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Calmez-vous, Antonia, murmura-t-il d’une voix qui dénotait une sérieuse émotion.

sur dix de large ; une fenêtre grillée l’éclairait du côté du levant.

Au milieu de la pièce se trouvait un prie-Dieu d’une instruction à la fois riche et sévère ; sur le dossier du prie-Dieu reposait un coffret en ébène, incrusté d’ornements d’ivoire et d’aciers, et qui rappelait assez l’époque de la renaissance ; un tableau original de Murillo, représentant une Vierge, était suspendu, dans un cadre d’or, à la muraille.

Deux énormes vases de Chine, hauts chacun de quatre pieds et garnis d’un frais et odorant buisson de fleurs, étaient déposés par terre, de chaque côté du prie-Dieu.

La surprise de M. d’Ambron était si forte, qu’au lieu d’interroger Antonia avec la parole, il la consulta seulement du regard.

La jeune fille était visiblement émue ; bientôt deux larmes limpides mouillèrent ses longs cils, elle se mit à genoux et pria.

— Luis, dit-elle en se relevant, ce prie-Dieu, ce coffret, ces vases et ce tableau ont appartenu à ma mère. Ce coffret, enferme une boucle de ses cheveux, son portrait, et une volumineuse correspondance écrite toute de sa main. Chaque jour je m’agenouille devant ces saintes reliques, et je cause avec ma mère. C’est elle qui m’a dit de vous aimer ; du haut du ciel elle sourit à notre bonheur !

— Comment se nommait donc votre mère, Antonia ?

— La duchesse de***.

— La duchesse de*** ! répéta M. d’Ambron avec une stupéfaction profonde, mais c’est là un des noms les plus illustres, non-seulement de l’Espagne, mais encore de la chrétienté. Et votre père est-il mort aussi ?

— Je l’ignore, Luis.

— Vous ne l’avez jamais vu ?

— Jamais.

— Pourtant la correspondance écrite et laissée par votre mère a dû vous apprendre…

— Je n’ai pas lu une seule ligne de cette correspondance, Luis.

— Expliquez-vous, Antonia, je ne vous comprends plus ! Il ne m’est pas possible de concilier votre culte pour la mémoire de votre mère avec cette indifférence inouïe.

— De l’indifférence, Luis ! s’écria Antonia d’un ton de doux reproche. Oh ! non, Luis, vous vous trompez ! c’est de la crainte et du respect !…