« Les Prolégomènes » : différence entre les versions

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Regardons ensuite les caractères intérieurs de la science historique : ce sont l’examen et la vérification des faits, l’investigation attentive des causes qui les ont produits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont passés et dont ils ont pris naissance. L’histoire forme donc une branche importante de la phi­losophie et mérite d’être comptée au nombre des sciences.
 
Depuis l’établissement de l’islamismel’islam, les historiens les plus distingués ont embrassé dans leurs recherches tous les événements des siècles passés, afin de pouvoir les inscrire dans des volumes et les enregistrer ; mais les charlatans (de la littérature) y ont introduit des indications fausses, tirées de leur propre imagination, et des embellissements fabriqués à l’aide de traditions de faible autorité. La plu­part de leurs successeurs se sont bornés à marcher sur leurs traces et à suivre leur exemple. Ils nous ont transmis ces récits tels qu’ils les avaient entendus, et sans se mettre en peine de rechercher les causes des événements ni de prendre en considération les circonstances qui s’y rattachaient. Jamais ils n’ont improuvé ni rejeté une narra­tion fabuleuse, car le talent de vérifier est bien rare ; la vue de la critique est en général très bornée ; l’erreur et la méprise accompagnent l’investigation des faits et s’y tiennent par une liaison et une affinité étroites ; l’esprit de l’imitation est inné chez les hommes et reste attaché à leur nature ; aussi les diverses branches des connais­sances fournissent une ample carrière au charlatanisme ; le champ de l’ignorance offre toujours son pâturage insalubre ; mais la vérité est une puissance à laquelle rien ne résiste, et le mensonge est un démon qui recule foudroyé par l’éclat de la raison. Au simple narrateur appartient de rapporter et de dicter les faits ; mais c’est à la critique d’y fixer ses regards et de reconnaître ce qu’il peut y avoir d’authentique ; c’est au savoir de nettoyer et de polir pour la critique les tablettes de la vérité.
 
Plusieurs écrivains ont rédigé des chroniques très détaillées, ayant compilé et mis par écrit l’histoire générale des peuples et des dynasties ; mais, parmi eux, il y en a peu qui jouissent d’une grande renommée, d’une haute autorité, et qui, dans leurs ouvrages, aient reproduit en entier les renseignements fournis par leurs devanciers. Le nombre de ces bons auteurs dépasse à peine celui des doigts de la main, ou des (trois) voyelles finales qui indiquent l’influence des régissants grammaticaux. Tels sont Ibn Ishac, Taberi, El-Kelbi, Mohammed Ibn Omar el-Ouakedi, Seïf Ibn Omar el-Acedi, Masoudi, et d’autres hommes célèbres qui se sont élevés au-dessus de la foule des auteurs ordinaires. Il est vrai que dans les écrits de Masoudi et de Ouakedi on trouve beaucoup à reprendre et à blâ­mer : chose facile à vérifier et généralement admise par les savants versés dans l’étude des traditions historiques et dont l’opinion fait autorité. Cela n’a pas empêché la plupart des historiens de donner la préférence aux récits de ces deux auteurs, de suivre leur méthode de composition et de marcher sur leurs traces. Déterminer la fausseté ou l’exactitude des renseignements est l’œuvre du critique intelligent qui s’en rapporte toujours à la balance de son propre jugement. Les événements qui ont lieu dans la société humaine offrent des caractères d’une nature particulière, caractères auxquels on doit avoir égard lorsqu’on entreprend de raconter les faits ou de reproduire les récits et les documents qui concernent les temps passés.