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douce joie des êtres ; il a une foi inébranlable dans la bonté secrète et infinie, étant puéril au point de croire en Dieu ; il fait du printemps sa maison ; les entrelacements des branches, pleins de charmants antres verts, sont la demeure de son esprit ; il vit en avril, il habite floréal ; il regarde les jardins et les prairies, émotion profonde ; il guette les mystères d’une touffe de gazon ; il étudie ces républiques, les fourmis et les abeilles ; il compare les mélodies diverses joutant pour l’oreille d’un Virgile invisible dans la géorgique des bois ; il est souvent attendri jusqu’aux larmes parce que la nature est belle ; la sauvagerie des halliers l’attire, et il en sort doucement effaré ; les attitudes des rochers l’occupent ; il voit à travers sa rêverie les petites filles de trois ans courir sur la grève, leurs pieds nus dans la mer, leurs jupes retroussées à deux bras, montrant à la fécondité immense leur ventre innocent ; l’hiver, il émiette du pain sur la neige pour les oiseaux. De temps en temps on lui écrit : Vous savez, telle pénalité est abolie ; vous savez, telle tête ne sera pas coupée. Et il lève les mains au ciel.
douce joie des
êtres ; il a une foi inébranlable dans la bonté secrète et infinie,
étant puéril au point de croire en Dieu ; il fait du printemps sa
maison ; les entrelacements des branches, pleins de charmants antres
verts, sont la demeure de son esprit ; il vit en avril, il habite
floréal ; il regarde les jardins et les prairies, émotion profonde ; il
guette les mystères d’une touffe de gazon ; il étudie ces républiques,
les fourmis et les abeilles ; il compare les mélodies diverses joutant
pour l’oreille d’un Virgile invisible dans la géorgique des bois ; il
est souvent attendri jusqu’aux larmes parce que la nature est belle ;
la sauvagerie des halliers l’attire, et il en sort doucement effaré ;
les attitudes des rochers l’occupent ; il voit à travers sa rêverie les
petites filles de trois ans courir sur la grève, leurs pieds nus dans
la mer, leurs jupes retroussées à deux bras, montrant à la fécondité
immense leur ventre innocent ; l’hiver, il émiette du pain sur la neige
pour les oiseaux. De temps en temps on lui écrit : Vous savez, telle
pénalité est abolie ; vous savez, telle tête ne sera pas coupée. Et il
lève les mains au ciel.


=== VIII ===


Contre cet homme dangereux les gouvernements se prêtent main-forte.
Ils s’accordent réciproquement entre eux la persécution des proscrits,
les internements, les expulsions, quelquefois les extraditions. Les
extraditions ! oui, les extraditions. Il en fut question à Jersey,
en 1855. Les exilés purent voir, le 18 octobre, amarré au quai de
Saint-Hélier, un navire de la marine impériale, l’ Ariel, qui venait
les chercher ; Victoria offrait les proscrits à Napoléon ; d’un trône à
l’autre on se fait de ces politesses.


{{t2|VIII}}
Le cadeau n’eut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait ;

mais le peuple de Londres le prenait mal.


Contre cet homme dangereux les gouvernements se prêtent main-forte. Ils s’accordent réciproquement entre eux la persécution des proscrits, les internements, les expulsions, quelquefois les extraditions. Les extraditions ! oui, les extraditions. Il en fut question à Jersey, en 1855. Les exilés purent voir, le 18 octobre, amarré au quai de Saint-Hélier, un navire de la marine impériale, l’''Ariel'', qui venait les chercher ; Victoria offrait les proscrits à Napoléon ; d’un trône à l’autre on se fait de ces politesses.

Le cadeau n’eut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait ; mais le peuple de Londres le prenait mal.