« Esquisse d’une psychologie comparée de l’homme » : différence entre les versions

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''Impulsion.'' — Ce caractère est très-voisin de celui que nous ve­nons d’examiner : les émotions sans durée sont en effet des émotions qui poussent tantôt dans une direction tantôt dans une autre, sans aucune espèce de suite. Cependant on peut étudier séparément le caractère de l’impulsion, car il implique autre chose qu’un simple défaut de persistance. La comparaison des races humaines inférieures avec les races supérieures semble démontrer qu’en règle générale la violence accompagne les passions peu durables. Les emportements soudains auxquels se laissent aller les hommes de race inférieure sont d’autant plus excessifs qu’ils sont plus courts. Il y a donc pro­bablement quelque affinité entre ces deux caractères : l’intensité pro­duisant un épuisement plus rapide.
 
Remarquons en passant que les passions de l’enfance prouvent cette affinité et examinons certaines questions intéressantes rela­tives à la diminution d’impulsion qui accompagne le progrès du développement. Le système nerveux d’un être qui se laisse aller à l’impulsion est moins éloigné des actions réflexes que ne l’est celui d’un être qui sait résister à l’impulsion. Dans les actions réflexes nous voyons un simple stimulant qui se convertit soudain en mouvement, tandis que les autres parties du système nerveux n’exercent aucun contrôle ou tout au plus n’en exercent que fort peu. A mesure que nous arrivons à des actes plus élevés, provoqués par des stimulants de plus en plus complexes, nous ne voyons plus la même transformation instantanée en mouvements simples ; nous remarquons au contraire, un agencement plus réfléchi et plus variable de mouvements composés, toujours contrôlés et proportion­nés. Il en est de même pour les passions et pour les sentiments chez les natures qui sont le moins développées et chez celles qui le sont le plus. Quand’laQuand la complexité émotionnelle est peu considérable, une émotion excitée par une cause quelconque se transforme soudain en action, avant que les autres émotions aient été mises en jeu, et cha­cune des émotions se trouve de temps en temps dans cette situation. Au contraire, la constitution émotionnelle plus complexe est celle dans laquelle ces simples émotions se coordonnent de façon à ne pas agir indépendamment les unes des autres. Avant que l’excitation d’aucune d’entre elles ait eu le temps de se transformer en action, cette excitation s’est communiquée aux autres, qui sont souvent an­tagonistes, et la conduite se modifie de façon à s’ajuster aux ordres combinés des différentes émotions. De là résulte une diminution de la tendance impulsive et aussi une plus grande persistance. La con­duite, étant dirigée par plusieurs émotions qui coopèrent en degré sans s’épuiser, acquiert une plus grande continuité, et tandis que les forces spasmodiques deviennent moins apparentes, il y a accroisse­ment de l’énergie totale.
 
Si on se place à ce point de vue pour examiner les faits, on peut poser quelques questions intéressantes relativement aux différentes races humaines. Avec quels autres caractères, outre le degré d’évo­lution mentale, la tendance impulsive est-elle en rapport ? En dehors de la différence provenant de l’élévation de type, les races du nouveau monde semblent être moins promptes aux impulsions que les races de l’ancien monde. Cela est-il dû à une apathie consti­tutionnelle ? Peut-on indiquer un rapport (toutes autres choses étant égales) entre la vivacité physique et l’impulsion mentale ? Quel rap­port y a-t-il entre ce caractère et l’état social ? Il est évident qu’une nature emportée, celle du Boschiman par exemple, est peu faite pour l’union sociale ; en règle générale l’union sociale, engendrée par quelque moyen que ce soit, agit comme un frein sur l’impulsion. Quel rôle relatif jouent pour arrêter l’impulsion les sentiments qu’en­gendre l’état social, tels, par exemple, que la crainte des voisins, l’instinct de sociabilité, le désir d’accumuler des richesses, les sen­timents de sympathie, le sentiment de la justice ? Ces sentiments qui ne peuvent se développer que dans un certain état de société, im­pliquent tous l’idée de conséquences plus ou moins éloignées, et im­pliquent par conséquent aussi un frein sur l’élan des passions les plus simples. De là les questions suivantes : dans quel ordre, en quel degré et sous quels rapports ces sentiments agissent-ils ?
 
On peut ajouter une autre recherche générale de nature différente. Quel effet le mélange des races produit-il sur la nature mentale ? Il y a des raisons de croire que dans le règne animal tout entier, l’union de variétés très-éloignées les unes des autres a de déplorables con­séquences physiques, tandis que l’union de variétés, voisines a des conséquences physiques avantageuses. En est-il de même pour la na­ture mentale ? Quelques faits semblent prouver que le mélange des races humaines très-dissemblables produit un pauvre type mental, c’est-à-dire une intelligence qui n’est appropriée ni au genre de vie de la race la plus élevée des races ni à celui de la race inférieure ; une intelligence, en un mot, qui se trouve en dehors de toutes les condi­tions de la vie. Nous trouvons, au contraire, que le mélange de peu­ples issus de la même grande famille, mais qui sont devenus quelque peu différents par suite de leur résidence, pendant de nombreuses générations, dans des milieux différents, produit un type mental of­frant certaines supériorités. M. Smiles, dans son ouvrage sur les « Huguenots », fait remarquer qu’un nombre considérable des hommes distingués de l’Angleterre descendent de réfugiés français et fiamandsflamands. M. Alphonse de Candolle, dans son Histoire des sciences et des savants depuis deux siècles démontre que les descendants des ré­fugiés français en Suisse, ont produit une proportion considérable de savants. Bien que ce résultat puisse être attribué en partie à la nature originelle de ces réfugiés qui devaient posséder cette indé­pendance de caractère qui est un des principaux facteurs de l’origi­nalité, il est cependant probable qu’il est dû en partie au mélange des races. Nous avons d’ailleurs des preuves indéniables qui nous autorisent à parler ainsi. Le professeur Morley attire l’attention sur ce fait que pendant sept siècles de l’histoire de l’Angleterre, les plus grands génies de ce pays ont vu le jour dans les distrietsdistricts où s’est ef­fectué le mélange des Celtes et des Anglo-saxons. M. Galton démontre aussi dans son ouvrage sur les « Savants de l’Angleterre » que les hommes les plus éminents par leur science viennent presque tous d’un district intérieur s’étendant du nord au sud, où on peut raisonnable­ment supposer que se trouve plus de sang mêlé que dans les régions situées à l’est et à l’ouest de cette ligne centrale. Semblable résultat semble, d’ailleurs, probable. A priori deux natures, respectivement adaptées à des conditions sociales légèrement différentes, doivent par leur union produire une nature un peu plus plastique que ne l’était chacune d’elles prise séparément, une nature qui se plie plus facile­ment aux circonstances nouvelles d’une vie sociale en progrès et par conséquent plus apte à enfanter de nouvelles idées et à contribuer au développement de nouveaux sentiments. La psychologie com­parée de l’homme peut donc à juste titre embrasser les effets que produisent sur l’intelligence les mélanges de races, et parmi les re­cherches corollaires, on peut se poser cette question : Jusqu’àjusqu’à quel point la conquête d’une race par une autre a-t-elle contribué aux progrès de la civilisation, soit en amenant le mélange, soit par d’autres moyens ?
 
== II. ==