« Aurore (Nietzsche)/Livre premier » : différence entre les versions

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''Le miracle moral''. — Dans le domaine moral, le chrétien ne connaît que le miracle : le changement soudain de toutes les évaluations, le renoncement soudain à toutes les habitudes, le penchant soudain et irrésistible vers des personnes et des objets nouveaux. Il considère ce phénomène comme l’action de Dieu et l’appelle acte de régénération, il lui prête une valeur unique et incomparable. — Tout ce qui pour le reste s’appelle encore moralité et qui est sans rapport avec ce miracle, devient, de la sorte, indifférent au chrétien, et, en tant que sentiment de bien-être et de fierté, peut-être même un objet de crainte. Le canon de la vertu, de la Loi accomplie, est établi dans le Nouveau Testament, mais de façon que ce soit le canon de la vertu impossible : les hommes qui aspirent encore à une perfection morale doivent apprendre, en regard d’un pareil canon, à se sentir de plus en plus éloignés de leur but, ils doivent désespérer de la vertu et finir par se jeter au cœur de l’Être compatissant, — seule cette conclusion permettait aux efforts moraux du chrétien de conserver de la valeur, à condition que ces efforts demeurassent toujours stériles, pénibles et mélancoliques ; ainsi ils pouvaient encore servir à provoquer cette minute extatique où l’homme assiste au « débordement de la grâce » et au miracle moral : — pourtant, cette lutte pour la moralité n’est pas nécessaire, car il n’est point rare que ce miracle assaille le pécheur, justement au moment où fleurit, en quelque sorte, la lèpre du péché ; le saut brutal hors du péché le plus profond et le plus foncier apparaît même plus facile, et aussi, comme preuve évidente du miracle, plus désirable. — Pénétrer le sens d’un tel revirement soudain, déraisonnable et irrésistible, d’un tel passage de la plus profonde misère au plus profond sentiment de bien-être, au point de vue physiologique (peut-être est-ce une épilepsie masquée ?) — c’est l’affaire des médecins aliénistes qui ont abondamment l’occasion d’observer de pareils « miracles » (par exemple sous forme d’obsession du crime ou du suicide). Le « résultat plus agréable », relativement du moins, dans le cas du chrétien, –– ne constitue pas une différence essentielle.
''Les œuvres et la foi''. — Les docteurs protestants continuent à propager cette erreur fondamentale que seule la foi importe et que les œuvres sont une conséquence naturelle de la foi. Cette doctrine n’est tout bonnement pas vraie, mais elle a l’air si séduisante qu’elle a déjà ébloui des intelligences bien autres que celle de Luther (je veux dire celle de Socrate et de Platon) : quoique l’évidence et l’expérience de tous les jours prouve le contraire. La connaissance et la foi, malgré toutes les promesses qu’elles renferment, ne peuvent donner ni la force ni l’habileté nécessaires à l’action. Elle ne peuvent pas remplacer l’habitude de ce mécanisme subtil et multiple qui a dû être mis en mouvement pour que n’importe quoi puisse passer de la représentation à l’action. Avant tout, et en premier lieu, les œuvres ! C’est-à-dire l’exercice, l’exercice, et encore l’exercice ! La « foi » adéquate viendra par surcroît — soyez-en certains !
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