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sentant des États-Unis, Washburne, pouvait-il offrir sa médiation ? Arnold l’affirmait. Il fallait trouver ce diplomate, à Vincennes. Alors probablement obtiendrait-on un armistice, préliminaire d’une capitulation. Le feu cesserait de part et d’autre, et quelques milliers d’existences seraient ainsi préservées. Mais, à la porte de Vincennes, les fédérés de garde refusèrent de laisser passer le délégué à la guerre et les deux membres de la Commune qui l’accompagnaient. Ces gardes, surexcités et méfiants, prétendirent que les trois chefs voulaient s’enfuir. Ils refusèrent donc le passage. « On sera collés au mur tous ensemble ! » dirent-ils avec une gouailleuse crânerie. Vainement on parlementa, on produisit un ordre de Ferré avec le cachet de la Commune. Les gardiens obstinés refusèrent d’abaisser le pont-levis. À cette heure tragique, il n’y avait plus ni galons, ni cachets, ni Commune. Ecœuré, Delescluze renonça à joindre le ministre américain qui vainement l’attendait de l’autre côté du pont-levis dressé. Silencieux, il revint à la mairie du boulevard Voltaire dernier siège de la Commune dispersée, réduite à quelques membres, battant en retraite vers Belleville et le Père Lachaise, ultime refuge, donjon du désespoir.

Delescluze écrivit alors à sa sœur adorée sa fameuse et touchante lettre-testament. Un ami put sauver et faire parvenir à celle à qui elle était destinée, cette relique.

Ma bonne sœur,

Je ne veux ni ne peux servir de victime et de jouet à la réaction victorieuse. Pardonne-moi de partir avant toi qui m’as sacrifié a vie. Mais je ne me sens plus le courage de subir une nouvelle défaite après tant d’autres. Je t’embrasse mille fois comme je t’aime. Ton souvenir sera le dernier qui visitera ma pensée avant d’aller au repos. Je te bénis, ma bien aimée, ma seule famille depuis la mort de notre pauvre mère. Adieu !