« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Serrurerie » : différence entre les versions

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Nous dirons donc encore quelques mots sur les paumelles, charnières,
équerres simples ou à pivots, tous objets de quincaillerie de bâtiment
qui sont traités avec soin par ces artisans du moyen âge, et qui ont une
certaine importance.
 
Pendant le XIII<sup>e</sup> siècle, les châssis des croisées étaient le plus souvent
dépourvus de dormants et battaient dans les feuillures de pierre. On faisait
ces châssis à pivots hauts et bas, entrant dans des crapaudines ou
douilles
scellées dans la pierre même<span id="note25"></span>[[#footnote25|<sup>25</sup>]]. Chaque pivot était soudé à une équerre
qui prenait le champ du châssis et se développait sur sa face intérieure.
 
[Illustration: Fig. 40.]
 
La figure 40 représente, en A, une de ces équerres munie d'un
mamelon
ou pivot <i>a</i>. L'équerre est renforcée au coude, entaillée sur les
champs vertical et horizontal du châssis, et déborde en saillie sur la face,
au moyen des petits talons <i>b</i>. En B, on voit une autre sorte de pivot
dont les bandes embrassent les deux faces intérieure et extérieure du
châssis, avec appendice formant équerre. La figure 41 présente une véritable
paumelle dont la partie A est clouée sur le dormant, et la partie B
sur le châssis ouvrant<span id="note26"></span>[[#footnote26|<sup>26</sup>]]. Les platines de la paumelle sont vues, ajourées,
découpées et gravées. On reconnaissait alors les inconvénients des clous
ordinaires, et le serrurier avait le soin de poser deux clous à tête quadrangulaire et à pointe plate, ainsi que le fait voir le détail <i>a</i>. Ces clous,
rivés en dehors, ne faisaient pas fendre le bois (leur pointe étant plate,
de champ, suivant le fil), et, au moyen de leur tête quadrangulaire,
maintenaient fortement les platines auprès du gond <i>b</i> et de l'œil <i>c</i>.
 
[Illustration: Fig. 41.]
 
Lorsque les châssis ouvrants avaient une assez grande hauteur (six à
sept pieds), les paumelles étaient longues et munies de deux œils espacés,
pour empêcher le gauchissement des bois. La figure 42 retrace une de
ces paumelles ou charnières, qui paraît appartenir à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle
ou au commencement du XV<sup>e</sup><span id="note27"></span>[[#footnote27|<sup>27</sup>]]. La fiche est libre entre les œils, vue, et
est ornée d'une queue de fer rond enroulée en spirale autour d'elle.
Cette queue est libre aussi. Pour dégonder le châssis, il suffit d'enlever
cette fiche par le haut.
 
La figure 43 donne une paumelle A, une charnière B et une charnière
équerre C attachées à la porte d'une chapelle de l'église de Semur en
Auxois (voy. Menuiserie, fig. 15). La porte bat dans une feuillure de
pierre et la paumelle A tourne sur un gond <i>a</i> scellé. Les charnières réunis
sont des vantaux brisés. À la place des clous sont posées des brides munies
chacune de trois pointes bifurquées et rivées en dehors, ainsi que
l'indique le tracé perspectif D. Ces brides avaient l'avantage de maintenir
parfaitement les platines, aussi bien et mieux que ne le font les vis, et
d'empêcher les paumelles ou charnières de fatiguer leurs attaches par
l'usage. Ces ferrures datent du milieu du XV<sup>e</sup> siècle.
 
[Illustration: Fig. 42.]
 
En G, est tracée une belle charnière équerre de la fin du XV^e
siècle<span id="note28"></span>[[#footnote28|<sup>28</sup>]],
qui est maintenue au moyen de deux barrettes verticales, dont on voit
en <i>g</i> le détail, clouées sur les platines afin de leur donner plus de résistance
et de rendre tous les clous solidaires. De petites pointes fixaient en
outre les découpures des platines sur le bois. Très-probablement les
 
[Illustration: Fig. 43.]
 
pointes des clous passant à travers les barrettes étaient rabattues ou rivées
sur d'autres platines postérieures.
 
La renaissance produisit des ouvrages de quincaillerie d'une perfection
d'exécution rare. Nous n'en conservons qu'un assez petit nombre en
France, si ce n'est sur des meubles de cette époque. Au contraire,
l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, possèdent un nombre prodigieux de
ferrures de la fin du XV<sup>e</sup> siècle et du commencement du XVI<sup>e</sup>, exécutées
avec un art infini. Les grilles du tombeau de Maximilien, à Innsbruck,
les clôtures des chapelles des cathédrales de Constance, de Munich, sont
de véritables chefs-d'œuvre de ferronnerie comme fabrication et comme
forme. On voit, par exemple, sur les montants de fer forgé de la grille de
clôture du tombeau de Maximilien, des ornements de fer battu qui sont
soudés au corps même du montant et non goupillés ou rivés. Nous avons
eu quelquefois l'occasion de signaler, même en France, ce procédé de
fabrication, entièrement perdu aujourd'hui, et fréquemment employé à
la fin du XV<sup>e</sup> siècle et au commencement du XVI<sup>e</sup>. Ces soudures ne consistent
pas en une simple brasure au cuivre ou au laiton. Aucun métal
étranger au fer n'apparaît entre l'âme et le fer battu apposé. Bien
que
celui-ci n'ait qu'une épaisseur de 1 ou 2 millimètres au plus, il
adhère
parfaitement à cette âme sur toute sa surface.
 
Le fragment que nous donnons ici (fig. 44), provenant de la grille du
tombeau de Maximilien, explique ce procédé. Les feuilles de tôle ou de
fer battu soudées ont été repoussées évidemment avant l'opération qui
les a fait adhérer parfaitement à l'âme, puisque, après cette opération, il
n'eût été possible que de les buriner, mais non de leur donner le modelé
souple et doux du repoussage au marteau.
 
 
==== SERRURERIE D'ASSEMBLAGES ====
Nous n'avons présenté dans cet article que
des ouvrages de serrurerie soudés, découpés ou étampés, rivés par petites
parties, tels qu'il convient de le pratiquer pour les ferrures des huis.
 
On façonnait cependant de grandes pièces de forges assemblées, telles
que grilles, clôtures, ferrures de puits, etc. Ces ouvrages exigeaient
l'emploi de moyens particuliers pour assurer leur solidité. Il ne s'agissait
plus seulement de soudures ou de quelques rivures, mais de
combinaisons
d'assemblages qui appartiennent exclusivement à la serrurerie.
On comprendra facilement que des hommes qui, dans toutes les
branches
de l'architecture, savaient si bien adapter les formes à la matière
employée et à la mise en œuvre, aient cherché, dans les grandes pièces
de serrurerie, à n'admettre que des compositions d'art se prêtant aux
exigences du travail du fer. Alors les assemblages, les nécessités de la
structure, loin d'être dissimulés, apparaissent franchement, deviennent
les motifs de la décoration. L'artisan cherche d'ailleurs à donner à son
œuvre une raison d'être pour les yeux; il entend gue l'on en comprenne
l'organisme, pour ainsi dire, qu'on apprécie les efforts qu'il a faits pour
allier intimement l'art à la nécessité de structure, aux qualités propres
à la matière employée. Que ces façons de procéder ne soient pas du goût
de tout le monde, qu'elles ne frappent que les esprits aimant à trouver
l'empreinte de la raison dans les œuvres humaines, qu'elles gênent les
natures paresseuses, nous l'admettons; mais nous sommes forcés de
reconnaître aussi que l'art ne s'introduit réellement dans l'industrie que
sous l'empire de principes vrais, clairs, se résumant en ceci: soumission
de la forme à la nécessité, à l'emploi de la matière et aux qualités qui
lui sont propres.
 
Nous avons si bien perdu l'habitude du respect de ces principes, que
nous demeurons surpris devant des œuvres où la raison a commandé à
la forme, et que nous prenons pour une subtilité ou une complication
superflue une expression sincère. Cependant cacher un assemblage, par
exemple, cela est plus subtil et plus compliqué que si nous le laissons
apparent; c'est à coup sûr moins sincère; peut-être beaucoup moins
solide et d'une exécution plus difficile. Assembler en équerre deux morceaux
de fer carré au moyen d'un tenon, d'une mortaise et d'une goupille,
comme on le ferait pour de la charpente ou de la menuiserie, cela ne présente
rien de compliqué extérieurement, puisqu'on ne voit rien du travail
de l'ouvrier; mais cette façon, convenable pour du bois qui se coupe facilement,
qui a un fil, n'est pas justifiée si on l'applique à des barres de
fer d'une épaisseur minime, fort difficiles à creuser ou à disposer avec
tenons; de plus, un pareil assemblage est toujours défectueux en ce que
le tenon, très-menu, ne peut offrir assez de prise pour donner à
l'assemblage une grande solidité. Si au contraire deux barres sont assemblées
d'équerre, comme l'indique la figure 45, en A, la barre horizontale munie
d'un talon B entrant dans une fourchette façonnée à l'extrémité de la
barre verticale, l'assemblage est simple, large, solide, bien approprié
à la matière. Que cet assemblage soit maintenu serré par un boulon à
clavette détaillé en C, qu'une rondelle plus ou moins riche s'interpose
entre la tête du boulon et la fourchette, la décoration de l'assemblage
est toute trouvée et n'est en réalité que l'emploi raisonné des moyens
les plus naturels nécessaires à la solidité de l'œuvre. Qu'il y ait lieu de
poser des barres verticales intermédiaires, la traverse horizontale aura
des œils renflés D, à travers lesquels passeront ces barres.
 
[Illustration: Fig. 45.]
 
Si nous nous engageons dans la voie vraie, celle indiquée par la structure,
la décoration de l'œuvre est pour ainsi dire tracée. En supposant
que la grille doive être richement couronnée, le talon de la barre horizontale,
la fourchette de la barre verticale, les extrémités des barres
intermédiaires, fournissent des motifs d'ornementation qui, loin d'altérer
le principe de la structure, ne font que l'appuyer (fig. 46). Cet exemple
suffit pour faire saisir la méthode suivie par ces artisans serruriers du
moyen âge. Ceux-ci ne font d'ailleurs, dans leur métier, qu'appliquer les
méthodes admises dans les autres branches de l'architecture de cette
époque; développer la forme dans le sens indiqué par le besoin, la
raison, la qualité de la matière. Et, de fait, nous ne saurions trop le
répéter, on ne possède un art de l'architecture qu'à ces conditions.
 
Quand on examine des œuvres de serrurerie du moyen âge, on observe
 
[Illustration: Fig. 46.]
 
que les fers sont, relativement à ceux que nous employons aujourd'hui,
légers; que ces ouvrages ont un aspect élégant, délié. Et en effet,
une des qualités que doit posséder la serrurerie, c'est la légèreté, puisque
la matière est très-résistante, sous un petit volume. Le fer forgé cependant,
s'il a une force considérable en agissant comme tirant, comme lien,
est flexible, <i>n'a pas de roide</i>, et ne peut, debout, porter un poids assez
lourd, à moins de lui donner une épaisseur que ne comporte guère ce
genre d'ouvrages et qui augmente la dépense. C'est donc par des
combinaisons
d'assemblages que le serrurier peut suppléer au défaut de roideur
de ce métal. Le fer résiste à une charge en raison du développement de ses surfaces, et (fig. 47) nne barre de fer de 0<sup>m</sup>,03, carrée, A,
ayant une longueur de 2 mètres, qui ne pourra, posée verticalement,
porter un poids de 1000 kilogrammes sans ployer, conservera son roide
si elle est forgée à poids égal, suivant les sections B. Posée horizontalement,
il en sera de même; la barre de fer résistera d'autant mieux à une
charge, que ses surfaces seront plus développées: c'est ce principe qui
a fait admettre dans nos constructions modernes les fers dits à T ou à
double T pour les planchers, les arbalétriers et pannes de combles. Nos
serruriers du moyen âge ne possédant pas les puissants cylindres
d'usines
qui laminent le fer en barres côtelées, avec des ailes, suppléaient à
cela par des combinaisons, souvent très-ingénieuses, afin de conserver
à leurs ouvrages de ferronnerie la légèreté convenable.
 
Leurs grilles de clôture sont, par exemple, composées par panneaux
qui viennent s'embrever dans des montants rendus rigides au moyen de
renforts et d'arcs-boutants très-habilement agencés. Les barres
verticales
destinées à porter sont tordues et quelquefois même composées de
deux ou trois brins. Si un fer à section carrée porte une charge, il
ploiera nécessairement, non suivant la diagonale du carré, mais
suivant
une des faces. Faisant donc pivoter la diagonale du carré sur son
centre, on donne à une barre, dans toute sa longueur et sur tous les points,
la résistance que présente cette diagonale. C'est pourquoi on trouve si
souvent dans la serrurerie du moyen âge des fers carrés, tordus, dont
les angles de la section carrée forment des spirales. Ainsi (fig. 48), une
barre à section carrée A, posée debout et soumise à une charge, ploiera
suivant l'une de ses quatre faces; mais si, au moyen de la torsion, la diagonale
parcourt tous les points du cercle inscrivant le carré (voyez en B),
la barre résistera à la charge non plus suivant la résistance d'un côté
du carré, mais suivant celle de la diagonale: or, celle-ci étant plus
longue que l'une des faces, la résistance sera plus considérable. À longueurs
égales, la barre tordue B sera plus lourde d'ailleurs et contiendra
plus de matière que la barre simple A, puisque les angles du carré sont
obligés de parcourir une spirale. À l'œil, cependant, la barre tordue sera
plus légère que la barre simple, à cause des surfaces concaves que produisent
nécessairement les faces du carré pivotant sur son axe.
 
[Illustration: Fig. 47.]
 
Par les mêmes motifs, les serruriers du moyen âge composaient-ils
souvent des supports verticaux de fer, au moyen de deux ou même de
trois fers ronds tordus en façon de torsade; ainsi augmentaient-ils les
moyens de résistance sans augmenter sensiblement le poids des fers.
Ces sortes d'ouvrages demandant du soin, de l'adresse et un peu de
réflexion, il s'est trouvé qu'un jour--les corps de métiers ayant perdu la
force qui maintenait chez eux la main-d'œuvre à un niveau
élevé--quelques architectes ont trouvé préférable--plutôt que de chercher sans
cesse des formes raisonnées et nouvelles--d'admettre un certain goût
prétendu classique, une sorte de formulaire applicable à toute œuvre et à
toute matière (ce qui simplifiait singulièrement leur travail), ont déclaré
que toutes ces recherches, résultat de l'expérience, de l'étude et d'une
fabrication perfectionnée, n'étaient qu'un produit du caprice ou de l'ignorance.
Il n'est pas besoin de dire que cette façon d'apprécier toute une
face de l'art de l'architecture et les industries qui s'y rattachent, devait
être fort prisée par la classe nombreuse des gens qui ne veulent pas se
donner trop de peine. Aussi la serrurerie du moyen âge fut-elle fort
mal vue pendant ces derniers siècles, et l'on trouva de bon goût de
reproduire en fer (comme on peut le voir à la grille de la cour du Mai
à Paris) des <i>ordres</i> avec leurs chapiteaux, leurs entablements, leurs
stylobates, etc.; le tout fabriqué en dépit de la matière et des moyens
qu'elle impose à ceux qui en connaissent les qualités et prétendent
les utiliser.
 
Il y a, dans les assemblages de la serrurerie du moyen âge, un sujet
inépuisable d'enseignement. Par des motifs faciles à saisir, on préfère
aujourd'hui ne point appliquer le raisonnement aux choses qui touchent
à l'art de l'architecture; ce sont du moins les principes que professent
beaucoup d'artistes. Il est certain qu'à leurs yeux, ces artisans du moyen
âge, en raisonnant ainsi ce qu'ils faisaient, en prenant toujours la structure
comme motif de décoration, étaient dans la mauvaise voie. Économes
de la matière, ils arrivaient au but par les moyens les plus vrais.
Loin de cacher ces moyens, ils les montraient, s'en faisaient honneur.
En effet, quand un moyen est simple, pratique, il n'y a pas lieu de le
cacher; si ce n'est, au contraire, qu'un expédient étranger à la nature
de la matière mise en œuvre, qui ne présente pas de garanties sérieuses
de solidité, qui exige l'emploi de ressources hors de proportion avec
le résultat, on ne saurait trop le dissimuler, et c'est ce qu'on fait habituellement
dans notre serrurerie fine de bâtiment.
 
Nous disions tout à l'heure que les serruriers du moyen âge, lorsqu'ils
avaient à fabriquer des grilles d'une certaine étendue, procédaient par
une suite de panneaux s'embrevant dans des montants. Nous ne savons
si ces artisans avaient observé et calculé les effets de la dilatation du fer;
il n'en est pas moins certain que par l'emploi de cette méthode on évitait
les inconvénients qui résultent de la mise en place de grandes parties de
grilles solidaires. Alors celles-ci, s'allongeant par la chaleur ou se retraitant
par le froid, causent des mouvements incessants, dont le moindre
danger est de briser les scellements, de faire gauchir les montants,
d'empêcher les battements des parties ouvrantes de fonctionner, de fatiguer
les assemblages. On croit parer à ces inconvénients au moyen de
tenons et de goupilles ou de boulons <i>gais</i>, c'est-à-dire posés en laissant du
jeu. Mais cela ne peut se faire qu'aux dépens de la solidité de l'ouvrage.
Au contraire, le système de grilles posées par panneaux laissait aux fers
la facilité de se dilater, tout en conservant à l'ensemble une solidité égale,
quelle que fût la température.
 
Les montants principaux des grilles se composaient donc généralement
d'une âme avec deux jouées formant feuillures, dans lesquelles
s'embrevaient les panneaux. Il fallait, dès lors, que ces montants
fussent bien maintenus dans leur plan vertical dans les deux sens,
au moyen d'arcs-boutants ou de contrefiches scellées. Ces accessoires
nécessaires fournissaient, comme toujours, un motif de décoration.
 
Voici (fig. 49) un de ces motifs de montants, avec feuillures propres
à recevoir des panneaux de grille et avec arcs-boutants. En A, est tracée
la section du montant sur <i>a b</i>. L'âme <i>c</i> se compose de deux fers d'un
pouce sur six lignes, laissant entre eux un intervalle de quatre lignes.
Deux jouées <i>d</i> sont rivées à ces âmes. Le profil B fait voir que les jouées
possèdent deux renforts <i>e</i>, formant larmiers et munis de talons en
contre-bas, servant de butée aux deux arcs-boutants D. À partir du niveau
<i>g</i>, ces arcs-boutants se divisent chacun en deux branches (voyez
la face F en <i>h</i>), de sorte que ces deux arcs-boutants ont quatre scellements
propres à empêcher le dévers du montant, soit dans le plan de la
grille, soit perpendiculairement à ce plan. En <i>k</i> et <i>l</i>, les arcs-boutants
et les jouées sont percés de trous barlongs dans lesquels passent les
doubles clefs chevauchées (détaillées en G), percées elles-mêmes à leurs
extrémités antérieures et postérieures pour recevoir les clavettes H, au
moyen desquelles tout le système est fortement serré. Ces clavettes
enfoncées, leur extrémité <i>m</i> est recourbée au marteau<span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]].
 
Les armatures de puits présentent encore d'assez nombreux exemples
de belle serrurerie d'assemblages. Si la margelle du puits était adossée
à un mur, la poulie était suspendue à une potence scellée dans ce mur.
On peut voir encore une de ces potences à poulie attachée au mur
d'une maison du XV<sup>e</sup> siècle sise en face de la cathédrale de Moulins
(fig. 50, en A). Les fers formant équerre et quart de cercle ont
0<sup>m</sup>,034 + 0<sup>m</sup>,041 (15 lignes + 18 lignes). Ces fers sont chanfreinés au
marteau sur leurs arêtes (voyez la section <i>b</i> faite sur
<i>c d</i>), et ces chanfreins
s'arrêtent au droit des assemblages. Les redents et l'ornement du sommet
sont rivés sur les bandes principales. Pour rendre solidaires les trois
redents du triangle, deux cercles <i>g</i> moisent leurs extrémités au moyen
de rivets. Le redent supérieur <i>h</i> a son extrémité recourbée en boucle
pour passer le rivet qui maintient les rosaces doubles de tôle <i>l</i>. À l'extrémité
de la bande horizontale, est un renfort K, qui reçoit une tringlette
verticale, sur l'extrémité coudée de laquelle est rivé un petit toit de tôle <i>m</i>
 
[Illustration: Fig. 49.]
 
(<i>a</i> en plan), destiné à couvrir la corde de la poulie au point où elle se
[Illustration: Fig. 50.]
 
trouve en contact avec le fer. Cette poulie tourne au moyen d'une tête
de boulon qui passe dans sa bielle<span id="note30"></span>[[#footnote30|<sup>30</sup>]]. On observera que les redents et
même l'ornement du sommet ne sont pas une simple décoration, mais
ajoutent à la résistance du triangle de fer en étrésillonnant ses côtés, et
en formant au-dessus de la bande horizontale comme une fermette.
Aussi le serrurier a-t-il pu n'employer que des fers d'un faible
échantillon
relativement à la longueur de la potence et au poids qu'elle
doit soutenir; or, cette potence fonctionne depuis plus de quatre
cents ans.
 
En B, est figurée une seconde potence, composée d'après un autre
système,
mais présentant au moins autant de rigidité que la première. Les
fers des côtés du triangle donnent la section <i>p</i>, et ceux de l'intérieur la
section <i>q</i>. Dans le grain d'orge ménagé le long de ces fers, entrent les ornements
de tôle qui roidissent tout le système. Les fers du triangle et de
l'intérieur sont assemblés à tenons avec clavettes, ainsi que le montre
le détail <i>s</i>. Cette potence pivote dans deux pitons scellés à la muraille<span id="note31"></span>[[#footnote31|<sup>31</sup>]].
 
Nous ne saurions trop insister sur ce point: dans les ouvrages de
serrurerie
du moyen âge, on ne cherche pas à dissimuler les assemblages.
Les fers, au droit de ces assemblages, restent francs ou prennent plus
de force, comme nous l'avons montré dans l'exemple figure 45. On
se garde bien de diminuer leur résistance là où ils fatiguent.
 
Outre les grilles disposées par panneaux s'embrevant entre des
montants,
on faisait aussi des grilles par compartiments assemblés, et cela
par des moyens simples et solides. Cette grille (fig. 51) fournit un
exemple de ces sortes de combinaisons<span id="note32"></span>[[#footnote32|<sup>32</sup>]]. C'est un ouvrage du XV<sup>e</sup> siècle.
Il se compose de montants A scellés dans le pavé. Entre ces montants,
renforcés en B, sont serrées des traverses C, lesquelles portent un petit
tenon à chaque extrémité. La partie supérieure des montants se termine
par un fort goujon rivé sur la barre d'appui D. Des cercles inscrivant des
quatre-lobes sont inscrits entre les montants, la traverse et la barre
d'appui. Des demi-cercles remplissent la partie inférieure. En <i>a</i>, <i>b</i> et <i>c</i>,
sont tracées les sections de la traverse C, des cercles et des
quatre-lobes;
en <i>d</i>, est figurée l'extrémité des lobes. Des goujons rivés <i>e</i> réunissent toutes
ces pièces dont les sections hexagonales se prêtent à une juxtaposition
parfaite. Cet ensemble présente beaucoup de solidité, est facile à assembler,
et n'exige de soudures qu'à l'extrémité des lobes et pour fermer les
cercles. Les montants n'ont que 0<sup>m</sup>,024 de largeur sur 0<sup>m</sup>,042
d'épaisseur.
 
Les armatures de puits posées au-dessus des margelles présentaient
aussi des combinaisons d'assemblages de serrurerie intéressantes à
étudier.
Dans les cours des châteaux, des monastères, au milieu des
carrefours,
on voyait de ces belles ferronneries portant les poulies des puits.
 
[Illustration: Fig. 51.]
 
Malheureusement, presque tous ces ouvrages ont été détruits, et si l'on
en voit encore en place, c'est qu'ils ont été oubliés. À Sens, à Troyes,
à Semur, à Beaune, dans la cour de l'Hôtel-Dieu à Dijon, quelques
débris
de ces armatures existent aujourd'hui et datent des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles.
D'anciennes gravures nous donnent aussi l'apparence de ces ferrures de
puits, mais n'en reproduisent pas les assemblages; nous sommes réduit
donc à citer un assez petit nombre d'exemples. Le premier que nous
donnons n'existe plus et ne nous est connu que par un dessin de
Garneray<span id="note33"></span>[[#footnote33|<sup>33</sup>]].
Cet ouvrage de ferronnerie paraît dater de la fin du XIV<sup>e</sup> siècle,
et se trouvait placé dans les dépendances du château de Marcoussis. Le
second se voit encore à Troyes, et le troisième dans la cour de l'Hôtel-Dieu
de Beaune; ces deux derniers appartiennent au XV<sup>e</sup> siècle.
 
La figure 52 reproduit l'armature du puits de Marcoussis. Cette
armature
se composait de trois tiges de fer carré, avec arcs-boutants à la base
pour arrêter le hiement, c'est-à-dire le mouvement pivotant qu'eussent
pu éprouver ces trois barres. Celles-ci sont d'ailleurs un peu inclinées
vers le centre. Un cercle de fer battu les réunit à leur sommet, et reçoit,
en outre, des liens en redents qui donnent du roide à tout l'ouvrage et
maintiennent les trois pieds-droits dans leur plan. Du cercle partent, au-dessus
des barres, trois volutes pincées au niveau <i>a</i> par des moises. Au
milieu de ces trois volutes passe le poinçon <i>b</i>, auquel est suspendue la
poulie. Le cercle, les moises des volutes et le poinçon étaient ornés de
tôles découpées et rivées.
 
L'armature du puits de Troyes n'est pas d'une forme aussi gracieuse
que celle du puits de Marcoussis, mais sa composition et ses assemblages
méritent d'être signalés. La margelle A (fig. 53) est ovale à l'intérieur,
octogone irrégulière extérieurement. Trois montants sont scellés sur
cette margelle même, de façon à présenter en plan un triangle à côtés
illégaux, disposition qui permet à trois personnes de puiser de l'eau en
même temps. Deux personnes peuvent se placer en <i>a</i> et <i>b</i>,
et la troisième
en <i>c</i>. Trois poulies sont suspendues à l'armature au moyen d'une sorte
de guirlande B attachée au poinçon, puis à deux barres horizontales
passant par les œils <i>d</i>, projetées en <i>d'</i> sur le plan A.
Les trois tiges formant
pavillon D suspendent le poinçon, comme dans l'exemple précédent,
et sont maintenues au sommet des trois montants au moyen d'une
sorte d'embrèvement et d'un fort boulon à clavette G. Les montants se
composent de deux tiges rondes de 0^m ,02 de diamètre chacune, tordues
en manière de torsade; une bague E les décore vers le milieu. À la base,
au scellement, sur la margelle, ces montants sont accompagnés chacun
de deux œils (voyez le détail F) recevant les boucles auxquelles on attachait
le crochet de la corde, lorsqu'elle était veuve des seaux, car chaque
personne qui venait puiser, apportait ses vases.
 
L'armature du puits de l'Hôtel-Dieu de Beaune est parfaitement
conservée.
Elle se compose de trois montants, d'un cercle de fer battu qui
les réunit, et d'un pavillon à trois branches droites, le tout décoré de
[Illustration: Fig. 52.]
 
tôles découpées. Cette armature est gravée dans l'ouvrage de MM.
Verdier
et Cattais<span id="note34"></span>[[#footnote34|<sup>34</sup>]], et il ne nous paraît pas nécessaire de la reproduire
ici.
 
<br><br>
Ligne 1 734 ⟶ 2 174 :
<span id="footnote24">[[#note24|24]] : D'une fenêtre de l'ancien évêché d'Auxerre, aujourd'hui préfecture. Cette targette paraissait appartenir au XIV<sup>e</sup> siècle. Nous l'avons dessinée en 1843; elle tenait encore à
un vieux châssis déposé dans le beau grenier lambrissé dépendant de l'ancienne grand'salle.
 
<span id="footnote25">[[#note25|25]] : Les montants de ces châssis étaient, souvent même, munis de pivots de bois conservés à chaque extrémité.
 
<span id="footnote26">[[#note26|26]] : D'un châssis de croisée d'une maison à Flavigny
(Côte-d'Or). Cette paumelle date du XIV<sup>e</sup> siècle, et le châssis bat sur un dormant.
 
<span id="footnote27">[[#note27|27]] : D'un châssis de croisée d'une maison à Saint-Yrieix (Haute-Vienne). Le châssis battait sur un dormant.
 
<span id="footnote28">[[#note28|28]] : Cet ouvrage de quincaillerie tenait à un vantail, d'armoire très-probablement, ou à
un vantail de porte d'intérieur d'appartement. Nous l'avons trouvé chez un marchand de
ferraille à Paris.
 
<span id="footnote29">[[#note29|29]] : Ces détails sont recueillis sur diverses pièces de grilles de la fin du XIV<sup>e</sup> siècle. L'arc-boutant
et ses clefs ont été dessinés par nous, parmi des débris de grilles à Malines.
Quant aux montants à feuillures pour recevoir des panneaux de grille, on en retrouve
assez fréquemment en France, en Belgique et en Allemagne.
 
<span id="footnote30">[[#note30|30]] : M. Millet, architecte de la cathédrale de Moulins, a bien voulu relever cette ferrure avec le plus grand soin pour nous la communiquer.
 
<span id="footnote31">[[#note31|31]] : Cette potence était scellée le long d'une muraille de tour à Carpentras, au-dessus d'un petit puits. Il en existe encore une à peu près semblable à
Avignon; mais cette dernière était destinée à porter une torche (XV<sup>e</sup> siècle).
 
<span id="footnote32">[[#note32|32]] : Il existe une grille semblable à celle-ci à Gand (salle d'armes). On en voyait une autre à peu près pareille dans l'église de Saint-Denis, avant la restauration de 1816 (dessins de Percier).
 
<span id="footnote33">[[#note33|33]] : Ce dessin est en notre possession et indique les assemblages, observés avec soin.
 
<span id="footnote34">[[#note34|34]] : <i>Architecture domestique</i>, t. I.