« Les Bons Enfants » : différence entre les versions

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dédicace
 
chap I
Ligne 31 :
née Rostopchine.
 
===Une mauvaise plaisanterie.===
 
Plusieurs enfants jouaient dans le jardin de Mme Dupuis ; il faisait beau temps, presque trop chaud.
 
Jacques, Louis, Nicolas et Jules se reposaient sur un banc.
 
Jacques s’essuyait le front avec son mouchoir ; il avait bêché, arrosé, ratissé, et il se reposait en causant avec ses amis.
 
JACQUES<BR>
Quelle chaleur il fait aujourd’hui ! C’est presque comme en été.
 
LOUIS<BR>
Nous sommes bien près de l’été.
 
NICOLAS<BR>
Non, puisque nous commençons le printemps.
 
LOUIS<BR>
Eh bien ! est-ce que le printemps ne touche pas à l’été.
 
NICOLAS<BR>
Oui, comme il touche à l’hiver.
 
JACQUES<BR>
Ce n’est pas la même chose ; l’hiver est en arrière, et l’été est en avant ; la preuve, c’est que c’est demain le 1<SUP>er</SUP> avril.
 
JULES<BR>
Le 1<SUP>er</SUP> avril demain ! je n’y pensais pas. C’est le jour des attrapes. Tâchons d’attraper quelqu’un.
 
JACQUES<BR>
Pas moi d’abord. Je n’aime pas à tromper.
 
JULES<BR>
Que tu es bête ! Ce n’est pas pour tout de bon ; c’est pour rire.
 
NICOLAS<BR>
Je crois bien ! J’ai joué beaucoup de tours du 1<SUP>er</SUP> avril, très drôles et très innocents.
 
LOUIS<BR>
Quels tours as-tu faits ?
 
NICOLAS<BR>
Un jour, j’ai écrit à un vieux M. Poucque ami de ma tante Dupont, qu’elle l’attendait pour dîner avec un missionnaire qui avait été martyrisé en Chine et qu’il désirait beaucoup connaître. Précisément, ce jour-là, 1<SUP>er</SUP> avril, ma tante dînait chez nous. Le vieux monsieur est arrivé en belle toilette ; il avait pris une voiture, parce qu’il pleuvait. Le portier lui dit que ma tante était sortie ; il veut monter pour l’attendre ; le portier assure qu’elle doit rentrer tard dans la soirée ; M. Poucque se fâche ; le portier se fâche aussi ; ils se disputent longtemps ; le monsieur monte, ne trouve personne ; la pluie tombait par torrents ; pas de voiture pour retourner chez lui ; le bonhomme est obligé de s’en aller à pied ; il rentre
ruisselant d’eau et fort en colère ; son domestique était sorti ; pas de dîner ; il n’a que du pain et des confitures, et le lendemain il écrit à ma tante une lettre furieuse, à laquelle elle ne comprend rien ; elle le prie de venir la voir ; il lui montre sa lettre d’invitation ; elle devine que c’est un tour qu’on lui a joué ; ils cherchent et ne trouvent pas le coupable (car j’avais fait copier ma lettre par un de mes camarades de collège, pour qu’on ne reconnût pas mon écriture). Ma tante nous a raconté l’histoire ; j’étais enchanté d’avoir si bien réussi, et voilà pourquoi je voudrais cette année-ci encore faire une attrape à quelqu’un.
 
LOUIS<BR>
Tu appelles cela un tour innocent ? C’est très méchant pour ce pauvre M. Poucque, qui n’a pas dîné, qui a été trempé et qui a passé une triste soirée.
 
JACQUES<BR>
Sans compter qu’il est pauvre et qu’il a dépensé de l’argent pour une voiture.
 
NICOLAS<BR>
Bah ! bah !... On ne s’amuserait jamais si on regardait à tout.
 
LOUIS<BR>
C’est que je ne trouve aucun amusement à faire de la peine à quelqu’un.
 
NICOLAS<BR>
Que tu es bête ! Ce n’est pas une grande peine d’être attrapé !
 
JACQUES<BR>
Non, mais c’est un ennui ; on est vexé de s’être laissé attraper.
 
JULES<BR>
Alors, tu ne veux pas m’aider à jouer un petit tour à la bonne de tes cousins Pierre et Henri ? Tu sais comme elle est ennuyeuse ! elle emmène toujours tes cousins au plus fort de nos jeux.
 
JACQUES<BR>
Ce n’est pas pour les tourmenter ; il faut qu’ils rentrent pour apprendre leurs leçons.
 
JULES<BR>
Voyons ! veux-tu ou ne veux-tu pas être des nôtres pour le 1<SUP>er</SUP> avril ?
 
JACQUES<BR>
Non, je ne veux pas.
 
LOUIS<BR>Ni moi non plus.
 
JULES<BR>
Vous êtes deux nigauds ; nous allons nous amuser, Nicolas et moi, et vous serez bien fâchés d’avoir refusé.
 
JACQUES<BR>
Nous nous amuserons de notre côté, et bien plus que vous, car nous ferons du bien en tâchant de déjouer vos tours.
 
NICOLAS<BR>
C’est ce que nous verrons, monsieur. Quand je m’y mets, il n’est pas facile de m’empêcher de faire ce que je veux.
 
JACQUES<BR>
Tant pis pour toi si tu veux le mal. »
 
En disant ces mots, Jacques se leva ainsi que Louis, et ils recommencèrent leurs travaux de jardinage.
 
Nicolas et Jules reprirent leurs vestes et s’en allèrent pour comploter le tour dont ils avaient parlé.