« Le Jeu de l’amour et du hasard » : différence entre les versions
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{{Titre|Le Jeu de l'amour et du hasard|[[Marivaux]]|[[:Category:1730|1730]]}}
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{{acte|II}}
{{scène|
{{acteurs|Lisette, Monsieur Orgon}}
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Je prie le ciel qu'elle n'extravague pas.
{{Acte|III}}
{{scène|première}}
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Hélas, Monsieur, mon très honoré maître, je vous en conjure.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Encore ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ayez compassion de ma bonne aventure, ne portez point guignon à mon bonheur qui va
son train si rondement, ne lui fermez point le passage.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Allons donc, misérable, je crois que tu te moques de moi ! Tu mériterais cent coups de
bâton.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je ne les refuse point, si je les mérite ; mais quand je les aurais reçus, permettez-moi
d'en mériter d'autres : voulez-vous que j'aille chercher le bâton ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Maraud !
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Maraud soit, mais cela n'est point contraire à faire fortune.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ce coquin ! Quelle imagination il lui prend !
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Coquin est encore bon, il me convient aussi : un maraud n'est point déshonoré d'être
appelé coquin ; mais un coquin peut faire un bon mariage.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Comment insolent, tu veux que je laisse un honnête homme dans l'erreur, et que je
souffre que tu épouses sa fille sous mon nom ? écoute, si tu me parles encore de cette
impertinence-là, dès que j'aurai averti Monsieur Orgon de ce que tu es, je te chasse,
entends-tu ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Accommodons-nous : cette demoiselle m'adore, elle m'idolâtre ; si je lui dis mon état de
valet, et que nonobstant, son tendre cœur soit toujours friand de la noce avec moi, ne
laisserez-vous pas jouer les violons ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Dès qu'on te connaîtra, je ne m'en embarrasse plus.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Bon ! et je vais de ce pas prévenir cette généreuse personne sur mon habit de caractère,
j'espère que ce ne sera pas un galon de couleur qui nous brouillera ensemble, et que son
amour me fera passer à la table en dépit du sort qui ne m'a mis qu'au buffet.
{{scène|II}}
{{acteurs|Dorante seul, et ensuite Mario}}
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tout ce qui se passe ici, tout ce qui m'y est arrivé à moi-même est incroyable... Je
voudrais pourtant bien voir Lisette, et savoir le succès de ce qu'elle m'a promis de faire
auprès de sa maîtresse pour me tirer d'embarras. Allons voir si je pourrai la trouver
seule.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Arrêtez, Bourguignon, j'ai un mot à vous dire.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Qu'y a-t-il pour votre service, Monsieur ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Vous en contez à Lisette ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Elle est si aimable, qu'on aurait de la peine à ne lui pas parler d'amour.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Comment reçoit-elle ce que vous lui dites ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Monsieur, elle en badine.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Tu as de l'esprit, ne fais-tu pas l'hypocrite ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Non ; mais qu'est-ce que cela vous fait ? Supposez que Lisette eût du goût pour moi...
{{personnage|Mario}}.<br/>
Du goût pour lui ! Où prenez-vous vos termes ? Vous avez le langage bien précieux
pour un garçon de votre espèce.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Monsieur, je ne saurais parler autrement.
{{personnage|Mario}}.<br/>
C'est apparemment avec ces petites délicatesses-là que vous attaquez Lisette ; cela imite
l'homme de condition.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je vous assure, Monsieur, que je n'imite personne ; mais sans doute que vous ne venez
pas exprès pour me traiter de ridicule, et vous aviez autre chose à me dire ; nous
parlions de Lisette, de mon inclination pour elle et de l'intérêt que vous y prenez.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Comment morbleu ! Il y a déjà un ton de jalousie dans ce que tu me réponds ; modère-
toi un peu. Eh bien, tu me disais qu'en supposant que Lisette eût du goût pour toi, après
?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Pourquoi faudrait-il que vous le sussiez, Monsieur ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ah, le voici ; c'est que malgré le ton badin que j'ai pris tantôt, je serais très fâché qu'elle
t'aimât, c'est que sans autre raisonnement je te défends de t'adresser davantage à elle,
non pas dans le fond que je craigne qu'elle t'aime, elle me paraît avoir le cœur trop haut
pour cela, mais c'est qu'il me déplaît à moi d'avoir Bourguignon pour rival.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ma foi, je vous crois, car Bourguignon, tout Bourguignon qu'il est, n'est pas même
content que vous soyez le sien.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Il prendra patience.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Il faudra bien ; mais Monsieur, vous l'aimez donc beaucoup ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Assez pour m'attacher sérieusement à elle, dès que j'aurai pris de certaines mesures ;
comprends-tu ce que cela signifie ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Oui, je crois que je suis au fait ; et sur ce pied-là vous êtes aimé sans doute ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Qu'en penses-tu ? Est-ce que je ne vaux pas la peine de l'être ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous ne vous attendez pas à être loué par vos propres rivaux peut-être ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
La réponse est de bon sens, je te la pardonne ; mais je suis bien mortifié de ne pouvoir
pas dire qu'on m'aime, et je ne le dis pas pour t'en rendre compte comme tu le crois
bien, mais c'est qu'il faut dire la vérité.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous m'étonnez, Monsieur, Lisette ne sait donc pas vos desseins ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Lisette sait tout le bien que je lui veux, et n'y paraît pas sensible, mais j'espère que la
raison me gagnera son cœur. Adieu, retire-toi sans bruit : son indifférence pour moi
malgré tout ce que je lui offre doit te consoler du sacrifice que tu me feras... Ta livrée
n'est pas propre à faire pencher la balance en ta faveur, et tu n'es pas fait pour lutter
contre moi.
{{scène|III}}
{{acteurs|Silvia, Dorante, Mario}}
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ah te voilà Lisette ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Qu'avez-vous Monsieur, vous me paraissez ému ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ce n'est rien, je disais un mot à Bourguignon.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il est triste, est-ce que vous le querelliez ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Monsieur m'apprend qu'il vous aime, Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ce n'est pas ma faute.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Et me défend de vous aimer.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il me défend donc de vous paraître aimable.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Je ne saurais empêcher qu'il ne t'aime belle Lisette, mais je ne veux pas qu'il te le dise.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il ne me le dit plus, il ne fait que me le répéter.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Du moins ne te le répétera-t-il pas quand je serai présent ; retirez-vous Bourguignon.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
J'attends qu'elle me l'ordonne.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Encore ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il dit qu'il attend, ayez donc patience.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Avez-vous de l'inclination pour Monsieur ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Quoi de l'amour ? Oh je crois qu'il ne sera pas nécessaire qu'on me le défende.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ne me trompez-vous pas ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
En vérité, je joue ici un joli personnage ! Qu'il sorte donc ! À qui est-ce que je parle ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
À Bourguignon, voilà tout.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Eh bien, qu'il s'en aille.
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Je souffre !
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Cédez, puisqu'il se fâche.
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|bas à Silvia}}.<br/>
Vous ne demandez peut-être pas mieux ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Allons, finissons.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous ne m'aviez pas dit cet amour-là Lisette.
{{scène|IV}}
{{acteurs|Monsieur Orgon, Mario, Silvia}}
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Si je n'aimais pas cet homme-là, avouons que je serais bien ingrate.
{{personnage|Mario}}, {{Didascalie|riant}}.<br/>
Ha, ha, ha, ha !
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
De quoi riez-vous, Mario ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
De la colère de Dorante qui sort, et que j'ai obligé de quitter Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mais que vous a-t-il dit dans le petit entretien que vous avez eu tête-à-tête avec lui ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Je n'ai jamais vu d'homme ni plus intrigué ni de plus mauvaise humeur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Je ne suis pas fâché qu'il soit la dupe de son propre stratagème, et d'ailleurs à le bien
prendre il n'y a rien de si flatteur ni de plus obligeant pour lui que tout ce que tu as fait
jusqu'ici, ma fille ; mais en voilà assez.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Mais où en est-il précisément, ma sœur ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Hélas mon frère, je vous avoue que j'ai lieu d'être contente.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Hélas mon frère, me dit-elle ! Sentez-vous cette paix douce qui se mêle à ce qu'elle dit ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Quoi ma fille, tu espères qu'il ira jusqu'à t'offrir sa main dans le déguisement où te voilà
?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui, mon cher père, je l'espère !
{{personnage|Mario}}.<br/>
Friponne que tu es, avec ton cher père ! Tu ne nous grondes plus à présent, tu nous dis
des douceurs.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous ne me passez rien.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ha, ha, je prends ma revanche ; tu m'as tantôt chicané sur mes expressions, il faut bien à
mon tour que je badine un peu sur les tiennes ; ta joie est bien aussi divertissante que
l'était ton inquiétude.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Vous n'aurez point à vous plaindre de moi, ma fille, j'acquiesce à tout ce qui vous plaît.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ah, Monsieur, si vous saviez combien je vous aurai d'obligation ! Dorante et moi, nous
sommes destinés l'un à l'autre, il doit m'épouser ; si vous saviez combien je lui tiendrai
compte de ce qu'il fait aujourd'hui pour moi, combien mon cœur gardera le souvenir de
l'excès de tendresse qu'il me montre, si vous saviez combien tout ceci va rendre notre
union aimable, il ne pourra jamais se rappeler notre histoire sans m'aimer, je n'y
songerai jamais que je ne l'aime ; vous avez fondé notre bonheur pour la vie en me
laissant faire, c'est un mariage unique, c'est une aventure dont le seul récit est
attendrissant, c'est le coup de hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus...
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ha, ha, ha, que ton cœur a de caquet, ma sœur, quelle éloquence !
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Il faut convenir que le régal que tu te donnes est charmant, surtout si tu achèves.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Cela vaut fait, Dorante est vaincu, j'attends mon captif.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ses fers seront plus dorés qu'il ne pense ; mais je lui crois l'âme en peine, et j'ai pitié de
ce qu'il souffre.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ce qui lui en coûte à se déterminer, ne me le rend que plus estimable : il pense qu'il
chagrinera son père en m'épousant, il croit trahir sa fortune et sa naissance, voilà de
grands sujets de réflexion ; je serai charmée de triompher ; mais il faut que j'arrache ma
victoire, et non pas qu'il me la donne : je veux un combat entre l'amour et la raison.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Et que la raison y périsse ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
C'est-à-dire que tu veux qu'il sente toute l'étendue de l'impertinence qu'il croira faire :
quelle insatiable vanité d'amour-propre !
{{personnage|Mario}}.<br/>
Cela, c'est l'amour-propre d'une femme et il est tout au plus uni.
{{scène|V}}
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Mario, Lisette}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Paix, voici Lisette : voyons ce qu'elle nous veut ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Monsieur, vous m'avez dit tantôt que vous m'abandonniez Dorante, que vous livriez sa
tête à ma discrétion, je vous ai pris au mot, j'ai travaillé comme pour moi, et vous verrez
de l'ouvrage bien faite, allez, c'est une tête bien conditionnée. Que voulez-vous que j'en
fasse à présent, Madame me la cède-t-elle ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Ma fille, encore une fois n'y prétendez-vous rien ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Non, je te la donne, Lisette, je te remets tous mes droits, et pour dire comme toi, je ne
prendrai jamais de part à un cœur que je n'aurai pas conditionné moi-même.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Quoi ! Vous voulez bien que je l'épouse, Monsieur le veut bien aussi ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Oui, qu'il s'accommode, pourquoi t'aime-t-il ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
J'y consens aussi moi.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Moi aussi, et je vous en remercie tous.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Attends, j'y mets pourtant une petite restriction, c'est qu'il faudrait pour nous disculper
de ce qui arrivera, que tu lui dises un peu qui tu es.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Mais si je le lui dis un peu, il le saura tout à fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Eh bien cette tête en si bon état, ne soutiendra-t-elle pas cette secousse-là ? je ne le crois
pas de caractère à s'effaroucher là-dessus.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Le voici qui me cherche, ayez donc la bonté de me laisser le champ libre, il s'agit ici de
mon chef-d'œuvre.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Cela est juste, retirons-nous.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
De tout mon cœur.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Allons.
{{scène|VI}}
{{acteurs|Lisette, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Enfin, ma Reine, je vous vois et je ne vous quitte plus, car j'ai trop pitié d'avoir manqué
de votre présence, et j'ai cru que vous esquiviez la mienne.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Il faut vous avouer, Monsieur, qu'il en était quelque chose.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Comment donc, ma chère âme, élixir de mon cœur, avez-vous entrepris la fin de ma vie
?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Non, mon cher, la durée m'en est trop précieuse.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ah, que ces paroles me fortifient !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Et vous ne devez point douter de ma tendresse.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je voudrais bien pouvoir baiser ces petits mots-là, et les cueillir sur votre bouche avec
la mienne.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Mais vous me pressiez sur notre mariage, et mon père ne m'avait pas encore permis de
vous répondre ; je viens de lui parler, et j'ai son aveu pour vous dire que vous pouvez
lui demander ma main quand vous voudrez.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Avant que je la demande à lui, souffrez que je la demande à vous, je veux lui rendre
mes grâces de la charité qu'elle aura de vouloir bien entrer dans la mienne qui en est
véritablement indigne.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Je ne refuse pas de vous la prêter un moment, à condition que vous la prendrez pour
toujours.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Chère petite main rondelette et potelée, je vous prends sans marchander, je ne suis pas
en peine de l'honneur que vous me ferez, il n'y a que celui que je vous rendrai qui
m'inquiète
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Vous m'en rendrez plus qu'il ne m'en faut.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ah que nenni, vous ne savez pas cette arithmétique-là aussi bien que moi.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Je regarde pourtant votre amour comme un présent du ciel.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Le présent qu'il vous a fait ne le ruinera pas, il est bien mesquin.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Je ne le trouve que trop magnifique.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
C'est que vous ne le voyez pas au grand jour.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Vous ne sauriez croire combien votre modestie m'embarrasse.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ne faites point dépense d'embarras, je serais bien effronté, si je n'étais modeste.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Enfin, Monsieur, faut-il vous dire que c'est moi que votre tendresse honore ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ahi, ahi, je ne sais plus où me mettre.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Encore une fois, Monsieur, je me connais.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Hé, je me connais bien aussi, et je n'ai pas là une fameuse connaissance, ni vous non
plus, quand vous l'aurez faite ; mais, c'est là le diable que de me connaître, vous ne vous
attendez pas au fond du sac.
{{personnage|Lisette}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Tant d'abaissement n'est pas naturel ! (Haut.) D'où vient me dites-vous cela ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Et voilà où gît le lièvre.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Mais encore ? Vous m'inquiétez : est-ce que vous n'êtes pas ?...
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ahi, ahi, vous m'ôtez ma couverture.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Sachons de quoi il s'agit ?
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Préparons un peu cette affaire-là... (Haut.) Madame, votre amour est-il d'une
constitution bien robuste, soutiendra-t-il bien la fatigue, que je vais lui donner, un
mauvais gîte lui fait-il peur ? Je vais le loger petitement.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Ah, tirez-moi d'inquiétude ! en un mot qui êtes-vous ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je suis... n'avez-vous jamais vu de fausse monnaie ? savez-vous ce que c'est qu'un louis
d'or faux ? Eh bien, je ressemble assez à cela.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Achevez donc, quel est votre nom ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Mon nom ! ({{Didascalie|A part.}}) Lui dirai-je que je m'appelle Arlequin ? non ; cela rime trop avec
coquin.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Eh bien ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ah dame, il y a un peu à tirer ici ! Haissez-vous la qualité de soldat ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Qu'appelez-vous un soldat ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Oui, par exemple un soldat d'antichambre.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Un soldat d'antichambre ! Ce n'est donc point Dorante à qui je parle enfin ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
C'est lui qui est mon capitaine.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Faquin !
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Je n'ai pu éviter la rime.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Mais voyez ce magot ; tenez !
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
La jolie culbute que je fais là !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Il y a une heure que je lui demande grâce, et que je m'épuise en humilités pour cet
animal-là !
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Hélas, Madame, si vous préfériez l'amour à la gloire, je vous ferais bien autant de profit
qu'un Monsieur.
{{personnage|Lisette}}, {{Didascalie|riant}}.<br/>
Ah, ah, ah, je ne saurais pourtant m'empêcher d'en rire avec sa gloire ; et il n'y a plus
que ce parti-là à prendre... Va, va, ma gloire te pardonne, elle est de bonne composition.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Tout de bon, charitable Dame, ah, que mon amour vous promet de reconnaissance !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Touche là Arlequin ; je suis prise pour dupe : le soldat d'antichambre de Monsieur vaut
bien la coiffeuse de Madame.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
La coiffeuse de Madame !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
C'est mon capitaine ou l'équivalent.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Masque !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Prends ta revanche.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Mais voyez cette margotte, avec qui, depuis une heure, j'entre en confusion de ma
misère !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Venons au fait ; m'aimes-tu ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Pardi oui, en changeant de nom, tu n'as pas changé de visage, et tu sais bien que nous
nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d'orthographe.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Va, le mal n'est pas grand, consolons-nous ; ne faisons semblant de rien, et n'apprêtons
point à rire ; il y a apparence que ton maître est encore dans l'erreur à l'égard de ma
maîtresse, ne l'avertis de rien, laissons les choses comme elles sont : je crois que le
voici qui entre. Monsieur, je suis votre servante.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Et moi votre valet, Madame. (Riant.) Ha, ha, ha !
{{scène|VII}}
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Eh bien, tu quittes la fille d'Orgon, lui as-tu dit qui tu étais ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Pardi oui, la pauvre enfant, j'ai trouvé son cœur plus doux qu'un agneau, il n'a pas
soufflé. Quand je lui ai dit que je m'appelais Arlequin, et que j'avais un habit
d'ordonnance : Eh bien mon ami, m'a-t-elle dit, chacun a son nom dans la vie, chacun a
son habit, le vôtre ne vous coûte rien, cela ne laisse pas que d'être gracieux.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Quelle sotte histoire me contes-tu là ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Tant y a que je vais la demander en mariage.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Comment, elle consent à t'épouser ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
La voilà bien malade.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu m'en imposes, elle ne sait pas qui tu es.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Par la ventrebleu, voulez-vous gager que je l'épouse avec la casaque sur le corps, avec
une souguenille , si vous me fâchez ? Je veux bien que vous sachiez qu'un amour de ma
façon, n'est point sujet à la casse, que je n'ai pas besoin de votre friperie pour pousser
ma pointe, et que vous n'avez qu'à me rendre la mienne.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu es un fourbe, cela n'est pas concevable, et je vois bien qu'il faudra que j'avertisse
Monsieur Orgon.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Qui ? Notre père, ah, le bon homme, nous l'avons dans notre manche ; c'est le meilleur
humain, la meilleure pâte d'homme !... Vous m'en direz des nouvelles.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Quel extravagant ! As-tu vu Lisette ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Lisette ! Non ; peut-être a-t-elle passé devant mes yeux, mais un honnête homme ne
prend pas garde à une chambrière : je vous cède ma part de cette attention-là.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Va-t'en, la tête te tourne.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Vos petites manières sont un peu aisées, mais c'est la grande habitude qui fait cela.
Adieu, quand j'aurai épousé, nous vivrons but à but ; votre soubrette arrive. Bonjour,
Lisette, je vous recommande Bourguignon, c'est un garçon qui a quelque mérite.
{{scène|VIII}}
{{acteurs|Dorante, Silvia}}
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Qu'elle est digne d'être aimée ! Pourquoi faut-il que Mario m'ait prévenu ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Où étiez-vous donc Monsieur ? Depuis que j'ai quitté Mario je n'ai pu vous retrouver
pour vous rendre compte de ce que j'ai dit à Monsieur Orgon. Je ne me suis pourtant pas
éloigné ; mais de quoi s'agit-il ?
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Quelle froideur! ({{Didascalie|Haut.}}) J'ai eu beau décrier votre valet et prendre sa conscience à
témoin de son peu de mérite, j'ai eu beau lui représenter qu'on pouvait du moins reculer
le mariage, il ne m'a pas seulement écoutée ; je vous avertis même qu'on parle
d'envoyer chez le notaire, et qu'il est temps de vous déclarer.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
C'est mon intention ; je vais partir incognito, et je laisserai un billet qui instruira
Monsieur Orgon de tout.
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
Partir ! Ce n'est pas là mon compte.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
N'approuvez-vous pas mon idée ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mais... pas trop.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je ne vois pourtant rien de mieux dans la situation où je suis, à moins que de parler
moi-même, et je ne saurais m'y résoudre ; j'ai d'ailleurs d'autres raisons qui veulent que
je me retire : je n'ai plus que faire ici.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Comme je ne sais pas vos raisons, je ne puis ni les approuver, ni les combattre ; et ce
n'est pas à moi à vous les demander.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Il vous est aisé de les soupçonner, Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mais je pense, par exemple, que vous avez du dégoût pour la fille de Monsieur Orgon.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ne voyez-vous que cela ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il y a bien encore certaines choses que je pourrais supposer ; mais je ne suis pas folle, et je
n'ai pas la vanité de m'y arrêter.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ni le courage d'en parler ; car vous n'auriez rien d'obligeant à me dire : adieu Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Prenez garde, je crois que vous ne m'entendez pas, je suis obligée de vous le dire.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
À merveille ! Et l'explication ne me serait pas favorable, gardez-moi le secret jusqu'à
mon départ.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Quoi, sérieusement, vous partez ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous avez bien peur que je ne change d'avis
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Que vous êtes aimable d'être si bien au fait !
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Cela est bien naïf. Adieu. (Il s'en va.)
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.<br/>
S'il part, je ne l'aime plus, je ne l'épouserai jamais... (Elle le regarde aller.) Il s'arrête
pourtant, il rêve, il regarde si je tourne la tête, je ne saurais le rappeler moi... Il serait
pourtant singulier qu'il partît après tout ce que j'ai fait ? ... Ah, voilà qui est fini, il s'en
va,
je n'ai pas tant de pouvoir sur lui que je le croyais : mon frère est un maladroit, il s'y est
mal pris, les gens indifférents gâtent tout. Ne suis-je pas bien avancée ? Quel
dénouement !... Dorante reparaît pourtant ; il me semble qu'il revient, je me dédis donc
je l'aime encore... Feignons de sortir, afin qu'il m'arrête : il faut bien que notre
réconciliation lui coûte quelque chose.
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|l'arrêtant}}.<br/>
Restez, je vous prie, j'ai encore quelque chose à vous dire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
A moi, Monsieur ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
J'ai de la peine à partir sans vous avoir convaincue que je n'ai pas tort de le faire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Eh, Monsieur, de quelle conséquence est-il de vous justifier auprès de moi ? Ce n'est
pas la peine, je ne suis qu'une suivante, et vous me le faites bien sentir.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Moi, Lisette! est-ce à vous à vous plaindre ? Vous qui me voyez prendre mon parti sans
me rien dire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Hum, si je voulais, je vous répondrais bien là-dessus.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Répondez donc, je ne demande pas mieux que de me tromper. Mais que dis-je ! Mario
vous aime.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Cela est vrai.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous êtes sensible à son amour, je l'ai vu par l'extrême envie que vous aviez tantôt que
je m'en allasse, ainsi, vous ne sauriez m'aimer.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Je suis sensible à son amour, qui est-ce qui vous l'a dit ? Je ne saurais vous aimer, qu'en
savez-vous ? Vous décidez bien vite.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Eh bien, Lisette, par tout ce que vous avez de plus cher au monde, instruisez-moi de ce
qui en est, je vous en conjure.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Instruire un homme qui part !
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je ne partirai point
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Laissez-moi, tenez, si vous m'aimez, ne m'interrogez point ; vous ne craignez que mon
indifférence et vous êtes trop heureux que je me taise. Que vous importent mes
sentiments ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ce qu'ils m'importent, Lisette ? Peux-tu douter encore que je ne t'adore ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Non, et vous me le répétez si souvent que je vous crois ; mais pourquoi m'en persuadez-
vous, que voulez-vous que je fasse de cette pensée-là Monsieur ? Je vais vous parler à
cœur ouvert, vous m'aimez, mais votre amour n'est pas une chose bien sérieuse pour
vous, que de ressources n'avez-vous pas pour vous en défaire ! La distance qu'il y a de
vous à moi, mille objets que vous allez trouver sur votre chemin, l'envie qu'on aura de
vous rendre sensible, les amusements d'un homme de votre condition, tout va vous ôter
cet amour dont vous m'entretenez impitoyablement, vous en rirez peut-être au sortir
d'ici, et vous aurez raison ; mais moi, Monsieur, si je m'en ressouviens, comme j'en ai
peur, s'il m'a frappée, quel secours aurai-je contre l'impression qu'il m'aura faite ? Qui
est-ce qui me dédommagera de votre perte ? Qui voulez-vous que mon cœur mette à
votre place ? Savez-vous bien que si je vous aimais, tout ce qu'il y a de plus grand dans
le monde ne me toucherait plus ? Jugez donc de l'état où je resterais, ayez la générosité
de me cacher votre amour : moi qui vous parle, je me ferais un scrupule de vous dire
que je vous aime, dans les dispositions où vous êtes, l'aveu de mes sentiments pourrait
exposer votre raison, et vous voyez bien aussi que je vous les cache.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ah, ma chère Lisette, que viens-je d'entendre ! Tes paroles ont un feu qui me pénètre, je
t'adore, je te respecte, il n'est ni rang, ni naissance, ni fortune qui ne disparaisse devant
une âme comme la tienne ; j'aurais honte que mon orgueil tînt encore contre toi, et mon
cœur et ma main t'appartiennent.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
En vérité ne mériteriez-vous pas que je les prisse, ne faut-il pas être bien généreuse
pour vous dissimuler le plaisir qu'ils me font, et croyez-vous que cela puisse durer ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous m'aimez donc ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Non, non ; mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vos menaces ne me font point de peur.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Et Mario, vous n'y songez donc plus ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Non, Lisette ; Mario ne m'alarme plus, vous ne l'aimez point, vous ne pouvez plus me
tromper, vous avez le cœur vrai, vous êtes sensible à ma tendresse, je ne saurais en
douter au transport qui m'a pris, j'en suis sûr, et vous ne sauriez plus m'ôter cette
certitude-là.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oh, je n'y tâcherai point gardez-la, nous verrons ce que vous en ferez.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ne consentez-vous pas d'être à moi ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Quoi, vous m'épouserez malgré ce que vous êtes, malgré la colère d'un père, malgré
votre fortune ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Mon père me pardonnera dès qu'il vous aura vue, ma fortune nous suffit à tous deux, et le
mérite vaut bien la naissance : ne disputons point, car je ne changerai jamais.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il ne changera jamais ! Savez-vous bien que vous me charmez, Dorante ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ne gênez donc plus votre tendresse, et laissez-la répondre...
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Enfin, j'en suis venue à bout ; vous, vous ne changerez jamais ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Non, ma chère Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Que d'amour !
{{scène|dernière}}
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Dorante, Lisette, Arlequin, Mario}}
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ah, mon père vous avez voulu que je fusse à Dorante, venez voir votre fille vous obéir
avec plus de joie qu'on n'en eut jamais.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Qu'entends-je ! Vous son père, Monsieur ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui, Dorante, la même idée de nous connaître nous est venue à tous deux, après cela, je
n'ai plus rien à vous dire, vous m'aimez, je n'en saurais douter, mais à votre tour, jugez
de mes sentiments pour vous, jugez du cas que j'ai fait de votre cœur par la délicatesse
avec laquelle j'ai tâché de l'acquérir.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Connaissez-vous cette lettre-là ? Voilà par où j'ai appris votre déguisement, qu'elle n'a
pourtant su que par vous.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je ne saurais vous exprimer mon bonheur, Madame ; mais ce qui m'enchante le plus, ce
sont les preuves que je vous ai données de ma tendresse.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Dorante me pardonne-t-il la colère où j'ai mis Bourguignon ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Il ne vous la pardonne pas, il vous en remercie.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
De la joie, Madame ! Vous avez perdu votre rang, mais vous n'êtes point à plaindre,
puisque Arlequin vous reste.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Belle consolation ! Il n'y a que toi qui gagnes à cela.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je n'y perds pas ; avant notre connaissance, votre dot valait mieux que vous, à présent
vous valez mieux que votre dot. Allons saute Marquis !
<div class="centertext">FIN DE LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD</div>
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