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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

pour Quinet, non seulement le symbole de l’esprit humain, mais encore et surtout, celui du génie français. Merlin nous est venu de Bretagne, de la Grande et de la Petite-Bretagne, comme on disait au moyen âge, avec son roi Arthur et tout un cortège de fées et de chevaliers. Lorsqu’il conduisait Arthur blessé vers l’île heureuse de Morgane, il était le gardien suprême de l’espérance celtique, douloureusement blessée, elle aussi, comme le héros. Cet élément celtique, dont nous ne saurions méconnaître la beauté, fut, certes, introduit dans la combinaison merveilleuse, destinée à former notre génie national, mais nous nous souvenons que notre première épopée nationale, en sa pureté primitive, nous donna les graves et rudes Chansons de geste, les personnages virils de Charlemagne et de Roland, et que ce qui la caractérise, c’est le souci presque exclusif d’un ordre supérieur, d’une gloire chevaleresque et militaire, d’un idéal héroïque, conforme à ce que l’on jugeait alors raisonnable : la prépondérance de l’empire franc et la victoire des chrétiens sur les Sarrasins ; c’est une tension de la volonté vers ce que l’intelligence conçoit comme le plus sage, le meilleur et le plus beau, dont, seuls, peut-être, certains personnages de Corneille pourront nous fournir un autre exemple, tandis que l’épopée bretonne, avec Lancelot, avec Tristan, glorifie les surprises et les conquêtes de la passion.

Choisir Merlin comme l’emblème du génie français, n’est-ce point méconnaître déjà, à l’origine du livre, l’harmonieux équilibre de ce génie ?

Le Merlin de Quinet nous semble atteint de ce mal étrange que l’on nommait jadis la démesure, tandis que la France possède, selon la formule de son génie