« De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/14 » : différence entre les versions

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Dernière version du 26 juillet 2021 à 11:56

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 157-159).


CHAPITRE XIV.
Que pour ne pas s’enorguëillir de ses bonnes oeuvres, il importe de considerer les secrets jugemens de Dieu.
Le Disciple.

SEigneur, quand je pense à vos jugemens, il me semble que j’entends la foudre gronder sur ma tête ; mon ame est saisie de frayeur, & tous mes os en sont ébranlez.

Je suis étonné, & tout hors de moi, quand je viens à considerer que les Cieux mêmes ne sont pas purs en vôtre presence[1].

Si vous avez trouvé du peché jusques dans les Anges[2], & si vous les avez punis sans misericorde, quelle grace puis-je esperer ?

Si les étoiles sont tombées du Ciel[3], quelle fermeté & quelle constance dois-je me promettre, moi qui ne suis que poussiére ?

Ceux dont les œuvres paroissoient louables, se sont démentis ; & après s’être nourris du Pain des Anges, on les a vû manger avec les pourceaux.

Il n’y a donc point de sainteté, qui subsiste sans vôtre secours.

Il n’y a point de sagesse, qui n’ait besoin de votre conduite.

Il n’y a point de force qui ne succombe, si vous ne la soûtenez.

Il n’y a point de chasteté à l’épreuve des tentations, si vous ne la défendez.

Enfin tous nos soins & toutes nos précautions sont inutiles, à moins que vous ne veillez pour nous.

Car sitôt que vous nous abandonnez, nous sommes perdus : mais dès que vous nous visitez, vous nous relevez, & nous redonnez la vie.

De nous-mêmes nous sommes legers & inconstans, & vous nous affermissez : nous sommes tiédes & vous nous échauffez.

O mon Dieu, que j’ai grand sujet de me mépriser & de compter pour très-peu de chose tout le bien qu’on croit que je fais !

O que je dois m’humilier, lorsque j’entre dans cet abîme de vos jugemens profonds, où je vois que je ne suis qu’un néant, & un pur néant !

O grandeur immense ! ô mer sans bornes, où tout ce qui est en moi, se trouve englouti !

Où pourra donc trouver place la vaine gloire, & la confiance que j’ai en mes forces ?

Tout cela doit s’évanouir à la vue de vos jugemens terribles, dont je me sens menacé.

Qu’est-ce que tout homme mortel en vôtre presence ?

Le vase de terre osera-t-il s’élever contre celui qui l’a formé ?[4]

Comment se peut-on enfler des vains applaudissemens du monde, lorsqu’on est vraiment soûmis à la volonté de Dieu ?

Rien n’est capable d’inspirer de la vanité à celui qui aime la verité ; & toutes les louanges du monde ne sçauroient ébranler une ame, qui a établi son esperance en Dieu seul.

Car enfin ceux qui nous loüent, ne sont rien : ils passeront presque aussi vite que le bruit de leurs paroles : & il n’y aura que la verité du Seigneur qui demeure éternellement[5].

  1. Job. 15. 15.
  2. Job. 4. 18.
  3. Apoc. 2. 22.
  4. Isa. 29. 16.
  5. Psal. 11. 2.