« Historiens modernes de la France/Augustin Thierry » : différence entre les versions

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Cependant les difficultés de rédaction et de forme, les hésitations entre les divers modes d’exposition, les corrections, les refontes, toutes ces laborieuses angoisses qu’éprouvent seuls les écrivains de talent, retardèrent de deux ans encore l’achèvement de son ouvrage. Enfin, au printemps de 1825, M.. Thierry put mettre au jour son épopée !
 
Son épopée ! Ce mot est le plus juste que l’on puisse employer pour caractériser cette narration si vive, si animée, d’une couleur si vraie, ce tableau dont le sujet réunit à la fois tant de grandeur et d’unité, et qui offre des mœurs si nouvelles, cette histoire dont les matériaux ne se trouvaient pas seulement dans les chroniques, mais qui étalentétaient épars dans les poètes, dans les chants populaires, dans les bandits du Nord, les ballades galloises et les rimes de nos trouvères. Le succès de ''l’Histoire de la Conquête de l’Angleterre par le Normands'' fut immense; il surpassa les espérances du jeune écrivain.
 
Toutefois, ce qui constitue surtout le mérite et l’originalité de cette histoire, l’application heureuse et fréquente du principe fécond et vrai de la distinction des races, a été, par la prédominance un peu exclusive que lui accorde l’auteur, l’occasion de quelques critiques. Sur un grand nombre de questions obscures reçoivent une explication inattendue de cette nouvelle lumière historique, il est d’autres questions où l’antagonisme des races ne se montre que comme un élément secondaire. Peut-être, dans quelques parties de ''l’Histoire de la conquête de l’Angleterre'', M. Thierry a-t-il un peu trop subordonné les élémens principaux cet élément qui n’est pas toujours le premier. Ainsi, pour citer un des épisodes les plus frappans et les plus dramatiques de cette histoire, dans la longue querelle de Henri II et de Thomas de Canterbury, dans cette lutte de deux grands principes, dans ce duel à mort de l’autorité civile et de l’autorité religieuse, les intérêts de races n’eurent en réalité, qu’une part assez restreinte. L’habile historien n’a pas manqué, sans doute, d’indiquer les autres intérêts, les autres passions, qui animaient les acteurs de cette sanglante tragédie, dont le dénouement fut l’assassinat d’un archevêque par un roi; cependant M. Thierry n’a peut-être pas assez montré toute la grandeur de la tâche qu’entreprit Thomas Becket, ce saint dont le tombeau au moyen-âge fut presque aussi visité que le Saint-Sépulcre, non pas seulement parce qu’il était de race saxonne et qu’il avait défendu les intérêts saxons, mais parce qu’il se montra le champion intrépide de l’église universelle, alors abandonnée par la papauté, et le défenseur populaire des libertés du genre humain. D’ailleurs, ce n’est que dans un très petit nombre de cas qu’on peut regretter que M. Thierry fasse prédominer son idée favorite de l’opposition des races. Presque toujours l’usage qu’il fait de ce principe l’amène aux plus heureuses restitutions, et lui permet de rendre à des faits restés insignifians jusqu’à lui une physionomie vivante et nouvelle.