« Aurore (Nietzsche)/Livre premier » : différence entre les versions

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''Origine et signification''. — Pourquoi cette pensée revient-elle sans cesse à mon esprit et prend-elle des couleurs de plus en plus vives ? — la pensée qu’autrefois les philosophes, lorsqu’ils étaient sur la voie de l’origine des choses, s’imaginaient toujours qu’ils feraient des découvertes d’une signification inappréciable pour toute espèce d’action et de jugement ; on présupposait même que le salut des hommes devait dépendre de l’intelligence qu’il avait de l’origine des choses : maintenant au contraire, plus nous nous livrons à la recherche des origines, moins notre intérêt participe à cette opération, toutes nos évaluations, au contraire, tous les « intérêts » que nous avons placés dans les choses, commencent à perdre leur signification à mesure que nous reculons dans la connaissance pour serrer de près les choses elles-mêmes, avec l’intelligence de l’origine l’insignifiance de l’origine augmente : tandis que ce qui est proche, ce qui est en nous et autour de nous commence peu à peu à s’annoncer riche de couleurs, de beautés, d’énigmes et de significations, dont l’humanité ancienne ne se doutait même pas en rêve. Jadis les penseurs tournaient en rond comme des bêtes enfermées, dévorées d’une rage secrète, l’œil toujours fixé sur les barreaux de leur cage, bondissant contre ces barreaux pour essayer de les briser ; et bienheureux semblait celui qui, par un interstice, croyait voir quelque chose du dehors, de l’au-delà et des lointains.
''L’incessante réflexion sur les usages''. — Les nombreux préceptes moraux que l’on tirait, à la hâte, d’un événement unique et étrange finissaient très vite par devenir incompréhensibles : il était tout aussi difficile d’en déduire des intentions que de reconnaître la pénalité qui devait suivre une infraction ; on avait même des doutes sur le déroulement des cérémonies ; mais, tandis que l’on se concertait tout au long à ce sujet, l’objet d’une pareille investigation grandissait en valeur, et ce qu’il y avait justement d’absurde dans une coutume finissait par devenir sacro-saint. Que l’on ne juge pas à la légère la force que l’humanité a dépensée là pendant des milliers d’années et surtout pas l’effet que produisaient ces incessantes réflexions sur les usages ! Nous voici arrivés sur l’immense terrain de manœuvre de l’intelligence : non seulement les religions s’y développent et s’y achèvent, mais la science, elle aussi, y trouve ses précurseurs vénérables, quoique terribles encore ; c’est là que le poète, le penseur, le médecin, le législateur ont grandi ! La peur de l’incompréhensible qui, d’une façon équivoque, exige de nous des cérémonies a revêtu peu à peu l’attrait de l’hermétisme et, lorsque l’on ne parvenait pas à approfondir, on apprenait à créer.
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