« Contes du jour et de la nuit (éd. Flammarion, 1885)/La Roche aux Guillemots » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
m match
ThomasBot (discussion | contributions)
m Phe: match
Ligne 13 :
}}
 
 
==__MATCH__:[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/267]]==
 
Voici la saison des guillemots.
Ligne 20 ⟶ 21 :
 
On les revoit au printemps suivant.
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/268]]==
 
Ce sont les derniers chasseurs de guillemots, ceux qui restent des anciens ; car ils étaient une vingtaine de fanatiques, il y a trente ou quarante ans ; ils ne sont plus que quelques enragés tireurs.
Ligne 25 ⟶ 27 :
Le guillemot est un oiseau voyageur fort rare, dont les habitudes sont étranges. Il habite presque toute l’année les parages de Terre-Neuve, des îles Saint-Pierre et Miquelon ; mais, au moment des amours, une bande d’émigrants traverse l’Océan, et, tous les ans, vient pondre et couver au même endroit, à la roche dite ''aux'' ''Guillemots'', près d’Étretat. On n’en trouve que là, rien que là. Ils y sont toujours venus, on les a toujours chassés, et ils reviennent encore ; ils reviendront toujours. Sitôt les petits élevés, ils repartent, disparaissent pour un an.
 
Pourquoi ne vont-ils jamais ailleurs, ne choisissent-ils aucun autre point de cette longue falaise blanche et sans cesse pareille qui court du Pas-de-Calais au Havre ? Quelle force, quel instinct invincible, quelle habitude
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/269]]==
séculaire poussent ces oiseaux à revenir en ce lieu ? Quelle première émigration, quelle tempête peut-être a jadis jeté leurs pères sur cette roche ? Et pourquoi les fils, les petit-fils, tous les descendants des premiers y sont-ils toujours retournés !
 
Ils ne sont pas nombreux : une centaine au plus, comme si une seule famille avait cette tradition, accomplissait ce pèlerinage annuel.
Ligne 33 ⟶ 37 :
Pour rien au monde, ils n’y manqueraient.
 
C’était par un soir d’avril de l’une des dernières années. Trois des anciens tireurs de guillemots
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/270]]==
venaient d’arriver ; un d’eux manquait, M. d’Arnelles.
 
Il n’avait écrit à personne, n’avait donné aucune nouvelle ! Pourtant il n’était point mort, comme tant d’autres ; on l’aurait su. Enfin, las d’attendre, les premiers venus se mirent à table ; et le dîner touchait à sa fin, quand une voiture roula dans la cour de l’hôtellerie ; et bientôt le retardataire entra.
Ligne 45 ⟶ 51 :
Rien de joli comme cette chasse, comme cette promenade matinale.
 
Dès trois heures du matin, les matelots réveillent les chasseurs en jetant du sable dans les vitres.
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/271]]==
En quelques minutes on est prêt et on descend sur le perret. Bien que le crépuscule ne se montre point encore, les étoiles sont un peu pâlies ; la mer fait grincer les galets ; la brise est si fraîche qu’on frissonne un peu, malgré les gros habits.
 
Bientôt les deux barques poussées par les hommes, dévalent brusquement sur la pente de cailloux ronds, avec un bruit de toile qu’on déchire ; puis elles se balancent sur les premières vagues. La voile brune monte au mât, se gonfle un peu, palpite, hésite et, bombée de nouveau, ronde comme un ventre, emporte les coques goudronnées vers la grande porte d’aval qu’on distingue vaguement dans l’ombre.
Ligne 51 ⟶ 59 :
Le ciel s’éclaircit ; les ténèbres semblent fondre ; la côte paraît voilée encore, la grande côte blanche, droite comme une muraille.
 
On franchit la Manne-Porte, voûte énorme où passerait un navire ; on double la pointe de la Courtine ; voici le val d’Antifer, le cap du même nom ; et soudain on aperçoit une
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/272]]==
plage où des centaines de mouettes sont posées. Voici la roche aux Guillemots.
 
C’est tout simplement une petite bosse de la falaise ; et, sur les étroites corniches du roc, des têtes d’oiseaux se montrent, qui regardent les barques.
Ligne 59 ⟶ 69 :
Ils connaissent leur infirmité et le danger qu’elle leur crée, et ne se décident pas à vite s’enfuir.
 
Mais les matelots se mettent à crier, battent leurs bordages avec les tolets de bois, et les oiseaux, pris de peur, s’élancent un à un, dans le vide, précipités jusqu’au ras de la
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/273]]==
vague ; puis, les ailes battant à coups rapides, ils filent, filent et gagnent le large, quand une grêle de plombs ne les jette pas à l’eau. Pendant une heure on les mitraille ainsi, les forçant à déguerpir l’un après l’autre ; et quelquefois les femelles au nid, acharnées à couver, ne s’en vont point ; et reçoivent coup sur coup les décharges qui font jaillir sur la roche blanche des gouttelettes de sang rose, tandis que la bête expire sans avoir quitté ses œufs.
 
Le premier jour, M. d’Arnelles chassa avec son entrain habituel ; mais, quand on repartit vers dix heures, sous le haut soleil radieux, qui jetait de grands triangles de lumière dans les échancrures blanches de la côte, il se montra un peu soucieux, rêvant parfois, contre son habitude.
 
Dès qu’on fut de retour au pays, une sorte
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/274]]==
de domestique en noir vint lui parler bas. Il sembla réfléchir, hésiter, puis il répondit :
 
— Non, demain.
Ligne 78 ⟶ 92 :
 
Dès que le déjeuner fut terminé, le valet en noir reparut. M. d’Arnelles ordonna d’atteler ; et l’homme allait sortir quand les trois autres chasseurs intervinrent, insistèrent, priant et sollicitant pour retenir leur ami. L’un d’eux, à la fin, demanda :
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/275]]==
 
— Mais, voyons, elle n’est pas si grave, cette affaire, puisque vous avez bien attendu déjà deux jours !
Ligne 98 ⟶ 113 :
 
— J’ai eu le malheur de le perdre ; et, comme je conduisais le corps chez moi, à Briseville, j’ai fait un petit détour pour ne pas manquer notre rendez-vous. Mais, vous comprenez que je ne puis m’attarder plus longtemps.
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/276]]==
 
Alors, un des chasseurs, plus hardi :
Ligne 118 ⟶ 134 :
 
— Eh bien ! mon ami, ce sera pour après-demain.
==[[Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/277]]==