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la goutte ; il dit qu’un de leurs compagnons était mort
la goutte ; il dit qu’un de leurs compagnons était mort et qu’ils en ramenaient un autre qui était très malade.
et qu’ils en ramenaient un autre qui était très malade.


Le malade dont il parlait était assis dans le compartiment
Le malade dont il parlait était assis dans le compartiment
voisin. C’était un tout jeune homme, maigre et pâle, avec des lèvres bleues. Évidemment il avait pris les fièvres en travaillant dans l’eau. Nekhludov s’approcha de lui ; mais le jeune homme leva sur lui un regard à la fois si sévère et si plein de souffrance que Nekhludov, n’ayant pas le courage de le fatiguer de ses questions, engagea simplement le vieil ouvrier à acheter, pour lui, un peu de quinine. Il écrivit sur un papier le nom de ce remède. Il voulait aussi donner de l’argent ; mais l’ouvrier s’y refusa avec énergie.
voisin. C’était un tout jeune homme, maigre et
pâle, avec des lèvres bleues. Évidemment il avait pris
les fièvres en travaillant dans l’eau. Nekhludov s’approcha
de lui ; mais le jeune homme leva sur lui un regard
à la fois si sévère et si plein de souffrance que Nekhludov,
n’ayant pas le courage de le fatiguer de ses questions,
engagea simplement le vieil ouvrier à acheter, pour lui,
un peu de quinine. Il écrivit sur un papier le nom de
ce remède. Il voulait aussi donner de l’argent ; mais
l’ouvrier s’y refusa avec énergie.


— J’ai vu bien des barines, — dit-il en s’adressant à Tarass, pendant que Nekhludov avait le dos tourné, — mais un barine comme celui-là, je n’en ai pas encore vu ! Non seulement il ne cherche pas à vous tourmenter, mais il se met debout pour vous céder sa place ! Ça prouve bien, mon frère, que, des barines, aussi, il y en a de toutes les espèces !
— J’ai vu bien des barines, — dit-il en s’adressant
à Tarass, pendant que Nekhludov avait le dos tourné, —
mais un barine comme celui-là, je n’en ai pas encore vu !
Non seulement il ne cherche pas à vous tourmenter,
mais il se met debout pour vous céder sa place ! Ça
prouve bien, mon frère, que, des barines, aussi, il y en a
de toutes les espèces !






Et Nekhludov, pendant ce temps, considérait les membres secs et musculeux de ces hommes, leurs grossiers vêtements, leurs visages fatigués ; et de toutes parts il se sentait entouré d’une humanité nouvelle, ayant des intérêts sérieux, des joies et des souffrances sérieuses. Il se sentait en présence d’une vraie vie humaine. — Le voici, ''le grand monde, le vrai grand monde !'' — se disait-il, en se rappelant la phrase française du prince
Et Nekhludov, pendant ce temps, considérait les
membres secs et musculeux de ces hommes, leurs grossiers
vêtements, leurs visages fatigués ; et de toutes parts
il se sentait entouré d’une humanité nouvelle, ayant
des intérêts sérieux, des joies et des souffrances sérieuses.
Il se sentait en présence d’une vraie vie humaine.
— Le voici, ''le grand monde, le vrai grand monde !'' — se
disait-il, en se rappelant la phrase française du prince
Korchaguine, et tout le misérable monde de ces Korchaguine,
Korchaguine, et tout le misérable monde de ces Korchaguine,
avec la vanité et la bassesse de leurs intérêts.
avec la vanité et la bassesse de leurs intérêts. Et, plus profondément que jamais, Nekhludov éprouvait le sentiment joyeux du voyageur qui vient de découvrir une terre nouvelle, une terre fertile en fleurs et en fruits.
Et, plus profondément que jamais, Nekhludov éprouvait
le sentiment joyeux du voyageur qui vient de découvrir
une terre nouvelle, une terre fertile en fleurs et en
fruits.