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Dans le Jura, dont le plateau argilo-siliceux n’est que
Dans le Jura, dont le plateau argilo-siliceux n’est que la continuation de celui de Dombes et Bresse qui, en se prolongeant, va toujours en baissant de niveau, ils ne sont ni très nombreux, ni très étendus, et néanmoins leur assolement parait assez bien entendu.
la continuation de celui de Dombes et Bresse qui, en se
prolongeant, va toujours en baissant de niveau, ils ne
sont ni très nombreux, ni très étendus, et néanmoins leur
assolement parait assez bien entendu.


Ces différents pays d’étangs qui sont les plus connus renferment cependant à peine un tiers de ceux qui existent en France. Parmi les départements qui en contiennent le plus, après ceux que nous venons de nommer, on remarque Saône-et-Loire, l’Allier, la Nièvre, le Lot, Maine-et-Loire et la Marne.
Ces différents pays d’étangs qui sont les plus connus
renferment cependant à peine un tiers de ceux qui existent
en France. Parmi les départements qui en contiennent
le plus, après ceux que nous venons de nommer, on remarque
Saône-et-Loire, l’Allier, la Nièvre, le Lot, Maine-et-Loire
et la Marne.


Si nous voulons maintenant arriver à déterminer l’étendue des pays d’étangs en France, question qui n’est pas sans importance, nous remarquerons que les 20,000 hectares inondés de l’Ain, sur 240 kilom. de 2,000 hectares carrés, et 52 communes, occupent un sixième de l’espace total. En Sologne, les étangs couvrent 17,000 hectares ou moins du vingtième de la superficie totale : adoptant cette moyenne comme la proportion générale de la surface des étangs au reste du sol dans les pays inondés, les 200,000 hectares d’étangs appartiendront à une étendue de 4 millions d’hectares, ou à un treizième de la France. Les étangs sont donc une grande question agricole qui fut dans le temps bien légèrement tranchée, lorsqu’on ordonna leur dessèchement sans exception et sans intermédiaire.
Si nous voulons maintenant arriver à déterminer l’étendue
des pays d’étangs en France, question qui n’est pas
sans importance, nous remarquerons que les 20, 000 hectares
inondés de l’Ain, sur 240 kilom. de 2, 000 hectares
carrés, et 62 communes, occupent un sixième de l’espace
total. En Sologne, les étangs couvrent 17, 000 hectares ou
moins du vingtième de la superficie totale : adoptant cette
moyenne comme la proportion générale de la surface des
étangs au reste du sol dans les pays inondés, les 200, 000
hectares d’étangs appartiendront à une étendue de 4 millions
d’hectares, ou à un treizième de la France. Les étangs
sont donc une grande question agricole qui fut dans le
temps bien légèrement tranchée, lorsqu’on ordonna leur
dessèchement sans exception et sans intermédiaire.


Le dessèchement simultané et la culture immédiate de ces 200,000 hectares auraient demandé la construction de 5,000 domaines de 40 hectares chacun : cette construction, le cheptel d’animaux de labour et de rente nécessaires pour le travail et le produit, les instruments et tout le mobilier agricole, les semences à fournir au sol, le capital nécessaire soit pour faire les premières avances de dessèchement, d’assainissement et de défrichement, soit pour commencer et continuer la culture, eussent exigé au moins 20,000 francs par domaine, ou 100 millions pour le tout.
Le dessèchement simultané et la culture immédiate de
ces 200, 000 hectares auraient demandé la construction
de 5, 000 domaines de 40 hectares chacun : cette construction,
le cheptel d’animaux de labour et de rente nécessaires
pour le travail et le produit, les instruments et
tout le mobilier agricole, les semences à fournir au sol, le
capital nécessaire soit pour faire les premières avances de
dessèchement, d’assainissement et de défrichement, soit
pour commencer et continuer la culture, eussent exigé au
moins 20, 000 francs par domaine, ou 100 millions pour
le tout.


Mais ces 100 millions qui les eût fournis ? l’Etat ou les propriétaires ? L’Etat ne l’eût pas voulu ; les propriétaires, qu’on privait du plus clair de leurs revenus, ne l’eussent pas pu ; puis il aurait fallu y improviser une population de 50,000 âmes, et la décider à entreprendre l’exploitation de terres humides, froides, d’une culture difficile, sans prairies, dans des pays malsains. Et cette population où l’eût-on prise ? Elle ne pouvait se trouver dans le pays même où elle manque pour la culture ; il eût donc fallu la recruter dans les contrées voisines dont on n’eût pu entraîner que la lie en la payant outre mesure ; les capitaux de dessèchement entre ses mains eussent bientôt été dévorés sans fruit. La mise en culture immédiate était donc impossible. D’ailleurs le dessèchement simultané, sans culture, eût aussi été la ruine du pays, parce qu’il lui eût ôté la plus grande partie de son produit net à l’aide duquel il faisait valoir le reste du sol. La loi qui supprimait les étangs ne fut donc point exécutée, et n’était point exécutable ; tel sera toujours le sort des mesures exagérées. Cette question depuis est restée dans le domaine des spéculations particulières qui ont fait ou défait les étangs, suivant leur caprice ou leur intérêt bien ou mal
Mais ces 100 millions qui les eût fournis ? l’Etat ou les
propriétaires ? L’Etat ne l’eût pas voulu ; les propriétaires,
qu’on privait du plus clair de leurs revenus, ne l’eussent
pas pu ; puis il aurait fallu y improviser une population
de 50, 000 âmes, et la décider à entreprendre
l’exploitation de terres humides, froides, d’une culture
difficile, sans prairies, dans des pays malsains. Et cette
population où l’eût-on prise ? Elle ne pouvait se trouver
dans le pays même où elle manque pour la culture ; il eût
donc fallu la recruter dans les contrées voisines dont on
n’eût pu entraîner que la lie en la payant outre mesure ;
les capitaux de dessèchement entre ses mains eussent bientôt
été dévorés sans fruit. La mise en culture immédiate
était donc impossible. D’ailleurs le dessèchement simultané,
sans culture, eût aussi été la ruine du pays, parce
qu’il lui eût ôté la plus grande partie de son produit net
à l’aide duquel il faisait valoir le reste du sol. La loi qui
supprimait les étangs ne fut donc point exécutée, et n’était
point exécutable ; tel sera toujours le sort des mesures
exagérées. Cette question depuis est restée dans le domaine
des spéculations particulières qui ont fait ou défait
les étangs, suivant leur caprice ou leur intérêt bien ou mal
entendu.
entendu.


{{ancre|9 : 2|}}'''{{T4|{{sc|Section}} {{rom-maj|ii}}'''. — ''Ancienneté des étangs''. |m=1.5em}}
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Cette manière de tirer parti du sol ne paraît dater que du moyen-âge ; l’agriculture ancienne ne connaissait pas les étangs ni leur exploitation régulière. Les étangs de Caton l’Ancien semblent avoir été plus particulièrement de grands dépôts de poissons pris dans les rivières ou dans la mer, pour y attendre leur vente, leur consommation, et les y préparer en les engraissant. Toutefois le luxe des derniers temps de la république romaine créa à frais immenses des viviers pour les poissons d’eau douce ; Murena les inventa, et, après lui, Hortensius, Lucullus, César, en établirent dont l’histoire a conservé le souvenir. Mais ces établissements paraissent avoir eu peu d’analogie avec nos étangs ; c’étaient des réservoirs construits à grands frais et entretenus pleins par communication avec la mer ou avec les eaux des sources et des rivières, pendant qu’une grande partie de nos étangs, placés dans des pays où ces eaux sont rares, sont dus à des eaux de pluie réunies et retenues dans des plis ou inflexions de terrain par des barrages en terre.
Cette manière de tirer parti du sol ne paraît dater que
du moyen-âge ; l’agriculture ancienne ne connaissait pas
les étangs ni leur exploitation régulière. Les étangs de Caton
l’Ancien semblent avoir été plus particulièrement de
grands dépôts de poissons pris dans les rivières ou dans
la mer, pour y attendre leur vente, leur consommation,
et les y préparer en les engraissant. Toutefois le luxe des
derniers temps de la république romaine créa à frais immenses
des viviers pour les poissons d’eau douce ; Murena
les inventa, et, après lui, Hortensius, Lucullus, César, en
établirent dont l’histoire a conservé le souvenir. Mais ces
établissements paraissent avoir eu peu d’analogie avec nos
étangs ; c’étaient des réservoirs construits à grands frais
et entretenus pleins par communication avec la mer ou
avec les eaux des sources et des rivières, pendant qu’une
grande partie de nos étangs, placés dans des pays où ces
eaux sont rares, sont dus à des eaux de pluie réunies et
retenues dans des plis ou inflexions de terrain par des
barrages en terre.


Les étangs des anciens étaient des ouvrages de luxe plutôt
Les étangs des anciens étaient des ouvrages de luxe plutôt que de produit ; et ni les étangs, ni l’élève des poissons, n’ont été, à ce qu’il semble, pour les anciens, un moyen de faire valoir le sol.
que de produit ; et ni les étangs, ni l’élève des poissons,
n’ont été, à ce qu’il semble, pour les anciens, un
moyen de faire valoir le sol.


Dans les temps modernes, on cite peu d’étangs artificiels pour les poissons de mer ; cependant il en existe un sur les côtes d’Ecosse, qui vide en partie ses eaux à chaque marée ; mais c’est plutôt un réservoir pour conserver le poisson, qu’un étang pour la propagation des espèces ; on a remarqué que ces eaux salées peuvent nourrir et entretenir pendant quelque temps des écrevisses, des truites saumonées ; les perches y vivent peu de temps, les huîtres s’y engraissent l’hiver et périssent l’été.
Dans les temps modernes, on cite peu d’étangs artificiels
pour les poissons de mer ; cependant il en existe un
sur les côtes d’Ecosse, qui vide en partie ses eaux à chaque
marée ; mais c’est plutôt un réservoir pour conserver
le poisson, qu’un étang pour la propagation des espèces ;
on a remarqué que ces eaux salées peuvent nourrir et
entretenir pendant quelque temps des écrevisses, des truites saumonées ; les perches y vivent peu de temps, les
huîtres s’y engraissent l’hiver et périssent l’été.


Il parait qu’à Londres on a des réservoirs d’eau salée
Il parait qu’à Londres on a des réservoirs d’eau salée où l’on tient des poissons de mer vivants à la disposition des consommateurs ; on a tenté sans succès à Paris d’imiter une pareille entreprise.
où l’on tient des poissons de mer vivants à la disposition
des consommateurs ; on a tenté sans succès à Paris d’imiter
une pareille entreprise.


L’invention des étangs tels que nous les avons maintenant serait due, à ce qu’il semble, au moyen-âge ; à cette époque, les nombreux couvents qui souvent ne mangeaient que du maigre, et cependant voulaient bien vivre, les propriétés étendues et l’influence du clergé, le nombre des jours maigres de près de moitié de l’année, ordonnés à toutes les classes, le peu de travail nécessaire à l’exploitation du sol une fois couvert d’eau, enfin la population rare d’ordinaire sur l’espèce particulière de terrain qui convient à la réussite des étangs, ont été des causes déterminantes pour les multiplier.
L’invention des étangs tels que nous les avons maintenant
serait due, à ce qu’il semble, au moyen-âge ; à cette
époque, les nombreux couvents qui souvent ne mangeaient
que du maigre, et cependant voulaient bien vivre,
les propriétés étendues et l’influence du clergé, le nombre
des jours maigres de près de moitié de l’année, ordonnés
à toutes les classes, le peu de travail nécessaire à
l’exploitation du sol une fois couvert d’eau, enfin la population
rare d’ordinaire sur l’espèce particulière de terrain
qui convient à la réussite des étangs, ont été des
causes déterminantes pour les multiplier.


L’autorité attribua à tout propriétaire, maître d’un
L’autorité attribua à tout propriétaire, maître d’un emplacement propre à établir une chaussée, le droit d’en élever une et de couvrir d’eau tous les fonds placés au-dessous du niveau supérieur de sa chaussée.
emplacement propre à établir une chaussée, le droit d’en
élever une et de couvrir d’eau tous les fonds placés au-dessous
du niveau supérieur de sa chaussée.


Lorsque la chaussée couvrait d’eau des fonds qui n’appartenaient point à celui qui la construisait, les propriétaires devaient être indemnisés à leur choix, ou par le prix en argent de ces fonds, ou par la cession d’autres de même valeur qu’on leur assignait hors de l’étang, ou enfin par le droit de culture de leurs fonds dans l’année d’''assec'', et de pâturage dans les années d’eau, et, en outre, dans une part proportionnelle dans l’''évolage'' ou produit du poisson. Mais, pour acquérir ce dernier droit, il fallait avoir contribué pour une part proportionnelle dans l’établissement de la chaussée. La culture du sol, sous le nom d’assec, devait revenir chaque troisième année et être suivie de deux années en poisson, sous le nom d’évolage.
Lorsque la chaussée couvrait d’eau des fonds qui n’appartenaient
point à celui qui la construisait, les propriétaires
devaient être indemnisés à leur choix, ou par le
prix en argent de ces fonds, ou par la cession d’autres
de même valeur qu’on leur assignait hors de l’étang, ou
enfin par le droit de culture de leurs fonds dans l’année
d’''assec'', et de pâturage dans les années d’eau, et, en outre,
dans une part proportionnelle dans l’''évolage'' ou produit
du poisson. Mais, pour acquérir ce dernier droit, il
fallait avoir contribué pour une part proportionnelle
dans l’établissement de la chaussée. La culture du sol,
sous le nom d’assec, devait revenir chaque troisième année
et être suivie de deux années en poisson, sous le nom
d’évolage.


Lorsqu’on commença à établir les étangs, pour se décider à des constructions aussi dispendieuses, il fallait, comme nous le verrons plus tard, que le pays fût riche et populeux ; les fonds en culture y avaient de la valeur, on ne les abandonna donc pas sans se réserver une part dans l’évolage. Lorsque plus tard, par suite de l’inondation du sol, la population devint rare, et la culture des terres peu productive, le propriétaire renonça sans peine à prendre sa part du poisson qui eût exigé de lui une part des frais de construction et d’entretien de la chaussée ; tout en perdant la libre disposition de son fonds, le pâturage qu’on lui accordait dans toute l’étendue de l’étang pendant les deux années que le sol était couvert d’eau, la culture facile, productive, et sans engrais de son sol, la troisième année, étaient de grandes, sinon de suffisantes compensations ; aussi nous pensons que, dans notre pays, beaucoup d’étangs ont été faits par convention mutuelle, convenance réciproque, et souvent sans autre indemnité pour le propriétaire du sol que le droit d’assec et de pâturage.
Lorsqu’on commença à établir les étangs, pour se décider
à des constructions aussi dispendieuses, il fallait,
comme nous le verrons plus tard, que le pays fût riche
et populeux ; les fonds en culture y avaient de la valeur,
on ne les abandonna donc pas sans se réserver une part dans
l’évolage. Lorsque plus tard, par suite de l’inondation
du sol, la population devint rare, et la culture des
terres peu productive, le propriétaire renonça sans peine
à prendre sa part du poisson qui eût exigé de lui une
part des frais de construction et d’entretien de la chaussée ;
tout en perdant la libre disposition de son fonds, le
pâturage qu’on lui accordait dans toute l’étendue de l’étang
pendant les deux années que le sol était couvert
d’eau, la culture facile, productive, et sans engrais de son
sol, la troisième année, étaient de grandes, sinon de suffisantes
compensations ; aussi nous pensons que, dans
notre pays, beaucoup d’étangs ont été faits par convention
mutuelle, convenance réciproque, et souvent sans autre
indemnité pour le propriétaire du sol que le droit d’assec
et de pâturage.


La construction des étangs semble avoir été postérieure à l’établissement des redevances féodales ; ces redevances se stipulaient en denrées et comprenaient tous les produits du sol ; or, il ne parait pas qu’il y en ait eu de stipulées en poissons : on peut donc regarder comme certain que si, alors que des conquérants se rendirent maîtres du sol, les étangs eussent existé, on trouverait dans les inféodations ou les concessions qu’ils firent d’un sol dont la conquête les rendait maîtres, et dans les reconnaissances
La construction des étangs semble avoir été postérieure
à l’établissement des redevances féodales ; ces redevances
se stipulaient en denrées et comprenaient tous les produits
du sol ; or, il ne parait pas qu’il y en ait eu de stipulées
en poissons : on peut donc regarder comme certain
que si, alors que des conquérants se rendirent maîtres du
sol, les étangs eussent existé, on trouverait dans les inféodations
ou les concessions qu’ils firent d’un sol dont la
conquête les rendait maîtres, et dans les reconnaissances