« Aurore (Nietzsche)/Livre deuxième » : différence entre les versions

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''Il y a deux façons de nier la moralité''. – « Nier la moralité » – cela peut vouloir dire d’abord : nier que les motifs éthiques invoqués par les hommes les aient vraiment poussés à leurs actes, – cela équivaut donc à dire que la moralité est affaire de mots et qu’elle fait partie de ces duperies grossières ou subtiles (le plus souvent duperies de soi-même) qui sont le propre de l’homme, surtout peut-être des hommes célèbres par leurs vertus. Et ensuite cela peut signifier : nier que les jugements moraux reposent sur des vérités. Dans ce cas, l’on accorde que ces jugements sont vraiment les motifs des actions, mais que ce sont des erreurs, fondements de tous les jugements moraux, qui poussent les hommes à leurs actions morales. Ce dernier point de vue est le mien : pourtant je ne nie pas que dans beaucoup de cas une subtile méfiance à la façon du premier point de vue, c’est-à-dire, dans l’esprit de La Rochefoucauld, ne soit à sa place et en tous les cas d’une haute utilité générale. – Je nie donc la moralité comme je nie l’alchimie ; et si je nie les hypothèses, je ne nie pas qu’il y ait eu des alchimistes qui ont cru en ces hypothèses et se sont fondés sur elles. – Je nie de même l’immoralité : non qu’il y ait une infinité d’hommes qui se sentent immoraux, mais qu’il y ait en vérité une raison pour qu’ils se sentent ainsi. Je ne nie pas, ainsi qu’il va de soi – en admettant que je ne sois pas insensé –, qu’il faille éviter et combattre beaucoup d’actions que l’on dit immorales ; de même qu’il faut exécuter et encourager beaucoup de celles que l’on dit morales ; mais je crois qu’il faut faire l’une et l’autre chose pour d’autres raisons qu’on l’a fait jusqu’à présent. Il faut que nous changions notre façon de voir – pour arriver enfin, peut-être très tard, à changer notre façon de sentir.
''Regard vers le lointain''. – Si seules sont appelées morales, ainsi que le veut une définition, les actions que l’on fait à cause du prochain et rien qu’à cause du prochain, alors il n’y a pas d’actions morales ! Si seules sont appelées morales, ainsi que le veut une autre définition, les actions faites sous l’influence de la volonté libre, alors il n’y a encore pas d’actions morales ! – Qu’est-ce donc que l’on nomme ainsi, et qui pourtant existe certainement et veut par conséquent être expliqué ? Ce sont les effets de quelques méprises intellectuelles. – Et, en admettant que l’on se délivrât de ces erreurs, que deviendraient les « actions morales » ? – Au moyen de ces erreurs, nous avons jusqu’à présent prêté à quelques actions une valeur supérieure à celle qu’elles ont en réalité : nous les avons séparées des actions « égoïstes » et des actions « non libres ». Si maintenant nous les adjoignons de nouveau à celles-ci, comme nous devons faire, nous en diminuons certainement la valeur (le sentiment de leur valeur), et cela au-dessous de la mesure raisonnable, puisque les actions « égoïstes » et « non libres » ont été évaluées trop bas jusqu’à présent, à cause de cette prétendue différence intime et profonde. – Seront-elles donc, dès lors, exécutées moins souvent, puisque, dès lors on les estimera de moindre valeur ? – Inévitablement ! Du moins pour un certain temps, aussi longtemps que la balance du sentiment de valeur subira la réaction des fautes anciennes ! Mais en contrepartie nous rendons aux hommes le bon courage pour les actions décriées comme égoïstes et nous en rétablissons ainsi la valeur, – nous leur enlevons la mauvaise conscience ! Et puisque, jusqu’à présent, les actions égoïstes furent les plus fréquentes et qu’elles le seront encore pour toute éternité, nous enlevons à l’image des actions et de la vie son apparence mauvaise.
 
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