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DISSERTATION SUR CETTE QUESTION

pas quelquefois les crimes ; il suffit que ces motifs ne les empêchent ni plus souvent, ni plus sûrement que les motifs naturels. Nous n’avons pas même besoin de supposer qu’il n’v ait point des cas où ces motifs erronés puissent agir sur des individus assez mal constitués pour que les motifs naturels eussent manqué leur effet : mais il suffit que les avantages des motifs erronés soient nuls en comparaison du mal que ces erreurs entraînent après elles. Ce n’est point d’empêcher seulement des crimes secrets, réservés aux grands scélérats, qu’il s’agit dans une morale utile au bonheur des peuples ; c’est d’empêcher la foule des petits crimes, c’est d’empêcher surtout les grands crimes publics. Or, pour empêcher les petits crimes inspirés par les petites passions, les motifs naturels sont suffisants ; et quant aux grands crimes publics, tels que l’oppression du peuple, la destruction de la constitution de l’État, les proscriptions, les massacres, interrogeons l’histoire, et nous verrons que ce sont des lumières et de bonnes lois qui ont manqué aux peuples qui en ont été la victime, et non des motifs surnaturels ; nous verrons que ces motifs surnaturels ont même été souvent le prétexte de ces horreurs, ou ont servi à en étouffer les remords.

Remarquons toujours qu’on suppose ici une bonne législation, un peuple éclairé ; la supposition contraire rentre dans les autres parties de nos questions.

Nous supposons toujours aussi que ces motifs de crainte sont faux, parce que, s’ils étaient vrais, ils seraient plus ou moins utiles ; mais ils ne seraient point nuisibles.