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mais contente cependant d’avoir ce papier que mon père ou ma mère avait touché.

Quand je vis mon mari, je m’efforçai d’avoir un visage délivré de souci. Il me raconta ses heures d’étude en compagnie de ses collègues. Je le voyais heureux de me retrouver, content aussi de son dépla­cement.

Je ne me lassais pas de l’admirer. Sa bonté était inouïe et ses manières charmantes. Ses attentions, ses prévenances étaient multiples et je ne pouvais que me dire que j’étais comblée. J’aurais dû, comme me l’avait conseillé le maire, ne m’inquiéter que du bon­heur de ce mari à qui je devais tout.

J’eus quelques jours mornes après ma visite, puis, brusquement, l’imprévu entra dans notre foyer.

Le cercle de nos relations était fort restreint. Jacques ne m’avait jamais beaucoup parlé des uns et des autres, parce que je ne l’y poussais pas. Cela me gênait de ne pas avoir à lui nommer des per­sonnes de connaissance et je ne provoquais pas de confidences.

Ce jour-là, Antoine vint me dire :

— Madame, il y a le valet de chambre de M. de Gritte qui veut parler à Monsieur.

— Vous savez que Monsieur est sorti.

— Il veut parler à Madame.

— Qui est ce M. de Gritte ?

— Un vieil ami de Monsieur.

Je réfléchis quelques secondes et je me décidai :

— Faites entrer.

Je vis venir à moi l’exemplaire le plus frappant du vieux domestique.

— Madame…, balbutia-t-il.

Devant son embarras, je le mis à l’aise :

— Remettez-vous, mon ami.

— Je suis content de voir Madame plutôt que Mon­sieur, parce que depuis longtemps Monsieur ne vient plus chez mon maître.

Il s’arrêta, et je ne sus pas si je devais l’interroger ou pas.

Devant mon silence, il reprit :

— Madame ne sait peut-être pas que le fils de mon maître, M. Hervé de Gritte, était le fiancé de la sœur de M. Rodilat ?