« Peau d’Âne et Don Quichotte/XVIII » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Toto256: match
Phe-bot (discussion | contributions)
m Toto256: split
Balise : Contenu remplacé
Ligne 1 :
 
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/109]]==
devenir un homme. La première fois qu’il retourna avec sa petite amie chez Folette, il fut un peu déconcerté de voir que celle-ci ne manifestait pas une joie sans mesure. Évidemment, elle avait été contente de retrouver la cassette, mais son bonheur ne tenait nullement du délire. C’était la joie très pâle de celles qui dans la vie ont souffert à l’excès. Elle ne posait même pas de questions.
 
<pages index="Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu" from=109 to=115 />
— Tout de même, interrogeait Pierrot, vous êtes contente ?
 
— Oui, oui, mon petit, répondait Folette, mais quand on est très vieille, on a perdu un peu le don de la joie.
 
Pierre était trop jeune pour admettre cette indifférence presque totale. Un peu intimidé, il regardait les beaux yeux de Folette, demeurés frais comme des fleurs tardives dans un jardin d’arrière-saison.
 
— Madame, demandait-il encore… J’ose à peine vous dire. Figurez-vous que j’avais cru que vous étiez un peu fée, parce que… – je vous demande pardon – les premières fois, vous chantiez des choses qui étaient drôles, si drôles que vous n’aviez pas l’air d’une vraie personne. N’est-ce pas, Violette ?
 
Violette acquiesça d’un geste restreint et prudent.
 
Un faible sourire éclaira la face exsangue de la vieille dame.
 
— Ah ! fit-elle. C’est bien possible. Je ne me souviens pas toujours de ce temps. Je crois que j’ai été un peu malade. Mais vous m’avez guérie.
 
— Comment ? demanda Violette, plus curieuse encore que Pierre.
 
— Par le miracle de la tendresse, mes enfants. Le Seigneur a dit : « Aimez-vous les uns les autres. » Alors, moi, voyez-vous, je n’avais plus personne, absolument personne pour m’aimer. Dans l’instant que je recevais un gros choc, vous m’avez réchauffé le cœur. Une des meilleures fées, la fée de l’amour, dont je ne vous ai pas encore parlé, m’a touché de sa baguette. C’est vous qui avez été les petits magiciens. Je ne l’oublierai pas.
 
— Madame, demanda encore Pierre, y a aussi une chose qui m’avait fait croire… je n’ose pas dire…
 
— Parle, mon enfant, reprit doucement Folette encourageante.
 
— Eh bien, j’avais un peu cru aussi, le jour où le peintre a fait votre portrait, que vous étiez la Belle au Bois Dormant. Je suis bête, n’est-ce pas ? Mais vous aviez l’air presque jeune !
 
Violette pinça le bras de Pierrot d’un ongle solide. Il comprit.
 
— Oh ! je vous demande pardon. Ce n’est pas que je vous trouve très vieille – un peu seulement…
 
Le visage de Folette se ferma comme un battant de porte qu’on tire… Elle semblait regarder en elle-même. Circonspecte, elle leur dit :
 
— Ai-je eu l’air si jeune, moi qui suis plus vieille que la plus vieille des vieilles ? C’est possible. En des instants, mes amis, le passé tout entier me jaillit à la face. Alors, c’est le reflet des bonheurs abolis. Dans mes yeux peut-être avez-vous vu la lueur un instant rallumée des joies mortes. Et je vous ai paru jeune, vous comprenez ?
 
Pierre n’osa dire « non ». D’autres questions, d’ailleurs, se pressaient sur ses lèvres.
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/110]]==
 
— Madame, demanda encore l’infatigable interrogateur, il y a aussi quelque chose de curieux chez vous. J’ose le dire pendant qu’il n’est pas là. Pourquoi avez-vous un oiseau bleu ?
 
— Mais il n’est pas bleu ! Je l’appelle comme ça pour m’amuser. Il est de toutes les couleurs.
 
— Moi, je l’avais vu tout bleu, dit Pierre.
 
— Moi, dit Violette, fière de sa science, j’avais bien remarqué qu’il avait du rouge et du vert.
 
— Mais pourquoi parle-t-il ? interrogea Pierre derechef. Ce n’est pas très naturel.
 
Cette fois, Folette rit franchement avec un petit rire grêle de violon centenaire.
 
— Il parle parce que je le lui ai appris ! Mon cher Jacquot est tout simplement un perroquet. Il va avoir cent ans. Je le connais depuis presque toujours…
 
Des perroquets qui parlent ! Mais c’est vrai ! Jadis Pierre avait lu cela quelque part, et il l’avait oublié. Jamais, pas plus que Violette, il n’avait jusqu’ici contemplé un de ces bavards enfants des îles lointaines habillé de plumes merveilleuses.
 
Décidément, le livre des illusions se fermait à jamais. De plus en plus, Pierre sentait qu’un grand souffle humain avait passé sur la forêt, la rivière et ses entours pour en dissiper les fantasmagories. Il était un peu triste, car, au lieu des beaux contes de la Mère l’Oye, il voyait tout à coup, par la loi de l’association des idées, la terrible scène de l’auberge se dérouler à nouveau devant ses yeux.
 
Folette, qu’on aurait pu maintenant appeler la sage Folette, eut l’intuition qu’il souffrait.
 
— Mes petits, dit-elle, il faudra venir souvent, souvent ; n’abandonnez ni le moulin ni la forêt. Plus vous grandirez et plus vous goûterez les joies de la campagne. Celle-là est aussi l’une des plus belles entre les vraies fées. Plus vous avancerez dans la vie, plus vous vous consolerez de voir la vie moderne couper les ailes à vos rêves en venant chercher ici les consolations les plus harmonieuses. Vous endormirez vos chagrins au bercement des arbres qui soupirent sous la brise ; vous trouverez la paix sur les rives enchantées de ma rivière, vous apprendrez aussi bientôt – par un exemple tout proche – comment sous le mirage d’azur du ciel on sait aimer.
 
« “Aimer”, mes petits, c’est, aux côtés du verbe “travailler”, celui qu’il faut savoir décliner au mieux dans le bel équilibre des vies pures…
 
« On dirait qu’elle chante », se dit Pierre à lui-même.
 
« Je m’ennuie un peu », songea Violette.
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/111]]==
 
Bientôt ils prirent congé de la charmante vieille. Vieille, oh ! oui, elle l’était cette fois ! Presque immobile sur son fauteuil d’osier, on devinait que son corps exsangue retenait à peine le dernier souffle qui vacille.
 
Pendant bien des jours, les enfants allèrent souvent voir Folette, qui leur contait toujours des histoires tendres, dont le mariage était le dénouement. Au vrai, ils étaient un peu désorientés.
 
Chez eux, sans doute, {{Mme|Boisgarnier}} et {{M.|des Aubiers}} avaient-ils à régler bien des comptes de propriétaire à locataire, car ils ne se quittaient guère. Une fois même il arriva ceci :
 
Pierre et Violette regardaient des images dans un coin du salon de Vimpelles. Dehors, une pluie tenace tombait, dont le grignotement sur les graviers était triste, infiniment triste.
 
{{Mme|Boisgarnier}} lisait, quand {{M.|des Aubiers}} entra en coup de vent, sans même voir les deux petits. Il était extrêmement agité.
 
— Madame, dit-il sans préambule, après avoir baisé la main de la maîtresse du logis, madame, vous me voyez tout surpris ! Pardonnez-moi de venir au fait. Je suis un homme des champs. Moi, je ne saurais agir en cérémonie. Vous avez voulu m’obliger. Je vous en suis reconnaissant, très reconnaissant. Mais je vous le dis tout de suite, jamais, au grand jamais un des Aubiers n’acceptera pareil cadeau !
 
— Comment ? que voulez-vous dire ? demanda {{Mme|Boisgarnier}} en jouant la surprise.
 
— Ceci, madame, que vous n’ignorez point : certain jour, un paysan m’a apporté vingt mille francs qui sauvaient ma situation…
 
« Ah ! voici donc la clef du mystère », se dit Pierrot…
 
{{Mme|Boisgarnier}} appuya sur son interlocuteur le beau regard de ses longs yeux.
 
— Mais, monsieur, fit-elle, ces histoires ne me regardent pas.
 
— Si, madame, si ! J’ai retrouvé cet homme, je l’ai interrogé. Pressé de questions, il a fini par m’avouer que vous lui aviez remis cette somme sous le sceau du secret le plus absolu.
 
Une rougeur couvrit le pâle visage de {{Mme|Boisgarnier}}. Un léger frémissement fit battre ses paupières, abaissant ses longs cils comme pour voiler l’ombre de ses yeux troublés.
 
— Alors, cher monsieur, dit-elle franchement, je ne puis plus nier, car j’ai horreur du mensonge. Que voulez-vous ! Je suis impulsive, spontanée… J’ai su que vous éprouviez quelques difficultés passagères. Ce petit compte pouvait se régler plus tard… un simple prêt de voisine et d’amie qui voulait pour l’instant demeurer anonyme. Ai-je été incorrecte, importune ?
 
Sa voix se faisait si douce que {{M.|des Aubiers}} ne put se fâcher tout à fait.
 
— J’ai bien envie, madame, de vous dire que oui, fit-il, car, dans ma famille, on n’accepte guère d’aumône ; mais s’il y a des nuances que vous n’avez pas voulu saisir, je ne puis en faire le procès qu’à votre bon cœur… Tout de même !… je vous le dis franchement, vous m’avez touché, mais bien un peu froissé.
 
— Mais, monsieur…
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/112]]==
 
— Oh ! madame, coupa {{M.|des Aubiers}}, j’apprécie certainement la pensée qui a dicté votre geste, mais il m’est impossible d’accepter. Je ne crois même pas que les convenances me permettent de revenir ici.
 
— Comment, monsieur ?
 
— Vous concevez bien, madame, que cette histoire va s’ébruiter. Quelle attitude ridicule j’aurais ! Moi-même je suis gêné à mes propres yeux tant que je serai votre débiteur ! D’ailleurs, j’ai réfléchi… Mes charges deviennent écrasantes. Il faut que je vende les Aubiers. Dès que j’aurai en mains la somme que je vous dois, je vous la rapporterai. C’est pour moi le seul moyen…
 
Alors {{Mme|Boisgarnier}} reprit avec véhémence :
 
— Mais, monsieur, c’est impossible ! Comment ? pour une bagatelle, une simple question d’argent, vous allez me priver de vos visites ?
 
— Malheureusement, madame, c’est précisément parce qu’il y a maintenant une question d’argent entre nous que je dois m’imposer ce sacrifice. Oh ! il m’en coûte beaucoup… Dans huit jours, d’ailleurs, j’aurai déjà réalisé une somme que je vous apporterai. Puis je ne reviendrai plus avant la vente du château.
 
{{M.|des Aubiers}} parlait avec une telle douceur qu’on le devinait bien ému…
 
À ses pieds Razibus, très poli, ronronnait avec ferveur.
 
Les enfants n’en écoutèrent pas davantage.
 
Un sentiment obscur leur disait que si leurs parents s’apercevaient de leur présence, ils en seraient désagréablement affectés.
 
Ils partirent. Ils allèrent la main dans la main au fond du jardin et ils s’assirent un peu tristes sous une tonnelle.
 
— Pierre, fit Violette après une longue hésitation, c’est drôle. As-tu remarqué que tout en disant qu’il ne voulait plus la voir, papa regardait ta mère avec un air… un air, je ne peux pas bien dire… enfin un air qu’il avait seulement jusqu’ici pour me regarder moi ?…
 
— Oui, fit brièvement Pierre d’une voix sourde.
 
Le soir tombait. Les arbres s’enveloppaient avec mélancolie de leur manteau nocturne de brouillards. Dans une atmosphère lourde et triste les enfants rentrèrent chez eux…
 
… Huit jours s’écoulèrent très mornes, car il y avait quelque chose de changé. Violette et Pierre fuyaient leurs demeures. M. des Aubiers, l’air sombre, restait souvent chez lui, assis dans son bureau, la tête entre les mains, sous l’œil réprobateur de son chien de chasse qui, s’indignant en silence de ne pas aller courir le lièvre, coulait un regard vers les fusils en repos.
 
Pierre et Violette s’ennuyaient. Vainement, ils allaient aux champs pour se distraire et voir travailler à la moisson.
 
Mais les soucis ont souvent cela de bon qu’ils rapprochent encore les cœurs qui souffrent. Dans leur peine mutuelle et inavouée, leur intimité s’accentua.
 
Un soir, ils étaient dehors à lire ensemble dans le livre de la nature. Sur la ligne bleue de l’horizon se détachait la silhouette des moissonneurs, dont les contours se poudraient d’or fin sous les derniers rayons du soleil qui baissait.
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/113]]==
 
Les chevaux s’avançaient en cadence à pas menus… On entendait dans l’air cristallin la rumeur métallique et puissante des grandes faucheuses de blé dont les lames scintillaient comme des rasoirs. Sous leurs à-coups meurtriers tombaient les jaunes javelles, comme si les moissonneurs et leurs machines enlevaient à chaque pas l’opulente chevelure blonde de la terre dans un bruissement de hannetons gigantesques.
 
Moins rêveur, Pierre devenait plus réfléchi et plus grave. Il saisissait mieux maintenant la majestueuse grandeur des travailleurs de la campagne, qui sont les nourriciers des hommes…
 
Ceux-ci se transposaient peu à peu dans son esprit sur l’image des lutins et des génies.
 
Il revenait avec Violette, tandis que la campagne s’apaisait dans l’ombre mauve.
 
Les travaux s’arrêtaient. On voyait rentrer sagement au bercail le troupeau laineux des moutons. Leurs clochettes sonnaient le rappel des agnelets maladroits qui trottinaient derrière leurs mères en bêlant d’un petit air délicieusement sot. Une molle langueur enveloppait les choses.
 
— On va rentrer par le jardin de Vimpelles, fit Violette.
 
— C’est cela, répondit doucement Pierrot.
 
Ils avancèrent, ouvrirent une porte et se trouvèrent en face d’une tonnelle de verdure qui abritait un banc rustique.
 
Le simple spectacle qui s’imposa brutalement ne devait plus s’effacer du clair regard de leurs yeux.
 
{{Mme|Boisgarnier}} était assise, la tête penchée, très rose, toute tremblante. Près d’elle, {{M.|des Aubiers}}, qui semblait vraiment ému, lui baisait tendrement la main…
 
Comme des mouches, des mots volaient dans l’air du soir. On entendait confusément M. des Aubiers qui parlait avec instance. De ces mots, les enfants saisirent quelques-uns :
 
« Amour éternel… Ma dette sera bientôt acquittée… Solitude impossible sans vous… Mariage !… »
 
C’était comme les grains d’un chapelet détaché dont Pierre et Violette ne cherchèrent point à rassembler les perles éparses.
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/114]]==
 
Ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient entendu leur suffisait. Tandis que leurs parents, surpris dans un tendre et innocent aveu, se relevaient en hâte, les petits s’enfuirent à toutes jambes dans la campagne.
 
Quand ils se regardèrent tous deux, à bout de souffle, assis au bord d’un grand chemin, ils s’aperçurent qu’ils pleuraient.
 
Pourquoi ? Assurément, ils n’auraient pas su le dire d’une manière très précise, mais ils avaient l’impression confuse et jalouse qu’on venait de leur voler un peu de ce quelque chose de très délicat, très profond et très nuancé, dont ils croyaient posséder le monopole : la tendresse de leurs parents.
 
Ils n’eurent plus qu’un désir : fuir, fuir éperdument, retourner dans la forêt pleine de rêves qui trompent, dispensatrice des joies imaginatives qui consolent, comme dans un paradis artificiel, des cruelles réalités de la vie.
 
— Allons-nous ?… fit Pierre.
 
— Oui, chez Folette, interrompit l’intuitive petite Violette, qui avait lu dans le cœur de son grand ami.
 
____________
 
 
 
Folette ne les attendait pas sur la rive. Ce fut une déception. Mais les deux enfants pénétrèrent d’eux-mêmes dans le moulin, dont la porte sembla s’ouvrir toute seule pour eux avec une bienveillance toute spéciale.
 
Dans la salle du haut, Folette était à demi étendue dans une bergère près de son petit foyer éteint. Elle semblait prodigieusement lasse. Mais – comme si elle s’attendait à cette visite – avec une infinie douceur elle écouta les sanglots des deux petits solitaires, puis le récit de toute la scène, qu’ils lui contèrent avec une naïve véhémence.
 
D’une petite voix presque morte, elle leur tint ce discours :
 
— Il y avait naguère une pauvre vieille à demi folle que vous avez guérie, vous le savez, mes enfants, avant qu’elle meure. Je crois bien me souvenir qu’elle vous chantait au fil de l’eau :
 
Des Aubiers et Boisgarnier seront
 
En justes noces alliés.
 
« C’est vrai ! pensèrent Pierre et Violette, saisis, c’est vrai ! Elle avait tout prévu. »
 
— Mais oui, mais oui, reprit Folette dans un petit sourire de moribonde, comme si elle avait entendu leur voix intérieure.
 
« Mais oui, Folette sait tout ou devine tout, je vous l’avais dit un jour…
 
« Voyez-vous, mes chers petits, vos parents sont seuls, infiniment seuls… Qui donc n’est pas seul dans la vie et ne cherche pas à sortir de sa solitude intérieure ? Oh ! ils vous aiment tendrement, mais vous n’avez pas encore l’âge voulu pour les aider et les soutenir sur la route de la vie. Ils sont encore assez jeunes pour avoir droit à un peu de bonheur. Ce bonheur, vous pouvez le leur donner en aidant à leur mariage… Oui ! oui ! Pour le moment, cela vous peine, en attendant que ce soit votre joie, je le sais. Mais je
==[[Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/115]]==
vous attendais un jour ou l’autre, mes petits, pour vous apprendre la loi suprême de la vie de ce monde.
 
« Le vrai bonheur, c’est celui qu’on crée par l’amour infini pour les autres, c’est le reflet du bonheur de ceux qu’on aime et qu’on regarde comme dans un miroir. Si vous voulez être vraiment heureux, mes chers, mes très chers petits, oubliez-vous un peu vous-mêmes et appelez à votre secours la reine des fées, celle dont volontairement je ne vous ai pas encore parlé : la fée des sacrifices. Allons, petits, du courage ; réfléchissez à ce que je vous ai dit et donnez-moi le bonsoir, car…
 
… Folette n’acheva point. Comme une lampe qui va s’éteindre, elle avait atteint l’extrême limite de ses forces. Les enfants la comprirent et, sans rien dire, ils embrassèrent tous deux son front de cire et ils partirent, songeurs.
 
La nuit tombait tout à fait. À l’horizon, on ne voyait plus qu’un long fil ensanglanté par la mort du jour. Dans la nature impavide, une chouette, inconsciente du petit drame intime qui se jouait, jetait ses premiers appels à la lune qui se levait sur la vapeur lactée d’une nuit heureuse…