« Aurore (Nietzsche)/Livre premier » : différence entre les versions

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''Les sentiments et l’origine qu’ils tirent des jugements''. — « Fie-toi à ton sentiment ! » — Mais les sentiments ne sont rien de définitif, rien d’originel ; derrière les sentiments il y a les jugements et les appréciations qui nous sont transmis sous forme de sentiments (prédilections, antipathies). L’inspiration qui découle d’un sentiment est petite-fille d’un jugement — souvent d’un jugement erroné ! — et, en tous les cas, pas d’un jugement qui te soit personnel. Faire confiance à ses sentiments — c’est obéir plus à son grand-père, à sa grand-mère et aux grands-parents de ceux-ci, qu’aux dieux qui sont en nous, à notre raison et à notre expérience.
''La philologie du christianisme''. — On peut assez bien se rendre compte combien peu le christianisme développe le sens de la probité et de la justice en analysant les écrits de ses savants : ceux-ci avancent leurs suppositions avec autant d’audace que si elles étaient des dogmes, et l’interprétation d’un passage de la Bible les plonge rarement dans un embarras loyal. On lit sans cesse : « J’ai raison, car il est écrit » –, et alors c’est une telle impertinence arbitraire dans l’interprétation qu’elle fait s’arrêter un philologue entre la colère et le rire pour se demander toujours à nouveau : Est-il possible ! Cela est-il loyal ? Est-ce seulement convenable ? Les déloyautés que l’on commet à ce sujet du haut des chaires protestantes, la façon grossière dont le prédicateur exploite le fait que personne ne peut lui répondre, déforme et accommode la Bible et inculque ainsi au peuple, de toutes les manières, l’art de mal lire, — tout cela ne sera méconnu que par celui qui ne va jamais ou qui va toujours à l’église. Mais, en fin de compte, que peut-on attendre des effets d’une religion qui, pendant les siècles de sa fondation, a exécuté cette extraordinaire farce philologique autour de l’Ancien Testament ? Je veux dire la tentative d’enlever l’Ancien Testament aux juifs avec l’affirmation qu’il ne contenait que des doctrines chrétiennes et qu’il ne devait appartenir qu’aux chrétiens, le véritable peuple d’Israël, tandis que les juifs n’avaient fait que se l’arroger. Il y eut alors une rage d’interprétation et de substitution qui ne pouvait certainement pas s’allier à la bonne conscience ; quelles que fussent les protestations des juifs, partout, dans l’Ancien Testament, il devait être question du Christ, et rien que du Christ, partout notamment de sa croix, et tous les passages où il était question de bois, de verge, d’échelle, de rameau, d’arbre, de roseau, de bâton ne pouvaient être que des prophéties relatives aux bois de la croix : même l’érection de la licorne et du serpent d’airain, Moïse lui-même avec les bras étendus pour la prière, et les lances où rôtissait l’agneau pascal, — tout cela n’était que des allusions et, en quelque sorte, des préludes de la croix ! Ceux qui prétendaient ces choses, les ont-ils jamais crues ? L’Église n’a même pas reculé devant (les interpolations dans le texte de la version des Septanles (par exemple au psaume 96, verset 10), pour donner après coup au passage frauduleusement introduit le sens d’une prophétie chrétienne. C’est que l’on était en guerre et que l’on pensait aux adversaires et non à la loyauté.
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