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Tel est, en gros traits, la thèse étatiste, l’''étatisme absolu''. Il se présente toutefois sous trois aspects principaux différents : {{nobr|{{ordinal|1}} la}} théorie de l’État absolutiste développée et précisée surtout par Thomas ''Hobbes'' (1588-1679) ; {{nobr|{{ordinal|2}} celle}} de l’État constitutionnel dont les bases furent établies par Charles ''Montesquieu'' (1689-1755) ; et {{nobr|{{ordinal|3}} celle}} de l’État démocratique, esquissée pour la première fois par Jean-Jacques ''Rousseau'' (1712-1778). (Pour plus de détails, se rapporter au mot : ''Étatisme'').
Tel est, en gros traits, la thèse étatiste, l’''étatisme absolu''. Il se présente toutefois sous trois aspects principaux différents : {{nobr|{{ordinal|1}} la}} théorie de l’État absolutiste développée et précisée surtout par Thomas ''Hobbes'' (1588-1679) ; {{nobr|{{ordinal|2}} celle}} de l’État constitutionnel dont les bases furent établies par Charles ''Montesquieu'' (1689-1755) ; et {{nobr|{{ordinal|3}} celle}} de l’État démocratique, esquissée pour la première fois par Jean-Jacques ''Rousseau'' (1712-1778). (Pour plus de détails, se rapporter au mot : ''Étatisme'').


Toutes ces ''conceptions bourgeoises'' de l’État, en tant que théories, ont aujourd’hui vieilli. Elles ne correspondent plus aux données historiques ni scientifiques nouvellement acquises. Elles ont joué leur rôle surtout comme précurseurs de l’épanouissement prodigieux de l’État au {{sc|xviii}}{{e}}-{{s|xix}}. Elles ne sont défendues de nos jours que par les classes et les groupes égoïstique{{DeuxColonnes|-}}ment intéressés. C’est ainsi que l’Étatisme absolu devint finalement et définitivement la conception bourgeoise et conservatrice par excellence.
Toutes ces ''conceptions bourgeoises'' de l’État, en tant que théories, ont aujourd’hui vieilli. Elles ne correspondent plus aux données historiques ni scientifiques nouvellement acquises. Elles ont joué leur rôle surtout comme précurseurs de l’épanouissement prodigieux de l’État au {{rom-maj|xviii|18}}{{e}}-{{rom-maj|xix|19}}{{e}} siècle. Elles ne sont défendues de nos jours que par les classes et les groupes égoïstique{{DeuxColonnes|-}}ment intéressés. C’est ainsi que l’Étatisme absolu devint finalement et définitivement la conception bourgeoise et conservatrice par excellence.


Il est à remarquer, cependant, qu’il existe actuellement certains éléments ''bourgeois'' qui répudient l’État, le critiquent, l’attaquent. Le fait, tout en paraissant bizarre à première vue, se conçoit aisément. Pour faire face à toutes les nécessités, l’État contemporain a besoin d’énormes sommes d’argent. Le budget de l’État moderne est formidable. Les impôts ordinaires, les taxes et charges infligées aux vastes masses obscures de la population ne lui suffisent plus. Il est de plus en plus acculé à « taper sur le bourgeois », à lui demander à son tour des « sacrifices » en échange des services que l’État lui rend. Mais ces exhortations laissent froid le bourgeois qui n’aime pas les sacrifices. Il ne veut pas se démunir du moindre pour cent sur ses bénéfices qu’il considère comme son « affaire privée ». Il devient mécontent. Il « rouspète ». Il se dérobe. D’autre part, afin de pouvoir feindre son souci de l’équilibre, de l’équité, de la justice sociale, afin de pouvoir soutenir sa renommée d’institution « au-dessus des classes », afin de ne pas succomber à brève échéance, l’État bourgeois est obligé de céder quelque peu, ne fût-ce qu’en apparence, à la force toujours croissante des classes laborieuses. Sous leur pression, il est contraint à mettre certain frein à la liberté de l’exploitation capitaliste. Il établit des lois restrictives qui privent le bourgeois d’une partie — oh ! bien insignifiante — de ses bénéfices. Cette tutelle, ce contrôle, si minime qu’il soit, gênent et agacent le bourgeois qui les considère encore comme une ingérence dans ses « affaires privées », ingérence arbitraire et préjudiciable aussi, dit-il, aux intérêts communs, car, d’après lui, elle entrave sa libre initiative, enraie son activité et nuit ainsi au développement de la vie économique du pays. Dégoûté, le bourgeois devient parfois le critiqueur, l’ennemi de l’État, l’{{lié}}« antiétatiste » ''sui generis''. Il prêche la « liberté individuelle » pour pouvoir exploiter et profiter tout à son aise. C’est de l’antiétatisme bourgeois, égoïstique, stupide.
Il est à remarquer, cependant, qu’il existe actuellement certains éléments ''bourgeois'' qui répudient l’État, le critiquent, l’attaquent. Le fait, tout en paraissant bizarre à première vue, se conçoit aisément. Pour faire face à toutes les nécessités, l’État contemporain a besoin d’énormes sommes d’argent. Le budget de l’État moderne est formidable. Les impôts ordinaires, les taxes et charges infligées aux vastes masses obscures de la population ne lui suffisent plus. Il est de plus en plus acculé à « taper sur le bourgeois », à lui demander à son tour des « sacrifices » en échange des services que l’État lui rend. Mais ces exhortations laissent froid le bourgeois qui n’aime pas les sacrifices. Il ne veut pas se démunir du moindre pour cent sur ses bénéfices qu’il considère comme son « affaire privée ». Il devient mécontent. Il « rouspète ». Il se dérobe. D’autre part, afin de pouvoir feindre son souci de l’équilibre, de l’équité, de la justice sociale, afin de pouvoir soutenir sa renommée d’institution « au-dessus des classes », afin de ne pas succomber à brève échéance, l’État bourgeois est obligé de céder quelque peu, ne fût-ce qu’en apparence, à la force toujours croissante des classes laborieuses. Sous leur pression, il est contraint à mettre certain frein à la liberté de l’exploitation capitaliste. Il établit des lois restrictives qui privent le bourgeois d’une partie — oh ! bien insignifiante — de ses bénéfices. Cette tutelle, ce contrôle, si minime qu’il soit, gênent et agacent le bourgeois qui les considère encore comme une ingérence dans ses « affaires privées », ingérence arbitraire et préjudiciable aussi, dit-il, aux intérêts communs, car, d’après lui, elle entrave sa libre initiative, enraie son activité et nuit ainsi au développement de la vie économique du pays. Dégoûté, le bourgeois devient parfois le critiqueur, l’ennemi de l’État, l’{{lié}}« antiétatiste » ''sui generis''. Il prêche la « liberté individuelle » pour pouvoir exploiter et profiter tout à son aise. C’est de l’antiétatisme bourgeois, égoïstique, stupide.
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Dans la deuxième moitié du {{s|xix}}, des théories se précisèrent qui, tout en affirmant le naturel des origines de l’État, tout en proclamant sa nécessité historique, tout en lui attribuant, au moins durant une longue période historique, une certaine utilité, un certain rôle positif, organisateur, le considèrent néanmoins comme une expression de la violence, comme un instrument de domination.
Dans la deuxième moitié du {{rom-maj|xix|19}}{{e}} siècle, des théories se précisèrent qui, tout en affirmant le naturel des origines de l’État, tout en proclamant sa nécessité historique, tout en lui attribuant, au moins durant une longue période historique, une certaine utilité, un certain rôle positif, organisateur, le considèrent néanmoins comme une expression de la violence, comme un instrument de domination.


Ce furent surtout ''F. Engels'' (1820-1895) et ''K. Marx'' (1818-1883), qui établirent cette théorie. Leurs partisans et continuateurs — les marxistes — formèrent, dans tous les pays, le parti social-démocrate.
Ce furent surtout ''F. Engels'' (1820-1895) et ''K. Marx'' (1818-1883), qui établirent cette théorie. Leurs partisans et continuateurs — les marxistes — formèrent, dans tous les pays, le parti social-démocrate.