« Aurore (Nietzsche)/Livre deuxième » : différence entre les versions

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''Louange et blâme''. – Si une guerre finit malheureusement on demande à qui en est la « faute » ; si elle se termine victorieusement, on loue son auteur. Partout où il y a insuccès on cherche la faute, car l’insuccès apporte avec lui un mécontentement, contre quoi l’on emploie involontairement le seul remède : une nouvelle excitation du sentiment de puissance – et cette excitation se trouve dans la condamnation du « coupable ». Ce coupable n’est pas, comme on pourrait le croire, le bouc émissaire pour la faute des autres : il est la victime des faibles, des humiliés, des abaissés qui veulent se prouver, sur n’importe quoi, qu’ils ont encore de la force. Se condamner soi-même peut aussi être un moyen de recouvrer, après la défaite, un sentiment de force. – Par contre, la glorification de l’auteur est souvent le résultat tout aussi aveugle d’un autre instinct qui veut avoir sa victime – et, dans ce cas, le sacrifice paraît même doux et séduisant pour la victime : – cela arrive lorsque le sentiment de puissance est comblé chez un peuple, dans une société, par un succès si grand et si prestigieux qu’il survient une fatigue de la victoire et que l’on abandonne une partie de sa fierté ; il naît alors un sentiment d’abnégation qui cherche un objet. – Que nous soyons loués ou blâmés, nous ne sommes généralement, pour nos voisins, que les occasions, et trop souvent les occasions arbitrairement saisies par les cheveux, pour laisser libre cours aux besoins de blâme ou de louange accumulés en eux : nous leur dispensons dans les deux cas un bienfait pour lequel nous n’avons pas de mérite et eux point de reconnaissance.
''Nous abstraire de la misère des autres''. – Si nous nous laissons assombrir par la misère et les souffrances des autres mortels et si nous couvrons de nuages notre propre ciel, qui donc portera les conséquences d’un tel assombrissement ? Certainement les autres mortels, et ce sera un poids à ajouter à leurs autres charges ! Nous ne pouvons être pour eux ni secourables, ni réconfortants, si nous voulons être l’écho de leur misère, et aussi si nous voulons sans cesse prêter l’oreille à cette misère, – à moins que nous n’apprenions l’art des Olympiens et que nous ne cherchions dorénavant à nous édifier par le malheur des hommes au lieu d’en être malheureux. Mais cela est un peu trop olympien pour nous : bien que, par la jouissance de la tragédie, nous ayons déjà fait un pas en avant vers ce cannibalisme idéal des dieux.
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