« Histoire et description naturelle de la commune de Meudon » : différence entre les versions

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Est-ce donc pour acquérir plus de gloire que l'homme entreprend de longues et périlleuses pérégrinations ? Mais qu'il faut de recherches aujourd'hui, ou plutôt combien le hasard doit favoriser, pour que, dans des courses ordinairement précipitées, l'on mette la main sur des choses remarquables ; ou bien est-ce pour faire des collections dans l'espoir d'attirer l'attention, de captiver la curiosité ? Mais, quels que soient les objets recueillis avec tout le soin désirable, les musées auxquels ils sont adressés regorgent les trois quarts du temps d'objets semblables à ceux que l'on a rapportés, peut-être avec trop d'empressement. L'indifférence en histoire naturelle, comme en toute autre chose qui prend une grande extension, est un mal inévitable. Que de déceptions attend maintenant le naturaliste-voyageur qui, sur des promesses dorées, ou pour satisfaire de vaines espérances, sacrifie repos, santé, position assurée. De tous ceux qui s'adonnent aux voyages ou font partie d'expéditions scientifiques, le géologue endure, je ne crains pas de le dire, le plus de fatigue, et se trouve le moins bien partagé ; on n'y fait guère plus d'attention que n'y pensait certes Virgile, lorsqu'il a écrit ces mots : « ''Labor improbus omnia vincit.'' » Cet aphorisme, que l'on jette à la tête de tout le monde comme une fiche de consolation, ne se réalise presque jamais pour celui qui s'occupe sérieusement de l'histoire matérielle du globe et des grandes révolutions qu'ont subies les corps bruts avant la présence de l'homme, pour celui qui, par l'importance de ses matériaux, a largement contribué à des publications générales ; le géologue reste comme enfoui sous les débris de la montagne, qu'il a remués péniblement et souvent au risque de sa vie, ''experto crede Roberto !''
 
En vérité, si j'aimais moins mon pays, je donnerais volontiers aux naturalistes, et surtout au géologue, le conseil de s'expatrier ; il existe encore de vastes contrées à peine sorties des langes de la barbarie, où l'on ne manquerait pas de l'accueillir avec empressement. Je l'engagerais cependant à ne pas se lancer aveuglément dans toutes les expéditions qui se présentent ; car, à moins d'être dirigées par des hommes justes appréciateurs des individus qu'ils ont sous leurs ordres, et assez bons avocats pour leur rendre justice aux travaux de qui de droit, un naturaliste sans appui, s'il ne sait pas jeter aux yeux un peu de la poudre qu'il fait en brisant la roche , s'expose à ne servir que de marchepied, ou à jouer le rôle du chat qui tire les marrons du feu. Assurément, s'il a assez de patrimoine pour courir le monde avec le goût bien décidé de la science et des connaissances suffisantes, il fera mieux de s'adresser directement à l'un de nos Ministres qui ne manquent jamais d'encourager et de prendre sous leur patronage les voyageurs pleins de zèle et de bonne volonté.
 
Tout bien raisonné, ne vaut-il pas mieux rester près de ses pénates, employer son temps d'une manière quelconque, là où l'on respire l'air natal, ne fût-ce qu'à ''planter ses choux ?'' Pour peu que l'on soit honnête homme, des amis d'enfance ne manqueront pas de vous encourager et de vous entourer de leur estime croissante jusqu'à la fin de vos jours. Telle est la pensée qui m'a inspiré cet ouvrage. Je crois avoir mené comme un autre la vie d'observateur nomade, dans le désir de servir ma patrie en suivant la première voie qui s'est ouverte devant moi ; mais, craignant de m'être trompé à cet égard, de n'être arrivé à aucun résultat utile, toute mon attention s'est dirigée vers une fraction infiniment petite de la surface de notre planète ; je me suis pris de passion pour un humble village, dont la colline ne répète pas le cri de la mouette, mais au pied de laquelle coule paisiblement un fleuve et vient mourir le bruit d'une immense cité. N'est-ce donc pas d'ailleurs, si l'on veut absolument satisfaire la manie d'écrire ses impressions de voyage, un devoir assez grand que de s'occuper de son pays avant les contrées lointaines qui ne sont pas destinées à recevoir vos ossements ?
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Dans le dénombrement de l'an 1709, Meudon et Fleury (ce hameau ne faisait pas alors entièrement partie de la paroisse de Meudon) formaient 200 feux ; en 1745, d'après celui de Doisy, 305 feux ; on trouve, dans le ''Dictionnaire de la France ancienne et moderne'' imprimé en 1726, le chiffre de 1,380 habitants, et, dans le ''Dictionnaire universel de la France'' (1771), on en compte 120 de plus.
 
D'après le recensement de la commune, fait en 1841, la population s'élevait à 3,174 âmes dont 1,504 pour le sexe masculin<ref>Garçons, 118 ; hommes mariés, 740 ; veufs, 46.</ref>, et 1,670 pour le sexe féminin<ref>Filles, 130 ; femmes mariées , 745 ; veuves, 197</ref>.
 
La population flottante est de 3,600 âmes environ ; elle s'est accrue considérablement depuis l'établissement du chemin de fer de Paris à Versailles, sur la rive gauche de la Seine.
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A part le château, Meudon ne se fait guère remarquer par ses monuments ; malgré son ancienneté, il est resté dans toute la simplicité du premier village venu ; ses rues même, loin d'être belles, sont au contraire généralement en pente, étroites et tortueuses.
 
L'église paroissiale est construite dans le goût d'architecture qui succéda au gothique, aussi ne remonte-t-elle que vers l'année 1570. Rien ne prouve, comme on l'a avancé, que le grand dauphin, fils de Louis XIV, l'ail fait rebâtir plus solidement ainsi que son clocher<ref>Il paraîtrait cependant que, vers la fin du XVI<sup>e</sup> siècle, il était pointu, et qu'il aurait été rasé afin de ne pas nuire à la vue de la terrasse du château.</ref>; ce qu'il y a seulement de certain, c'est qu'après l'échange de la terre de Choisy-sur-Seine pour celle de Meudon , ce prince, afin de témoigner sa piété envers saint Martin, évêque de Tours et patron du lieu, auquel les habitants ont joint saint Blaise<ref>La fête du village a lieu le 2 juillet, jour de la translation des cendres de saint Martin.</ref>, fit garnir l'église de très belles tapisseries et y offrit le pain bénit.
 
Quoi qu'il en soit, cette église, digne de l'attention des connaisseurs, passe pour être une des plus ornées des environs de Paris ; on y remarque un grand nombre de tableaux, notamment celui de l'adoration des Mages, fait par M. Ed. Odier, et donné par lui en 1840 ; et deux toiles de M. Descamps, représentant : l'une, le beau trait de charité chrétienne de saint Martin, rapporté par Sulpice-Sévère ; et l'autre, saint Blaise, guérissant un enfant du croup ; elles ont été, sur la demande de M. le général Jacqueminot qui s'intéresse vivement à la commune, accordées en 1841 par le ministère de l'intérieur. La chaire fait honneur au goût de M. Provost, architecte honoraire de la chambre des pairs, qui en a donné le plan, exécuté habilement par un ouvrier de Fleury.
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Afin de rendre un compte aussi fidèle que possible de l'industrie et du commerce des habitants de la commune de Meudon, je ne puis mieux faire que de reproduire ici, presque entièrement, le rapport de M. Obeuf adressé à M. le préfet de Seine-et-Oise, pour le 2<sup>e</sup> semestre de 1841, et qu'il a bien voulu me communiquer<ref>J'ai dû aussi à l'obligeance empressée de M. Lantin, greffier de la mairie de Meudon, plusieurs renseignements sur la statistique actuelle de la commune.</ref>.
 
« La culture de la vigne, qui réclame les bras d'une grande partie de la population de la commune de Meudon, est dans un état on ne peut plus prospère , attendu que les produits de cette branche d'exploitation s'écoulent de plus en plus facilement par la grande consommation qui s'en fait dans le pays.
 
« Les établissements de blanchisseurs de linge, au nombre de 98 , qui occupent journellement au moins 300 femmes, prennent chaque jour plus d'importance à cause du voisinage de la capitale. Cette industrie soutient plus de 170 ménages ; non seulement elle y répand l'aisance , mais fait même la fortune de plusieurs blanchisseurs. Il existe, en outre, une blanchisserie qui fonctionne au moyen de deux machines à vapeur à basse pression. Cet établissement est en pleine activité ; il occupe pendant toute l'année 38 personnes des deux sexes dont le salaire est de 1 franc jusqu'à 5 francs 50 cent, par jour. Trois voitures, attelées chacune d'un cheval, faisant partie de cet établissement, servent tous les jours à transporter le linge à Paris.
 
« Meudon possède 50 carrières de moellon dont on tire un bien faible produit, faute de facilité pour le transport, car la qualité de cette pierre est excellente ; mais le pays plat et les bonnes routes des autres communes qui avoisinent Paris, sont une concurrence que le pays ne peut soutenir.
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:::On danse autour du corps. » <br /></small>
 
La population n'est pas belle, je le dis à regret ; cela dépend d'une cause qui règne, dans toute la banlieue, de l'excès de travail ; les besoins de Paris sont tellement variés et multipliés, les producteurs ont un débouché si facile et si avantageux sur les marchés, que, pour peu qu'ils soient stimulés par la présence d'une Famille nombreuse, ils se livrent à un travail au dessus de leurs forces. Tout produit et se vend aux abords de la capitale : les plantes potagères y poussent comme par enchantement ; le sol, aussi bien que dans les colonies, rapporte deux ou trois fois dans le cours d'une année ; à l'orge, au seigle, coupés en vert pour les nourrisseurs, succèdent immédiatement d'autres céréales ou des légumes ; les plus mauvaises terres ne cessent de donner , tandis qu'à douze ou quinze lieues de distance dans la Brie et la Picardie, par exemple, on laissait encore, il y a peu d'années, sous le nom de jachères, les meilleurs champs de la France improductifs, comme si la terre, à l'instar des solipèdes ou de certains ruminants, avait ses alternatives de travail et de repos.
 
Il résulte de cette grande activité qui règne autour de la capitale, que plus on approche de ses murs, plus on voit l'homme prendre de peine et s'exténuer ; sa constitution physique se détériore de bonne heure, et il la transmet à ses enfants : de là, ces populations dégénérées où il est si difficile aujourd'hui de signaler quelques beaux types. Les paysannes elles-mêmes , soumises comme les hommes, dès l'âge le plus tendre, aux travaux les plus durs, ont perdu cette ''fleur de beauté'' qui demande à être cultivée avec tant de soin. Chaque fois que l'on rencontre un individu dégradé au physique, on ne manque pas de l'attribuer à l'abus des boissons, des femmes, ou à l'effet de quelque traitement secret, de quelque maladie honteuse ; c'est souvent une erreur, c'est un reproche qui n'est pas toujours mérité. Voit-on ordinairement les riches débauchés, habitués à tous les genres d'excès, dépérir, se courber devant Bacchus et Mercure ? En général, ils résistent parfaitement à ce genre de vie qui devient pour eux comme une seconde nature, et ne les empêche pas, de débiles qu'ils peuvent être au début, d'acquérir tout leur développement ; c'est moins la débauche que le travail qui courbe, pendant que la misère ulcère le corps et ronge les os ! Le vin et les femmes ne sont donc pas, je le répète, pour la classe pauvre et laborieuse de la banlieue, la cause principale de l'état de dégradation dans lequel tombe une foule d'ouvriers. A l'excès de travail dont je viens de parler, ajoutons que la viande de boucherie, dont le prix élevé augmente tous les jours, pendant que la qualité diminue, lui manque souvent, et se trouve remplacée par des légumes incapables de réparer entièrement des forces épuisées ; car il est physiologiquement reconnu que le travail manuel est ''proportionne''l à la nature, à la qualité et à la quantité de nourriture ingérée dans l'estomac <ref>Si le corps de l'homme, d'après les savantes recherches de M. Dumas, est un appareil de combustion ou d'oxydation et de locomotion, ingénieusement comparé à une machine à vapeur, il est évident que plus cet appareil sera alimenté, mieux il devra fonctionner</ref>. Que l'on donne, par exemple, largement de la bonne viande aux hommes de peine, et on leur verra faire, sans y être provoqués autrement, ainsi que M. Boulay de la Meurthe en a cité des exemples frappants, le double de ce que font ceux qui sont habituellement mal nourris, ou qui ne consomment guère que des légumes. Le vin est aussi pour l'actif travailleur un véritable besoin ; de ce qu'il va au cabaret y faire des libations qui ne le ravalent que trop souvent à l'état des brutes, de rigides philosophes <ref> Il existe dans les contrées glaciales de l'Europe, notamment en Scandinavie, des sociétés de tempérance, d'après les statuts desquelles, on s'engage à ne jamais boire que de l'eau. Je doute qu'elles fassent beaucoup de prosélytes en France , bien que la température soit plus élevée qu'en Norvège et en Suède.</ref> ont pensé lui interdire l'usage d'une liqueur essentiellement fortifiante, quand, au contraire, il eût été plus sage de le conseiller, sauf à n'en pas faire abus, et d'une manière continue, tous les jours laborieusement employés ; consommé à propos et modérément, le vin est aux forces physiques et morales ce que le café est au cerveau ou aux facultés purement intellectuelles : en suppléant au défaut d'abondance et de qualité nutritive, il fait oublier la fatigue et les privations :
 
::<small>« Quis post vina gravem militiam, aut <br />
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Il y a peu d'endroits, je crois, dont le nom latin ou latinisé, ait subi plus de modifications que celui de Meudon. Dans tous les ouvrages qui font mention de ce village, il s'appelle indifféremment ''Metiosedum'', ''Moldunum'', ''Meodum'', ''Modunum'', ''Meudum'', ''Meudun'', ''Campum meudoninse''. Malgré cette richesse de désignations et les efforts des étymologistes notamment de Valois et Sanson, l'origine de Meudon ne paraît pas être aussi ancienne qu'on serait porté à le croire. La première de ces désignations qui se rencontre dans les commentaires de Jules-César<ref>''Nam, et prœsidio è régione castrorum relicto , et parva manu Metiosedum versus missa , quae tantum progrederetur quantum naves processissent, reliquas copias contra Labienum duxerunt.'' COMMENTAIRES sur la guerre des Gaules, liv. 7e, § LXI.</ref>, semble devoir plutôt appartenir à un bourg (probablement Choisy-le-Roi), situé entre Melun et Paris : Lorsque Labienus afin de rentrer sans perte à Sens, son quartier-général, fit descendre la Seine à une partie de son armée au moyen de bateaux qu'il avait amenés de Melun, pendant que l'autre remonterait le fleuve au milieu de la nuit avec tous ses bagages et en faisant grand bruit, l'auterke Camulogène » dont il avait espéré de détourner l'attention par celle manœuvre habile, envoya des troupes Gauloises vers ''Metiosedum'' avec ordre de s'avancer aussi loin que les bateaux des Romains. Suivant Bullet<ref> ''Mémoires sur la langue celtique'' ; Dictionnaire celtique, page 53</ref>, Moldunum serait formé de deux mots celtiques : ''moel mol'', pelée ; ''dun'', montagne ; la terminaison ''um'' a été évidemment latinisée. « II n'y a de titres certains qui fassent mention de Meudon, nous apprend Lebeuf<ref>''Histoire du diocèse de Paris'', tom VIII.</ref>, que depuis la fin du XII<sup>e</sup> siècle ou le commencement du XIII<sup>e</sup> ; dansées titres ce lieu est appelé ''Meodum'' ou ''Meudon'' ou bien Meudun. Il est évident qu'on ne savait alors comment le latiniser, ce qui a duré ainsi pendant presque tout le Xll<sup>e</sup> siècle. Mais si l'on n'a pas d'époque sûre pour Meudon, ajoute cet auteur, il est aussi vrai de dire qu'on ne peut en donner entièrement l'étymologie ; il est certain que la fin du mot venant de ''dun'', terme celtique, fait allusion à la profondeur corrélative du château et du villaie. En anglo saxon, en anglais et en flamand, ''mou'' et ''mul'' signifient sable, poussière ; c'est tout ce qu'on peut dire de plus approchant. » Ajoutons à cela qu'en effet les collines de Meudon sont couronnées par des dépôts de sable puissants, d'où l'on pourrait peut-être inférer enfin que Meudon signifie ''colline de sable''.
 
La plus grande obscurité enveloppe donc les premières traditions de Meudon. Avant le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle, à peine en est-il fait mention, et encore depuis cette époque jusqu'à l'apparition d'un château vers l'an 1539, tout se réduit-il à de simples listes de bénéficiers et de seigneurs. Nul doute cependant que la commune de Meudon ait pu fournir un bon contingent à l'histoire de l'île-de-France ; son village est trop avantageusement situé pour qu'il n'ait pas été témoin de quelques événements militaires au temps des Romains ou des Normands, alors que les premiers étaient toujours en lutte avec les Gaulois, et que les seconds, sous la conduite de Roll le Norvégien, ravageaient tout le pays compris entre la Loire et la Seine et remontaient deux fois ce fleuve pour faire le siège de Paris et rançonner vers le commencement du X<sup>e</sup> siècle le faible Charles III ; mais, à cette époque déjà reculée de nos annales, notre village était trop peu important pour que l'histoire se soit donné la peine de nous transmettre ce dont il a pu être le théâtre.
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La cure de ce village a été desservie par quelques hommes remarquables, notamment Jacques de Beaulieu qui plaida contre les marguilliers en 1384, Antoine Grandet, prévôt de l'église de Saint-Nicolas-du-Louvre, connu par ses prédications et ses écrits.
 
On cite surtout le fameux François Rabelais à qui, en 1545, le cardinal Jean de Bellay, évêque de Paris, accorda la cure de Meudon. D'après les registres de l'évêché, il paraît n'avoir jamais rempli les fonctions curiales par lui-même, ce qui ne l'empêcha pas de jouir jusqu'à sa mort arrivée à Paris en 1553, des produits et des bénéfices attachés à son titre. Cette sinécure a eu au moins cela de bon, qu'elle a valu au pays une certaine célébrité ; elle ne pourra que s'accroître depuis qu'indépendamment d'un portrait du spirituel et caustique écrivain, dont le presbytère paraît avoir été en possession, on a donné son nom à l'une des nouvelles rues du village<ref>Dans une savante notice sur la vie et les ouvrages de F. Rabelais le bibliophile L. Jacob, n'élève aucun doute sur le séjour de l'illustre curé à Meudon et donne même des détails sur sa vie intime. « II s'acquittait autant que possible des devoirs de son ministère ; il ne laissait entrer aucune femme dans le presbytère, afin de ne pas donner prétexte à des calomnies que son grand âge aurait d'ailleurs démenties ; mais il recevait sans cesse la visite des savants et des personnages les plus distingués de Paris ; il s'occupait lui-même d'orner son église, il apprenait le plain-chant à ses enfants de chœur, et il montrait à lire aux pauvres gens. » — plus haut : « Il était bien accueilli au château par le duc et la duchesse de Guise qu'il appeIait ''ses bons paroissiens'' ; il les visitait souvent et familièrement, » etc. Tous ces détails sont en grande partie tirés d'un volumineux et indigeste manuscrit d'Antoine Leroy, chanoine de Sens, en 1649, et qui porte le titre d'''Elogia Rabelaesina'' ; mais l'autorité de ce pangéyriste, qui a pris ses renseignements à Meudon, 50 ou 60 ans après la mort de Rabelais, n'est pas d'un grand poids pour l'abbé Lebeuf qui révoque en doute une partie des choses que Leroy a avancées. Quoi qu'il en soit, Meudon devint, à l'époque où Rabelais vivait et longtemps après sa mort, un but de promenade pour les Parisiens, selon ce dicton proverbial qu'on répétait encore au XVII<sup>e</sup> siècle : « Allons à Meudon ; nous y verrons le château, la terrasse, les grottes et M. le curé, l'homme du monde le plus revenant en figure, de la plus belle humeur, qui reçoit le mieux ses amis et tous les honnêtes gens, et du meilleur entretien. » Enfin, longtemps après sa mort, on a vu sur la porie du presbytère ces deux vers, qui font allusion aux différents états qu'il a exercés durant sa vie : <br />''Cordiger, hinc medicus, tùm pastor et intus obivi :<br /> Si nomen quœris , te mea scripta docent.''</ref>.
 
A Rabelais qui avait été constamment remplacé dans ses fonctions par Pierre Richard, son vicaire, assisté de quatre autres prêtres, succéda Gilles de Serres, clerc du diocèse de Beauvais. Moréri cite un des curés les plus renommés de Meudon, comme ayant fait imprimer tout ce qui a été écrit à la louange du célèbre Tourangeau.
 
« Quoiqu'il n'y ait point de titre qui fasse mention des droits de l'abbaye de Saint-Germain à Meudon avant le XIII<sup>e</sup> siècle, il faut cependant reconnaître que ce monastère y possédait une seigneurie au moins dès le XII<sup>e</sup> siècle, et que, sur ce territoire, se trouvait un vignoble. En 1245 , l'abbaye avait un pressoir à Meudon et même, à ce qu'il paraît, une maison au Petit-Val-de-Meudon ; en 1518, elle obtint de François I<sup>er</sup> l'établissement de trois foires et d'un marché ; la première foire avait lieu le jour de saint Leu et de saint Herbland et le lendemain ; la deuxième, le 3 février et le lendemain, la troisième, le mercredi de la Pentecôte et le lendemain. Le marché devait se tenir les lundis. La communauté de Saint-Germain consentit, 50 ans après, à l'aliénation de ce qu'elle avait de droits seigneuriaux à Meudon, justice haute, moyenne et basse, cens et champart, en faveur du cardinal de Lorraine, moyennant 400 livres de rente, et s'y réservant seulement des maisons, un pressoir, des terres , des prés et des vignes. Par la suite les religieux se défirent de tout ce qui leur restait à Meudon, en faveur de Servien surintendant des finances, moyennant 36,000 livres. »
 
Les seigneurs de la paroisse de Meudon sont connus depuis 500 ans environ ; les plus anciens portaient même le nom du village. « Le premier qu'il soit permis de citer avec confiance, est Erkembod de Meudon, chevalier désigné ainsi dans une charte de Maurice, évêque de Paris en l'an 1180. Le deuxième, Mathieu de Meudon, l'est comme témoin dans une lettre du même évêque 16 ans plus tard. Vers le même temps, un Pierre de Meudon ''de Muldonio'', se trouva parmi les chevaliers de la Châtellenie de MontIheri qui tenaient quelques fiefs du roi ; un Amaury de Meudon, chevalier qui avait beaucoup de censives à Sèvres, vivait en 1236. »
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Dès que le roi de Navarre, depuis Henri IV et son beau-frère Henri III, eurent opéré dans les environs de Paris la jonction de leurs forces contre celles de la Ligue, le premier de ces rois établit, le 30 juillet 1589, son camp à Meudon. Il y était encore le 2 août suivant, lors de l'attentat de Jacques Clément qui le fit monter sur le trône de France.
 
Charles et Henri de Lorraine héritèrent successivement du château, et le dernier de ce nom le vendit, en 1654, au comte Abel Servien, sur-intendant des finances de la baronnie de Meudon , moyennant le prix de 9,300 livres de rente ; on assure que ce seigneur fût le premier qualifié baron de Meudon ; il obtint, en 1655, la faculté d'étendre le parc de Meudon qu'il divisa sans doute le premier en carrefours, et de l'enclore de murailles, bien que les héritages acquis pour cet agrandissement fussent dans le voisinage des plaisirs du roi ; en 1656, on lui accorda encore l'établissement de deux foires franches à Meudon, les premiers lundis d'avril et d'octobre, et d'un marché franc tous les samedis ; l'année suivante, il acheta des religieux de Saint-Germain-des-Prés ce qu'il leur restait de bien à Meudon.
 
On doit surtout à Servien la magnifique et imposante terrasse qui domine tout le village ; elle n'a pas moins de 130 toises de longueur sur 70 de largeur ; elle a coûté des sommes immenses, car il a fallu égaliser le terrain, retrancher d'un côté de hautes pointes de rochers en pierre dure, et de l'autre combler des creux assez profonds, et, outre cela, élever des murs solides pour soutenir les terres et conserver le niveau ; on dit même que Servien fut forcé de rebâtir plus loin le village de Meudon et même l'église qui auraient été ensevelis par les terres rapportées.
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Cependant ce vaste château ne suffit pas aux besoins du dauphin ; il en fit construire un autre à 50 toises environ au sud-est du deuxième, et sur l'emplacement de la fameuse grotte de Philibert Delorme. La chapelle fut bénite en 1709. Quand il fut avancé, le roi, qui n'avait fait que l'entrevoir, ne voulut pas y mettre les pieds ; il trouva qu'il ressemblait plutôt à la maison d'un riche financier qu'à celle d'un grand prince.
 
Malgré ce dédain du souverain, le dauphin, qui aimait passer sa vie obscurément entre la table, la chasse et quelques maîtresses, fit un long séjour à Meudon, et finit, comme son père, d'après ce que donne à entendre Saint-Simon, par un mariage de conscience, en épousant mademoiselle Choin, « grosse camarde brune qui, avec toute la physionomie d'esprit, et aussi le jeu, n'avait l'air que d'une suivante, et qui, longtemps avant cet événement, était devenue excessivement grasse, et encore vieille et puante<ref>Mémoires du duc de Sainl-Simon , tom. ix, p. 179.</ref>. »
 
« Du reste, pour l'honneur de mademoiselle Choin, il faut ajouter que lorsqu'elle était la maîtresse du dauphin, elle n'eut jamais de maison montée, pas même d'équipage , et qu'elle venait à Meudon et s'en retournait dans une simple voiture de louage ; elle eut l'art de se faire aimer de tout le monde par ses qualités et son affabilité. A la mort du dauphin qui eut lieu à Meudon, elle se retira dans le modeste logement qu'elle avait toujours conservé à Paris, et employa les vingt dernières années de sa vie, à toutes sortes de bonnes œuvres. »
 
Le grand dauphin tomba malade dans les premiers jours d'avril 1711. Louis XIV, ayant appris, le 9, qu'il était réellement atteint de la petite vérole qui faisait alors de grands ravages, se rendit à Meudon pour demeurer auprès de son fils pendant toute sa maladie, et de quelque nature qu'elle pût être. Par un motif très louable, le roi défendit à ses enfants d'y aller, et même à quiconque n'avait pas encore ou la petite vérole. Malgré les soins des médecins Boudin et Fagon, le dauphin succomba, âgé de cinquante ans, à la petite vérole pourprée, dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 du même mois. Louis XlV partit immédiatement avec madame de Maintenon pour Marly. Bientôt le château de Meudon se trouva désert ; l'infection du cadavre fut si prompte et devint si grande, que la Vallière, le seul des serviteurs qui soit resté constamment auprès de son maître, les capucins et autres personnes, furent obligés de passer la nuit dehors<ref>Durant sa maladie, on avait eu quelque espoir de le conserver ; aussi, les harengères de Paris, amies fidèles du dauphin, qui s'étaient déjà signalées à une forte indigestion qu'on avait prise pour une apoplexie , donnèrent-elles, dans cette circonstance, le second tome de leur zèle ; elles arrivèrent en plusieurs carrosses de louage à Meudon. Le dauphin voulut les voir; elles se jetèrent au pied de son lit, qu'elles baisèrent plusieurs fois ; et, ravies d'apprendre de si bonnes nouvelles , elles s'écrièrent dans leur joie, qu'elles allaient réjouir tout Paris et faire chanter le ''Te Deum''. » Mém. de S. Simon.</ref>. Son fils, le duc de Bourgogne, devenu deuxième dauphin et père de Louis XV, n'habita jamais Meudon, quoiqu'il eût fait achever le troisième château, et n'y fit que des apparitions passagères.
 
Depuis que Meudon a appartenu au roi, ce lieu a été favorisé de quelques privilèges ; en 1704, on réunit au bailliage les prévôtés de Clamart, de Fleury et de Châville, et il fut dit que les appellations ressortiraient dûment au parlement.
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Meudon et Belleville furent choisis, en 1695, pour faire le premier essai d'une machine qui n'est autre que le télégraphe actuel, inventée par Amontons, membre de l'Académie des Sciences, et qui avait alors pour but de correspondre avec un ami éloigné de huit ou dix lieues, et pourvu que le lieu où se trouvait cet ami pût être aperçu. Le dauphin voulut être présent à l'essai de Belleville, comme il l'avait été à celui de Meudon<ref>Le secret, dit Fontenelle, consistait à disposer dans plusieurs postes consécutifs des gens qui, par des lunettes de longue vue, apercevaient certains signaux, lesquels étaient autant de lettres d'un alphabet dont on n'avait le chiffre qu'à Paris et à Rome. La plus grande portée des lunettes réglait la distance des postes, dont le nombre devait être le moindre qu'il fût possible ; et, comme le second poste faisait des signaux au troisième, à mesure qu'il les voyait faire au premier, la nouvelle se trouvait portée de Paris à Rome presque en aussi peu de temps qu'il eu fallait pour faire les signaux à Paris.</ref>.
 
Pendant la révolution , l'ancien château élevé par le cardinal de Lorraine fut converti , d'après un ordre du comité de salut public, en un établissement destiné à faire de nouvelles recherches pour le perfectionnement des divers objets d'artillerie ou des machines de guerre<ref>« On y faisait, vers la fin de 1794 , des expériences sur la poudre de muriate suroxygénée de potasse, sur les boulets incendiaires , les boulets creux , les boulets à bague. Plusieurs recherches consistaient à remplacer ou à reproduire les matières premières que les besoins de la guerre dévoraient, pour multiplier le salin et la potasse que la fabrication de la poudre enlevait aux manufactures. MonlgaillardMontgaillard, ''Histoire de France'', tom. IV, pag. 289.</ref>. On fit tout à l'entour des retranchements, afin de cacher le but qu'on Vêlait proposé; on creusa de larges fossés ; des courtines et des redoutes furent élevées de distance en distance, etc. « Les habitants du bourg donnèrent à cette occasion une preuve éclatante de leur zèle patriotique ; ils offrirent tous leurs bras pour contribuer à la confection des travaux, et ils y mirent une telle activité qu'en peu de jours ils furent entièrement terminés. Les commissaires de la Convention furent si satisfaits de cet empressement que, sur la proposition du rapporteur Barrère, l'assemblée déclara que les citoyens de Meudon avaient bien mérité de la patrie, et qu'il serait inséré au bulletin une mention honorable de leur dévouement<ref>La femme d'un journalier nommé Brizard, d'une grande beauté , a été, pendant la révolution, promenée à Meudon comme déesse de la liberté. Devenue mère d'une nombreuse famille, elle finit par tomber, ainsi que son mari, trop enclin à fréquenter les cabarets, dans la plus profonde misère. Je me ressouviens l'avoir vue se drapant encore dans des haillons, triste réminiscence du çôlerôle glorieux qu'elle avait joué.</ref>. »
 
Une activité incroyable régnait dans l'atelier de Meudon ; les ouvriers y travaillaient nuit et jour, et, à tous moments, des charriots chargés de machines de guerre en sortaient pour se rendre aux frontières. Là, furent confectionnés ces aérostats, au moyen desquels on pouvait sans danger reconnaître les forces et les dispositions de l'ennemi ; c'est à l'emploi de ces nouvelles machines qu'est due, en très grande partie, la victoire de Fleurus en 1794.
 
« La découverte d'une méthode pour tanner en peu de jours les cuirs qui exigeaient ordinairement plusieurs années de préparation, a été, dans cette circonstance, inappréciable. On tannait à Meudon la peau humaine , et il est sorti de cet affreux atelier des peaux parfaitement préparées. Il en a été porté des pantalons<ref>II existe encore des livres qu'on a reliés avec la même matière; le papier est imprégné de la graisse qui ne cesse de s'en échapper.</ref>. Les bons et beaux cadavres des suppliciés étaient écorchés, et leur peau tannée avec un soin particulier. La peau des hommes avait une consistance et un degré de bonté supérieurs à la peau de chamois ; celle des femmes présentait moins de solidité, à raison de la mollesse du tissu<ref>Montgaillard, ''Histoire de France'', tom. IV, p. 290.</ref>. »
 
L'année suivante, dans la fameuse journée du 13 vendémiaire (5 octobre) qui mit Bonaparte en évidence et le fit parvenir plus tard au commandement en chef de l'armée, le général Barras, qui, le matin, avait été investi de celui de l'armée intérieure, envoya à Meudon deux cents hommes de la légion de police qu'il tira de Versailles, cinquante cavaliers des quatre armes, et deux compagnies de vétérans ; il ordonna l'évacuation des effets qui étaient à Marly sur Meudon, fit venir des cartouches, et établit un atelier pour en faire à Meudon<ref>''Mémoires de Bourienne'', tom. I<sup>er</sup>, pag. 91.</ref>.
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Dans ces derniers temps, pendant les troubles du Brésil et du Portugal, il a servi de demeure à don Pedro, roi de Portugal, à la reine sa femme et à sa fille dona Maria, aujourd'hui régnante. Le duc d'Orléans l'a aussi habité ; enfin il a été occupé depuis deux étés, par un illustre guerrier, le maréchal Soult, ministre de la guerre.
 
On arrive au château actuel de Meudon, par «neune longue avenue plantée de quatre rangs de tilleuls<ref>Ils ont remplacé des ormes séculaires, et c'est en grande partie, d'après le conseil de M. Obeuf, qui habite Meudon depuis une quarantaine d'années, que M. Godefroy, garde-général forestier d'alors, a donné la préférence à des tilleuls.</ref>, qui, en se rejoignant aujourd'hui par le faite , constituent, à mon avis, une des promenades les plus agréables que l'on puisse rencontrer aux environs de Paris ; d'un côté, elle aboutit à la grande terrasse du château, et de l'autre, au chemin de fer qui la croise en passant sous un pont.
 
Il existait, il n'y a pas encore bien longtemps, sur la droite de cette avenue, en allant au château, une magnifique propriété connue sous le nom des Capucins ; l'enclos de plus de trente arpents qui en faisait partie leur fut donné, vers l'an 1570, par le cardinal de Lorraine ; c'est le premier établissement qu'ils eurent en France.
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Après avoir appartenu en dernier lieu à M. Pérat, banquier, cette propriété est divisée, à l'heure qu'il est, en une foule de petites maisons de plaisance plus jolies les unes que les autres.
 
Depuis le 9 septembre 1840, le village de Meudon jouit de tous les avantages d'un chemin de terfer qui passe à mi-côte, et dont le mouvement anime singulièrement la contrée.
 
Si, d'un côté, la commune a été défigurée, par suite de la tranchée profonde faite dans ses collines, pour obtenir une ligne de niveau sur tout le parcours du rail-way, d'un autre, elle s'en dédommage bien par la beauté du viaduc du Val-de-Fleury qui sert à franchir le profond vallon de ce nom ; voici, au reste, la description que donne M. Forgame de cette gigantesque construction<ref>''Voyage pittoresque sur le chemin de fer de Paris à Versailles.''</ref>.
 
« Ce viaduc, aussi remarquable par la pureté de son architecture que pour l'étonnante grandeur de ses proportions, comprend deux rangs d'arcades superposées ; chaque rang est composé de sept arches. Les arches inférieures présentent une ouverture de 7 mètres entre les culées et une hauteur sous clef également de 7 mètres. L'ouverture des arches supérieures est de 10 mètres, et leur hauteur sous clef est de 20 mètres; les piles qui séparent ces dernières ont 3 mètres d'épaisseur ; l'épaisseur des piles du rang inférieur est de 4 mètres 80 centimètres. Le viaduc est terminé par des culées et présente une longueur totale de 142 mètres 70 centimètres. La hauteur de l'ouvrage au dessus du sol est de 36 mètres, mais l'élévation apparente est réduite à 31 mètres 55 centimètres au moyen d'un remblai qui sert à niveler transversalement le vallon.
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Fleury a eu une suite de seigneurs non interrompue, je me contenterai d'énumérer les principaux :
 
* Jean de Saint-Benoit, drapier et bourgeois de Paris , était seigneur de Fleury le 10 juin 1342.
* Jean Gentian, général et maître des monnaies du roi, avait le fief de Fleury en 1363 et 1371.
* Oudart Gentian en 1391, 1399 et 1401.
* Milet de Biancourt, seigneur en partie de Fleury. Pierre Gentian, Jean de Gentian, Guillemette, La Genlian, Jean Catin, Giles de Biancourt, etc., etc.
* Marie de Feugerais , dame de Fleury, en partie, qualifiée épouse de Villeroy en 1551.
* Jean Catin, etc., etc.
* François de Machault, conseiller au parlement et commissaire aux requêtes du palais, obtint la permission de faire célébrer en l'oratoire de sa maison située à Fleury. Son fils aîné céda la seigneurie de Fleury à Servien, moyennant le prix de 4,666 livres.
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Le prince de Wagram, le duc de Bassano, etc., ont, ainsi que je l'ai déjà dit, habité le Bas-Meudon ; joignons à ces grandes célébrités militaires le général Schérer, le maréchal Ney qui, après la retraite de Russie, a occupé au Val, non loin des résidences de l'ambassadeur M. Bresson et de la princesse Charlotte, une propriété appartenant aujourd'hui à M. Duret ; M. Redouté, ce fameux peintre de fleurs, mort récemment à Paris ; l'éditeur, non moins connu, de la grande commission scientifique d'Egypte, aussi distingué par sa littérature profonde que par ses connaissances archéologiques et ethnographiques, madame Panckoucke, le général Barbou, la marquise de Pastoret, l'auteur des ''Messéniennes'', Michelot, du Théâtre-Français, ont fait et font encore les délices de Fleury, tandis que le village de Meudon réclame : le général Montserrat, le député Méchin, M. Séné, ancien notaire, M. G. Odier<ref>M. Odier occupe l'ancien potager du château.</ref>, M. de Saint-Chéron, connu par ses écrits religieux, le général Lejeune, qui maniait si bien le pinceau malgré la cruelle blessure qu'un braconnier, dans le parc de Grosbois, lui avait faite à la main droite, M. Jacqueminot, général en chef de la Garde nationalede Paris, qui emploie un grand nombre d'ouvriers dans sa magnifique propriété naguère en la possession de M. Boucher ; c'est la seule du pays, pour le dire en passant, qui ait été complètement pillée et saccagée, en 1814, par les Russes et les Cosaques, irrités de ce qu'on y avait caché un trésor révélé par un de ces misérables comme il s'en trouve partout.
 
Bellevue, les Capucins, Montalet, etc., rivalisent aujourd'hui avec la partie la plus grande de la commune que nous venons de parcourir ; citons d'abord M. Lemaire, auteur des classiques latins, qui occupait dans la première de ces localités l'une des plus belles propriétés résultant du démembrement du parc ; dans celle de M. Obeuf, si heureusement exposée au bord de l'avenue conduisant au châleau de Meudon, M. Biol poursuit avec une rare activité la solution des problèmes les plus élevés de la physique ; un peu plus bas, à Montalet, M. Scribe a sans doute composé quelques-unes de ces nombreuses pièces qui paraissent tous les jours, comme par enchantement sur nos théâtres qu'elles ne cessent de charmer ; un peu plus haut, un autre auteur dramatique, non moins distingué, mais plus châtié et plus sobre, écrit de délicieuses comédies et place souvent la scène de ses pièces dans le lieu où il les a rêvées. Mademoiselle Rachel, vient s'inspirer sous les frais ombrages de Bellevue ; Monrose père y avait retrempé cette gaité à jamais perdue pour nous ; c'est aussi la résidence habituelle de MM. Thierry, Pichot, rédacteur en chef de la ''Revue Britannique'', Emile Souvestre le romancier, et Bois-Milon, ancien secrétaire des commandements de S. A. R. le duc d'Orléans. A Bellevue encore, M. Joly, peintre distingué, a exécuté, d'après les beaux dessins de M. Auguste Mayer, ces lithographies où l'on retrouve si bien l'aspect des contrées septentrionales et qui l'ont l'ornement de l'atlas de l'expédition en Islande et au GroenlandGroënland, entreprise sous la direction de M. Paul Gaimard ; madame Joly exerce son talent à faire de charmants paysages ; l'infatigable madame Brune, née Pagès, compose de saisissants tableaux d'histoire , qu'elle interrompt quelquefois, pour faire des portraits dignes des grands maîtres, pendant que son mari s'applique à nous représenter une nature pleine de charme et de poésie ; une autre dame qui marche avec succès, dans la carrière illustrée par les Didey, les Calame, etc., nous transporte par ses larges et hardies compositions, tantôt au pied de montagnes sourcilleuses, tantôt au milieu d'une forêt séculaire ; M. le baron de Koss, ambassadeur du roi de Danemarck, M. Rogier, ministre plénipotentiaire de Belgique, font trêve à leurs graves occupations diplomatiques ; M. Chambolle, rédacteur en chef du ''Siècle'', MM. Odier, Rodrigue, banquiers, accourent oublier, l'un les débats de la tribune parlementaire, les autres, le bruit tumultueux de la Bourse ; M. Gilet rêve aux améliorations et aux embellissements dont la ville de Paris est encore susceptible, etc., etc.<ref>Au moment de faire imprimer ce chapitre, le bruit court,et j'apprends par la voie des journaux, heureusement non officiels, que la magnifique propriété de madame Delislc doit être achetée par le gouvernement, afin delà convertir en fortin destiné à défendre le pont de Sèvres. <br> Adieu donc, si cela se réalise jamais, la solitude des bois environnants ! adieu surtout cette physionomie champêtre et bourgeoise qui a fait jusqu'à présent rechercher Bellevue avec tant d'ardeur !</ref>.
 
=== <center>Invasions étrangères.</center> ===
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Toutes ces dispositions étant prises, le général Excelmans se porta sur Versailles à la rencontre des Prussiens, et là se passa l'un des plus brillants faits d'armes qui aient illustré la chute de Napoléon, « expédition qui eût pu, suivant le ''Mémorial de Sainte Hélène'', avoir des suites si importantes, dans le cas où elle eût été soutenue, ainsi que cela avait été décidé. » Quoiqu'elle ait eu lieu un peu loin du village de Meudon, mais cependant presque au milieu de sa forêt, j'ai cru devoir, afin de ne pas laisser une trop grande lacune dans le précis des événements militaires qui se sont passés à l'ouest de Paris, reproduire presqu'en entier le bulletin du 2 juillet qui la mentionne.
 
« L'ennemi avait occupé Versailles avec quinze cents chevaux. Le général Excelmans, ayant formé le projet de les enlever, dirigea en conséquence le lieutenant-général Pire avec le 1<sup>er</sup> et le 6<sup>e</sup> de chasseurs et le 44<sup>e</sup> régiment d'infanterie de ligne sur Ville d'Avray et Roquencourt, en leur recommandant de s'embusquer pour recevoir l'ennemi quand il repasserait sur ce point. De sa personne, le général Excelmans se porta par le chemin de Montrouge à Vélizy avec l'intention de rentrer à Versailles par trois points. Il rencontra, à la hauteur du buisson de Verrières, une forte colonne ennemie. Le 5<sup>e</sup> et le 15<sup>e</sup> de dragons, qui étaient en tête , la chargèrent avec une rare intrépidité. Le 6<sup>e</sup> et le 20<sup>e</sup> de dragons la prirent en flanc ; culbuté sur tous les points, l'ennemi laissa jusqu'à Versailles la route couverte de ses morts et blessés.
 
« Pendant ce temps-là, le lieutenant-général Pire exécutait son mouvement sur Roquencourt avec autant de vigueur que d'intelligence. La colonne prussienne, poussée par le général Excelmans, fut reçue par le corps du général Pire, et essuya à bout portant une vive fusillade du 44<sup>e</sup> régiment, et fut chargée par le 1<sup>er</sup> et le 6<sup>e</sup> de dragons qui la poursuivaient, et la poussaient fortement à la sortie de Versailles.
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Cependant, le général Excelmans ayant rejoint le corps d'armée à Montrouge, où se trouvait aussi le malheureux général Labédoyère, l'ennemi rentra à Versailles le lendemain au matin de son expulsion.
 
Enfin, le 3 juillet à trois heures après minuit, les Prussiens, sous les ordres du général Ziéthen (le fils de Blücher avait été tué), s'étant approchés de Saint-Cloud et de Meudon, une vive fusillade s'engagea sur ces hauteurs ; elles furent enveloppées d'une épaisse fumée ; on se battit avec acharnement dans les vignes de ce dernier village, sur lequel pleuvaient les projectiles de tous genres ; mais, je dois le dire, il eut principalement à souffrir des Français qui, placés près de Fleury, tiraient sur les Prussiens retranchés sur la terrasse du château ; les obus , ne pouvant atteindre leur but, éclataient au dessus du village<ref>Je possède encore des boulets et des biscaïens qui sont venus se perdre dans la propriété de mon père, située près de l'église. Encore enfants, et ne prévoyant aucun danger, ma sœur aînée et moi, nous courions voir le trou qu'ils avaient fait, et nous éprouvions un certain plaisir à entendre siffler les balles.<br /> Ajouterai-je, afin de donner une idée de ce que nos campagnes eurent à supporter dans cette cruelle circonstance, tandis qu'à Paris on se promenait paisiblement aux Tuileries ou ailleurs en grande toilette, que, le même jour, ma mère étant sur le point d'accoucher, son lit de douleur était dressé, lorsqu'un officier prussien, souillé de poussière, entra et s'y jeta tout habillé, malgré les remontrances qui lui furent faites, et que force fut d'en établir un autre où elle ne tarda pas à être délivrée. Le lendemain , elle fut obligée de se lever et de donner elle-même à manger à des soldats qui, pour obtenir de nouvelles bouteilles d'eau-de-vie, menaçaient de lui casser la tètetête avec celles qu'ils avaient vidées, et qu'ils brandissaient animés de la plus sauvage fureur.</ref>, qui subit une espèce de siège.
 
Le même jour, les ennemis s'emparèrent successivement d'Issy où ils s'établirent, de Vanves, Bagneux, Bernis, Bourg-la-Reine, etc., et à midi, les armées respectives étaient en présence ; toutes les dispositions se faisaient de part et d'autre pour une action décisive, lorsque MM. Bignon, chargé du portefeuille des relations extérieures ; de Bondy, préfet du département de la Seine, et Guilleminot, chef de l'état-major-général de l'armée de l'Ouest, d'une part ; le duc de Wellington et le feld-maréchal Blücher, d'une autre, signèrent une convention qui mit fin aux hostilités.
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Un jour, cependant, ces prévisions, du moins les miennes, se réalisèrent d'une manière épouvantable<ref>Tout le monde a été d'accord pour attribuer cet accident à la trop grande vitesse du convoi sur un plan sensiblement incliné de 4 millim. par mètre. Des personnes échappées à ce désastre ont déclaré devant les tribunaux que le convoi allait avec une si grande rapidité, qu'il leur était impossible de remarquer les objets devant lesquels elles passaient, tels que les maisons, les arbres. <br> Dans son rapport au préfet de Seine-et-Oise, M. Obeuf s'exprime ainsi : « Le convoi parti de Versailles à cinq heures et demie, parcourait le rail-way avec une vitesse extraordinaire ; à cinq heures trois quarts, il fut oui à coup arrêté sur notre commune, etc. <br> « Le mécanicien George, Anglais, homme réputé capable, dirigeait le feu de la première locomotive ; ''il se croyait seul en état d'atteindre la vitesse qu'il disait sans cesse bien supérieure dans son pays'' ; il en a été la première victime ! »</ref>. Ce fut précisément un dimanche sur les six heures du soir, le 8 mai 1842, entre les stations de Bellevue et de Meudon qu'eut lieu un événement dont M. Cordier, pair de France, a le lendemain rendu compte à l'Académie des Sciences au nom de MM. Combes et de Sénarmont, ingénieurs en chef des ponts et chaussées, chargés du service des machines à vapeur du département de la Seine. Depuis ce rapport fait à la hâte, l'enquête judiciaire ayant eu le temps de réunir et d'élaborer tous les renseignements concernant cette terrible catastrophe, je vais, en lui donnant la préférence, reproduire presque complètement la pièce qui a servi de base au procès que l'administration du chemin de fer de la rive gauche a soutenu, plus de six mois après, devant le tribunal de police correctionnelle de Paris. « Le convoi<ref>Il y avait 17 voitures, savoir : 2 wagons découverts de 30 places; 3 diligences de 46 places; 9 wagons couverts de 48 places ; 3 wagons à frein de 40 places. Total, 768 voyageurs environ.</ref> qui revenait de Versailles à Paris, entre cinq et six heures du soir, était traîné par deux locomotives, l'Éclair n° 2 et le Mathieu Murray, l'une de petite dimension à quatre roues placée en tête du convoi avec son tender ; l'autre, de grande dimension à six roues, construite par Sharpet et Roberts, suivait immédiatement avec son tender et le reste du convoi.
 
« II venait de passer sur le pont situé entre la station de Bellevue et la borne portant : 8 kilomètres ; quelques secousses réitérées, dont la cause était alors inconnue<ref> La rupture de l'essieu antérieur de la petite locomotive, tombée à 45 mètres à peu près de distance du point où s'est effectué le fatal dénouement, a eu lieu aux deux extrémités, près des collets contigus aux renflements qui sont encastrés dans les moyeux des roues ; le fer de cette barre, de 9 centimètres de diamètre , était devenu lamelleux, à larges facettes. Cette rupture, suivant la majorité des experts, paraît avoir été la cause déterminante de l'accident. MM. Lebas , Cave et Farcot au contraire, l'ont regardée comme étant secondaire ou subordonnée à la rupture du ressort de devant à droite, laquelle aurait déterminé un abaissement du châssis qui supporte l'appareil.</ref> jettent une tardive alarme ; le Mathieu-Murray franchit encore sans obstacle le passage de niveau qui coupe la route départementale n° 40, dite du Pavé-des-Gardes ; seulement il atteint et renverse en passant la guérite et la cabane du garde-barrière Carbon, puis il va s'abattre contre le talus de gauche ; la roue motrice gauche et l'avant de son châssis pénètrent dans le talus. La violence de l'obstacle et du choc arrête subitement le convoi ; l'Éclair, arrivant derrière de toute la force de sa vapeur contrariée et de l'élan du convoi, mais sans suivre la déviation gauche qu'a prise le Mathieu-Murray, brise les deux essieux du tender de cette première machine, en défonce la caisse, et la projette sur la gauche, hors de la voie, dans l'intérieur de l'angle formé par le croisement de la voie de fer avec la route n° 40.
 
« Placé entre la résistance du talus et cette nouvelle secousse, le Mathieu-Murray se couche sur le flanc droit, la petite roue de droite dans le fossé, son foyer sur la voie.
 
« L'Éclair, dont les roues gauches, dont la roue de derrière du moins , monte sur cet obstacle, verse à droite de la voie sur le flanc droit ; mais le mouvement que reçoit encore sa partie d'arrière, dont la petite roue est engagée dans le Malhieu-Murray, fait que dans la dernière position qu'elle prend sur le sol, sa tête est obliquement ramenée dans la direction de Versailles.
 
« L'angle que forment les trains d'arrière et les foyers des deux machines barre la voie. Le tender de l'Eclair, brisant son attelage, franchit l'obstacle, et, suivant la projection de gauche à droite imprimée par l'Eclair, va tomber dans sa position naturelle sur la voie de départ de Paris, à 8 ou 10 mètres en avant, sans autre dommage qu'un essieu forcé.
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« Le premier wagon découvert franchit encore dans la première direction ; il va tomber en se brisant sur le flanc droit, et verse au pied du talus de droite des voyageurs plus ou moins contusionnés, que cette chute préserve de l'horrible destruction qui va s'accomplir derrière eux.
 
« Cependant l'élan s'amortit ; le deuxième wagon découvert ne franchit qu'incomplètement les machines ; son arrière-train reste suspendu sur elle, tandis que l'avant-train porte en avant, à terre, sur les charbons enflammés qu'ont répandus les foyers renversés des deux machines. Le premier wagon couvert s'élève et se pose en entier sur cette base qui va devenir un foyer d'incendie. Le deuxième wagon couvert, qui est la quatrième voiture, après avoir enfoncé de sa barre d'attelage la boite à fumée de l'Eclair, s'intercale encore dans cet échafaudage , dont l'élévation finit par n'être pas moindre de 10 mètres.
 
« Enfin, le poids du convoi lancé, pressant toujours avec violence les voitures qui, comme la diligence venant après, ne parviennent plus à gravir ce sommet placé devant elles, viennent s'écraser, pour ainsi dire, contre lui. Les parois se rejoignent, les banquettes intérieures se rapprochent presque entre elles, et broient les jambes des voyageurs qu'elles emprisonnent ainsi, non moins que les portières fermées à clef des voitures.
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Je ne dois pas aussi oublier de mentionner MM. Deramond, médecin à Bellevue, et Babie, officier de santé à Meudon, qui, de leur côté, n'avaient pas moins à faire que leurs confrères occupés au château.
 
On a remarqué également l'empressement avec lequel M. l'abbé Desprez, curé de Meudon, son vicaire, M. Rio, M. l'abbé Blainvel, curé de Sèvres et de Châville , ainsi que les séminaristes d'Issy, sont accourus sur le lieu de l'événement pour prodiguer leurs soins et les consolations de la religion à tous les malheureux qui appelaient la mort à grands cris comme un terme à leurs souffrances.
 
« Le lendemain de l'événement, le lieu où est arrivé l'horrible catastrophe offrait encore un spectacle affreux : les deux locomotives broyées barraient le chemin. Le Mathieu-Murray portait l'empreinte sanglante du corps de son malheureux chauffeur qui avait été broyé contre elle par l'Eclair (quel nom funeste !) ou par une masse de 17,000 kilogrammes pesant, douée de la plus grande vitesse. On voyait ça et là des débris de wagons carbonisés, des ossements calcinés, des fragments de chapeaux, de chaussures, de robes, de châles, de voiles ensanglantés, et la troupe de ligne gardant ces funèbres dépouilles que venaient examiner des familles éplorées.