« La Conquête de Plassans/22 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
m match
ThomasBot (discussion | contributions)
m Phe: match
Ligne 2 :
{{Navigateur|[[La Conquête de Plassans/21|21]]|[[La Conquête de Plassans]]|[[La Conquête de Plassans/23|23]]}}
 
 
==__MATCH__:[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/372]]==
 
<br />
 
Ligne 14 ⟶ 16 :
« Elle a laissé la porte ouverte, dit le fou à voix haute ; elle doit m’attendre, il faut que je parte. »
 
Il sortit, revint en tâtant ses vêtements, de l’air minutieux d’un homme rangé qui craint d’oublier quelque chose ; puis, il referma la porte, soigneusement. Il traversa la première cour, de son petit pas tranquille de bourgeois flâneur. Comme il entrait dans la seconde, il vit un gardien qui semblait guetter. Il s’arrêta, se consulta un moment. Mais, le gardien ayant disparu, il se trouva à l’autre bout de la cour, devant une nouvelle porte ouverte donnant sur la
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/373]]==
campagne. Il la referma derrière lui, sans s’étonner, sans se presser.
 
« C’est une bonne femme tout de même, murmura-t-il ; elle aura entendu que je l’appelais… Il doit être tard. Je vais rentrer, pour qu’ils ne soient pas inquiets à la maison. »
Ligne 26 ⟶ 30 :
« Diable ! il ne faut pas que je m’amuse, dit Mouret en examinant le ciel avec inquiétude ; le vent est à l’est, il va en tomber une jolie décoction ! Jamais je n’aurai le temps d’arriver à Plassans avant la pluie. Avec ça, je suis peu couvert. »
 
Et il ramena sur sa poitrine la veste de grosse laine grise qu’il avait mise en lambeaux aux Tulettes. Il avait à la mâchoire une profonde meurtrissure, à laquelle il portait la main, sans se rendre compte de la vive douleur qu’il éprouvait là. La grand-route restait déserte ; il ne rencontra qu’une charrette, descendant une côte, d’une allure paresseuse. Le charretier, qui dormait, ne répondit pas au bonsoir amical qu’il lui jeta. Ce fut au pont de la Viorne
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/374]]==
que la pluie le surprit. L’eau lui étant très désagréable, il descendit sous le pont se mettre à l’abri, en grondant que c’était insupportable, que rien n’abîmait les vêtements comme cela, que s’il avait su, il aurait emporté un parapluie. Il patienta une bonne demi-heure, s’amusant à écouter le ruissellement de l’eau ; puis, quand l’averse fut passée, il remonta sur la route, il entra enfin à Plassans. Il mettait un soin extrême à éviter les flaques de boue.
 
Il était alors près de minuit. Mouret calculait que huit heures ne devaient pas encore avoir sonné. Il traversa les rues vides, tout à l’ennui d’avoir fait attendre sa femme si longtemps.
Ligne 40 ⟶ 46 :
« Voilà un beau coup, lorsqu’il était si facile de frapper ! murmura-t-il avec un regret subit. Une porte neuve me coûtera au moins trente francs. »
 
 
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/375]]==
Il était dans le jardin. Ayant levé la tête, apercevant, au premier étage, la chambre à coucher vivement éclairée, il crut que sa femme se mettait au lit. Cela lui causa un grand étonnement. Sans doute il avait dormi sous le pont en attendant la fin de l’averse. Il devait être très tard. En effet, les fenêtres voisines, celles de M. Rastoil aussi bien que celles de la sous-préfecture, étaient noires. Et il ramenait les yeux, lorsqu’il vit une lueur de lampe, au second étage, derrière les rideaux épais de l’abbé Faujas. Ce fut comme un œil flamboyant, allumé au front de la façade, qui le brûlait. Il se serra les tempes entre ses mains brûlantes, la tête perdue, roulant dans un souvenir abominable, dans un cauchemar évanoui, où rien de net ne se formulait, où s’agitait, pour lui et les siens, la menace d’un péril ancien, grandi lentement, devenu terrible, au fond duquel la maison allait s’engloutir, s’il ne la sauvait.
 
Ligne 48 ⟶ 56 :
« Marthe, Marthe, où es-tu ? » appela-t-il de nouveau.
 
Il la chercha dans la petite serre, à droite de la terrasse. La petite serre était encombrée des cadavres séchés des grands buis ; ils s’empilaient, en fascines, au milieu de
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/376]]==
tronçons d’arbres fruitiers, épars comme des membres coupés. Dans un coin, la cage qui avait servi aux oiseaux de Désirée pendait à un clou, lamentable, la porte crevée, avec des bouts de fil de fer qui se hérissaient. Le fou recula, pris de peur, comme s’il avait ouvert la porte d’un caveau. Bégayant, le sang à la gorge, il monta sur la terrasse, rôda devant la porte et les fenêtres closes. La colère, qui grandissait en lui, donnait à ses membres une souplesse de bête ; il se ramassait, marchait sans bruit, cherchait une fissure. Un soupirail de la cave lui suffit. Il s’amincit, se glissa avec une habileté de chat, égratignant le mur de ses ongles. Enfin il était dans la maison.
 
La cave ne fermait qu’au loquet. Il s’avança au milieu des ténèbres épaisses du vestibule, tâtant les murs, poussant la porte de la cuisine. Les allumettes étaient à gauche, sur une planche. Il alla droit à cette planche, frotta une allumette, s’éclaira pour prendre une lampe sur le manteau de la cheminée, sans rien casser. Puis, il regarda. Il devait y avoir eu, le soir, quelque gros repas. La cuisine était dans un désordre de bombance : les assiettes, les plats, les verres sales, encombraient la table ; une débandade de casseroles, tièdes encore, traînaient sur l’évier, sur les chaises, sur le carreau ; une cafetière, oubliée au bord d’un fourneau allumé, bouillait, le ventre roulé en avant comme une personne soûle. Mouret redressa la cafetière, rangea les casseroles ; il les sentait, flairait les restes de liqueur dans les verres, comptait les plats et les assiettes avec un grondement plus irrité. Ce n’était pas sa cuisine propre et froide de commerçant retiré ; on avait gâché là la nourriture de toute une auberge ; cette malpropreté goulue suait l’indigestion.
Ligne 54 ⟶ 64 :
« Marthe ! Marthe ! reprit-il en revenant dans le vestibule, la lampe à la main ; réponds-moi, dis-moi où ils t’ont enfermée ? Il faut partir, partir tout de suite. »
 
Il
Il la chercha dans la salle à manger. Les deux armoires à droite et à gauche du poêle étaient ouvertes ; au bord d’une planche, un sac de papier gris, crevé, laissait couler des morceaux de sucre jusque sur le plancher. Plus haut, il aperçut une bouteille de cognac sans goulot bouchée avec un tampon de linge. Et il monta sur une chaise pour visiter les armoires. Elles étaient à moitié vides : les bocaux de fruits à l’eau-de-vie tous entamés à la fois, les pots de confiture ouverts et sucés, les fruits mordus, les provisions de toutes sortes rongées, salies comme par le passage d’une armée de rats. Ne trouvant pas Marthe dans les armoires, il regarda partout, derrière les rideaux, sous la table ; des os y roulaient, parmi des mies de pain gâchées ; sur la toile cirée, les culs des verres avaient laissé des ronds de sirop. Alors, il traversa le corridor, il la chercha dans le salon. Mais, dès le seuil, il s’arrêta : il n’était plus chez lui. Le papier mauve clair du salon, le tapis à fleurs rouges, les nouveaux fauteuils recouverts de damas cerise, l’étonnèrent profondément. Il craignit d’entrer chez un autre, il referma la porte.
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/377]]==
Il la chercha dans la salle à manger. Les deux armoires à droite et à gauche du poêle étaient ouvertes ; au bord d’une planche, un sac de papier gris, crevé, laissait couler des morceaux de sucre jusque sur le plancher. Plus haut, il aperçut une bouteille de cognac sans goulot bouchée avec un tampon de linge. Et il monta sur une chaise pour visiter les armoires. Elles étaient à moitié vides : les bocaux de fruits à l’eau-de-vie tous entamés à la fois, les pots de confiture ouverts et sucés, les fruits mordus, les provisions de toutes sortes rongées, salies comme par le passage d’une armée de rats. Ne trouvant pas Marthe dans les armoires, il regarda partout, derrière les rideaux, sous la table ; des os y roulaient, parmi des mies de pain gâchées ; sur la toile cirée, les culs des verres avaient laissé des ronds de sirop. Alors, il traversa le corridor, il la chercha dans le salon. Mais, dès le seuil, il s’arrêta : il n’était plus chez lui. Le papier mauve clair du salon, le tapis à fleurs rouges, les nouveaux fauteuils recouverts de damas cerise, l’étonnèrent profondément. Il craignit d’entrer chez un autre, il referma la porte.
 
« Marthe ! Marthe ! » bégaya-t-il encore avec désespoir.
 
Il était revenu au milieu du vestibule, réfléchissant, ne pouvant apaiser ce souffle rauque qui s’enflait dans sa gorge. Où se trouvait-il donc, qu’il ne reconnaissait aucune pièce ? Qui donc lui avait ainsi changé sa maison ? Et les souvenirs se noyaient. Il ne voyait que des ombres se glisser le long du corridor : deux ombres noires d’abord, pauvres, polies, s’effaçant ; puis deux ombres grises et louches, qui ricanaient. Il leva la lampe dont la mèche s’effarait ; les ombres grandissaient, s’allongeaient contre les murs, montaient dans la cage de l’escalier, emplissaient, dévoraient la maison entière. Quelque ordure mauvaise, quelque ferment de décomposition introduit là, avait pourri les boiseries, rouillé le fer, fendu les murailles. Alors, il entendit la maison s’émietter
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/378]]==
comme un plâtras tombé de moisissure, se fondre comme un morceau de sel jeté dans une eau tiède.
 
En haut, des rires clairs sonnaient, qui lui hérissaient le poil. Posant la lampe à terre, il monta pour chercher Marthe ; il monta à quatre pattes, sans bruit, avec une légèreté et une douceur de loup. Quand il fut sur le palier du premier étage, il s’accroupit devant la porte de la chambre à coucher. Une raie de lumière passait sous la porte. Marthe devait se mettre au lit.
Ligne 78 ⟶ 92 :
« Mets donc cela, dit-il en jetant une chemise de nuit à Olympe ; c’est plein de dentelles. J’ai toujours rêvé de coucher avec une femme qui aurait de la dentelle… Moi, je vais prendre ce foulard rouge… Est-ce que tu as changé les draps ?
 
— Ma foi ! non, répondit-elle ; je n’y ai pas pensé ; ils sont encore propres… Elle est très soigneuse de sa personne, elle ne me dégoûte pas. »
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/379]]==
Ma foi ! non, répondit-elle ; je n’y ai pas pensé ; ils sont encore propres… Elle est très soigneuse de sa personne, elle ne me dégoûte pas. »
 
Et, comme Trouche se couchait enfin, elle lui cria :
Ligne 98 ⟶ 114 :
« Bah ! reprit Trouche, ce ne serait pas facile de les faire déguerpir ; mais on pourrait toujours essayer… Je crois que l’abbé aurait déjà changé de logement, s’il ne craignait que la propriétaire fit un scandale, en se voyant lâchée… J’ai envie de travailler la propriétaire ; je lui conterai des histoires, pour les faire flanquer à la porte. »
 
 
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/380]]==
Il but de nouveau.
 
Ligne 120 ⟶ 138 :
Et elle se replongea dans son roman, furieuse, après avoir sucé la tranche de citron de son grog.
 
 
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/381]]==
Mouret, de son allure souple, quitta la porte où il était resté blotti. Il monta au second étage, s’agenouiller devant la chambre de l’abbé Faujas, se haussant jusqu’au trou de la serrure. Il étouffait le nom de Marthe dans sa gorge, l’œil ardent, fouillant les coins de la chambre, s’assurant qu’on ne la cachait point là. La grande pièce nue était pleine d’ombre, une petite lampe posée au bord de la table laissait tomber sur le carreau un rond étroit de clarté ; le prêtre, qui écrivait, ne faisait lui-même qu’une tache noire, au milieu de cette lueur jaune. Après avoir cherché derrière la commode, derrière les rideaux, Mouret s’était arrêté au lit de fer, sur lequel le chapeau du prêtre étalait comme une chevelure de femme. Marthe sans doute était dans le lit. Les Trouche l’avaient dit, elle couchait là, maintenant. Mais il vit le lit froid, aux draps bien tirés, qui ressemblait à une pierre tombale ; il s’habituait à l’ombre. L’abbé Faujas dut entendre quelque bruit, car il regarda la porte. Lorsque le fou aperçut le visage calme du prêtre, ses yeux rougirent, une légère écume parut aux coins de ses lèvres ; il retint un hurlement, il s’en alla à quatre pattes par l’escalier, par les corridors, répétant à voix basse :
 
Ligne 126 ⟶ 146 :
Il la chercha dans toute la maison : dans la chambre de Rose, qu’il trouva vide ; dans le logement des Trouche, empli du déménagement des autres pièces ; dans les anciennes chambres des enfants, où il sanglota en rencontrant sous sa main une paire de petites bottines éculées que Désirée avait portées. Il montait, descendait, s’accrochait à la rampe, se glissait le long des murs, faisait le tour des pièces à tâtons, sans se cogner, avec son agilité extraordinaire de fou prudent. Bientôt, il n’y eut pas un coin, de la cave au grenier, qu’il n’eût flairé. Marthe n’était pas dans la maison, les enfants non plus, Rose non plus. La maison était vide, la maison pouvait crouler.
 
 
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/382]]==
Mouret s’assit sur une marche de l’escalier, entre le premier et le second étage. Il étouffait ce souffle puissant qui, malgré lui, gonflait sa poitrine. Il attendait, les mains croisées, le dos appuyé à la rampe, les yeux ouverts dans la nuit, tout à l’idée fixe qu’il mûrissait patiemment. Ses sens prenaient une finesse telle, qu’il surprenait les plus petits bruits de la maison. En bas, Trouche ronflait ; Olympe tournait les pages de son roman, avec le léger froissement du doigt contre le papier. Au second étage, la plume de l’abbé Faujas avait un bruissement de pattes d’insecte ; tandis que, dans la chambre voisine, Mme Faujas endormie semblait accompagner cette aigre musique de sa respiration forte. Mouret passa une heure, les oreilles aux aguets. Ce fut Olympe qui succomba la première au sommeil ; il entendit le roman tomber sur le tapis. Puis l’abbé Faujas posa sa plume, se déshabilla avec des frôlements discrets de pantoufles ; les vêtements glissaient mollement, le lit ne craqua même pas. Toute la maison était couchée. Mais le fou sentait, à l’haleine trop grêle de l’abbé, qu’il ne dormait pas. Peu à peu, cette haleine grossit. Toute la maison dormait.
 
Ligne 132 ⟶ 154 :
« Marthe n’y est plus, la maison n’y est plus, rien n’y est plus. »
 
Il ouvrit la porte donnant sur le jardin, il descendit à la petite serre. Là, il déménagea méthodiquement les grands buis séchés ; il en emportait des brassées énormes, qu’il montait, qu’il empilait devant les portes des Trouche et des Faujas. Comme il était pris d’un besoin de grande clarté, il alla allumer dans la cuisine toutes les lampes, qu’il revint
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/383]]==
poser sur les tables des pièces, sur les paliers de l’escalier, le long des corridors. Puis, il transporta le reste des fascines de buis. Les tas s’élevaient plus haut que les portes. Mais, en faisant un dernier voyage, il aperçut les fenêtres. Alors, il retourna chercher les arbres fruitiers et dressa un bûcher sous les fenêtres, en ménageant fort habilement les courants d’air pour que la flamme fût belle. Le bûcher lui parut petit.
 
« Il n’y a plus rien, répétait-il ; il faut qu’il n’y ait plus rien. »
Ligne 138 ⟶ 162 :
Il se souvint, il descendit à la cave, recommença ses voyages. Maintenant, il remontait la provision de chauffage pour l’hiver : le charbon, les sarments, le bois. Le bûcher, sous les fenêtres, grandissait. A chaque paquet de sarments qu’il rangeait proprement, il était secoué d’une satisfaction plus vive. Il distribua ensuite le combustible dans les pièces du rez-de-chaussée, en laissa un tas dans le vestibule, un autre dans la cuisine. Il finit par renverser les meubles, par les pousser sur les tas. Une heure lui avait suffi pour cette rude besogne. Sans souliers, courant les bras chargés, il s’était glissé partout, avait tout charrié avec une telle adresse qu’il n’avait pas laissé tomber une seule bûche trop rudement. Il semblait doué d’une vie nouvelle, d’une logique de mouvements extraordinaires. Il était, dans l’idée fixe, très fort, très intelligent.
 
Quand tout fut prêt, il jouit un instant de son œuvre. Il allait de tas en tas, se plaisait à la forme carrée des bûchers, faisait le tour de chacun d’eux, en frappant doucement dans ses mains d’un air de satisfaction extrême. Quelques morceaux de charbon étant tombés le long de l’escalier, il courut chercher un balai, enleva proprement la poussière noire des marches. Il acheva ainsi son inspection, en bourgeois soigneux qui entend faire les choses comme elles doivent être faites, d’une façon réfléchie. La jouissance l’effarait peu à
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/384]]==
peu ; il se courbait, se retrouvait à quatre pattes, courant sur les mains, soufflant plus fort, avec un ronflement de joie terrible.
 
Alors, il prit un sarment. Il alluma les tas. Il commença par les tas de la terrasse, sous les fenêtres. D’un bond, il rentra, enflamma les tas du salon et de la salle à manger, de la cuisine et du vestibule. Puis il sauta d’étage en étage, jetant les débris embrasés de son sarment sur les tas barrant les portes des Trouche et des Faujas. Une fureur croissante le secouait, la grande clarté de l’incendie achevait de l’affoler. Il descendit à deux reprises avec des sauts prodigieux, tournant sur lui-même, traversant l’épaisse fumée, activant de son souffle les brasiers, dans lesquels il rejetait des poignées de charbons ardents. La vue des flammes s’écrasant déjà aux plafonds des pièces le faisait asseoir par moments sur le derrière, riant, applaudissant de toute la force de ses mains.
Ligne 148 ⟶ 174 :
Au fond du corridor, la porte de Mme Faujas s’étant brusquement ouverte, la flamme s’engouffra dans la chambre avec le roulement d’une tempête. La vieille femme parut au milieu du feu. Les mains en avant, elle écarta les fascines qui flambaient, sauta dans le corridor, rejeta à coups de pied, à coups de poing, les tisons qui masquaient la porte de son fils, qu’elle continuait à appeler désespérément. Le fou s’était aplati davantage, les yeux ardents, se plaignant toujours.
 
«
« Attends-moi, ne descends pas par la fenêtre », criait-elle, en frappant à la porte.
==[[Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/385]]==
« Attends-moi, ne descends pas par la fenêtre », criait-elle, en frappant à la porte.
 
Elle dut l’enfoncer ; la porte, qui brûlait, céda facilement. Elle reparut, tenant son fils entre les bras. Il avait pris le temps de mettre sa soutane ; il étouffait, suffoqué par la fumée.