« Contre l’antisémitisme » : différence entre les versions

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« La mission de l'antisémitisme, au fond, c'est de refaire un cerveau neuf, une mentalité nouvelle aux Français, de les faire rentrer dans la réalité, de leur enseigner ce qu'ils valent, de leur apprendre à surmonter ces humilités ridicules contrastant avec des déclamations emphatiques et grotesques, ces superstitions, ces adorations d'hommes et de choses qui nous sont tout à fait inférieurs. »
 
Qu'est-ce que M. Drumont entend par un ''cerveau neuf et une mentalité nouvelle ?'' Sur ce sujet, on peut trouver une réponse dans ses livres et dans ses articles, et je suis tout disposé à reconnaître en ce point leur utilité. La seule chose un peu nette et claire, en effet, dans les gros bouquins, indigestes et confus, du propagateur de l'antisémitisme, — qui est décidément meilleur journaliste que moraliste, philosophe, historien ou sociologue, — c'est un amour puéril et touchant pour l'ancienne France. L'histoire, pour M. Drumont et pour le père Loriquet, a suivi son cours normal jusqu'en 1789. AÀ cette date, le ciel a permis que le vieil édifice de la monarchie s'écroulât, et en même temps il a frappé la France de démence.
 
Pendant quelques années, Satan a régné sur la terre des lys. M. Drumont est exactement renseigné là-dessus. Il a consciencieusement démarqué l'abbé Barruel, Dom Deschamps et Crétineau-Joly. Il ne les cite pas toujours, mais le souffle de ces maîtres court dans son œuvre. Là encore je me garderai de dire que M. Drumont a inventé cette théorie, il l'a adoptée. Pour lui comme tous ceux dont je viens de parler, la France, perturbée par une influence diabolique, a perdu il y a plus de cent ans son équilibre ; elle cherche vainement à le reconquérir depuis, de là des secousses, des révolutions. Quand aura-t-elle retrouvé son harmonie ? Quand elle sera redevenue ce qu'elle était, c'est-à-dire un état chrétien, quand les Français auront retrouvé leur cerveau et leur mentalité d'antan. Et voilà ce que le bon chevalier croisé contre les fils d'Israël appelle refaire un cerveau et une mentalité nouvelle.
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Les antisémites vont peut-être me dire que c'est par un paradoxe facile que je leur attribue l'état d'esprit des contemporains de saint Louis. Ils connaissent, disent-ils les exigences de la pensée moderne, et savent en tenir compte ; ils font la part des progrès faits par la science, à tel point qu'ils s'efforcent de mettre la théologie d'accord avec elle. Leur but avoué et caché n'en est pas moins l'unification de la France. Et comment conçoivent-ils cette unification ? Ils la conçoivent religieusement. La France, affirment-ils, sera heureuse quand elle sera redevenue une, c'est-à-dire chrétienne, c'est-à-dire catholique. Une preuve ? C'est que l'antisémitisme en même temps que le Juif, combat le Franc-Maçon et le Protestant. Cependant le Protestant et le Franc-Maçon sont bien des Français de France. Ce n'est donc plus uniquement la lutte contre le « Juif étranger » que préconisent M. Drumont et ses amis. Diront-ils encore qu'ils ne font pas de leur antisémitisme, qui est aussi un antifranc-maçonisme et un antiprotestantisme, une question religieuse ?
 
Mais ce n'est pas encore là ce que je veux demander aux antisémites. Comment feront-ils pour faire rentrer les Français dans la réalité ? Est-ce simplement en constatant, comme l'a fait M. Drumont, que la ruée de la foule dans le logis de Mlle Couédon indique un retour du peuple de France au bon sens ? Ce ne peut être suffisant. De quelle façon s'opérera cette homogénéité nouvelle ? La doctrine semble confuse. Parfois M. Drumont sort une prophétie de Nostradamus qui était, paraît-il, de la tribu d'Issachar, ce qui donne une grande valeur à ses vaticinations. D'après Nostradamus qui, étant Juif, n'avait aucun intérêt à affirmer une chose semblable, tout sera arrangé par un justicier qui sera « le grand Celtique ». J'ai cru remarquer que M. Drumont se considérait quelquefois comme ce « grand Celtique ». Je ne le chicanerai pas là-dessus et je veux bien le croire. Cependant, cette solution ne semble pas toujours satisfaisante à l'érudit auteur de la ''France juive.'' Il cite alors les propres paroles de Notre-Dame de la Salette ; il apprend à ceux qui l'ignorent que l'Antéchrist naîtra d'un évêque et d'une juive, et qu'après quelques horrifiques combats l'ordre renaîtra en Gaule. L'évêque est, paraît-il, tout désigné : ce sera Mgr Fuzet, de Beauvais, si je ne me trompe.
 
Le rôle de l'antisémitisme doit être sans doute de préparer la venue de tous ces combattants. Je voudrais savoir comment il procédera. Je manque de données précises là-dessus. Voyons, monsieur Drumont, qu'allez-vous faire des Juifs ? Exposez-moi votre programme. J'imagine que vous n'en avez pas, ni vous ni vos disciples. Prouvez-le, direz-vous ? Voilà qui est facile. Il y a près d'un an, vous avez ouvert à la ''Libre Parole'' un concours sur les moyens de ruiner « la suprématie Juive » ; j'ai même demandé à faire partie du jury de ce concours et j'attends que l'on me convoque. Mais le concours est renvoyé chaque mois ; n'est-ce pas une preuve de la confusion d'idées des antisémites ? Il serait temps, cependant, dans l'intérêt même du parti, de dire une bonne fois ce que vous voulez. Je vais encore attendre votre réponse, monsieur Drumont, et si vous ne répondez pas, nous pourrons causer d'autre chose.
 
Le rôle de l'antisémitisme doit être sans doute de préparer la venue de tous ces combattants. Je voudrais savoir comment il procédera. Je manque de données précises là-dessus. Voyons, monsieur Drumont, qu'allez-vous faire des Juifs ? Exposez-moi votre programme. J'imagine que vous n'en avez pas, ni vous ni vos disciples. Prouvez-le, direz-vous ? Voilà qui est facile. Il y a près d'un an, vous avez ouvert à la ''Libre Parole''un concours sur les moyens de ruiner « la suprématie Juive » ; j'ai même demandé à faire partie du jury de ce concours et j'attends que l'on me convoque. Mais le concours est renvoyé chaque mois ; n'est-ce pas une preuve de la confusion d'idées des antisémites ? Il serait temps, cependant, dans l'intérêt même du parti, de dire une bonne fois ce que vous voulez. Je vais encore attendre votre réponse, monsieur Drumont, et si vous ne répondez pas, nous pourrons causer d'autre chose.
 
''Il me faut ici revenir en arrière et donner quelques explications sur le concours auquel je faisais allusion. Le 22 octobre 1895, la '''Libre Parole''' mettait au concours le sujet suivant : « Des moyens pratiques d'arriver à l'anéantissement de la puissance juive en France, le danger juif étant considéré au point de vue de la race et non au point de vue religieux. »''
 
''En annonçant ce concours, M. Drumont disait : « Si un Juif n'appartenant pas au monde de la finance et ayant, par conséquent, quelque autorité dans la question, désirait faire partie du jury, nous serions disposés à lui accorder une place. »''
 
''J'écrivis aussitôt au directeur de la '''Libre Parole''' la lettre ci-dessous, qui parut dans le numéro du 24 octobre précédée des quelques lignes que je reproduis :''
 
''« Nous recevons de M. Bernard Lazare la lettre suivante que nous insérons bien volontiers, ainsi qu'il nous en fait la demande, mais en faisant des réserves formelles, toutefois, sur la solution qu'il préconise et qui nous paraît un peu radicale :''
Paris, 23 octobre 1895.
<div style="text-align: right;">Paris, 23 octobre 1895.</div>
 
« Monsieur le Directeur,
 
Jusqu'à présent, j'avais toujours reproché à l'antisémitisme de ne donner aucune solution à la question qu'il avait soulevée. AÀ plusieurs reprises même, j'ai demandé, soit à vous, soit aux vôtres, quelles mesures vous préconisiez pour échapper à ce que vous nommez la domination juive, à ce que j'appelle la tyrannie du capital qui n'est pas spécialement juif, mais universel. Je n'ai jamais obtenu de réponse.
 
»Le concours que vous ouvrez satisfera, je l'espère, ma curiosité, et le fixera sans doute sur la doctrine antisémite. Voulez-vous me permettre de faire partie du jury ? Vous pouvez être assuré de mon absolue impartialité, quoique d'avance, je trouve que la seule mesure logique serait le massacre, une nouvelle Saint-Barthélémy.
 
»Le concours que vous ouvrez satisfera, je l'espère, ma curiosité, et le fixera sans doute sur la doctrine antisémite. Voulez-vous me permettre de faire partie du jury ? Vous pouvez être assuré de mon absolue impartialité, quoique d'avance, je trouve que la seule mesure logique serait le massacre, une nouvelle Saint-Barthélémy.
»Si vous acceptez mon offre, je vous serai obligé de vouloir bien insérer cette lettre qui l'explique.
 
»Si vous acceptez mon offre, je vous serai obligé de vouloir bien insérer cette lettre qui l'explique.
»Veuillez agréer, monsieur le Directeur, lassurance de ma haute considération.
 
»Veuillez agréer, monsieur le Directeur, lassurancel'assurance de ma haute considération.
» Bernard LAZARE. »
 
<div style="text-align: right;"> » Bernard LAZARE. »</div>
''Je faisais donc parti du jury de la '''Libre Parole'''. A la suite de mon article du 31 mai, je reçus une lettre de M. Drumont, m'expliquant les causes du retard qu'avait subi le concours ; je m'empressais de lui répondre et rappelais cette réponse dans l'article que je consacrais encore à l'antisémitisme dans le '''Voltaire''' du 7 juin.''
 
''Je faisais donc parti du jury de la '''Libre Parole'''. AÀ la suite de mon article du 31 mai, je reçus une lettre de M. Drumont, m'expliquant les causes du retard qu'avait subi le concours ; je m'empressais de lui répondre et rappelais cette réponse dans l'article que je consacrais encore à l'antisémitisme dans le '''Voltaire''' du 7 juin.''
 
== La quatrième à M. Drumont ==