« Le Horla (recueil, Ollendorff 1895)/Sauvée » : différence entre les versions

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Elle entra comme une balle qui crève une vitre, la petite marquise de Rennedon, et elle se mit à rire avant de parler, à rire aux larmes comme elle avait fait un mois plus tôt, en annonçant à son amie qu'elle avait trompé le marquis pour se venger, rien que pour se venger, et rien qu'une fois, parce qu'il était vraiment trop bête et trop jaloux.
 
La petite baronne de Grangerie avait jeté sur son canapé le livre qu'elle lisait et elle
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regardait Annette avec curiosité, riant déjà elle-même.
 
Enfin elle demanda :
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- Non, pas encore, que tu es sotte ! On ne divorce pas en trois heures ! Mais j'ai des preuves... des preuves... des preuves qu'il me trompe... un flagrant délit... songe !... un flagrant délit.. Je le tiens...
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- Oh ! dis-moi ça ! Alors il te trompait ?
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- Comment j'ai fait ?... Voilà ! Oh ! j'ai été forte, rudement forte. Depuis trois mois il était devenu odieux, tout à fait odieux, brutal, grossier, despote, ignoble enfin. Je me suis dit : "Ça ne peut pas durer, il me faut le divorce ! Mais comment ?" Ça n'était pas facile. J'ai essayé de me faire battre par lui. Il n'a pas voulu. Il me contrariait du matin au soir, me forçait à sortir quand je ne voulais pas, à rester chez moi quand je désirais dîner en ville ; il me rendait la vie insupportable d'un bout à l'autre de la semaine, mais il ne me battait pas.
 
"Alors, j'ai tâché de savoir s'il avait une
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maîtresse. Oui, il en avait une, mais il prenait mille précautions pour aller chez elle. Ils étaient imprenables ensemble. Alors, devine ce que j'ai fait ?
 
- Je ne devine pas.
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- Il me semble qu'il aurait pu l'avoir à moins en usant d'une ruse quelconque et sans... sans... sans être obligé de prendre en même temps l'original.
 
- Oh ! elle est jolie. Ça ne déplaisait pas à Jacques. Et puis moi j'avais besoin de détails sur elle, de détails physiques
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sur sa taille, sur sa poitrine, sur son teint, sur mille choses enfin.
 
- Je ne comprends pas.
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- Je lui ai dit, en lui montrant la photographie de Clarisse (elle s'appelle Clarisse) : "Monsieur, il me faut une femme de chambre qui ressemble à ça. Je la veux jolie, élégante, fine, propre. Je la paierai ce qu'il faudra. Si ça me coûte dix mille francs, tant pis. Je n'en aurai pas besoin plus de trois mois.
 
Il avait l'air très étonné, cet homme. Il
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demanda : "Madame la veut-elle irréprochable ?"
 
Je rougis, et je balbutiai : "Mais oui, comme probité."
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Alors, l'homme se mit à rire. Et je compris à son regard qu'il m'avait rendu son estime. Il me trouvait même très forte. J'aurais bien parié qu'à ce moment-là il avait envie de me serrer la main.
 
Il me dit : "Dans huit jours, madame, j'aurai votre affaire. Et nous changerons
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de sujet s'il le faut. Je réponds du succès. Vous ne me payerez qu'après réussite. Ainsi cette photographie représente la maîtresse de monsieur votre mari ?"
 
- Oui, monsieur.
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Il sourit : "Oui, madame, le parfum est essentiel pour séduire un homme ; car cela lui donne des ressouvenirs inconscients qui le disposent à l'action ; le parfum établit des confusions obscures dans son esprit, le trouble et l'énerve en lui rappelant ses plaisirs. Il faudrait tâcher de savoir aussi ce que monsieur votre mari a l'habitude de manger quand il dîne avec cette dame. Vous pourriez lui servir les mêmes plats le soir où vous le pincerez. Oh ! nous le tenons, madame, nous le tenons."
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Je m'en allai enchantée. J'étais tombée là vraiment sur un homme très intelligent.
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- Alors parfait. Vous faut-il longtemps pour réussir ?
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- Oh ! Madame, cela dépend tout à fait du tempérament de Monsieur. Quand j'aurai vu Monsieur cinq minutes en tête à tête, je pourrai répondre exactement à Madame.
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- Non, mon enfant : de la batiste avec dentelles.
 
- Oh ! alors, c'est une personne
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comme il faut. Le linge de soie commence à devenir commun.
 
- C'est très vrai, ce que vous dites là !
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- Où l'avez-vous trouvée ?
 
- C'est la baronne de Grangerie qui
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me l'a donnée, avec les meilleurs renseignements.
 
- Ah ! elle est assez jolie.
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- Non, Madame ; il m'a seulement demandé mon nom... Pour entendre le son de ma voix.
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- Très bien, ma bonne Rose. Allez le plus vite que vous pourrez.
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- Je fus un peu surprise, un rien émue même, non de la chose, mais plutôt de la manière dont elle me l'avait dite. Je balbutiais. "Et... et... ça s'est bien passé ?...
 
- Oh ! très bien, Madame. Depuis trois jours déjà me pressait, mais je ne
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voulais pas aller trop vite. Madame me préviendra du moment où elle désire le flagrant délit.
 
- Oui, ma fille. Tenez !... Prenons jeudi.
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- Soit, dans la chambre de Madame.
 
Alors, ma chérie, tu comprends ce que j'ai fait. J'ai été chercher papa et maman
Alors, ma chérie, tu comprends ce que j'ai fait. J'ai été chercher papa et maman d'abord, et puis mon oncle d'Orvelin, le président, et puis M. Raplet, le juge, l'ami de mon mari. Je ne les ai pas prévenus de ce que j'allais leur montrer. Je les ai fait entrer tous sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de ma chambre. J'ai attendu cinq heures, cinq heures juste... Oh ! comme mon coeur battait. J'avais fait monter aussi le concierge pour avoir un témoin de plus ! Et puis... et puis, au moment où la pendule commence à sonner, pan, j'ouvre la porte toute grande... Ah ! ah ! ah ! ça y était en plein... en plein ma chère... Oh ! quelle tête !... si tu avais vu sa tête ! Et il s'est retourné... l'imbécile ! Ah ! qu'il était drôle je riais, je riais. Et papa qui s'est fâché, qui voulait battre mon mari. Et le concierge, un bon serviteur, qui l'aidait à se rhabiller... devant nous... devant nous... Il boutonnait ses bretelles... que c'était farce !... Quant à Rose, parfaite ! absolument parfaite... Elle pleurait... elle pleurait très bien. C'est une fille précieuse... Si tu en as jamais besoin, n'oublie pas !
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Alors, ma chérie, tu comprends ce que j'ai fait. J'ai été chercher papa et maman d'abord, et puis mon oncle d'Orvelin, le président, et puis M. Raplet, le juge, l'ami de mon mari. Je ne les ai pas prévenus de ce que j'allais leur montrer. Je les ai fait entrer tous sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de ma chambre. J'ai attendu cinq heures, cinq heures juste... Oh ! comme mon coeur battait. J'avais fait monter aussi le concierge pour avoir un témoin de plus ! Et puis... et puis, au moment où la pendule commence à sonner, pan, j'ouvre la porte toute grande... Ah ! ah ! ah ! ça y était en plein... en plein ma chère... Oh ! quelle tête !... si tu avais vu sa tête ! Et il s'est retourné... l'imbécile ! Ah ! qu'il était drôle je riais, je riais. Et papa qui s'est fâché, qui voulait battre mon mari. Et le concierge, un bon serviteur, qui l'aidait à se rhabiller... devant nous... devant nous... Il boutonnait ses bretelles... que c'était farce !... Quant à Rose, parfaite ! absolument parfaite... Elle pleurait... elle pleurait très bien. C'est une fille précieuse... Si tu en as jamais besoin, n'oublie pas !
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Rose, parfaite ! absolument parfaite... Elle pleurait... elle pleurait très bien. C'est une fille précieuse... Si tu en as jamais besoin, n'oublie pas !
 
Et me voici... Je suis venue tout de suite te raconter la chose... tout de suite. Je suis libre. Vive le divorce ! Et elle se mit à danser au milieu du salon, tandis que la petite baronne, songeuse et contrariée, murmurait :
 
Pourquoi ne m'as-tu pas invitée à voir ça ?
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