« Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/393 » : différence entre les versions

 
(Aucune différence)

Dernière version du 5 novembre 2020 à 14:55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
365
de la connaissance

premières, ou que vous appelez manifestes, en peuvent avoir, c’est-à-dire on connaîtrait quelles grandeurs, figures et forces mouvantes en dépendent ; mais on ne connaîtrait jamais la connexion qu’elles peuvent avoir avec les qualités secondes ou confuses, c’est-à-dire avec les qualités sensibles comme les couleurs, les goûts, etc.

Th. C’est que vous supposez encore que ces qualités sensibles ou plutôt les idées que nous en avons ne dépendent point des figures et mouvements naturellement, mais seulement du bon plaisir de Dieu qui nous donne ces idées. Vous paraissez donc avoir oublié, Monsieur, ce que je vous ai remontré plus d’une fois contre cette opinion, pour vous faire juger plutôt que ces idées sensitives dépendent du détail des figures et mouvements et les expriment exactement, quoique nous ne puissions pas y démêler ce détail dans la confusion d’une trop grande multitude et petitesse des actions mécaniques qui frappent nos sens. Cependant si nous étions parvenus à la constitution interne de quelques corps, nous verrions aussi quand ils devraient avoir ces qualités qui seraient réduites elles-mêmes à leurs raisons intelligibles ; quand même il ne serait jamais dans notre pouvoir de les reconnaître sensiblement dans ces idées sensitives qui sont un résultat confus des actions des corps sur nous, comme maintenant que nous avons la parfaite analyse du vert en bleu et jaune, et n’avons presque plus rien à demander à son égard que par rapport à ces ingrédients, nous ne sommes pourtant point capables de démêler les idées du bleu et du jaune dans notre idée sensitive du vert, pour cela même que c’est une idée confuse. C’est à peu près comme on ne saurait démêler l’idée des dents de la roue, c’est-à-dire de la cause, dans la perception d’un transparent artificiel que j’ai remarqué chez les horlogers, fait par la prompte rotation d’une roue dentelée, ce qui en fait disparaître les dents et paraître à leur place un transparent continuel imaginaire, composé des apparences successives des dents et de leurs intervalles, mais où la succession est si prompte, que notre fantaisie ne le saurait distinguer. On trouve donc bien ces dents dans la notion distincte de cette transparence, mais non pas dans cette perception sensitive confuse dont la nature est d’être et de demeurer confuse ; autrement, si la confusion cessait (comme si le mouvement était si lent, qu’on en pourrait observer les parties et leur succession), ce ne serait plus elle, c’est-à-dire ce ne serait plus ce fantôme de transparence. Et, comme on n’a point besoin de se figurer