« Mémoire sur la matière du son » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
ThomasBot (discussion | contributions)
m Yann Category:XVIIIe : replace
m Coquilles, mise en forme, typographie
Ligne 54 :
La matière qui occasiona la commotion dont il s’agit, produisit les plus grands effets sur les corps denses, et ne fit point osciller le feuillage des arbres ; ce que j’observai étant à ma fenêtre, et faisant face au lieu où s’opéroit cette terrible détonnation. Une porte de communication de ma chambre à une pièce voisine s’ouvrit, et les plus légers ébranlemens ne se firent point remarquer dans les rideaux. Le piton d’un crochet de fer qui tenoit une autre porte fermée, s’arracha, pendant que dans le même lieu le calme de l’air se faisoit ressentir par le repos des corps légers. J’appris le lendemain que, dans une maison fort élevée qu’occupoit alors le citoyen Crapelet, imprimeur (rue des Carmes), la commotion s’étoit si fortement fait ressentir dans le bas, au rez-de-chaussée de cette maison, que les ouvriers y avoient été effrayés de l’ébranlement qu’ils remarquoient dans les meubles de leur atelier ; tandis que le citoyen Crapelet, qui se trouvoit alors au quatrième étage de la même maison, n’avoit point ressenti de commotion, mais avoit seulement entendu par la fenêtre le bruit que l’explosion avoit occasionné.
 
Les grandes agitations de l’air par déplacemens, comme les vents tempêteux, peuvent causer le renversement des édifices, le soulévement des toits, etc. Celles que l’on croit pouvoir se faire par ondulations circulaires, concentriques et croissantes, ou par des espèces de vibrations, devroient ébranler proportionnellement les corps légers, tels que le feuillage des arbres, etc. etc. Mais aucune de ces sortes d’agitations ne doit pouvoir casser des vitres sans forcer les fenêtres, rompre des glaces dans l’intérieur des habitations, comme cela est arrivé à plusieurs de celles qui ferment les armoires des galeries du Muséum ; fendre des plafonds, et arracher des pitons de fer dans le moment même où l’air très calme ne parut pas même faire branler ou voltiger le feuillage des arbres. C’est cependant ce qui est arrivé à la suite de l’explosion de la poudrerie de Grenelle. - Recherches, vol. 2, p. 401.
 
L’observation des faits m’a forcé de reconnoître et d’établir en principe, que le son ou le bruit se propage avec une intensité ou une force qui est en raison directe du choc ou des vibrations des corps, et à la fois de la densité des milieux, à travers lesquels la matière qui le forme, propage ses ébranlemens.
Ligne 64 :
La Nature a donné aux animaux qui vivent dans l’air, un conduit auditif externe, pour augmenter en eux les moyens d’entendre le bruit ou le son qui ne se propage qu’avec une certaine foiblesse, à travers un milieu si mou et qui a si peu de densité ; mais elle a privé de conduit auditif externe presque tous les animaux qui vivent continuellement dans l’eau, parce que se trouvant dans un milieu beaucoup plus favorable à la propagation du bruit ou du son, ils n’en avoient pas besoin.
 
Ainsi, dans beaucoup d’animaux, tels par exemple que les poissons, le fluide élastique subtil et pénétrant, qui est la cause matérielle du bruit ou du son, est obligé de propager ses ébranlemens au travers de la substance même du crâne, afin d’en imprimer l’effet sur l’expansion pulpeuse de leur nerf auditif ; car, dans ces animaux, tout ce qui appartient à l’organe de l’ouïe, est enfermé avec le cerveau dans le crâne même, et n’a aucune communication libre avec les milieux extérieurs. C’est cependant pour les poissons, au travers de l’eau d’abord, et ensuite au travers de leur crâne, que le fluide, qui est la cause du bruit ou du son, doit pénétrer pour arriver à leur nerf auditif. Assurément l’air ne jouit pas d’une pareille faculté. (''Mém''. n°.  158.).
 
Nollet, en parlant de l’expérience d’un timbre que l’on fait sonner dans le vide, s’exprime de la manière suivante, dans ses remarques à cet égard.
 
« Cette expérience du timbre ou d’une sonnette dans le vide, si connue et tant répétée dans les collèges, a fait conclure à bien des gens, que l’air étoit le seul milieu propre à la propagation du son. Qu’il y soit propre, cela n’est point douteux ; qu’il soit le seul, je crois que c’est trop dire. Car pourquoi cette même expérience ne réussit-elle pas au gré de ceux qui la font, quand ils n’ont pas soin d’isoler le corps sonore, ou d’empêcher qu’il ne touche immédiatement la platine, le récipient ou quelqu’autre corps dur qui communique au dehors ? N’est-ce point parce que le son se transmet par les corps solides qui ont communication d’une part avec le timbre, et de l’autre avec l’air extérieur ? » (''Leçons de Phys''. vol.  3, pagp.  416.)
 
On voit que Nollet, qui, se pliant aux préventions existantes, vouloit que l’air fût la matière propagative du son, se trouvoit forcé, par les faits, d’admettre encore une autre matière propagatrice du son. Or, on peut bien assurer maintenant qu’il n’y a qu’une seule matière qui ait cette faculté, soit qu’elle agisse à travers la masse de l’air, soit qu’elle propage ses ébranlemens au travers de l’eau ou au travers des corps solides.
Ligne 76 :
« D’ailleurs (continue-t-il), la quatrième expérience ne nous laisse, ce me semble, sur cela aucun doute. Si le son ne pouvoit se transmettre que par l’air, pourquoi l’entendroit-on lorsque le corps sonore, enfermé par le verre et par le plomb, se trouve plongé dans un vase plein d’eau ? N’est-on pas forcé de reconnoître que le son se communique du réveil (ou timbre) à l’air qui l’environne, de l’air au récipient (la cloche de verre), du récipient à l’eau, et de l’eau à l’air extérieur ? ''Ibid''.
 
Nollet étoit trop instruit pour ne pas être convaincu que toutes les vibrations possibles de l’air enfermé sous la cloche de verre, comme dans sa quatrième expérience (''Leçons de Phys''. vol.  3, p.  414), ne pouvoient pas communiquer leur mouvement à l’air extérieur, puisque le premier se trouvoit séparé de celuici, d’abord par le verre du récipient, que l’air qui y étoit enfermé, ne sauroit traverser, et ensuite par l’eau qui entouroit de tous côtés ce récipient, autre milieu qu’il falloit encore traverser pour arriver à l’air extérieur avec ses mouvemens de vibrations.
 
Si, dans le vide, le son paroît affoibli et presque nul, cela n’arrive pas ainsi, parce que la matière propre du son y manque ou s’y trouve trop raréfiée, ce qu’on a cru jusqu’à présent ; mais c’est que cette matière du ''son'' n’y trouve point de milieu propre à aider la propagation de ses ébranlemens, en servant d’appui à ses répercussions multipliées.
Ligne 168 :
D’après ce que je viens d’exposer, on voit que Newton pensoit que la lumière agit sur son ''milieu éthéré'', comme sur les autres corps, qu’elle excite dans sa masse et dans celle des autres corps, des cordes de vibrations qui causent en eux la chaleur ; et qu’en outre il croyoit que les vibrations de son ''milieu éthéré'', ainsi que celles de beaucoup d’autres corps, avoient à leur tour la faculté d’agir sur la lumière, de la lancer, de la réfléchir et de la réfracter, selon leurs différens états et leurs diverses natures.
Mais tout cela n’est qu’une belle hypothèse, digne à la vérité du génie de l’illustre Newton ; hypothèse que ce savant justement célèbre fut obligé d’imaginer pour remplacer une cause qu’il n’eut pas occasion de connoître : cette cause réside dans l’influence que l’état du ''feu fixé'' dans les corps exerce sur la lumière qui tombe sur eux ; influence que j’ai suffisamment fait connoître dans mes écrits, et à laquelle Newton n’a point pensé. (''Voyez'' mes ''Mémoires de Phys. et d’Hist. natur.'', p.&nbsp;56, n<sup><small>os</small></sup>. &nbsp;44 à 52.)
 
<center>CONCLUSION.</center>