« Histoire et description naturelle de la commune de Meudon » : différence entre les versions

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La plupart des sources ou toutes celles qui sont les plus élevées dans la forêt de Meudon, sourdent de la partie intérieure de ce terrain, et ne font que passer sur les argiles qui recouvrent le gypse ; elles résultent de l'infiltration des eaux pluviales a travers les couches perméables des terres supérieures, et comme elles ne rencontrent dans tout leur parcours que des argiles siliceuses et alumineuses ainsi que des sables, elles restent douces, dissolvent bien le savon, et sont très recherchées par les promeneurs en été à cause de leur fraîcheur et de leur pureté ; telles sont les fontaines d'Aubervilliers, ancien écart de la paroisse de Meudon, où il paraît y avoir eu des ruines ; de Triveau ; de la Garenne ; du Rossignol et des Lins. Cependant il y en a de ferrugineuses et sur le bord du chemin, prés de l'étang de Chalais, j'en citerai notamment une de ce genre qui pourrait être mise à profit comme source minérale. Je dois aussi mentionner des puits à Bellevue, qui pourraient bien être alimentés par des sources semblables aux premières, à moins qu'elles ne proviennent plutôt des argiles du gypse et dont l'eau possède une légère amertume : en effet, par l'évaporation, elle donne des sulfates terreux qui cristallisent en aiguilles ; à cela près et quoiqu'elle cuise difficilement les légumes tels que les haricots, elle est assez bonne à boire. Le village de Meudon possède plusieurs sources importantes ; mais il est bien à regretter, pour le dire en passant, qu'elles soient presque toutes dans des propriétés particulières et qu'il n'y ait pas une belle fontaine, comme je l'ai déjà signalé au commencement de cet ouvrage, sur la place même de ce village si populeux. Nous verrons tout à l'heure d'où il tire principalement son eau.
 
Enfin le terrain qui occupe à Meudon le plus d'étendue, du moins en superficie, est celui que l'on connaît sous le nom d'argiles supérieures à meulières : c'est lui qui constitue le sol proprement dit de la forêt ; c'est lui qui, grâce à sa presque imperméabilité, entretient une fraîcheur perpétuelle et salutaire autour de la racine des arbres ; il alimente les étangs qui fournissent à leur tour de l'eau douce à Meudon ainsi qu'à Bellevue ; aussi, dans les grandes sécheresses, la plupart des sources qui s'échappent de ce terrain et même des sables situés au dessous, en apparence magnifiques, tarissent-elles rapidement. Les jolies maisons de campagne de Bellevue sont malheureusement à la merci de cette vicissitude ; il n'y aurait qu'un moyen, suivant moi, pour y amener de l'eau en abondance : ce serait d'établir de grandes citernes sur le plateau des Bruyères de Sèvres, destinées à retenir le plus possible des eaux pluviales qui tombent dans cette localité ; en un mot, il faudrait faire, ce qu'on exécuta jadis pour le château de Meudon, en construisant l'étang des Fonceaux, lequel, après avoir reçu toutes les égoutureségouttures de la terre au moyen de rigoles, les transmet au grand bassin de Bel Air dans le petit parc où elles achèvent de s'épurer. Ce sont, comme je m'étais promis de le dire, les eaux de ce bassin, qui, après le château, alimentent le village de Meudon moyennant des concessions. Il n'y a qu'un robinet à l'usage du public, c'est celui de la Voûte, et encore il faut faire une véritable ascension pour y parvenir. On rendrait assurément un grand service au village, en faisant descendre la conduite de cette eau jusque devant la porte de l'église.
 
Mais revenons aux argiles qui nous offriront des minerais assez intéressants pour que j'aie cru devoir leur consacrer un assez long paragraphe. Elles renferment, comme tout le monde le sait, des pierres désignées sous le nom de meulières, recherchées, depuis un temps immémorial, pour les constructions dans les lieux bas et humides à cause de leur inaltérabilité et d'une porosité qui les rend si propres à recevoir la chaux hydraulique. On voit encore dans les bois de Gallardon et dans les Bruyères de Sèvres, ces dernières ayant appartenu autrefois au domaine de la couronne, de nombreux trous remplis d'eau croupissante, d'où l'on a extrait, m'a-t-on assuré, une partie des pierres qui entrent dans la construction des murs, des terrasses, etc., du parc de Versailles. L'exploitation de cette roche dans toutes les localités qui en renferment, n'a pas discontinué ; la consommation en est même devenue effrayante ; la ville de Paris s'est d'abord fait avec cette roche une haute ceinture de neuf lieues de longueur ; elle s'est ensuite élevé des abattoirs, des marchés, que sais je ? Le choléra-morbus lui a valu en moins de cinq ans vingt-cinq à trente lieues d'aqueducs construits exclusivement encore avec les mêmes matériaux ; enfin, loin d'en voir diminuer l'emploi, on en tire aujourd'hui de tous les côtés, à quinze ou vingt lieues à la ronde, pour revêtir les fortifications de Paris sur une étendue non moins grande. Encore deux ou trois entreprises de ce genre et cette roche deviendra d'une rareté extrême aux environs de Paris ; car il faut bien se persuader qu'elle ne se reproduit pas plus que le charbon de terre, ainsi que beaucoup de personnes le pensent sérieusement : « ''Non crescunt lapides,'' » a dit Linné. Du reste, il n'en resterait pas pour graine : on l'exploite maintenant avec le plus grand soin, et les anciennes fouilles sont même reprises avec avantage.
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La base des collines de Meudon paraît avoir été baignée jadis par la Seine, à un niveau bien supérieur à celui que ce fleuve peut atteindre aujourd'hui dans ses plus fortes crues ; à droite et à six pieds environ de hauteur au dessus du pavé de la route départementale, il est facile de reconnaître que la partie inférieure du calcaire grossier qui, après s'être disloqué, a évidemment glissé là, sur les argiles plastiques, porte des traces d'érosion qu'on ne peut attribuer qu'au passage d'eaux puissantes. Un conglomérat composé de terre végétale noirâtre, de petits fragments roulés de calcaire crétacé, avec une foule de cycloslômes, d'hélix et surtout la présence, de lymnées, situé au dessus du calcaire, vient singulièrement fortifier cette présomption. Il est, du reste, difficile de ne pas trouver dans cette couche meuble, aux fragments de calcaire près, une grande analogie avec la terre dont les berges actuelles de la rivière se trouvent formées.
 
A présent que la Seine ne remplit plus le bassin circonscrit au sud-ouest par les Moulineaux, les MonlaletsMontalets, etc., et a cessé de recouvrir par conséquent une grande partie de la plaine de Grenelle ; aujourd'hui qu'elle s'est encaissée à quelques centaines de pas plus loin, cette rivière a donné naissance à un phénomène géologique des plus curieux ; les naturalistes de la capitale auront là, presque sous leurs yeux, une puissante formation calcaire encore en activité, exemple remarquable qu'ils ne croyaient guère exister si près d'eux. Aussi le fait que je vais faire connaître ne pourra, je l'espère, manquer d'intéresser également les ingénieurs des ponts et chaussées, chargés de la navigation des fleuves et rivières.
 
On sait que les îlots qui se forment dans le cours de la Seine sont généralement composés de sable et de limon ou de matières d'attérissement que les plantes aquatiques, puis des saules, achèvent d'émerger au dessus des plus forts crues ou empêchent d'être emportées par elle ; on sait aussi que les eaux du même fleuve tiennent en dissolution une petite quantité de carbonate calcaire, qui, à la longue, incruste les coquilles et autres objets tombés au fond de son lit.
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Ça et là, on trouve encore dans les anfractuosités de cette roche parfaitement consolidée, une foule de concrétions de même nature , ovoïdes, depuis le volume d'une noisette jusqu'à celui du poing et même au delà, et qui, en un mot, rappellent tout à fait la structure des grains oolithiques ou pisolithiques. Quoique ces concrétions libres ne paraissent pas avoir été formées sur ce point où elles auraient été entraînées par le courant, je n'en ferai pas moins remarquer que souvent le calcaire sur lequel elles gisent prend une structure granulaire qui pourrait peut-être le faire considérer comme un calcaire pisolithique imparfait. Ajoutons que cette concrétion renferme quelquefois assez de sable pour devenir calcaréo-sablonneuse.
 
Quoi qu'il en soit, ce dépôt de calcaire concrétionné, ou pisolitliiforme, comme on voudra l'admettre, est recouvert par une terre bolaire bleuâtre qui ne tarde pas à devenir argilo-sablonneuse. L'épaisseur de ces deux couches subdivisées elles-mêmes en une foule d'autres inclinées diversement , plus ou moins abondantes en coquilles fluvintiles, et dont l'ensemble constitue les berges proprement dites de l'Ile Séguin, vajusquva jusqu'à cinq mètres de hauteur au dessus du niveau ordinaire de la Seine dans ses basses eaux ; mais elle varie là ouïe calcaire se montre grossièrement mamelonné. On voyait, pour le dire en passant, dans leur partie supérieure, un assez gros bloc de meulière roulé qui pourrait bien y avoir été abandonné , par une glace flottante, à l'époque où, dans les débâcles de la rivière, elles viennent se briser sur la pointe que forme l'île, à moins qu'il n'eût été jeté là par quelque pêcheur.
 
Le choc répété des eaux sur ce point où le courant se porte avec violence et détermine de nombreux remous, surtout pendant les grands eaux, ne pourrait-il pas rendre compte de l'abondance de calcaire concrétionné qui se dépose là plutôt qu'ailleurs ? On sait que, sur les côtes de l'Océan, il se forme souvent des incrustations calcaires là où la mer brise avec beaucoup de violence. Cette agitation extraordinaire, incessante, des eaux, tandis qu'elles sont calmes dans les autres parties delà rivière, ne hâterait-elle pas la précipitation des sels calcaires qu'elle tient en dissolution ? J'irai même plus loin dans cette hypothèse : je suis à me demander si les concrétions qui encroûtent les coquilles ou autres objets tels que des cailloux roulés au fond du lit de la rivière, ne résulteraient pas plutôt du passage horizontal des eaux que d'un dépôt opéré lentement et de haut en bas ? Enfin, pour en revenir à l'île Séguin, n'y aurait-il pas lieu aussi à tenir compte de la présence de la spongille dont les anfractuosités de notre calcaire sont fréquemment tapissées, et qui contribuerait à son développement, non, bien entendu, par les principes solides que ce polypier pourrait renfermer, mais à cause de sa structure celluleuse, susceptible de retenir des particules terreuses ou calcaires ? Nul doute, d'après ces considérations, que toutes les pointes en amont des îlots de la Seine et la partie de leurs rives fortement exposées au choc du courant n'offrent plus ou moins le même phénomène<ref>En effet, j'ai constaté, depuis cette observation, exactement la même chose, à la pointe en amont de l'île Billancourt (peut-être mieux Biancourt) et sur sa rive septentrionale, là où les eaux portent tous leurs efforts. On dirait que la concrétion calcaire agit, dans cette circonstance, comme un ciment déposé à dessein par la nature pour empêcher qu'un nouveau caprice du fleuve ne vienne faire disparaître des îlots formés primitivement par lui, et livrés à de florissantes cultures.</ref>.
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Les étangs de la forêt de Meudon paraissent tous être artificiels, tels sont ceux des Fonceaux, de Vilbon, du Tronchet, de Trivau en cul-de-lampe, de Chalais, etc. ; ce dernier tire son nom de Beauvoir, autrement dit la Fosse-Regnault-Chaillais. On les aura creusés en profitant des dépressions naturelles qu'offrait le sol ; puis, au moyen d'une chaussée épaisse du côté le plus déclive et des nombreux fossés qui sillonnent la forêt pour en recevoir les égoûtures égouttures, on est parvenu à les alimenter. Celui de Vilbon, le plus profond de tous, devait former jadis le prolongement de la grande vallée sur les côtés de laquelle se trouvent étages le village de Meudon et le hameau de Fleury ; mais, pour communiquer plus facilement entre le château de Meudon et l'ancienne ferme de Vilbon, on imagina sans doute de faire une chaussée très élevée. Il en est résulté que les eaux ne pouvant plus suivre leur pente accoutumée, s'accumulèrent en amont et donnèrent naissance à un étang en forme d'entonnoir, lequel a l'avantage de ne jamais tarir.
 
Si, dans l'origine, il ne devait pas y avoir d'étangs proprement dits dans la forêt de Meudon (la plupart, à l'exception de celui des Fonceaux, paraissent avoir été créés pour le plaisir de la chasse et de la pêche), il n'en devait pas moins exister un cours d'eau assez abondant, provenant de toutes les sources qui sourdent dans la vallée dont je viens de faire mention ; après avoir arrosé le fertile enclos actuel du haras, et alimenté la pièce d'eau hexagone qu'il renferme, le cours d'eau actuel sans nom connu allait en suivant le val, se jeter dans la Seine aux Moulineaux<ref>Le nom de Moulineaux vient de quelques moulins que ce ruisseau a fait jadis marcher, à l'emplacement de la propriété du prince Berthier, convertie aujourd'hui en distillerie de fécule de pommes de terre.</ref>. Depuis longtemps, semblable à la Bièvre dans Paris, ce ruisseau est retenu par de nombreux lavoirs qui ont valu à la partie de Meudon qu'il traverse le nom de Rû par contraction du mot primitif. Quand par hasard on lui permet de circuler, hélas, quelle métamorphose ! On le prendrait plutôt pour un enfant de l'Achéron que pour un de ces ruisseaux au doux murmure et au cristal limpide dans lequel les Naïades aimaient à se mirer ; des laveuses passent aujourd'hui tout leur temps à se pencher péniblement sur ses eaux savonneuses, et des rongeurs immondes sont les hôtes de ces bords infects où venaient se désaltérer les oiseaux du ciel.