« Après la pluie, le beau temps/24 » : différence entre les versions

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{{chapitre|[[Après la pluie le beau temps]]|[[Auteur:Comtesse de Ségur|Comtesse de Ségur]]|XXIV - Scène terrible|}}
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Geneviève, voyant approcher l’heure du déjeuner, se lava les yeux, but un peu d’eau fraîche, pria ardemment le bon Dieu, la sainte Vierge, son bon ange de venir à son secours et se sentit un peu remise.
 
Geneviève, voyant approcher l’heure du déjeuner, se lava les yeux, but un peu d’eau fraîche, pria ardemment le bon Dieu, la sainte Vierge, son bon Ange de venir à son secours et se sentit un peu remise.
 
Le déjeuner fut sonné. Geneviève descendit au salon ; elle y trouva réunis son oncle, sa cousine et Georges souriant et empressé. Elle eut besoin de toute sa force pour ne pas laisser paraître l’horreur qu’il lui inspirait.
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Mlle Primerose ne tarda pas à s’apercevoir du trouble de Geneviève.
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Qu’as-tu, ma petite ? Tu es pâle, tu as les yeux rouges.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Je n’ai rien, ma cousine, qu’un peu mal à la tête, le repos le fera passer.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Pourvu que ce ne soit pas la fatigue de notre travail de bibliothèque qui t’ait fait mal ! À propos, as-tu pensé à retirer la clef en t’en allant ?
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Oui, mon oncle ; la voici, ajouta-t-elle en la lui remettant.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Comme ta main tremble, ma pauvre enfant ! Tu es réellement indisposée.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Ce ne sera rien, mon oncle ; ne vous en inquiétez pas. »
 
Georges la regarda d’un air étonné. Il lui offrit un verre de vin ; elle le repoussa avec un regard qui le troubla.
 
{{sc|Georges}}. —
GEORGES
 
T’es-tu fatiguée avant le déjeuner, Geneviève ? Réponds-moi. Ta pâleur m’effraye.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Je vous dis que ce ne sera rien. Ce sera passé après déjeuner.
 
{{sc|Georges}}. —
GEORGES
 
Que veut dire cela ? pensa Georges. Elle ne me tutoie pas ; elle m’a regardé d’un air… Se douterait-elle de quelque chose ?… Aurait-elle vu ?… C’est impossible ; il n’y avait personne… J’étais seul. Et puis, quand même elle se douterait de quelque chose, elle est bonne, et elle ne le dirait pas… D’ailleurs mon père ne le croirait pas. »
 
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« Georges, qu’a Geneviève ? Je parie que tu lui as dit quelque sottise que tu ne devais pas lui dire.
 
{{sc|Georges}}. —
GEORGES
 
Moi, ma cousine ; je ne l’avais pas encore vue aujourd’hui. Je suis, comme vous, inquiet de son état, mais sans en connaître la cause.
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Parle-lui ; demande-lui qu’elle te le dise ; peut-être aura-t-elle plus de confiance en toi qu’en nous autres. »
 
Georges s’approcha de Geneviève, assise ou plutôt tombée dans un fauteuil. Il voulut lui prendre la main ; elle la retira vivement.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Ne me touchez pas ; je vous le défends.
 
{{sc|Georges}}. —
GEORGES
 
Ah ! Geneviève, quel chagrin tu me causes par ces dures paroles. À moi, ton cousin, ton ami, peut-être mieux encore.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Je vous ai défendu de me toucher, monsieur ; je vous défends encore de me tutoyer. Vous n’êtes et ne serez jamais pour moi que ce que je ne puis empêcher, un cousin.
 
{{sc|Georges}}. —
GEORGES
Mais, Geneviève, au nom du ciel, dis-moi ce que tu as contre moi pour me traiter ainsi. »
 
Mais, Geneviève, au nom du ciel, dis-moi ce que tu as contre moi pour me traiter ainsi.
 
Avant que Geneviève eût pu répondre, M. Dormère rentra fort troublé.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Geneviève, te souviens-tu du montant de la somme que m’a apportée le clerc de notaire ?
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Oui, mon oncle ; c’était vingt-cinq mille francs.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Figure-toi que je n’en trouve plus que quinze mille. »
 
Geneviève ne répondit pas.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
Geneviève…, quelqu’un est-il entré pendant que tu étais seule dans la bibliothèque ? »
 
Geneviève…, quelqu’un est-il entré pendant que tu étais seule dans la bibliothèque ?
 
Geneviève ne répondit pas.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Geneviève, que veut dire ce silence ? Je t’adjure de me dire si quelqu’un est entré dans la bibliothèque après que j’en suis sorti.
 
GENEVIÈVE{{sc|Geneviève}}, ''d’une voix éteinte''. —
 
Oui, mon oncle.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Qui était-ce ?
 
GENEVIÈVE{{sc|Geneviève}}, ''de même''. —
 
Je ne puis vous le dire, mon oncle.
 
{{sc|M. DORMÈREDormère}}, ''irrité''. —
 
Comment, tu ne peux pas me le dire ? Tu dois me le dire ; je veux que tu me le dises.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Je ne dois pas et je ne veux pas vous le dire, mon oncle.
 
{{sc|M. DORMÈREDormère}}, ''de même''. —
 
Tu veux donc te faire complice de ce vol en refusant de me nommer le voleur ?
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Moi complice d’un vol ! Moi ! Oh ! mon oncle !
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Écoute. Encore une question à laquelle tu dois répondre sous peine de me faire porter plainte contre ce clerc qui a déposé les billets sans que je les aie recomptés après lui.
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Pauvre homme ! il est bien innocent. Il est parti après avoir compté et déposé les vingt-cinq billets sur votre table.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Crois-tu que les dix billets qui me manquent aient été pris par la personne que tu as vue entrer ?
 
GENEVIÈVE{{sc|Geneviève}}, ''après quelque hésitation''. —
 
Oui, mon oncle.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
L’as-tu vue les prendre, les emporter ?
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Oui, mon oncle, après les avoir comptés.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Et tu ne veux pas me la nommer ? Tu veux me laisser soupçonner tous les gens de ma maison, plutôt que de dévoiler un misérable, un voleur, qui me volera encore probablement. »
 
Ligne 185 ⟶ 151 :
« Au nom de Dieu, au nom de tout ce qui vous est cher, n’exécutez pas votre menace. Mon oncle, écoutez-moi, voyez-moi, la fille du frère que vous aimiez, prosternée à vos pieds, vous suppliant de ne pas salir l’honneur de votre maison.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Ma maison ? En quoi ma maison serait-elle entachée par une plainte en justice ? Ma maison !
 
Ligne 193 ⟶ 158 :
« Malheureuse ! c’est ton Rame ! Je le chasse ! je le livre aux tribunaux !
 
{{sc|Geneviève}}. —
GENEVIÈVE
 
Rame ! Rame ! Mon Dieu, ayez pitié… »
 
Ligne 201 ⟶ 165 :
« Vous êtes cruel, monsieur ! s’écria à son tour Mlle Primerose, en relevant Geneviève et en la posant sur un canapé.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Cruel ! cruel envers une malheureuse qui se rend complice d’un vol pour sauver un misérable !
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Ne flétrissez pas de ces accusations un ange de vertu, de courage, de dévouement.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Et qui donc puis-je accuser, si ce n’est Rame ? D’après ses propres aveux, une seule personne est entrée dans cette malheureuse bibliothèque, et elle refuse de me dire le nom de cette personne qui, dit-elle, a volé les dix mille francs qui me manquent.
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Cela veut-il dire que ce soit Rame qui les ait pris ou plutôt ''volés'', car le mot est juste ?
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Cela veut dire que si elle avait nié avoir vu entrer quelqu’un, il devenait trop clair que c’était un ami ou elle-même qui était la voleuse. Et, une fois cet aveu échappé à sa frayeur, elle n’a pu nommer personne, parce qu’il eût été trop facile de la confondre en la confrontant avec l’individu désigné par elle.
 
MADEMOISELLE{{sc|Mademoiselle PRIMEROSEPrimerose}}, ''avec mépris''. —
 
Toujours injuste, toujours aveugle ; vous l’avez été, vous l’êtes et vous le serez. — Veuillez m’envoyer Rame pour m’aider à la monter dans ma chambre, et si vous touchez à Rame, si vous dites un mot de votre injuste soupçon, vous tuez votre nièce ; voyez si vous avez le courage de supporter ce remords de toute votre vie : c’est la dernière parole que je vous adresse.
 
{{sc|M. Dormère}}. —
M. DORMÈRE
 
Georges, aide Mlle Primerose à transporter cette fille chez elle. »
 
Georges voulut s’approcher. Mlle Primerose l’empêcha d’avancer.
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Ne la touchez pas, monsieur ; elle vous l’a défendu. Sortez et appelez Rame. »
 
Ligne 241 ⟶ 197 :
« Petite maîtresse morte ! Petite maîtresse pas bouger. Morte, morte !
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Pas morte, mais évanouie, mon bon Rame ; emportez-la dans ma chambre et envoyez-moi Pélagie. »
 
Ligne 249 ⟶ 204 :
Pélagie accourut très effrayée.
 
« Qu’y a-t-il ? s’écria-t-elle. Pourquoi pleures-tu, Rame ? Où est Mademoisellemademoiselle ?
 
RAME, ''sanglotant''
 
{{sc|Rame}}, ''sanglotant''. —
Froide, pâle, bouge pas, regarde pas. Morte, morte, dans sa chambre. »
 
Ligne 259 ⟶ 213 :
« Ma fille, mon enfant, disait-elle, ma joie, mon bonheur, ma vie, est-il vrai que le bon Dieu t’ait appelée à lui, que je ne verrai plus ton charmant regard, que je n’entendrai plus ta douce voix ?
 
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
MADEMOISELLE PRIMEROSE
 
Que dites-vous là, Pélagie ? Elle n’est pas morte; elle a perdu connaissance. Aidez-moi à la faire revenir ; déshabillez-la. Rame, mon ami, apportez-nous des bouteilles d’eau chaude pour la réchauffer. Pélagie, bassinez-lui les tempes, le front avec du vinaigre, tandis que je lui fais respirer de l’alcali et que je vous aiderai à la déshabiller. »
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