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LA MORT DE BALDASSARE SILVANDE.

l’embrasser, mais il lui demanda tout bas, sa bouche collée à son oreille :

— Quel âge a mon oncle ?

— Il aura trente-six ans au mois de juin.

Il voulut demander : « Crois-tu qu’il aura jamais trente-six ans ? » mais il n’osa pas.

Une porte s’ouvrit, Alexis trembla, un domestique dit :

— Monsieur le vicomte vient à l’instant.

Bientôt le domestique revint faisant entrer deux paons et un chevreau que le vicomte emmenait partout avec lui. Puis on entendit de nouveaux pas et la porte s’ouvrit encore.

« Ce n’est rien, se dit Alexis dont le cœur battait chaque fois qu’il entendait du bruit, c’est sans doute un domestique, oui, bien probablement un domestique. » Mais en mème temps, il entendait une voix douce :

— Bonjour, mon petit Alexis, je te souhaite une bonne fête.

Et son oncle en l’embrassant lui fit peur. Il s’en aperçut sans doute et sans plus s’occuper de lui, pour lui laisser le temps de se remettre, il se mit à causer gaiement avec la mère d’Alexis, sa belle-sœur, qui, depuis la mort de sa mère, était l’être qu’il aimait le plus au monde.

Maintenant, Alexis, rassuré, n’éprouvait plus qu’une immense tendresse pour ce jeune homme encore si charmant, à peine plus pâle, héroïque au point de jouer la gaieté dans ces minutes tragiques. Il aurait voulu se jeter à son cou et n’osait pas, craignant de briser l’énergie de