
A ne figurer que du songe,
Ligne 4 065 ⟶ 2 513 :
Dans le vide de son destin ;
 
L’orgueil est un piteux mensonge
 
Que la raison fait à l’instinct :
 
L’orgueil est un piteux mensonge Que la raison fait à l’instinct : Hélas ! plus l’atome est mutin, Plus son impuissance le ronge.
Plus son impuissance le ronge.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/164]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sur l’effort amer et hautain
Ligne 4 085 ⟶ 2 528 :
Le cercueil héant qui s’allonge.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/165]]==
 
<poem>
L’APOSTROPHE
 
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
« Pourquoi pas tenter l’aventure
Du péché vécu sans témoin,
Ligne 4 102 ⟶ 2 538 :
Et qui mourra dans le recoin
De sa solitaire imposture ?
 
 
 
« Es-tu sûr que la pourriture
Ligne 4 109 ⟶ 2 543 :
Toute l’existence future ?…
Pourquoi pas ?
 
 
 
 
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/166]]==
<poem>
 
Ligne 4 134 ⟶ 2 562 :
Vos Parce que flottants, redits toujours plus bas
Par votre pauvre Conscience !
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/167]]==
 
PRIÈRE
 
 
 
 
 
 
PRIÈ
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/167]]==
<poem>
RE
 
 
 
Oh ! retarde ta chute encore !
Et puisque le mal t’a faussé,
Ligne 4 159 ⟶ 2 578 :
Le vertige qui te dévore…
Oh ! retarde ta chute encore !
Vibre donc,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/168]]==
<poem>
Vibre donc, vieille âme insonore !
Entends ton vieux remords passé
Dont le cri toujours repoussé
Te rehèle et te réimplore…
Oh ! retarde ta chute encore !
 
 
 
 
 
 
 
Ne crois pas que la tombe ignore
Ligne 4 181 ⟶ 2 593 :
Oh ! retarde ta chute encore !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/169]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE MAUVAIS CONSEILLEUR
 
<poem>
 
Pour chacun sois bon compère :
 
<r Pour chacun sois bon compère :
Papillonne avec l’oiseau,
Ondule avec la vipère.
Ligne 4 205 ⟶ 2 605 :
Taille ton âme en biseau.
Pour chacun sois bon compère.
 
 
 
L’Aigle et toi faites la paire ;
Double aussi le vermisseau.
0O ndulc avec la vipère.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/170]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Avec le chat délibère,
Ligne 4 226 ⟶ 2 618 :
 
Sers l’hyène et coopère
 
Au vautrement du pourceau.
 
Ondule avec la vipère.
 
Ligne 4 243 ⟶ 2 633 :
Pour chacun sois bon compère.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/171]]==
<poem>
 
Le jeu t’ouvre son repaire,
Entres-y sans un sursaut !
Ondule avec la vipère.
 
 
 
 
 
 
 
Devant qui se désespère
Ligne 4 260 ⟶ 2 645 :
 
Flatte, souscris, obtempère,
 
Dis : blanc, noir, bleu, vert, ponceau.
 
Ondule avec la vipère.
 
Ligne 4 270 ⟶ 2 653 :
Ondule avec la vipère. »
 
— Notre égoïsme hélas ! comme un fil conducteur
Nous transmet cet avis du mauvais chuchoteur,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/172]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Le simple en est troublé, le sage le discute,
Caria pauvre âme humaine est un gouffre écouteur.
Ligne 4 288 ⟶ 2 665 :
Le bruit du mal se répercute.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/173]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA HONTE
 
<poem>
 
 
Plus d’un que la honte poursuit
Frissonne en son gîte la nuit.
Ligne 4 312 ⟶ 2 681 :
Qu’il jette, en devenant blafard.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/174]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Avec des souffles de fournaise
Ligne 4 335 ⟶ 2 698 :
 
Ohl le face à face avec soi,
 
Quand on tremble et qu’on sait pourquoi !
 
Ligne 4 342 ⟶ 2 704 :
Seraient des spectres indignés
Oui jouiraient de son malaise ?
 
 
 
 
 
 
 
A ce
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/175]]==
<poem>
moment il suinte, il sourd
 
A ce moment il suinte, il sourd
De partout comme un blâme sourd.
 
Ligne 4 370 ⟶ 2 724 :
Dont il redoute l’œil de braise.
 
x\IaisMais d’où vient qu’il rampe à genoux.
Avec la mimique des fous ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/176]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
C’est qu’en s’approchant tout à l’heure,
Ligne 4 389 ⟶ 2 738 :
Frissonne en son gîte la nuit.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/177]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE BLAFARD
 
<poem>
 
 
Quand on nous dit : « Vous êtes pâle !
Aussitôt un trouble nous vient,
Et nos traits perdant leur maintien
Foncent encor leurs tons d’opale.
 
 
 
N’aurait-on pas le cœur plus mâle
Ligne 4 414 ⟶ 2 753 :
Aussitôt un trouble nous vient.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/178]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Car c’est le vice qui nous haie,
Ligne 4 429 ⟶ 2 762 :
Uuand on nous dit : « Vous êtes pâle. »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/179]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
MANE THECEL PHARÈS
 
<poem>
 
 
« En vain je bâtis à mes jours
Un mur d’Illusions compactes,
Le cercueil vient bailler toujours
Devant mes projets et mes actes.
 
 
 
Je sens s’accélérer mes pas
Ligne 4 454 ⟶ 2 777 :
Magnétisé par le trépas,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/180]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Je vais au hasard de mon être.
Ligne 4 482 ⟶ 2 799 :
Quand je consulte cet espion
Qui s’appelle la Conscience.
 
 
 
 
 
 
 
Comme
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/181]]==
<poem>
 
une vis dans un écrou,
Comme une vis dans un écrou,
Comme un hibou dans un tronc d’arbre,
Comme la fouine dans son trou,
Comme le crapaud dans du marbre,
 
 
 
La peur de mourir est en moi,
 
Et jamais rien ne me délivre
 
De ce perpétuel effroi ;
Rien ! pas même l’horreur de vivre.
 
Rien I pas même l’horreur de vivre.
 
 
 
L’imprévu guette mon lambeau
Ligne 4 516 ⟶ 2 819 :
 
— A travers ses plans scélérats
 
Ou sa méditation sainte,
 
La nuit, dans le linceul des draps,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/182]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Tout homme étouffe cette plainte
Ligne 4 534 ⟶ 2 829 :
Le font geindre et claquer des dents,
Lorsque sa lumière est éteinte.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/183]]==
 
LE PISTOLET
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/183]]==
<poem>
PISTOLET
 
 
 
« Dis donc ! tu réfléchis beaucoup ?… Car, enfin, tu n’aurais qu’à brûler ta cartouche Quelle perplexité pour t’envoyer le coup
 
Ligne 4 562 ⟶ 2 844 :
Avec la tienne coïncide !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/184]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Veux-tu que je te dise, hein ! raisonneur pervers ?
Ligne 4 582 ⟶ 2 858 :
Pas encore assez mûrs pour le Vrai Suicide ;
Tu ferais mieux d’aller me rependre en travers,
 
Sur la muraille où je m’oxyde.
 
Tu sais bien tramer ton trépas ;
 
Quant à le perpétrer, non pas.
Ton ennui tourne autour, ta détresse le frôle,
 
Mais tu le réduis aux apprêts.
Si je te vois jamais te supprimer exprès,
 
En vérité, ce sera drôle !
 
Ligne 4 600 ⟶ 2 871 :
Je suis toujours à ton service. »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/185]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES CHRONOMÈTRES
 
<poem>
 
« O mon âme ! ai-je encor le temps d’être crédule,
 
« 0 mon âme ! ai-je encor le temps d’être crédule, « Avide et rebrûlé du feu qui me rongea :
« Quelle heure est-il à ta pendule ? »
— « Déjà ! »
 
 
 
« Et toi, corps insolent qui défiais les Parques
Ligne 4 622 ⟶ 2 886 :
— « BIENTÔT ! »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/186]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ARTISTE
 
<poem>
 
 
Par les Formes et les Idées
Son tarissement est certain,
Ligne 4 646 ⟶ 2 902 :
A leurs approches saccadées,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/187]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et les ayant trop regardées,
N’y voit plus que l’indistinct.
Ligne 4 677 ⟶ 2 926 :
Pleurant tes heures décédées
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/188]]==
<poem>
Tu voudras peut-être un matin
 
Revenir à ton pur instinct,
 
Mais tes veines seront vidées
 
Par les Formes et les Idées.
 
 
 
 
Tu voudras peut-être un matin Revenir à ton pur instinct, Mais tes veines seront vidées Par les Formes et les Idées.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/189]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’AJOURNEMENT
 
<poem>
 
 
Le Devoir ! on ne le diffère
Que pour mieux lui rester soumis
Quand les travers qu’on s’est permis
N’auront plus à se satisfaire.
 
 
 
A ce vieux Mentor trop sévère
Ligne 4 713 ⟶ 2 948 :
Bref, dans le mal on persévère.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/190]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et les vices, nos bons amis,
Ligne 4 737 ⟶ 2 966 :
Dont on ne peut plus se défaire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/191]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’EXPÉRIENCE
 
<poem>
 
 
A mesure que le temps fuit
Nous voyons que tout est semblance,
Ligne 4 766 ⟶ 2 983 :
D’un poison plein de virulence ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/192]]==
<poem>
Le deuil mêle ses coups de lance
Ligne 4 772 ⟶ 2 989 :
Et le Démon qui nous a nui
Active encor sa vigilance.
 
 
 
 
 
 
 
Cependant que le jour, la nuit,
 
Où qu’on se traîne, où qu’on s’élance,
 
Un double fantôme nous suit
 
Qui nous hèle et qui nous relance :
 
La Vie humaine avec son bruit
 
Et la Mort avec son silence.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/193]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
SAGESSE DE FOU
 
<poem>
 
 
Les sensés sont fous, mais voilà,
Ils ont l’accès par-ci, par là,
Et ne rient pas comme cela :
Ha ! Ha ! Ha ! Ha !
 
 
 
Forcément leur rire est triché,
Ligne 4 816 ⟶ 3 012 :
Hé ! Hé ! lié ! Hé !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/194]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Chacun, toujours traître ou trahi,
Ligne 4 840 ⟶ 3 030 :
IIu ! Hu ! tlu ! Hu !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/195]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE SCEPTIQUE
 
<poem>
 
 
L’Homme à Part entre tous les temps,
Le fabuleux homme moderne
Ligne 4 863 ⟶ 3 045 :
Pardonneur ? j’en ai l’air. Pourquoi ? Parce que je hais de sang-froid.
 
 
 
 
 
 
 
Sincère ? à
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/196]]==
<poem>
 
peine avec l’enfant ;
Sincère ? à peine avec l’enfant ;
Avec l’homme un peu moins souvent.
 
Ligne 4 896 ⟶ 3 072 :
Le Pervers tranquille et moqueur,
Le Franc Sceptique, c’est mon cœur ! »
 
 
 
 
 
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/197]]==
<poem>
Dans ta confession où perce la jactance Tout est vrai hors le dernier point :
 
Indifférent ? tu ne l’es point, Tu n’as que le dépit pour railler l’existence, Et tu mâches ton fiel intérieurement, Hypocrite du calme et du ricanement.
 
— Dans ta confession où perce la jactance
Tout est vrai hors le dernier point :
Indifférent ? tu ne l’es point,
Tu n’as que le dépit pour railler l’existence,
Et tu mâches ton fiel intérieurement,
Hypocrite du calme et du ricanement.
Val tes vices tirent la chaîne
De la vieille Perversité ;
 
De la vieille Perversité ; Dans l’ornière du mal, ta misère se traîne ;
 
Et ta moderne vanité
 
Ne rabâche que la rengaine
De la si monotone et plate humanité.
 
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/198]]==
 
LA VISION DU PÉCHÉ
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/198]]==
<poem>
VISION DU PÉCHÉ
 
 
 
C’est par un de ces soirs plombés de canicule
Et pourris par les choléras,
Ligne 4 944 ⟶ 3 101 :
Et change en suaire les draps.
 
Au fond d’un réduit morne à hideuse lucarne,
Où se mire une lune en sang,
 
Une femme très pâle, en qui la peur s’incarne,
Ébauche un sommeil frémissant.
 
Au fond d’un réduit morne à hideuse lucarne, Où se mire une lune en sang,
 
Une femme très pâle, en qui la peur s’incarne, Ébauche un sommeil frémissant.
 
 
 
 
 
 
 
Et pourtant
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/199]]==
<poem>
la nocturne et bonne léthargie
 
Serait bien due à ce destin Dont le deuil fait son glas, la douleur son orgie
 
Et pourtant la nocturne et bonne léthargie
Serait bien due à ce destin
Dont le deuil fait son glas, la douleur son orgie
Et l’épouvante son festin.
 
D’où vient donc sonsommeil qui s’obstineàreprendre
 
La trame qu’il ne peut ourdir,
Qui gît sans s’allonger, bâille sans se détendre,
 
Et n’arrive qu’à s’engourdir ?
 
Pourquoi donc sa pâleur qui s’enfièvre et qui sue ?
C’est que, sur elle, par en bas
 
C’est que, sur elle, par en bas Va se multipliant le cloporte-sangsue,
 
Le plus faux des insectes bas
 
Qui salit de son nom celui qui le prononce,
Le monstre vil haï partout,
 
Le monstre vil haï partout, Plat, ligneux et carré dont l’aspect vous enfonce
 
Le coup de couteau du dégoût I
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/200]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sortis à flots muets des bois du lit, des plâtres,
Les parasites sont venus ;
 
Les parasites sont venus ; Ils plaquent leurs mouvants et sinueux emplâtres
 
Sur le cuir chaud des membres nus.
 
Exsangue est le butin, mais dru le troupeau louche
 
Qui machine sa succion,
Attentif à glisser sur ses jambes de mouche
 
Et serrant sa précaution.
 
Quand il a déposé des germes et des lentes
 
Au plus creux des coins incisés,
Il se remet hâtif à des attaques lentes,
A des labeurs temporisés.
 
l’iedsPieds, jambes et genoux, les cuisses et les aines
Il a bu, tari tout Cela ;
 
Il a bu, tari tout Cela ; 11 attarde sa ruse aux piqûres obscènes.
 
Ah ! si même il s’arrêtait là !
 
 
 
 
 
 
 
llé
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/201]]==
<poem>
lasl le torse est pris par la cohue immonde :
 
Il avance, le tas vainqueur ! 11 fouille la poitrine, et l’on dirait qu’il sonde
 
Hélas ! le torse est pris par la cohue immonde :
Il avance, le tas vainqueur !
Il fouille la poitrine, et l’on dirait qu’il sonde
Pour trouver la place du cœur.
 
… La lune imite alors la gigantesque face
D’un grand Jésus décapité,
 
D’un grand Jésus décapité, Spectre compatissant qui tremble et qui s’efface
 
Dans le mirage ensanglanté…
 
Soudain sous la lucarne où le feu rouge empire
 
Et plus funeste se rabat,
La blême nudité dans son maillot vampire
 
Se lève à moitié du grabat…
 
Ohl le réveil tordu de ces deux mains jalouses
Qui se battent pour massacrer 1…
 
Mais l’ennemi têtu reforme ses ventouses,
Et recommence à dévorer.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/202]]==
<poem>
 
Ettoujoursplussagace et plus fourbe estle chancre,
 
Et plus fourni son grouillement
 
Qui moutonne et bruit, qui s’active, qui s’ancre
 
Et renaît de l’écrasement.
 
 
 
Ettoujoursplussagace et plus fourbe estle chancre, Et plus fourni son grouillement
 
Qui moutonne et bruit, qui s’active, qui s’ancre Et renaît de l’écrasement.
 
Et puis, dans l’air figé, de cette boucherie.
 
De ce carnage de venin,
Sort chargé de noirceur et de cafarderie
 
Un relent mortel et bénin,
 
Une senteur compacte et cependant qui monte,
Un miasme aigu sans strideur,
 
Un miasme aigu sans strideur, Causant à la martyre une ivresse de honte
 
Par sa capiteuse fadeur.
 
A présent sur ce crâne où les cheveux surgissent
Voici ramper, vague et sournois,
 
Le vent de la folie en souffles qui vagissent
Et qui grincent tout à la fois
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/203]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et lentement, l’horreur achève la débâcle
 
De cette flottante raison ;
Accroupie, elle rit pendant qu’elle se racle
Avec un air de pâmoison.
 
\vec un air de pâmoison.
 
Et les bêtes s’en vont ; chacune est bien repue,
Et si rouge que, maintenant,
 
Elle semble un caillot qui vit, qui se remue
Et qui se guide en tâtonnant.
 
A la fin, sur ce corps dont les insectes roides,
 
Désertent la vacuité,
L’agonie en râlant met ses ténèbres froides,
 
Et la mort, son éternité.
 
… Cependant qu’au milieu de la vitre écarlatc,
La lune, fumeuse à l’instant,
 
Et cuivrant sa figure où tout l’enfer éclate
Devient le masque de Satan..*
 
 
 
 
 
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/204]]==
<poem>
Le juste vétilleux qui redoute son être
 
— Le juste vétilleux qui redoute son être
Et guette sa tentation,
Sera peut-être, hélas l le seul à reconnaître
 
Que cette atroce vision
 
Symbolise vraiment le repos de notre âme
Qui, jusqu’à la tombe empêché,
 
Souffre, lutte et languit dans la démence infâme,
Sous la Vermine du Péché !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/205]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ABNÉGATION
 
<poem>
 
 
Ma vie au plus profond de la vallée obscure S’est recroquevillée entre ses deux parois : Elle dort son horreur comme ces étangs froids Dont le croupissement a fixé l’envergure.
 
 
 
Elle étale à jamais son inerte figure
Ligne 5 164 ⟶ 3 247 :
Le présent y devient l’épave d’autrefois,
L’avenir inutile y moisit son augure.
 
 
 
 
 
 
 
J’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/206]]==
<poem>
ai vidé ma douleur et mon sort est rempli ;
 
J’ai vidé ma douleur et mon sort est rempli ;
Mes jours qui sont filés au fuseau de l’oubli
 
Se mêlent comme une ombre au tourbillon des vôtres.
 
Croiras-tu maintenant, vieux Sceptique blasé,
 
Que mon cœur est assez dépersonnalisé,
 
Assez bien mort à lui pour se donner aux autres ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/207]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LA CURIOSITÉ
 
<poem>
 
S’étant dit que l’on sort de l’énigme pour naître,
 
S’étant dit que l’on sort de l’énigme pour naître, Comme on y rentre pour mourir,
Et qu’entre ces deux nuits, l’espace à parcourir
 
Et qu’entre ces deux nuits, l’espace à parcourir Reste impénétrable à ton être,
 
Ton esprit refermé ne veut plus rien connaître,
Rien rechercher, rien découvrir ;
 
Nulle tentation ne pourra plus ouvrir
Cette inexorable fenêtre.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/208]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ainsi, tu ne fais seulement
 
Qu’espionner graduellement
 
Ta chair, ton Ame et ton cœur d’homme
 
Dépouillé de sa vanité.
 
— Eh ! mais… la Curiosité :
 
Ce n’est pas autre chose, en somme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/209]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA COMPLAISANTE
 
<poem>
Le loup reprend son air fâché
Quand il est repu de charogne.
Ainsi notre âme se renfrogne
Quand elle est saoule du péché.
 
Car après l’infâme besogne
 
Le loup reprend son air fâché Quand il est repu de charogne. Ainsi notre âme se renfrogne Quand elle est saoule du péché.
 
 
 
(lar après l’infâme besogne
Où son plaisir s’est pourléché.
Le dégoût lui vient, remâché
Par la conscience qui grogne.
 
 
 
 
 
 
 
Mais
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/210]]==
<poem>
 
nos vices sont les plus forts
Mais nos vices sont les plus forts
Peu à peu, la rigide hôtesse
Admet nos crimes et nos torts,
Ligne 5 275 ⟶ 3 311 :
Nos trop plein de scélératesse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/211]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’OUBLI
 
<poem>
 
 
Outre les heures du sommeil
Dont la trêve est souvent mensonge,
Puisque plus d’un horrible songe
Vient nous y redonner l’éveil,
 
 
 
Il est des heures de magie
Ligne 5 300 ⟶ 3 326 :
Pour savourer sa léthargie.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/212]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Alors le projet en chemin
Ligne 5 320 ⟶ 3 340 :
 
Maint coupable connaît cela :
Il aspire à ces moments-là
 
11 aspire à ces moments-là
 
Où sur son âme noire et double,
 
Vide de remords et de mal
Il 11 Hotteflotte inerte et machinal
Comme un crapaud sur de l’eau trouble.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/213]]==
 
<poem>
LA PATIENCE
 
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
Entends grincer la patience
Qui prend l’obstacle pour l’écucil,
Dès que le doute au mauvais œil
A regardé sa confiance.
 
 
 
Contre l’art, contre la science.
Ligne 5 351 ⟶ 3 362 :
Qui prend l’obstacle pour l’écueil.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/214]]==
<poem>
 
C’est l’outil de l’expérience
Moins que la lime de l’orgueil :
Ligne 5 359 ⟶ 3 371 :
Entend grincer la patience.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/215]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’AUTOMATE
 
<poem>
 
 
Naguères, jusqu’à l’Infernal
Tendant son regard élastique
Il fut un voyant fantastique
Et l’anatomiste du Mal.
 
 
 
Esprit noir, dont la chair complice
Ligne 5 390 ⟶ 3 386 :
Et la jouissance en supplice !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/216]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’électricité dans les fils
 
Passe avec moins de promptitude
 
Que sa peur, son inquiétude,
 
Ne couraient dans ses nerfs subtils.
 
A force de hantise amère
 
Ou d’horrible conception,
 
Il s’égarait dans l’action
 
Comme un autre dans la chimère ;
 
Ligne 5 421 ⟶ 3 405 :
 
A travers ce monde insensible
IIIl voulait frémir à foison,
Il habituait sa raison
Au vertige de l’impossible :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Il inventait
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/217]]==
<poem>
 
une longueur
Il inventait une longueur
A son impression trop brève ;
Il aurait dilaté sans trêve
Ligne 5 445 ⟶ 3 418 :
 
Son art et sa luxure mornes
 
Se ruaient indéfiniment
 
Dans le torrentueux tourment
 
De ne pouvoir franchir leurs bornes.
 
Ligne 5 462 ⟶ 3 432 :
De ce miraculeux coupable.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/218]]==
<poem>
 
Mais un jour, ce vampire à bout
Se désappliqua du problème
Et retourna contre lui-même
La succion de son dégoût.
 
 
 
 
 
 
 
Maintenant si, par occurrence,
Ligne 5 490 ⟶ 3 455 :
Dans la brume qui le calfeutre. ’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/219]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Enfoui sous l’obscurité
Ligne 5 504 ⟶ 3 463 :
Son irresponsabilité.
 
GommeComme un sujet de galvanisme,
Il bouge mécaniquement ;
Sa parole est un craquement
Ligne 5 519 ⟶ 3 478 :
Et le Mannequin de la vie.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/220]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Il n’a pas même à fleur de peau
Ligne 5 548 ⟶ 3 501 :
Que l’arbre ne s’entend bruire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/221]]==
<poem>
 
Son œil interne est pour toujours
Enseveli sous ses paupières :
Un mur voit mieux crouler ses pierres
Que lui ne voit tomber ses jours.
 
 
 
 
 
 
 
Il a devancé l’ombre noire
Ligne 5 576 ⟶ 3 524 :
De l’humanité qu’il traverse.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/222]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Tel il dure : Néant, chaos,
Ligne 5 590 ⟶ 3 532 :
Et qui végète sur des os.
 
11Il est hors de la destinée.
S’il rentre en son individu,
C’est comme un reptile perdu
Dans une cave abandonnée !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/223]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE PARDON
 
<poem>
 
 
Pardonner ! prétention vaine :
On a toujours de la rancœur,
Et le mépris grave ou moqueur
Se mêle au sang de notre veine.
 
 
 
Notre orgueil aurait trop de peine
Ligne 5 620 ⟶ 3 552 :
On a toujours de la rancœur.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/224]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Une seule goutte de haine
Ligne 5 635 ⟶ 3 561 :
Pardonner ! prétention vaine.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/225]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA HAINE
 
<poem>
 
 
Prends garde ! car, en vérité,
Ma haine souple et bien tapie
Ligne 5 654 ⟶ 3 572 :
Par esprit de perversité.
 
Stagnante sous ma volonté
 
Elle dort comme l’eau croupie
 
Stagnante sous ma volonté Elle dort comme l’eau croupie En couvant sa férocité ; Prends garde !
 
 
 
 
 
 
 
Malgré
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/226]]==
<poem>
Malgré son immobilité,
Elle te traque, elle t’épie,
Et sans cesse elle est accroupie
Ligne 5 675 ⟶ 3 585 :
Prends garde !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/227]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE REMORDS DE L’ASSASSIN
 
<poem>
 
 
Depuis l’heure où j’ai mis en terre
L’assassiné qui remuait,
Ligne 5 701 ⟶ 3 599 :
C’est ma victime !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/228]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La scène du meurtre nocturne
Ligne 5 731 ⟶ 3 623 :
Suinte et pendille avec longueur
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/229]]==
<poem>
La corrosive larme rouge
Ligne 5 740 ⟶ 3 632 :
Par ma victime !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/230]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE SOUVENIR
 
<poem>
 
 
Le souvenir est un cercueil
Dont le couvercle est diaphane :
Tout notre passé qui se fane
Y tient, visible pour notre œil.
 
 
 
Il ne quitte pas notre seuil,
Ligne 5 771 ⟶ 3 647 :
Dont le couvercle est diaphane.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/231]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et tout ce qui fut notre orgueil,
Ligne 5 786 ⟶ 3 656 :
Le souvenir est un cercueil.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/232]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ARGENT
 
<poem>
 
 
L’argent, notre plus vrai souci,
Qui sur tous les autres s’incruste,
Doit souvent chuchoter ceci
Au coffre-fort de certain juste :
 
 
 
« Faut-il donc à l’austérité
Ligne 5 811 ⟶ 3 671 :
Comme au vivotement des pingres ?.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/233]]==
<poem>
Puis le maître prend trop de soin
Pour m’extorquer à son besoin
Et m’interdire à son caprice.
 
 
 
 
 
 
 
De là ce problème tortu :
 
Est-il avare par vertu
 
Ou vertueux par avarice ? »
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/234]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’EMPOISONNEUR
 
<poem>
 
L’homme est le timoré de sa vicissitude,
 
L’homme est le timoré de sa vicissitude, Creuseur méticuleux de ses mauvais effrois,
Il s’invente un calvaire, il se forge des croix
Et reste prisonnier de son inquiétude.
 
 
 
C’est pourquoi sa détresse emplit la solitude ;
Ligne 5 851 ⟶ 3 696 :
Traîne son infini dont il a l’habitude.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/235]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Contagieux d’ennui, de fiel et de poison,
 
Il insuffle son âme au ciel, à l’horizon,
 
Qui deviennent un cadre où vit sa ressemblance.
 
Ligne 5 870 ⟶ 3 707 :
Fait frissonner le calme et grincer le silence.
 
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/236]]==
 
LE CHAT PARLANT
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE CHAT
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/236]]==
<poem>
PARLANT
 
 
 
Par le val hérissé, caverneux et stagnant,
Le crépuscule marche à pas de revenant,
Ligne 5 898 ⟶ 3 723 :
Bizarres, singuliers, fantastiques tous deux,
Au milieu de l’horreur qui s’accroît autour d’eux.
 
 
 
 
 
 
 
Parfois quelque lison
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/237]]==
<poem>
 
faisant son bruit d’atomes,
Parfois quelque lison faisant son bruit d’atomes,
D’un rougeoiment furtif éclaire ces fantômes…
Soudain, l’ancien rôdeur des greniers et des toits,
Ligne 5 930 ⟶ 3 748 :
Qui se croyait si bien déraciné de tout :
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/238]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Car, à mesure, hélas ! qu’en lui-même il explore,
Ligne 5 948 ⟶ 3 760 :
Le calme de la bête et le frisson de l’homme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/239]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’HIVER DU MAL
 
<poem>
 
 
Le Mal a ses hivers ainsi que la nature.
Ses longs hivers de jeûne et de croupissement,
Où les vices, moisis par leur désœuvrement,
Habitent le dégoût comme une sépulture.
 
 
 
Privés d’illusion, non moins que de pâture,
Ligne 5 972 ⟶ 3 774 :
Ils sont là, condamnés à ce hideux tourment
De ruminer en eux leur propre pourriture.
 
 
 
 
 
 
 
Tels,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/240]]==
<poem>
 
au fond de nos cœurs, ils ont
Tels, au fond de nos cœurs, ils ont
L’aspect rouillé des feuilles mortes
Qui gisent au creux d’un buisson.
Ligne 5 996 ⟶ 3 791 :
Dans l’impénitence des âmes.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/241245]]==
<poem>
 
LE NEANT
 
 
 
 
 
 
LES MORTS-VIVANTS
 
 
 
Heureux qui vit sans se connaître
Indéfiniment établi
Dans la paix de son propre oubli,
A la surface de son être !
 
 
 
Car les clairvoyants du destin Vivent la mort lente et soufferte, Sentant partout la tombe ouverte Au bord de leur pas incertain.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/242]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Ils ont usé la patience
Gomme ils ont épuisé l’orgueil ;
Toute leur âme est un cercueil
Où se débat la conscience.
 
Leur existence n’est, au fond,
Qu’une spectrale survivance
Où se confesse par avance
L’inanité de ce qu’ils font.
 
Le doute dans sa foi d’artiste,
De penseur et de citoyen,
Hélas ! ils n’ont plus le moyen
D’échapper à ce mal si triste !
 
Épaves de l’humanité,
Cœurs vides, naufragés suprêmes,
Ds traînent le dégoût d’eux-mêmes
A travers la fatalité.
 
 
 
 
 
 
 
Hors
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/243]]==
<poem>
des mirages, des mensonges,
Des espérances, des projets,
Ils sentent qu’ils sont des objets
Fantomatisés par des songes.
 
D’où leur viendrait-il un secours,
Pujsque leur volonté s’achève
En constatant la fin du rêve
A chaque degré de son cours ?
 
Comme un fruit doué de pensée
Qui guetterait obstinément
Le graduel enfoncement
De la vermineuse percée,
 
Chacun d’eux, exact à nourrir
Sa iunéraire inquiétude,
Espionne sa décrépitude,
Se regarde et s’entend mourir.
 
 
 
 
 
 
 
LES
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/244]]==
<poem>
MORTS-VIVANTS.
 
L’idée horrible qui les hante
Poursuit leur fièvre et leur torpeur !
Ils se reposent dans la peur,
Ils agissent dans l’épouvante.
 
De tous les néants du passé
Leur avenir grouille et s’encombre,
Et leur Aujourd’hui n’est que l’ombre
De leur lendemain trépassé.
 
Si bien que la Mort qui les frôle
Assiste même à leur présent
Et que son œil stérilisant
Y lit par-dessus leur épaule.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/245]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE NEANT
 
 
 
Qu’en dites-vous à la surface
Et qu’en pensez-vous dans le fond,
Ligne 6 126 ⟶ 3 801 :
Et du néant qui vous confond
Par votre propre face à face ?
 
 
 
Avec une lenteur vivace
Ligne 6 133 ⟶ 3 806 :
Et la vanité se crevasse,
Qu’en dites-vous ?
 
 
 
 
 
 
 
La
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/246]]==
<poem>
 
vie, enterreuse rapace,
La vie, enterreuse rapace,
Vous aspire comme un siphon ;
Elle vous vide au plus profond,
Ligne 6 151 ⟶ 3 817 :
Qu’en dites-vous ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/247]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE DOUTE
 
<poem>
 
Quand je serai mort, après ?
 
Quand je serai mort, après ? Le Ciel m’ouvrira sa porte ?
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Vers moi, les anges tout prêts
Prendront leur volée accorte :
Quand je serai mort, après ?
 
La chair se dérobe exprès Pour que la pensée en sorte ?
 
La chair se dérobe exprès
Pour que la pensée en sorte ?
— Dame ! clapote un cyprès.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/248]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La tombe et ses noirs apprêts
Ligne 6 188 ⟶ 3 842 :
 
Dans l’argile ou le marais
 
C’est le corps seul qu’on transporte ?
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Ligne 6 199 ⟶ 3 851 :
L’autre vie est là, si près !
Le dernier soupir y porte !
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Ligne 6 206 ⟶ 3 857 :
Quand je serai mort, après !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/249]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Le Mal doit payer ses frais,
Il faut que le Bien rapporte !
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Ligne 6 226 ⟶ 3 870 :
Pour toujours je m’en irais
Où s’en va la feuille morte ?
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Mon doute retend ses rets.
Et ma peur se réconforte.
Quand je serai mort, après ?
 
Mais alors les intérêts
 
Des jeûnes que je supporte ’ ?
 
— Dame ! clapote un cyprès.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/250]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Dans ces coffres en bois frais
 
C’est tout l’homme qu’on emporte ?…
 
Quand je serai mort, après…
 
L’herbe ayant pompé l’engrais
Et les sucs de ma chair morte ?…
 
— Dame ! clapote un cyprès.
 
Ligne 6 262 ⟶ 3 894 :
Seront ma cendreuse escorte,
Quand je serai mort, après ?…
 
— Dame ! clapote un cyprès.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/251]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L HONNÊTETÉ
 
 
L’HONNÊTETÉ
 
<poem>
Qu’est-ce que c’est que d’être honnête,
 
Qu’est-ce que la Perversité,
 
Si la responsabilité
 
N’est qu’un mirage de la tête ?
 
 
 
Si nous portons la volonté
Ligne 6 297 ⟶ 3 911 :
Qu’est-ce que la Perversité ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/252]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Si l’homme, à l’égal de la bête,
Ligne 6 312 ⟶ 3 920 :
Qu’est-ce que c’est que d’être honnête ?
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/253]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA GENÈSE DU CRIME
 
<poem>
 
 
Le forfait conçu dans le rêve
Par noire volonté qui dort,
Au réveil nous laisse un remord
Que la vanité nous enlève.
 
 
 
Mais le mal nous fait son élève :
Ligne 6 337 ⟶ 3 935 :
Par notre volonté qui dort.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/254]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Enfin, le Tentateur achève
Ligne 6 352 ⟶ 3 944 :
Le forfait conçu dans le rêve.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/255]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
CHUCHOTEMENT
 
<poem>
 
 
Malgré ton Rétro Satanas
Je sais ta contrition vaine :
La mort seule en figeant ta veine
Me fermera ton vasistas.
 
 
 
Tu tricheras avec mes as
Ligne 6 377 ⟶ 3 959 :
Je sais ta contrition vaine.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/256]]==
<poem>
 
Je loge en toi comme Jonas
 
Dans le ventre de la baleine ;
 
Je m’incorpore à ton haleine,
 
A tes rires, à tes hélas !
 
Malgré ton Rétro Satanas.
 
 
Je loge en toi comme Jonas Dans le ventre de la baleine ; Je m’incorpore à ton haleine, A tes rires, à tes hélas ! Malgré ton Rétro Satanas.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/257]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE QUESTIONNEUR
 
<poem>
 
 
En êtes-vous bien sûrs de vous,
De vos actes, de vos pensées ?
Ligne 6 415 ⟶ 3 983 :
Et vous défiez ses licous1 ?…
En ôtes-vous bien sûrs ?
 
 
 
 
 
 
 
Vous
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/258]]==
<poem>
 
manquerez les rendez-vous
Vous manquerez les rendez-vous
Des tentations renforcées,
Et le long de ces lois sensées
Ligne 6 433 ⟶ 3 994 :
En êtes-vous bien sûrs ?…
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/259]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’ÉTRANGÈRE
 
<poem>
 
 
La maladie et la vieillesse
Nous font hideux — blocs ou fuseaux
Ligne 6 455 ⟶ 4 008 :
Nous revoyons notre ancien corps
Dans le monstre qui nous en reste.
 
 
 
 
 
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/260]]==
<poem>
las ! il n’en est pas ainsi
 
Hélas ! il n’en est pas ainsi
Quand le fond de l’homme est moisi.
 
Rien n’y paraît qu’une ombre infâme.
 
Ligne 6 476 ⟶ 4 020 :
Qu’on ne reconnaît plus son âme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/261]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LE MÉPRIS
 
<poem>
 
 
Pauvre homme, c’est du fiel qui pave ta prison.
Car de partout l’angoisse originelle en suinte,
Ligne 6 499 ⟶ 4 035 :
Avec ce rare enduit qu’on nomme patience,
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/262]]==
<poem>
Ton résultat est nul encor, même à ce prix.
Ligne 6 505 ⟶ 4 041 :
Assez haut pour te croire enfin mort à la terre,
Tu n’as échafaudé que le pont du mépris.
 
 
 
 
 
 
 
Voici qu’un vieux restant de rancune l’entame,
Ligne 6 527 ⟶ 4 057 :
Par son cours fugitif est emmagasinée.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/263]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
De ce cloaque interne, obscur et croupissant
Ligne 6 543 ⟶ 4 067 :
Il parcourt nos pensers, nos projets et nos actes,
Et sa contagion les gâtant sans répit,
11Il rapporte à toute heure au marais du dépit
Un nouvel aliment de biles plus compactes.
 
Ligne 6 556 ⟶ 4 080 :
Que, par fijets sournois, la prudence acidule ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/264]]==
<poem>
 
A force de vieillir est-ce que l’amitié
N’estpas un vin qui boute et qui tourne au vinaigre ?
L’amour sans appétit traînant son ombre maigre
Languit dans la contrainte et meurt dans la pitié,
 
 
 
 
 
 
 
L’Art, obstiné forçat de ses essors qui rampent,
Ligne 6 583 ⟶ 4 102 :
Et le luxurieux, malgré tous ses frissons,
Ourdit la volupté comme on trame un mensonge.
Tous les flols
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/265]]==
<poem>
 
de l’épreuve en vain nous ont battus,
Tous les flols de l’épreuve en vain nous ont battus,
Nous demeurons encor des anxieux novices,
Et fraternellement les triomphes des vices
Ressemblent par la crainte aux gloires des vertus.
 
 
 
 
 
 
 
Le doute se prodigue et la foi se ménage,
Ligne 6 613 ⟶ 4 126 :
Avec l’illusion de notre indifférence.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/266]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’amas sans cesse accru des sentiments aigris
Ligne 6 632 ⟶ 4 139 :
Il retombe toujours dans le fiel de son gouffre.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/267]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’HUMILITÉ
 
<poem>
 
 
Veux-tu mieux vivre sur la terre
Et mieux mourir au jour venu ?
Ligne 6 655 ⟶ 4 154 :
Pour faire chavirer une âme ;
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/268]]==
<poem>
 
Puisque la volonté bascule
Au gré de la tentation
Dont l’infaillible occasion
Vient à nous quand on y recule.
 
 
 
 
 
 
 
Reste naïf avec les autres ;
Ligne 6 683 ⟶ 4 177 :
N’obéit qu’à cette parcelle. .
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/269]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Pour tuer en ta conscience
Ligne 6 698 ⟶ 4 186 :
 
Car ton ferme propos ressemble
 
A ces falots errant la nuit :
 
La rafale qui les poursuit
 
Peut souffler leur lueur qui tremble.
 
Ligne 6 715 ⟶ 4 200 :
Qu’on tourne déjà dans la haine.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/270]]==
<poem>
 
C’est pourquoi, louche à tous tes pactes
Comme un tyran à ses sujets
Et déconcerte tes projets
Par les scrupules de tes actes.
 
 
 
 
 
 
 
Sois l’hésitant de ta justice
Ligne 6 743 ⟶ 4 223 :
En craignant toujours d’être pire.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/271]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’INGRATITUDE
 
<poem>
 
Dans la mystique solitude
 
Dans la mystique solitude D’une âme osant s’analyser,
Quatre démons vont s’accuser
De fabriquer l’ingratitude.
 
 
 
Ils se tiennent groupés autour
Ligne 6 769 ⟶ 4 238 :
Chacun se confesse à son tour.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/272]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
L’Avarice ouvre la séance :
 
« Quand un ladre accepte un bienfait,
 
Dit elle, il souscrit un effet
 
Dont l’oubli solde l’échéance.
 
Ligne 6 792 ⟶ 4 252 :
 
L’Orgueil dit : « Pour que je façonne
 
La pourrissable humanité
 
Au rêve d’une éternité
 
Qui perpétuera sa personne,
 
Ligne 6 804 ⟶ 4 261 :
La sagesse de la raison.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/273]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
La distension de son être
Ligne 6 833 ⟶ 4 284 :
Sera d’être un suicidé.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/274]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Et qu’il se rapproche ou s’écarte
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Exaspéré par mon désir.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/275]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Le cahier du cœur ? Vieux grimoire
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De se coucher dans mon chemin.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/276]]==
<poem>
 
Un jour ou l’autre mon marasme
Invétéré comme il convient,
Pourrit la tendresse et parvient
A congeler l’enthousiasme
 
 
 
 
 
 
 
Les projets ! je les alanguis,
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Sans malice ni subterfuge,
Sans faiblesse et sans passion :
«
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/277]]==
<poem>
 
Je trahirai, quoi qu’il m’en coûte,
« Je trahirai, quoi qu’il m’en coûte,
Le monstre que je porte en moi.
Savez-vous quel est le pourquoi
De l’ingratitude ?… Le Doute !
 
 
 
 
 
 
 
Pour lui, les bienfaits sont forgés :
Ligne 6 942 ⟶ 4 370 :
Puisque le doute scélérat
Est le fond même de tout homme. »
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/278]]==
 
L’ÉPÉE DE DAMOCLÉS
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’ÉPÉ
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/278]]==
<poem>
E DE DAMOCLÉS
 
 
 
Tel raffiné pervers qui joue à l’assassin
Domine sa cervelle et gouverne sa fibre
Jusqu’à pouvoir pencher, en gardant l’équilibre,
Son vertige savant sur un mauvais dessein.
 
 
 
Mais il se peut qu’au fond d’un cauchemar de crime
 
Qui le réveillera livide sur son drap,
 
Il se voie opérant un projet scélérat
 
Et consommant sa chute au plus creux de l’abîme.
 
 
 
 
 
 
 
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/279]]==
<poem>
 
s lors, sa conscience aura peur de sa main.
Dès lors, sa conscience aura peur de sa main.
Innocent aujourd’hui, le sera-t-il demain ?
Si ce qu’il a pensé s’incarnait dans un acte ?
 
Et toujours son destin surgira plus fatal,
 
Son doute plus visqueux, sa crainte plus compacte
 
— Horrible châtiment d’avoir couvé le mal !
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/280]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
CHANSON D’ERMITE
 
<poem>
 
 
Ainsi va le destin de l’homme :
 
Rongeur de son végètement,
 
Il s’y tortille obscurément,
 
Non moins que le ver dans la pomme.
 
 
 
Philosophe ou bête de somme,
11Il additionne ardemment
Du vouloir et du sentiment
Dont les ténèbres sont la somme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/281]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Sa révolte ou rien, c’est tout comme.
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Ainsi va le destin de l’homme.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/282]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LA VIE
 
<poem>
 
 
Visqueusement sortir d’un être
Qui vous inocule à foison
Ses héritages de poison,
C’est naître.
 
 
 
Cet angélisme sans défense
Ligne 7 069 ⟶ 4 441 :
C’est l’enfance.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/283]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Cette chair en effervescence
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C’est l’âge mûr.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/284]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Cette usure tout d’une pièce
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Pour tâcher de se soutenir,
C’est la vieillesse.
 
 
 
Enfin, regarder s’entr’ouvrir
Ligne 7 118 ⟶ 4 476 :
Le Grand Secret, — peut-être vide ?
C’est mourir.
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/285]]==
 
L’HEURE INCERTAINE
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/285]]==
<poem>
HEURE INCERTAINE
 
 
 
Devant tout grand projet où l’Esprit nous embarque
On guette le Trépas, on flaire son arrêt,
Et calme à la surface, on demeure en secret
Le sujet défiant de ce brusque monarque.
 
 
 
On vit toujours plus vite, et rien ne nous distrait
De eettecette impitoyable et lugubre remarque ;
En tâtant son déclin, peut-être qu’on saurait
Ce qui reste de fil au fuseau de la Parque !…
 
 
 
 
 
 
 
Misérables
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/286]]==
<poem>
calculs de la Peur, à quoi bon !
 
Misérables calculs de la Peur, à quoi bon !
Puisque la Mort surprend même le moribond.
 
Le temps inerte et lourd glisse comme une anguille
 
Des mains de l’espérance et des doigts de l’ennui ;
L’existenceestpourl’hommeuncadranplein de nuit
Dont il s’obstine en vain à voir tourner l’aiguille .
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/287]]==
 
<poem>
REQUIESCAT IN PACE
 
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
 
Il faut croire qu’enfin cet homme de mensonge
Purifiera son cœur avant ses derniers jours,
Ligne 7 184 ⟶ 4 513 :
Un cauchemar sinistre, et le inéme toujours !
Voici, de point en point, ce formidable songe :
 
 
 
À l’office d’un trépassé
Ligne 7 191 ⟶ 4 518 :
Quand s’élève ce chant si triste :
Requiescat in Pace,
 
 
 
 
 
 
 
Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/288]]==
<poem>
 
frémit décontenancé,
Il frémit décontenancé,
Et bientôt sur son âme impie
Il sent une angoisse accroupie :
Ligne 7 222 ⟶ 4 542 :
Requiescat in Pace.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/289]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Dans son délire d’insensé
Ligne 7 250 ⟶ 4 564 :
Le vœu suprême de l’Église :
Requiescat in Pace.
 
 
 
 
 
 
 
11
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/290]]==
<poem>
 
dormait le cœur enlacé
Il dormait le cœur enlacé
Par la rancune et par l’envie…
La luxure a mangé sa vie :
Ligne 7 282 ⟶ 4 589 :
Requiescat in Pace.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/291]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Son esprit n’a tergiversé
Ligne 7 310 ⟶ 4 611 :
En l’Éternité du supplice :
Requiescat in Pace !
 
 
 
 
 
 
 
— Il
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/292]]==
<poem>
se réveille alors aussi froid qu’une pierre
 
Et, sentant la Peur le serrer, Il étend ses deux bras comme pour s’assurer
 
— Il se réveille alors aussi froid qu’une pierre
Et, sentant la Peur le serrer,
Il étend ses deux bras comme pour s’assurer
Qu’il n’est pas encor dans sa bière ! —
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/293]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
LES DEUX JUSTES
 
<poem>
 
 
Je n’aurai donc pas un frisson
D’enthousiasme ou de torture
Qui me paye de ma culture
Et m’intéresse à ma moisson.
 
 
 
En vain mon cœur blasé, suprême,
Ligne 7 352 ⟶ 4 635 :
Et reste semblable à lui-même.
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/294]]==
<poem>
 
 
 
 
 
 
 
Oh ! qu’il surgisse enfin de la Perversité
 
Un démon par lequel je puisse être tenté
 
Et, savourant l’horreur de m’en laisser poursuivre,
 
Ligne 7 371 ⟶ 4 646 :
Qui donne un goût moins nul .à la fadeur de vivre.
 
« Insensé 1! croupis dans le Bien,
Répond le vieux juste au novice ;
Sais-tu si le dégoût du vice
N’est pas plus morne que le tien ?
 
i« L’Uniformité nous verrouille ;
Gardons-y le devoir têtu.
Portons l’ennui de la vertu
Comme un glaive porte sa rouille. <>
</poem>
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/295]]==
 
DERNIÈRE PAROLE
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
DERNIÈRE
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/295]]==
<poem>
PAROLE
 
 
 
Une voix suit tout homme habile à se connaître Et ricane ceci dans le fond de son être :
 
Ligne 7 409 ⟶ 4 671 :
« Ta gaieté ? le mensonge en sera le ressort.
Tu ne penseras pas ton dehors optimiste ;
 
 
 
 
 
 
 
Et
</poem>
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/296]]==
<poem>
ton cœur s’étant fait son propre anatomiste, Retrouvera son deuil jusque dans son remord. »
 
Et ton cœur s’étant fait son propre anatomiste, Retrouvera son deuil jusque dans son remord. »
Fuis, quand l’homme a vécu l’existence prédite, Sous terre il réentend l’horrible voix maudite : — Enfin, t’y voila donc ! Tu vas dormir ?… Jamais !
 
Fuis, quand l’homme a vécu l’existence prédite,
Sous terre il réentend l’horrible voix maudite :
— Enfin, t’y voila donc ! Tu vas dormir ?… Jamais !
 
« II fallait pratiquer l’illusion ravie :
 
Tu n’as pas su, tant pis ! sache que désormais
 
Tu passeras ta mort a regretter ta vie ! »
 
</poem>
 
FIN
 
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/298]]==
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
TABLE DES MATIÈRES
 
 
 
Le Faciès humain 1
Ligne 7 451 ⟶ 4 695 :
La Pensée 6
 
L’Hypocrisie U14
 
Les Deux Solitaires 19
Ligne 7 461 ⟶ 4 705 :
L’Espion 33
 
Les Regards 3335
 
La Grimace «43
 
Le Mal distingué ■ • *345
 
La Médisance 47
 
Le Soupçon 49
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/299]]==
 
La Colère 57
290 TABLE DES MATIERES.
==[[Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/297]]==
 
 
 
 
 
 
 
La Colère 37
 
L’Ennui 6*64
 
Le Pressentiment 71
Ligne 7 494 ⟶ 4 730 :
Le Spectre 84
 
L’Imperdable. …… . V 86
 
Le Soliloque 88
Ligne 7 503 ⟶ 4 739 :
 
Les Délateurs 94
=== no match ===
 
 
Le Rire jaune 96
Ligne 7 510 ⟶ 4 744 :
La Luxure 98
 
La Dernière Visite 105
 
L’Invitation 1<W107
 
Le Vieux Serpent ’109109
 
Les Magiciens TM113
 
La Virginité 113115
 
L’Énigme ln117
 
Le Roman *26126
 
Soliloque du Rêve 128
Ligne 7 536 ⟶ 4 770 :
L’Auberge 141
 
Les Projets 1*3143
 
Sollicitude 1*5145
 
La Vanité 1*8148
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/300]]==
 
L’Orgueil … . …. ………… ,154
 
L’Apostrophe 156
 
Prière 158
 
 
 
 
 
L’Apostrophe ……………. «»
 
Prière 188
 
Le Mauvais Conseilleur 160
 
La Honte • • • 16i164
 
Le Blafard . ■ • : ’ • • d68
 
Le Blafard 168
Mane-Thecel Phares. «<►
 
Mane-Thecel Phares 170
Le Pistolet , 174
 
Le Pistolet 174
Les Chronomètres • 176
 
Les Chronomètres 176
L’Artiste . . 177
 
L’Artiste 177
L’Ajournement
 
L’Ajournement 180
L’Expérience : 182
 
L’Expérience 182
ICI
 
Sagesse de fou : : • •184
 
Le Sceptique 486186
 
La Vision du péché • • • • 189
 
L’Abnégation • m196
 
La Curiosité 198
Ligne 7 588 ⟶ 4 815 :
L’Oubli 202
 
La Patience 2 4204
 
L’Automate 208206
 
Le Pardon 214
 
La Haine 2,6216
 
Le Remords de l’assassin 218
 
Le Souvenir 221
 
L’Argent 223
 
L’Empoisonneur 225
 
Le Chat parlant 227
Ligne 7 608 ⟶ 4 835 :
L’Hiver du mal 230
 
Les Morts vivants 232
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/301]]==
 
 
 
 
 
 
 
292 TABLE DES MATIÈRES.
 
Le Néant 236
Ligne 7 630 ⟶ 4 850 :
Le Questionneur 248
 
L’Étrangère 230250
 
Le Mépris 232252
 
L’Humilité 238258
 
L’Ingratitude 262
Ligne 7 648 ⟶ 4 868 :
Requiescat in pace 278
 
Les Deux Justes 28i284
 
Dernière parole 286
 
Sceaux. — Imprimerie Charaire et Fils.
 
==[[Page:Rollinat — L’Abîme, 1886.djvu/303]]==
 
Sceaux. — Imprimerie Charaire ut Mis.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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