« Description du château de Pierrefonds » : différence entre les versions

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Entre le donjon et la tour sud-est étaient de grandes latrines J, auxquelles on arrivait par un passage détourné ; entre ces latrines et la petite salle sud-est du donjon est, à l'entresol, un retrait prenant jour sur la cour Q. De cette même salle sud-est, au niveau des caves, on communiquait à une petite poterne R donnant sur le fossé et à l'escalier de la tour d'angle. Un gros contre-fort S, à angle du donjon sur la cour principale, était probablement terminé par un échauguette, et formait comme un petit redan qui commandait le couloir de l'entrée L. Le grand escalier P était précédé, du côté le plus en vue de la cour, par un large perron et une loge ou portique qui permettaient au seigneur et à ses principaux officiers de réunir la garnison dans la cour et de lui donner des ordres d'un point élevé. La disposition de ce perron dut être modifiée ; nous avons lieu de croire qu'il n'était dans l'origine qu'une terrasse avec un petit escalier posé sur le côté. Une annexe importante du donjon de Pierrefonds, c'est la tour carrée O. Posée à l'angle nord-est, elle est flanquée de contre-forts portant à leur sommet des échauguettes qui permettaient de voir ce qui se passait dans la campagne par-dessus la courtine T, la seule qui ne soit pas doublée par des bâtiments, car l'espace Q est une cour. En V la courtine T est percée d'une large poterne, munie de vantaux et d'un pont-levis ; le seuil de cette poterne est placé à 8 mètres au-dessus de la base extérieure de la muraille. A partir de cette base, l'escarpement du plateau étant assez abrupt, il n'est guère possible d'admettre qu'un pont à niveau donnât accès à la poterne ; quoiqu'en face , à 50 mètres environ du rempart, il existe un mamelon qui paraît élevé en partie de main d'homme et qui semble avoir été surmonté d'un châtelet. Nous serions disposé à croire que la poterne V était munie d'une de ces trémies assez fréquemment employées dans les châteaux pour faire entrer, au moyen d'un treuil, les approvisionnements de toute nature sans être obligé d'admettre des personnes étrangères à la garnison dans l'enceinte intérieure; dans ce cas, le châtelet placé sur le mamelon en dehors aurait été destiné à masquer et à protéger l'introduction des approvisionnements. Comme surcroît de précaution, le contre-fort nord-est de la tour O, relié à la chapelle Y, est percé d'une porte garnie de vantaux et d'une herse. Si donc il était nécessaire d'admettre des étrangers dans la cour Q pour l'approvisionnement du château, ceux-ci ne pouvaient pénétrer dans la cour intérieure, ni même voir ce qui s'y passait. Nous verrons tout à l'heure quelle était l'utilité double de cette porte X. La tour carrée O possède cinq étages au-dessus du rez-de-chaussée, se démanchant avec les planchers du donjon, et ne communiquant, comme nous l'avons dit, avec ceux-ci que par des passages détournés et des bouts de rampes. C'était un ouvrage qui au besoin pouvait s'isoler, commandait les dehors par son élévation, donnait des signaux aux défenses supérieures de la grosse tour I et en pouvait recevoir. Les deux entrées principales du château, G et V, étaient ainsi fortement protégées par des ouvrages très-élevés et puissants, les deux angles sud-ouest et nord-est du donjon, bien appuyés, bien flanqués, couvraient sa masse. Quant à l'angle sud-est, le plus exposé, il était devancé par une tour très-haute Z, possédant une guette et cinq étages de défense. Ce n'était donc pas par sa propre construction que le donjon de Pierrefonds, l'habitation seigneuriale, se défendait, mais par les appendices considérables dont il était entouré.
 
Les autres parties du château de Pierrefonds ne sont pas moins intéressantes à observer. La grand'salle était en ''a'' couverte par une charpente lambrissée avec entraits apparents, suivant l'usage; une large cheminée la chauffait; elle était éclairée par de grandes lucarnes s'ouvrant du côté extérieur, dans le comble lambrissé, et du côté de la cour, probablement par des fenêtres percées dans le mur à quelques mètres au-dessus du sol. La grand'salle était en communication avec une seconde salle ''b'', également chauffée par une cheminée. De cette salle ''b'' on parvenait à la tour du coin <<e>>''c''. La construction de cette tour est exceptionnelle, et nous pensons qu'on peut la regarder comme destinée aux ''oubliettes''.
 
Il n'est pas un château dans lesquels les ''guides'' ne nous fassent voir des oubliettes, et généralement ce sont les latrines qui sont décorées de ce titre et que l'on suppose avoir englouti des victimes humaines, sacrifiées à la vengeance des châtelains féodaux ; mais cette fois il nous paraît difficile de ne pas voir de véritables ''oubliettes'' dans la tour sud-ouest du château de Pierre-fondsPierrefonds. Au-dessous du rez-de-chaussée est un étage voûté en arcs-ogives ; et au-dessous de cet étage, une cave d'une profondeur de 7 mètres, voûtée en calotte elliptique. On ne peut descendre dans cette cave que par un oeil percé à la partie supérieure de la voûte, c'est-à-dire au moyen d'une échelle ou d'une corde à noeuds ; au centre de l'aire de cette cave circulaire est creusé un puits qui nous apparu avoir 8 mètres de profondeur, bien qu'en partie comblé ; puits dont l'ouverture de 1m1<sup>m</sup> 60c60<sup>c</sup> de diamètre correspond à l'oeilœil pratiqué au centre de la voûte elliptique de la cave. Cette cave, qui ne reçoit de jour et d'air extérieur que par une étroite meurtrière, est accompagnée d'un siège d'aisances pratiqué dans l'épaisseur du mur. Elle était donc destinée à recevoir un être humain, et le puits creusé au centre de son aire était probablement une tombe toujours ouverte pour les malheureux que l'on voulait faire disparaître à tout jamais. Ce qui viendrait appuyer encore notre opinion, c'est que la grand'salle a servait, suivant l'usage, de tribunal (son parquet, était placé en a'). Les justiciables cités devant. le tribunal du seigneur étaient introduits par le corps de garde M dans la salle d'attente b, sans pouvoir entrer dans la cour du château, puisque la herse du passage L est placée au delà de l'entrée de ce corps de garde. C'était là, en effet, un point important, aucune personne étrangère à la garnison ne devant, à cette époque, pénétrer dans un château à moins d'une permission spéciale. Après avoir subi la question dans la tour e, joignant la grand'salle, si les accusés étaient reconnus coupables, ils étaient ramenés devant la tribune a' pour entendre prononcer leur condamnation, et de là entraînés dans la tour du coin c pour y être enfermés, soit dans la salle du rez-de-chaussée, soit dans la cave, soit enfin dans le cul de basse-fosse que nous venons de décrire, suivant la rigueur de la peine qu'ils devaient subir. S'ils étaient reconnus innocents, ils sortaient par le corps de garde comme ils étaient entrés, sans pouvoir donner les moindres détails sur les dispositions intérieures du château, puisqu'ils n'avaient vu que le tribunal et ses annexes.
 
Ce qui viendrait appuyer encore notre opinion, c'est que la grand'salle ''a'' servait, suivant l'usage, de tribunal (son parquet, était placé en ''a’''). Les justiciables cités devant le tribunal du seigneur étaient introduits par le corps de garde M dans la salle d'attente ''b'', sans pouvoir entrer dans la cour du château, puisque la herse du passage L est placée au delà de l'entrée de ce corps de garde. C'était là, en effet, un point important, aucune personne étrangère à la garnison ne devant, à cette époque, pénétrer dans un château à moins d'une permission spéciale. Après avoir subi la question dans la tour ''e'', joignant la grand'salle, si les accusés étaient reconnus coupables, ils étaient ramenés devant la tribune ''a’'' pour entendre prononcer leur condamnation, et de là entraînés dans la tour du coin ''c'' pour y être enfermés, soit dans la salle du rez-de-chaussée, soit dans la cave, soit enfin dans le cul de basse-fosse que nous venons de décrire, suivant la rigueur de la peine qu'ils devaient subir. S'ils étaient reconnus innocents, ils sortaient par le corps de garde comme ils étaient entrés, sans pouvoir donner les moindres détails sur les dispositions intérieures du château, puisqu'ils n'avaient vu que le tribunal et ses annexes.
 
 
La grand' salle ''a'' et celle annexe ''b'' occupaient toute la hauteur du bâtiment en aile. La tour ''e'' était munie de cinq étages de défenses, flanquait la courtine et commandait le dehors des lices.
La garnison logeait dans l'aile du nord, et au rez-de-chaussée ; les cuisines étaient très-probablement disposées en 1''l''. Un grand escalier à vis +''f'' montait aux deux étages de cette aile, au-dessus du rez-de-chaussée. La tour ''g'' contient de grandes latrines à .tous les étages, ce qui indique sur ce point un nombreux personnetpersonnel. Ces latrines sont ingénieusement disposées pour éviter l'odeur. Elles ont à l'étage inférieur une large fosse avec un massif au centre pour faciliter la vidange, conduit latéral pour l'extraction des matières, et tuyaux de ventilation.
 
Un poste était établi dans les salles ''h''. Les deux tours tU U', les mieux conservées de tout le château, sont admirables comme construction et dispositions défensives; tous leurs étages, saùfsauf les caves, sont munis de cheminées. Deux autres salles réservées à la garnison sont situées en ''m''. C'était par la salle ''n'' que l'on descendait aux vastes caves qui s'étendent sous l'aile de l'ouest. Nous donnons en ''B'', fig. I'•1<sup>re</sup>, le plan de l'étage inférieur de l'aile du nord, au niveau du sol des lices, qui se trouve à 8 mètres en contre-bas du sol de la cour intérieure. En ''p'' est mieune petite poterne fermée seulement par des vantaux. C'était par cette poterne que devaient sortir et rentrer les rondes en cas de siègesiége et avant la prise des lices. Lorsqu'elles voulaient rentrer, les rondes se faisaient reconnaître au moyen d'un porte-voix pratiqué à la gauche de cette poterne, et qui, se divisant en deux branches dans l'épaisseur du mur de refend, correspondait au poste du rez-de-chaussée ''h'' et au premier étage. Il fallait ainsi que deux postes séparés eussent reconnu la ronde pour faire ouvrir la poterne par des hommes placés dans un entresol situé au-dessus de l'espace ''g'', à mi-étage. Mais ces hommes n'entendaient pas le mot de passe jeté par ceux du dehors dans le porte-voix, et ne devaient aller ouvrir la poterne, en descendant par un escalier de bois pratiqué en ''u'', qu'après avoir reçu des ordres du poste supérieur. D'ailleurs, en cas de trahison, le poste voûté de l'entresol, ne communiquant pas avec le rez-de-chaussée au niveau de la cour, n'eût pas permis à l'ennemi de s'introduire dans le château, en admettant qu'il fût parvenu à surprendre ce poste. Une fois la ronde entrée par la poterne ''p'', il était nécessaire qu'elle connût les distributions intérieures du château; car peurpour parvenir à la cour, il lui fallait suivre à gauche le couloir ''s'', se détourner sous l'aile de l'est, monter par le petit escalier à vis ''t'', passer sur un pont volant assez élevé au-dessus de la cour ''Q'', et se présenter devant la porte X fermée de vantaux et par une herse. Si une troupe ennemie s'introduisait par la poterne ''p'', trois couloirs se présentaient à elle, dont deux, les couloirs ''r'' et ''k'', sont des impasses; elle risquait ainsi de s'égarer et de perdre un temps précieux.
 
Si les dispositions défensives du château de Pierrefonds n'ont pas la grandeur majestueuse de celles du château de Coucy, elles ne laissent pas d'être combinées avec un art, un soin et une recherche dans les détails, qui prouvent à quel degré de perfection étaient arrivées les constructions des places fortes seigneuriales à la fin du xiv'XIV<sup>e</sup> siècle, et jusqu'à quel point les châtelains, à cette époque, se tenaient sur leurs gardes.
 
Les lices E E'E’ E'E’’ étaient autrefois munies de merlons détruits pour placer du canon à une époque plus récente ; elles dominent l'escarpement naturel, qui est de 90 '20 mètres environ au-dessus du fond du vallon. Au sud de la basse cour, le plateau s'étend de plain pied en s'élargissant et se relie à une chaîne de collines en demi-lune, présentant sa face concave vers la forteresse. Cette situation était fâcheuse pour le château, du moment que l'artillerie à feu devenait, un moyen ordinaire d'attaque, car elle permettait d'envelopper la. 'face sud d'un demi-cercle de feux convergents. Aussi, dès l'époque de Louis X1IXII, deux forts en terre, dont on retrouve encore la trace, avaient été élevés au point de jonction du plateau avec la chaîne de collines. Entre ces forts et la basse-cour, de beaux jardins s'étendaient sur le plateau, et ils étaient eux-mêmes entourés de murs, de terrasses avec parapets. Sur les flancs du plateau en question, on voit encore des restes de ces murs de soutènement, renforcés de contre-forts, et du côté de l'ouest, les pieds-droits d'une belle poterne défendue.
 
Nous avons vainement cherché les restes des aqueducs qui devaient nécessairement amener de l'eau dans l'enceinte du château de Pierrefonds. Nulle trace de puits dans cette enceinte, non plus que dans la basse-cour. Les approvisionnements d'eau étaient donc obtenus au moyen de conduits qui allaient recueillir les sources que l'on rencontre sous le sol des collines se rat-tachantrattachant au plateau. 'foutTout ce qui est, nécessaire à la vie journalière d'une nombreuse garnison et à sa défense est trop bien prévu ici pour laisser douter du soin apporté par les constructeurs dans l'exécution des aqueducs. Il serait intéressant de retrouver la trace de t'esces conduits, au moyen de fouilles dirigées avec intelligence.
 
Une vue cavalière restaurée du château de Pierre-fondsPierrefonds, prise du côté des lices du nord, fera saisir l'en-sembleensemble de ces dispositions, qui sont encore aujourd'hui très-importantes, malgré l'état de ruine des constructions (YV. fig. II'<sup>e</sup>).
 
Mais ce qui doit attirer particulièrement l'attention des visiteurs dans cette magnifique résidence, c'est le système de défense nouvellement adopté à cette époque. Chaque portion de courtines est défendue à la partie supérieure par deux étages de chemins de ronde; l'étage inférieur étant muni de mâchicoulis, créneaux et meurtrières ; l'étage supérieur sous le comble de créneaux et meurtrières seulement.
 
Les sommets. des tours possèdent trois, quatre et cinq étages de défenses, un chemin de ronde avec mâchicoulis et créneaux au niveau de l'étage supérieur des courtines, un ou deux étages de créneaux, meurtrières intermédiaires, et un parapet crénelé autour des combles. Si l'on s'en rapporte à une vignette assez ancienne (vieVI<sup>e</sup> siècle), la tour ''e'' bâtie au milieu de la courtine de l'ouest, vers la ville, possédait cinq étages de défenses, ainsi que celles du coin Z et du donjon LI. Une guette très-élevée surmontait celle du coin Z. Malgré la multiplicité de ses défenses, le château pouvait être garni d'un nombre de défenseurs relativement restreint, car ces défenses sont disposées avec ordre, les communications entre elles sont faciles, les courtines sont bien flanquées par des tours saillantes et rapprochées. Les rondes peuvent se faire de plain-pied tout autour du château à la partie supérieure, sans être obligées de descendre des tours sur les courtines et de remonter de celles-ci dans les tours, ainsi que l'on était forcé de le faire dans les châteaux des mieXII<sup>e</sup> et xni'XIII<sup>e</sup> siècles.
 
La figure III<sup>e</sup> donne la partie supérieure des tours d'angle restaurée, arec les chemins de ronde des courtines et les crénelages à la base des combles. Nous mettons en regard, fig. IV, la vue (état actuel) de cette même tour. En comparant ces deux vignettes on se rendra un compte exact du système de défense.
 
La figure Ille donne la partie supérieure des tours d'angle restaurée, arec les chemins de ronde des courtines et les crénelages à la base des combles. Nous mettons en regard, fig. IV, la vue (état actuel) de cette même tour. En comparant ces deux vignettes on se rendra un compte exact du système de défense. On remarquera qu'aucune meurtrière n'est percée à la base des tours. Ce sont les crénelages des murs extérieurs des lices aujourd'hui détruits qui seuls dé-fendaientdéfendaient les approches. La garnison forcée dans cette première enceinte se réfugiait dans le château, et occupant les étages supérieurs, bien couverts par de bons parapets, elle écrasait les assaillants qui tentaient de s'approcher du pied des remparts.
 
Bertrand Du Guesclin avait attaqué quantité (lede châteaux bâtis pendant les xu'XII<sup>e</sup> et xni'XIII<sup>e</sup> siècles, et, profitant du côté faible des dispositions défensives de ces places, il faisait le plus souvent appliquer des échelles le long des courtines basses des châteaux de cette époque ; ayant soin d'éloigner les défenseurs par une grêle de projectiles, il brusquait l'assaut et prenait les places autant par eschelades que par les moyens lents, de la mine et de la sape. La description du château du Louvre, donnée par Guillaume de Lorris au xiii'XIII<sup>e</sup> siècle, dans le ''Roman de la Rose'', fait connaitreconnaître que la défense des anciens châteaux des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles exigerait nuun grand nombre de postes divisés, se défiant les uns des autres et se gardant séparément. Ce mode de défense était bon contre des troupes n'agissant pas avec ensemble et pmc&lantprodédant, après un investissement préalable, par une succession de siéges partiels ou par surprise; il était mauvais contre des armées disciplinées, entraînées par un chef habile qui, abandonnant les voies suivies jusqu'alors, faisait sur un point un grand effort, enlevait les postes isolés sans leur laisser le temps de se reconnaître et de se servir de tous les détours et obstacles accumulés dans la construction des forteresses. Pour se bien défendre dans un château du xurXIII<sup>e</sup> siècle, il fallait que la garnison n'oubliait pas un instant de profiter de tous les détails infinis de la fortification. La moindre erreur ou négligence rendait ces obstacles non-seulement inutiles, mais même nuisibles aux défenseurs ; et dans un assaut brusqué, dirigé avec énergie, une garnison perdait ses moyens de résistance hà cause même de la quantité d'obstacles qui l'empêchaient de se porter en masse sur le point attaqué. Les défenseurs, obligés de monter et de descendre sans cesse, d'ouvrir et de fermer quantité de portes, de filer un à un dans de longs couloirs et des passages étroits, trouvaient la place emportée avant d'avoir pu faire usage de toutes leurs ressources. Cette expérience profita certainement aux constructeurs de forteresses à la fin du xrveXIV<sup>e</sup> siècle ; ils donnèrent plus de relief aux courtines pour se garantir des eschelades, n'ouvrirent plus de meurtrières dans les parties basses' des ouvrages, mais les renforcèrent par des talus qui avaient encore l'avantage de taire ricocher les projectiles tombant des mâchicoulis; ils mirent les chemins de ronde et courtines en communication directe, afin de présenter, au sommet de la fortification, une ceinture non-interrompue de défenseurs pouvant facilement se rassembler en nombre sur le point attaqué et recevant les ordres avec rapidité ; ils munirent les mâchicoulis de parapets solides bien crénelés et. cou-vertscouverts, pour garantir les hommes contre les projectiles lancés du dehors. Les chemins de ronde s'ouvrant sur les salles supérieures servant de logement aux troupes (les bâtiments étant alors adossés aux courtines), les soldats pouvaient à toute heure et en un instant occuper la crête des remparts.
 
Le château de Pierrefonds remplit exactement ce nouveau programme. Nous avons fait le calcul du nombre d'hommes nécessaires pour garnir l'un des fronts de ce château : ce nombre pouvait être réduit à soixante hommes pour les grands fronts et à quarante pour les petits côtés. Or, pour attaquer deux fronts à la fois, il faudrait supposer une troupe très-nombreuse, deux mille hommes au moins, tant pour luirefaire les approches que pour forcer les lices, s'établir sur les terre-plains EU"E E’ E’’, faire approcher les engins et les protéger. La défense avait, donc une grande supériorité sur l'attaque. Par les larges mâchicoulis des chemins de ronde inférieurs, elle pouvait écraser les pionniers qui auraient voulu s'attacher â la base des murailles. Pour que ces pionniers pussent commencer leur travail, il eût, fallu, soit creuser des galeries de mine, soit établir des galeries en bois ; ces opérations exigeaient beaucoup de temps, beaucoup de monde et un matériel de siège. Les tours et courtines sont d'ailleurs renforcées à la base par un empattement qui double à peu près l'épaisseur de leurs murs, et la construction est admirablement faite en bonne maçonnerie, avec revêtement de pierres de taille. Les assaillantassaillants se trouvaient, une fois dans les lices, sur un espace étroit, ayant derrière eux un précipice et devant eux de hautes murailles couronnées par plusieurs étages de défenses ; ils ne pouvaient se développer, leur grand nombre devenait un embarras, exposés aux projectiles de face et d'écharpe, leur agglomération sur un point devait être une cause de pertes sensibles ; tandis que les assiégés, bien protégés par leurs chemins de ronde couverts, dominant la base des remparts à une grande hauteur, n'avaient rien à redouter et ne perdaient que peu de monde. Une garnison de trois cents hommes pouvait tenir en échec un assiégeant dix fois plus fort pendant plusieurs mois.
 
Si, après s'être emparé des terrasses, du jardin et de la basse-cour de Pierrefonds, l'assiégeant voulait attaquer le château par le côté de l'entrée, il lui fallait combler un fossé très-profond, enfilé par la grosse tour I du donjon et par les deux tours de coin ; sa position était plus mauvaise encore, car soixante hommes suffisaient largement sur ce point pour garnir les défenses supérieures; et, pendant l'attaque, une troupe faisant une sortie par la poterne ''p'' allait prendre l'ennemi en " flanc dans le fossé, soit par le terre-plain E, soit par celûi g'E’’. Le châtelain de Pierrefonds pouvait donc, à l'époque où ce château fut construit, se considérer comme à l'abri de toute attaque, à moins que le roi n'envoyât une annéearmée de plusieurs mille hommes bloquer la place et faire un siège en règle.
 
L'artillerie à feu seule devait avoir raison de cette forteresse, et l'expérience prouva que, même devant ce moyen puissant d'attaque, la place était bonne. Henri 1YIV voulut la réduire ; elle était encore entre les mains d'un ligueur nommé Rieux <sup>[[#2|(2)]]</sup>. Le duc d'Épernon se présenta devant Pierrefonds en mars 1591 avec un gros corps d'armée et du canon; mais il n'y put rien faire et leva le siège après avoir reçu un coup de feu pendant une attaque générale qui fut repoussée par Rieux et quelques centaines de routiers qu'il avait avec lui. Toute-foisToutefois ce capitaine, surpris avec un petit nombre des siens pendant qu'il faisait le métier de voleur de grand chemin, fut pendu à Noyon, et la place de Pierrefonds, commandée par son lieutenant Antoine de Saint-Chamant, fut de nouveau assiégée par l'armée royale sous les ordres de François des Ursins, qui n'y fit pas mieux que d'Épernon. Une grosse somme d'argent, donnée au commandant de Pierrefonds, fit rentrer enfin cette forteresse dans le domaine royal.
 
En 1616, le marquis de CoeuvreCœuvre, capitaine de Pierre-fonds, ayant embrassé le parti des mécontents, le cardinal de Richelieu fit décider dans le conseil du roi que la place serait assiégée par le comte d'Auvergne. Cette fois, elle fut attaquée avec méthode et en profitant de la disposition des collines environnantes. Des batteries, protégées par de bons épaulements qui existent encore, furent élevées sur la crête de la demi. -lune de coteaux qui cerne le plateau à son extrémité sud, et sur un petit promontoire du plateau s'avançant dans le vallon du côté du sud-est. Les deux fortins ayant été écrasés de feux furent abandonnés par les assiégés ; le Comte d'Auvergne s'en empara aussitôt, y établit des pièces de gros calibre, et, sans laisser le temps à la garnison de se reconnaître, ouvrit contre la grosse tour du donjon, la courtine sud, la poterne V et les deux tours du coin cet''c'' et Z, un feu terrible qui dura deux jours sans relâche. A la fin du second jour, la grosse tour du donjon s'écroula, entraînant dans sa chute une partie des courtines environnantes. Le capitaine Villeneuve, qui commandait pour le marquis, s'empressa dès lors de capituler, et Richelieu fit démanteler la place, trancher les tours du nord et détruire la plus grande partie des logements
 
Tel qu'il est encore aujourd'hui, avec ses bâtiments rasés et ses tours éventrées à la sape, le château de Pierrefonds est un sujet d'étude inépuisable. Des fouilles ont déjà dégagé les ouvrages du sud vers le fossé, et si ces travaux étaient continués, ils donneraient des renseignements précieux ; car c'est de ce côté, comme étant le plus accessible, que devaient être les défenses les plus fortes.