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parlant à une princesse du nom de Médicis, n’aurait pas oublié de s’étendre sur les louanges de cette famille illustre, qui a ressuscité les lettres et les arts… Ce plan lui eût fourni un poème grand, noble, varié, plein d’âme et d’intérêt… Je demande si cela ne vaudrait pas mieux pour la gloire du poète et pour le plaisir du lecteur. Il eût peut-être appris à traiter l’ode de cette manière, s’il eût mieux lu, étudié, compris la langue et le ton de Pindare[1] ». Sans doute : mais il aurait surtout fallu pour cela que Malherbe fût né deux siècles plus tard ; et il aurait compris qu’il fallait imiter les Grecs en faisant comme eux : c’est-à-dire en n’imitant personne. Sur ceux qui avaient naïvement copié Pindare, ou qui admiraient de confiance une poésie réputée parfaite, Malherbe avait l’avantage de reconnaître son incompréhension. Celle-ci est du reste partagée par ses contemporains et surtout par ses compatriotes. « Le peu imitable Pindare[2] », comme disait déjà Vauquelin de La Fresnaye, était « absolument fermé » aux esprits positifs, raisonnables et sensés : et comme ce bon sens et cette raison triomphent en France au début du xviie siècle, « notre poésie en sa simplesse utile » renonce aux ambitions pindariques ; elle néglige même les Grecs en général, jusqu’au jour où un poète délicat, nourri de Sophocle et d’Euripide, retrouvera le sens de la grâce attique et le secret des passions à la voix harmonieuse.

  1. Poésies de Malh. avec commentaire de Chénier, p. 43.
  2. Vauquelin de La Fresnaye, Art poétique, III (éd. Travers, t. I, p. 105).