« Diloy le chemineau » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 1 800 :
Félicie baissa les yeux ; tout le monde se remit en marche.
 
{{TextQuality|100%}}===XI - La Mairie et le repas de noce.===
 
Quand ils arrivèrent, le cortège de la noce débouchait sur la route par couples. Amanda seule n’avait pas d’homme pour lui donner le bras. Moutonet se précipita à son poste près de sa fiancée, et, après les saluts, les compliments d’usage, on se dirigea vers la mairie.
Ligne 1 828 :
Quand le général s’avança et prit la plume :
 
{{sc|L’adjoint}}. —
L’ADJOINT<BR>
Une croix suffira, monsieur, si vous avez de la difficulté à signer.
 
LE{{sc|Le GÉNÉRALgénéral}}, ''riant''<BR>. —
Je signe assez facilement ; je vais toujours essayer.
 
{{sc|L’adjoint}}. —
L’ADJOINT<BR>
Mais, monsieur, il ne faut pas faire de gribouillage sur les registres. Mettez une croix, ce sera plus sûr. »
 
Le général avait signé, mais en riant de si bon cœur que la plume, se trouvant secouée et trop pleine d’encre, en laissa échapper une grosse goutte.
 
{{sc|L’adjoint}}. —
L’ADJOINT<BR>
Là ! Je le disais bien ! Ce que c’est que de vouloir en faire plus qu’on ne sait. Voilà un registre déshonoré. »
 
Ligne 1 848 :
Le cortège se remit en marche pour arriver à l’église. Chacun avait repris son sérieux. Amanda ne s’adoucissait pas ; Moutonet, tremblant et confus, semblait un condamné à mort.
 
On arriva, on se plaça ; la cérémonie du mariage commença. Cette fois, Moutonet répondit OUI{{sc|oui}} avec un empressement des plus satisfaisants, et Amanda d’une voix radoucie qui fit relever à Moutonet sa tête abattue.
 
Après la messe on se dirigea vers un grand hangar où le dîner était prêt à être servi. Chacun prit sa place. On fit asseoir le général à la droite de la mariée, le petit Laurent à la gauche. Anne près de Laurent ; la bonne (arrivée pendant qu’on était à la mairie) fut placée près d’Anne. Mme d’Orvillet eut la place d’honneur, près du vieux Robillard, en face de son frère, qui avait à sa gauche la vieille mère Robillard.
Ligne 1 856 :
Robillard, pressé de se mettre à table, emmena Mme d’Orvillet ; Félicie, livrée à elle-même, resta avec Clodoald et Cunégonde ; ils commencèrent leurs impertinentes plaisanteries, tout bas d’abord, plus haut ensuite, de manière à être entendus de leurs voisins.
 
{{sc|Cunégonde}}. —
CUNÉGONDE<BR>
Allez-vous dîner avec tout ce monde-là, Félicie ?
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Je ne sais pas trop ; ce sera difficile de faire autrement, à moins de ne pas dîner…
 
{{sc|Cunégonde}}. —
CUNÉGONDE<BR>
Ah ! mais non, par exemple ! Un dîner excellent, apprêté par notre fille du château ! Je veux en goûter et en manger.
 
{{sc|Clodoald}}. —
CLODOALD<BR>
Il y a un moyen de tout arranger : faisons-nous servir à part ; je vais en dire un mot à maman. »
 
Ligne 1 876 :
« Hé ! par ici donc ! Nous dînons à part. Des assiettes ! des couverts ! des serviettes !
 
{{sc|Moutonet}}. —
MOUTONET<BR>
Monsieur le baron, il y a des places vides tout près de vous, au bout de la grande table.
 
{{sc|Le baron}}. —
LE BARON<BR>
Pour qui me prends-tu, mon garçon ? Crois-tu que j’irai me mêler, avec ma femme et mes enfants, à tous ces manants, pour attendre qu’on veuille bien me servir après les rustres que le hasard aura placés avant nous ? Je dîne seul, en famille ou pas du tout, et j’emmène ma cuisinière. »
 
Le jeune Moutonet courut avertir son grand-père, qui parut fort contrarié, se gratta la tête, se leva de table après avoir fait ses excuses à Mme d’Orvillet, et alla consulter sa femme.
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Tu te troubles pour un rien. Te voilà tout révolutionné pour une niaiserie. Je vais arranger tout cela. Va reprendre ta place ; mange tranquillement et ne t’occupe de rien.
 
{{sc|Père Robillard}}. —
ROBILLARD<BR>
Mais, ma bonne amie, mais…
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Je te dis de me laisser faire ; tu n’entends rien à rien.
 
{{sc|Père Robillard}}. —
PÈRE ROBILLARD<BR>
Pardon, ma bonne amie, mais…
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Ah çà ! vas-tu te taire enfin ? Me prends-tu pour une imbécile à qui il faut mâcher les paroles ? »
 
Ligne 1 903 :
« Avez-vous besoin de moi, bonne maman ? Qu’a-t-il fait, bon papa ? Faut-il que je le remmène ?
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Oui, prends-le, ma fille, et fais-le taire ; il n’en finit pas avec ses mauvaises raisons. »
 
La vieille Robillard courut à son tour du côté des Castelsot, qui attendaient, avec un mécontentement digne mais visible, qu’on leur servît le dîner apprêté par leur cuisinière.
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Faites excuse, monsieur le baron, madame la baronne, mesdemoiselles et monsieur, Robillard n’entend rien à rien ! Il n’attendait pas l’honneur que lui font M. le baron, Mme la baronne, ces demoiselles et le jeune monsieur, de partager notre joie et notre repas. Il n’a rien préparé pour cet honneur !
 
{{sc|Le baron}}. —
LE BARON<BR>
Il devait bien penser que si je lui donnais mes gens, auxquels vous n’aviez aucun droit, il devait me donner à déjeuner et à dîner ? C’est déjà un assez grand dérangement pour nous, sans qu’on l’augmente en nous faisant mourir de faim.
 
{{sc|Mère Robillard}}. —
MÈRE ROBILLARD<BR>
Mon Dieu ! monsieur le baron, veuillez l’excuser ; il n’a pas beaucoup d’intellect, vous le savez, et quand je ne me mêle pas des choses, rien ne va. »
 
Tout en parlant et en écoutant, la mère Robillard avait débarrassé une table des verres, bouteilles et assiettes qui la couvraient ; elle y avait mis une nappe blanche, en faisant observer qu’elle pensait à tout ; elle mit cinq couverts, tout ce qui était nécessaire pour le service et courut chercher une soupière bien pleine de soupe.
 
Félicie et ses deux amis triomphaient. La mère Robillard attacha au service de leur table un des jeunes Moutonet (car ils étaient cinq frères, tous de la pure race des MOUTON{{sc|Mouton}} ; le langage incorrect des villageois, et un peu de malice peut-être avaient fait dégénérer les ''Mouton'' en ''Moutonet''). Ce jeune Moutonet, le plus jeune des frères et l’aîné de cinq sœurs, avait quinze ans, c’est-à-dire qu’il avait sept ans de moins que son frère Simplice-Parfait-Fortuné, le nouveau marié. Il n’avait pas osé refuser l’honneur de servir les seigneurs de Castelsot, mais son attitude témoignait de ses regrets ; sans cesse il tournait la tête et souriait d’un air d’envie en regardant les malices innocentes des jeunes gens qui servaient sous les ordres de Moutonet (Simplice-Parfait- Fortuné) ; les vengeances des jeunes convives, les poussades, les rires, les tours, les maladresses, tout enfin ce qui compose la gaieté d’une noce.
 
 
===XII - Le Chemineau et le général en présence===