« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Rose » : différence entre les versions

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Il y a autre chose, dans ces compositions, que le capricieux
dévergondage
d'une imagination encore un peu barbare; il y a une profonde
expérience, un calcul judicieux, un savoir étendu et une bien rare intelligence
de l'application des nécessités de la structure à l'effet décoratif.
 
Nous donnons ici le cube de pierre employé dans ce réseau, à partir du
niveau de la galerie à jour.<br><br>
 
L'œil cube .......................................................... 0<sup>m</sup>,94<br>
Les colonnettes intérieures cubent ....................... 2<sup>m</sup>,12<br>
Les découpures au-dessus cubent ....................... 2<sup>m</sup>,26<br>
Les colonnettes extérieures cubent ...................... 1<sup>m</sup>,84<br>
Les petites colonnettes intermédiaires cubent ....... 0<sup>m</sup>,44<br>
Les grandes découpures au-dessus cubent ........... 5<sup>m</sup>,42<br>
Les petits redents cubent .................................... 2<sup>m</sup>,86<br>
Les morceaux d'arcatures sommiers cubent .......... 4<sup>m</sup>,41<br>
Les redents intermédiaires cubent ........................ 1<sup>m</sup>,47<br>
Les grands morceaux d'arcatures cubent .............. 11<sup>m</sup>,28<br>
Les morceaux d'entourage cubent ........................ 18<sup>m</sup>,00<br>
Les écoinçons cubent ......................................... 3<sup>m</sup>,40<br>
............................................................. Total .... 54<sup>m</sup>,44<br>
 
La surface de cette rose ayant 143<sup>m</sup>,00, le cube de pierre par mètre superficiel est de
0<sup>m</sup>,38; cube très-supérieur à celui de la rose occidentale.
 
Il nous faut maintenant examiner les sections des différents membres
de cette rose (fig. 8). Le profil dont l'axe est en A est la section sur
<i>ab</i> (voy. la fig. 7), sur les membres principaux de la rose. Le profil dont
l'axe est en B est la section sur les membres secondaires <i>c</i>,
<i>d</i>. Le profil
dont l'axe est en C est la section sur les membres tertiaires, qui sont les
redents. La section totale EF, comprenant les deux gros boudins principaux
<i>a</i>, A, est faite sur <i>ot</i>, le profil se simplifiant à l'extrados comme il
est marqué en G. Enfin le profil <i>ee ee'</i> est la section sur <i>fg</i> (de l'ensemble),
c'est-à-dire la section sur le grand cercle de l'écoinçon. La circonférence
de la rose est donc formée des deux gros boudins principaux <i>a</i>,
A,
et en dedans du grand cercle de l'écoinçon qui subit une forte pression,
il y a un supplément de force <i>fe'</i>; le boudin C du membre composant le
redent étant reculé en <i>c</i> et relié au gros boudin par le biseau <i>hh</i>. À
l'intérieur, le profil est simplifié comme le marque notre tracé en I. Ici
les armatures de fer et vitraux ne sont plus posés contre le parement intérieur
du réseau de pierre, mais pris en feuillure en V, de façon à mieux
calfeutrer les panneaux et à empêcher les eaux pluviales de pénétrer à
l'intérieur. En L, sont tracés les chapiteaux et bases des rayons principaux
dont les gros boudins forment colonnettes; la saillie des bases étant
portée par un congé M sur la face, afin que le lit inférieur de cette base
puisse tomber au nu du boudin <i>ik</i>.
 
[Illustration: Fig. 8.]
 
Dans les deux roses nord et sud du transsept de Notre-Dame de Paris,
les deux écoinçons supérieurs sont aveugles, le formeret de la voûte joignant
la partie supérieure de la circonférence de la rose. Si le cercle est
compris dans un carré, dans une sorte de cadre enclavé entre les
contre-forts
latéraux, la partie ajourée, le châssis vitré, se termine par le cintre
de la rose elle-même. Cependant, dès 1240, des maîtres avaient jugé à
propos d'ajourer non-seulement les écoinçons intérieurs mais aussi les
écoinçons supérieurs des roses. Ce fut à cette époque que l'on construisit
la chapelle du château de Saint-Germain en Laye<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]]. Cet édifice, dont la
structure est des plus remarquables, tient autant aux écoles
champenoise
et bourguignonne qu'à celle de l'Île-de-France. L'architecte ne
pouvait manquer d'appliquer ce système de fenestrage à la rose. Cette
chapelle, depuis les travaux entrepris dans le château sous Louis XIV, était
complétement engagée sous un enduit de plâtre. La restauration de cet
édifice ayant été confiée à l'un de nos plus habiles architectes, M. Millet,
celui-ci reconnut bien vite l'importance de la sainte Chapelle de Saint-Germain
en Laye; il s'empressa de la débarrasser des malencontreux
embellissements qu'on lui avait fait subir, il retrouva l'arcature inférieure
en rétablissant l'ancien sol, et fit tomher le plâtrage qui masquait la
rose. Or, cette rose, une des plus belles que nous connaissions, est
inscrite dans un carré complétement ajouré. Son ensemble, tracé en A
(fig. 9), se compose de douze rayons principaux, les quatre écoinçons
étant à jour et vitrés. L'architecte a voulu prendre le plus de lumière
possible, car les piles d'angles qui portent les voûtes (voy. le plan partiel
B) font saillie sur le diamètre de la rose; le formeret portant sur
les colonnettes <i>a</i> laisse entre lui et la rose l'espace <i>b</i>, et le linteau qui
réunit la pile à l'angle de la chapelle est biaisé, ainsi que
l'indique la
ligne ponctuée <i>c</i>, afin de dégager cette rose.
 
Pour indiquer plus clairement le tracé de la rose de la sainte Chapelle
de Saint-Germain en Laye, nous n'en donnons qu'un des quatre angles,
avec un de ses écoinçons ajourés, à l'échelle de 0^m,02 pour mètre. On
remarquera qu'ici encore, conformément aux dispositions des premières
roses, les colonnettes sont dirigées, les chapiteaux vers le centre. Les douze
rayons principaux, étrésillonnés par les cercles intermédiaires D, offrent
une résistance considérable. À leur tour, ces cercles intermédiaires sont
étrésillonnés par les arcatures F et par des colonnettes intermédiaires.
Quatre de ces colonnettes secondaires sont parfaitement butées par les
grands cercles G des écoinçons, les huit autres butent contre le châssis.
Quant aux rayons principaux E, quatre butent suivant les deux axes, et les
huit autres sont maintenus par les trèfles H qui, à leur tour, étrésillonnent
les grands cercles d'écoinçons G. L'appareil de ce réseau de pierre est
excellent, simple et résistant. En L, nous donnons la section du réseau
principal; en M, celle des redents. L'extérieur de la rose étant en V, on
remarquera que le profil intérieur est plus plat que le profil extérieur,
afin de masquer aussi peu que possible les panneaux de vitraux par la
saillie des moulures à l'intérieur, et de produire à l'extérieur des effets
d'ombres et de lumières plus vifs. Ici, les vitraux et les armatures de fer
sont en feuillure et non plus attachés contre le parement intérieur. Nous
avons encore dans cette rose un exemple de la solidité de ces délicats
treillis de pierre lorsqu'ils sont bien combinés; car, malgré des plâtrages,
des trous percés après coup, des mutilations nombreuses, la rose
Saint-Germain en Laye tient; et lorsqu'il s'agira de la démasquer,
beaucoup
de ces morceaux pourront être utilisés.
 
L'école de l'Île-de-France ne fit que rendre plus légères les sections
des compartiments des roses, sans modifier d'une manière notable le
système de leur composition. Mais il faut signaler les roses appartenant
à une autre école, et qui diffèrent sensiblement de celles appartenant
à
l'école de l'Île-de-France. Les exemples que nous venons de présenter
font voir que, dans la construction de ces claires-voies, les architectes employaient
 
[Illustration: Fig. 9.]
 
autant que possible de grands morceaux de pierre,
d'épaisses
dalles découpées et des rayons étrésillonnants. Ces ensembles formaient
ainsi une armature rigide, n'offrant aucune élasticité. Ce système s'accordait
parfaitement avec la nature des matériaux donnés à cette province. Mais en Champagne, on ne possédait pas ce beau cliquart du bassin
de Paris; les matériaux calcaires dont on disposait, étaient d'une
résistance relativement moindre, et ne pouvaient s'extraire en larges et
longs morceaux. Il fallait bâtir par assises ou par claveaux. Ces pierres
ne pouvaient s'employer en délit comme le liais ou le cliquart. Aussi
les architectes de la cathédrale de Reims adoptèrent-ils d'autres
méthodes.
Ils construisirent les réseaux des roses comme les meneaux des
fenêtres, par superposition de claveaux et embrèvement des
compartiments
dans des cercles épais, clavés comme des arcs de voûtes. Telles
sont faites les deux roses nord et sud du transsept de cette cathédrale,
qui datent de 1230 environ. La rose n'est plus fermée par un formeret
plein cintre, comme à Paris, mais s'inscrit dans un arc brisé,
projection
des arcs-doubleaux de la grande voûte; si bien qu'au-dessus du cercle
propre de la rose, il reste un écoinçon vide (voy. fig. 2, le tracé B). La
rose de la façade occidentale de cette cathédrale, élevée plus tard, c'est-à-dire
vers 1250, est construite d'après la même donnée. Le cercle
principal
est un épais cintre composé de claveaux, dans lequel s'embrèvent
les compartiments. Ces roses étant parfaitement gravées, avec tous leurs
détails, dans l'ouvrage publié par M. Gailhabaud<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]], il nous paraît
inutile
de les reproduire ici. Les cercles principaux des roses du transsept
n'ont pas moins de 1<sup>m</sup>,60 d'épaisseur, et constituent de véritables arcs
construits par claveaux. Quant aux compartiments intérieurs, formant
les châssis vitrés, ils n'ont que 0<sup>m</sup>,24 d'épaisseur, non compris la saillie
des bases et chapiteaux des colonnettes. Les panneaux des vitraux sont
attachés au parement intérieur du réseau, comme à la rose de la façade
occidentale de Notre-Dame de Paris.
 
La rose occidentale de la cathédrale de Reims se rapproche davantage
du système de l'Île-de-France, mais le grand cercle clavé n'en existe pas
moins, et a 2<sup>m</sup>,18 d'épaisseur, ce qui en fait un membre d'architecture
d'une grande force. Pour le réseau, son épaisseur est de 0<sup>m</sup>,82. Ses panneaux
de vitraux sont pris en feuillure. Mais nous avons fait ressortir
ailleurs
(voy. CATHÉDRALE) la puissance extraordinaire des moyens
employés
par les architectes de Notre-Dame de Reims. Aussi bien ces grandes
claires-voies, dêjà si légères à Paris, au commencement du XIII<sup>e</sup> siècle,
sont à Notre-Dame de Reims des constructions inébranlables, épaisses et
reposant non plus sur des sections de 0<sup>m</sup>,06 à 0<sup>m</sup>,10 superficiels, mais
de 0<sup>m</sup>,20 à 0<sup>m</sup>,25. Cependant, dès les dernières années du XIII<sup>e</sup> siècle,
ces architectes champenois avaient atteint et même dépassé la limite
de la légèreté donnée aux réseaux des claires-voies dans
l'Île-de-France.
C'est qu'alors ces architectes avaient su trouver des matériaux
très-fins
et résistants, tels, par exemple, que le liais de Tonnerre, et que, profitant
des qualités particulières à ces pierres calcaires, ils donnaient aux compartiments
de leurs fenêtres, aux meneaux et aux réseaux des sections,
une ténuité qui ne fut jamais dépassée. Dans l'article CONSTRUCTION,
on peut se rendre compte de la légèreté extraordinaire des membres des
claires-voies champenoises, en examinant les figures relatives à l'église
Saint-Urbain de Troyes, bâtie à la fin du XIII<sup>e</sup> sièéle. Mais à Reims même,
il existait une église dont nous parlons fréquemment, Saint-Nicaise,
bâtie par l'architecte Libergier, et dont l'ordonnance, la structure et les
détails étaient d'une valeur tout à fait exceptionnelle. De cette église,
démolie au commencement de ce siècle, il ne nous reste que la dalle
tumulaire de son architecte, aujourd'hui déposée dans la cathédrale;
quelques fragments de pavages et d'ornements, des plans, un petit
nombre
de dessins et une admirable gravure. Au-dessus d'un porche
très-remarquablement
dessiné<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]], au centre de la façade occidentale, s'ouvrait
une rose d'une composition toute champenoise, en ce qu'elle
formait plutôt un immense fenestrage qu'une rose proprement dite,
inscrit
sous le formeret de la voûte de la nef.
 
Nous présentons (fig. 10) cette composition. L'arc A est le formeret ou
plutôt un premier arc-doubleau de la grande voûte. Le cercle qui inscrit
le réseau est indépendant de cet arc et ne s'y rattache que par les cinq
sommiers B. Le réseau est, conformément à la donnée rémoise,
indépendant
du cercle, ainsi que le fait voir la coupe en C. Pour maintenir
ce cercle, ont été posés les cercles-étrésillons D, E, F. On observera que
dans le tracé du réseau, l'arcature externe est étrésillonnée par une suite
de jambettes G, qui ne tendent plus toutes au centre, comme les rayons
des roses de la première moitié du XIII<sup>e</sup>e siècle, mais qui ont une résistance
oblique, et par cela même empêchent une déformation qui s'est
produite
parfois. En effet, il arrivait, pour des roses d'un grand diamètre et
dont les membres avaient une faible section, que la déformation se produisait,
ainsi que l'indique la figure 11. Si une partie de la circonférence
de ces roses subissait une pression trop forte, par suite d'un tassement
ou d'un écartement, l'œil pivotait sur son centre et les rayons, au lieu
de tendre à ce centre, faisaient tous un mouvement de rotation à leur
pied<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]].
 
Les accidents qui résultaient de ce mouvement n'ont pas besoin d'être
signalés; ils compromettaient la solidité de tout l'ouvrage, en déterminant
des épaufrures et en enlevant au réseau tout son roide. Ce n'était
pas, certes, dans les roses robustes de la cathédrale de Reims que de pareils
 
[Illustration: Fig. 10.]
 
effets pouvaient se produire. Mais Libergier avait probablement
observé ce mouvement de déformation par rotation dans des roses de
l'Île-de-France plus délicates que celles de Notre-Dame de Reims;
voulant
atteindre et même dépasser cette délicatesse dans la structure de la
rose occidentale de Saint-Nicaise, il adopta un système qui devait éviter
ces dangers. À l'aide des étrésillons en décharge de cette rose (fig. 10), il
prévint le mouvement de rotation de l'œil. Ce fut là un progrès que l'on
ne cessa de poursuivre dans la composition des roses des XIV<sup>e</sup> et
XV<sup>e</sup> siècles.
Celles-ci, combinées dès lors d'après ce principe, furent beaucoup
moins sujettes à se déformer.
 
[Illustration: Fig. 11.]
 
Le système de la rose champenoise, composée d'un cercle puissant,
clavé, embrevant les compartiments intérieurs formés de pierre en délit,
avait cet avantage de présenter une certaine élasticité et de permettre d'éviter
les charges partielles sur ces compartiments. Mais aussi ces architectes
champenois de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle étaient des constructeurs
très-expérimentés
et très-habiles; et si, malheureusement, l'église de Saint-Nicaise
de Reims n'est plus là pour le démontrer, nous possédons encore
celle de Saint-Urbain de Troyes, qui est certainement la plus
merveilleuse
application du système de structure gothique.
 
Le XIV<sup>e</sup> siècle ne se montra pas aussi ingénieux dans toutes les
provinces,
mais cependant quelques maîtres tentaient de prévenir la rotation
des rayons des roses.
 
À Amiens, par exemple, le pignon nord du transsept de la cathédrale
était, vers 1325, percé d'une grande rose dont les compartiments,
engendrés
par un pentagone, ne tendent plus au centre du cercle, mais
aux angles de ce pentagone formant œil: c'était un moyen d'éviter le
pivotement des rayons; mais cette rose n'est pas d'une heureuse
composition. La fin du XIV<sup>e</sup> siècle et le commencement du XV<sup>e</sup> n'élevèrent
qu'un très-petit nombre d'édifices religieux en France; les guerres, les
malheurs de cette époque, donnaient d'autres soucis. Ce ne fut qu'à dater
de la fin du règne de Charles VII que les architectes se remirent à l'œuvre.
En ce qui concerne les roses, le système de Libergier paraît alors
avoir définitivement prévalu, et la rose occidentale de la sainte Chapelle
du palais, à Paris, reconstruite au XV<sup>e</sup> siècle, est évidemment une arrière-petite-fille
de celle de Saint-Nicaise de Reims. Nous donnons (fig. 12) le
douzième de cette rose, à l'échelle de 0<sup>m</sup>,03 pour mètre.
 
Lorsqu'on jette les yeux sur ces réseaux de pierre, composés
presque
exclusivement de lignes courbes, il semble, au premier abord, que
ces mailles qui présentent un enchevêtrement des plus gracieux aux uns,
une conception maladive aux autres, suivant les goûts ou les opinions,
ne sont déterminées que par le caprice. Il n'en est rien cependant. Que
l'on ait pour l'architecture de cette époque, ou une admiration, ou un
blâme de parti pris, il faut avoir affaire à la géométrie, pour se rendre
compte de ces compositions; or, la géométrie ne peut passer pour une
science de <i>fantaisistes</i>.
 
Dans la rose de Saint-Nicaise, non-seulement les rayons sont
rectilignes,
mais aussi les jambettes, qui font l'office d'étrésillons obliques;
mais en supposant un effort, une pression sur un point de la
circonférence,
ces étrésillons auraient eu besoin eux-mêmes d'être étrésillonnés
pour résister à cette pression. En observant, par exemple, la contexture
des plantes, on remarque que les réseaux qui forment les feuilles, la
pulpe de certains fruits, présentent un système cellulaire
très-résistant,
si l'on tient compte de la ténuité des filaments et de la mollesse de ces
organes. C'est un principe analogue qui dirige les maîtres dans le tracé
des roses du XV<sup>e</sup> siècle. Ils conservent quelques rayons, et remplissent les
coins laissés entre eux par une véritable arcature cellulaire, assez semblable
à celle des organes des végétaux.
 
Ainsi est tracée la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais. Six
rayons rectilignes la divisent en six grands segments, qui sont remplis
par deux courbes principales étrésillonnées par un réseau de courbes
secondaires. Les charges ou pressions se répartissent dès lors sur l'ensemble
de l'arcature. Mais il ne faut pas croire, comme plusieurs affectent de le dire, que ces courbes sont <i>capricieusement</i> agencées, elles
dérivent d'un tracé géométrique très-rigoureux. Le rayon de l'œil <i>ab</i>
ayant été tracé, la portion du grand rayon <i>bc</i> restant a été divisée en
trois parties égales. La ligne <i>ae</i> est le diamètre d'un hexagone, sur les
côtés duquel ont été posés les centres <i>f</i> des portions de cercle <i>bg</i>. Sur
le côté <i>ff'</i> de l'hexagone a été posé le centre <i>h</i> de la portion de cercle
<i>gi</i>; du point <i>h</i> il a été tirée une ligne parallèle au grand rayon <i>a</i>B; prenant
le tiers de la portion de circonférence <i>c</i>B, on a obtenu le point <i>j</i>.
De ce point <i>j</i> on a tiré une ligne tangente à la courbe <i>gi</i>, qui donne
l'axe sur lequel doivent se rencontrer les courbes du réseau
secondaire
 
[Illustration: Fig. 12.]
 
du grand lobe. Sur la ligne A C parallèle au grand rayon <i>a</i>B, on a cherché
le centre K de l'arc de cercle <i>lj</i>, la ligne <i>l</i>K, étant parallèle au côté
de l'hexagone. Du point K on a tiré une ligne perpendiculaire à l'axe
<i>j</i>D; sur cette ligne a été cherché en <i>n</i> le centre de l'arc de cercle <i>il</i>.
Sur cette même ligne E<i>m</i>, à une égale distance de l'axe D<i>j</i>, en <i>o</i>, a été
posé le centre de l'arc <i>mj</i>; sur cette même ligne, en <i>p</i>, a été cherché le
centre de l'arc <i>mq</i>; sur le prolongement de cette même ligne, en <i>r</i>, a
été cherché le centre de l'arc <i>m</i>B. Ainsi ont été tracés les principales
courbes du compartiment. Un triangle équilatéral divisé par l'axe D<i>j</i> a
donné les centres des lobes secondaires, comme d'autres triangles équilatéraux,
dans le grand lobe supérieur, ont donné les centres des lobes
secondaires de cette partie. Les côtés de ces triangles équilatéraux ont
donné les positions des pointes des redents destinés à consolider le réseau.
Notre figure fait assez comprendre la position de ces centres sur
les côtés des triangles équilatéraux, pour qu'il ne soit pas nécessaire de
fournir des explications plus détaillées. Le profil G donne la section des
membres principaux et celle H des membres secondaires. Le tracé L, à
une plus grande échelle, fait voir comment ces membres secondaires
pénètrent dans les membres principaux. On observera que l'œil est
renforcé
extérieurement par un cercle et un redenté saillants qui lui donnent
plus d'épaisseur, et par conséquent plus de résistance, toutes les charges
aboutissant à ce cercle central. L'appareil indiqué sur notre figure fait
voir comment les morceaux de pierre sont coupés en raison des pressions
qu'ils ont à subir. Tous ces joints sont d'ailleurs coulés en plomb, comme
dans toutes les roses de quelque importance, à dater du XIII<sup>e</sup> siècle; le
plomb formant lui-même goujon: tandis que dans les roses à rayons des
XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, les constructeurs ont placé des goujons de fer dans les
lits, ce qui fait parfois éclater les pierres, par suite de l'oxydation. La rose
de la sainte Chapelle du palais a été taillée dans de la pierre dure de
Vernon, et n'avait subi que des altérations partielles, par suite d'un écartement
des deux tourelles formant contre-forts<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]].
 
Il n'était pas possible de pousser plus loin la légèreté dans ces combinaisons
de réseaux de pierre destinés à maintenir des vitraux. La science
du tracé, la précision de l'exécution, le calcul des pressions et des résistances,
avaient atteint leurs dernières limites, et les roses que l'on fit
encore au commencement du XVI<sup>e</sup> siècle sont loin de remplir au même
degré ces conditions.
 
C'est dans les provinces de l'Île-de-France et de la Champagne que les
roses ont le plus d'étendue et sont combinées avec le plus de savoir et
de goût. Cependant on ne saurait passer sous silence les belles roses de
la cathédrale de Chartres, qui datent de la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle,
et qui sont si remarquables par leur style et leur exécution<span id="note12"></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]].
Celle de la
façade occidentale, notamment, est un véritable chef-d'œuvre, qui avait
attiré l'attention de Villard de Honnecourt, puisqu'il le donne dans son
album; mais cette rose a été gravée dans plusieurs recueils avec assez de
soin et d'exactitude pour que nous ne croyions pas nécessaire de la reproduire
ici. Elle se recommande par une structure singulièrement robuste
et des combinaisons d'appareil d'une énergie rare. Mais la pierre
employée
(calcaire de Berchère) ne permettait pas ces délicatesses de tracés, ces fines découpures des roses de l'Île-de-France et de Champagne.
 
[Illustration: Fig. 13.]
 
Une école du moyen âge fort remarquable, celle de Bourgogne,
semble
n'avoir admis le principe des roses qu'avec défiance. Dans cette
province,
les roses sont petites et n'apparaissent que tardivement. Cependant
la Bourgogne possède des matériaux qui se prêtent parfaitement
à ce genre de claires-voies. On voit apparaître les premières roses dans la
petite église de Montréal (Yonne), qui date des dernières années du
XII<sup>e</sup> siècle. Celle qui s'ouvre à l'abside est remarquable par la naïveté de
sa structure. Nous en donnons le quart (fig. 13). Elle se compose de
trois zones de petites dalles découpées, de 0<sup>m</sup>,13 d'épaisseur, formant trois
rangées de demi-cercles ajourés et chanfreinés entre les coupes. Pour
faire saisir la taille de ces morceaux de pierre, nous présentons en A l'un
de ceux de la zone intermédiaire, et en B l'un de ceux de la zone intérieure.
Ces dalles sont simplement posées sur mortier et forment trois
rangées de claveaux évidés. À l'intérieur, les chanfreins sont continus,
comme il est indiqué en <i>a</i>, pour mieux dégager les panneaux de vitraux
pris en feuillure. La rose occidentale de la même église se compose
d'une suite de rayons formés par de très-jolies colonnettes et terminés
par une arcature ajourée. Signalons aussi les roses de la cathédrale de
Langres, qui, comme style, appartiennent à la Bourgogne et qui datent de
la même époque (fin du XII<sup>e</sup> siècle). Ces roses consistent simplement en
de grands redents ajourés, clavés entre eux, et réunis au centre par un
cercle de fer (fig. 14). Ces roses sont d'une très-petite dimension, et ne
peuvent être mises en parallèle avec nos grandes roses de
l'Île-de-France
datant de la même époque, comme celles de Braisne, des cathédrales de
Paris, de Laon, de Soissons, etc.
 
[Illustration: Fig. 14.]
 
On peut classer parmi les roses des œils de 1 à 2 mètres de vide, qui
s'ouvrent dans des gâbles de pignons et sous les murs-tympans de
quelques
édifices de la France méridionale.
 
Le mur de l'abside carrée de la curieuse église de Royat
(Puy-de-Dôme)
est percé d'une jolie rose du XIII<sup>e</sup> siècle, à six lobes, sans réseau
intérieur. Cette rose, dont nous donnons (fig.15) la face extérieure en A
et la coupe en B, se compose de cinq rangs de claveaux assez gauchement
appareillés. Mais l'art dû à l'école laïque du Nord ne put jamais être
admis dans les provinces méridionales autrement que comme une
importation.
On subissait l'influence de cet art, on en acceptait parfois les
formes, sans en comprendre la valeur au point de vue de la structure.
 
[Illustration: Fig. 15.]
 
Deux de ces œils provenant de la cathédrale de Paris, tracés en C et
en D, font ressortir au contraire l'importance de la structure dans la
composition de ces à-jour d'une petite surface. La rose C est percée dans
le gâble du pignon occidental, et est destinée à éclairer la charpente.
Celles D sont ouvertes dans l'étage inférieur du beffroi des tours. Ici le
dessin coïncide avec l'appareil, et donne une suite d'encorbellements
très-judicieusement combinés pour ouvrir un jour dans un parement,
sans avoir recours à des arcs.
 
En terminant cet article, il faut citer les belles roses du milieu du
XIII<sup>e</sup> siècle, de l'égiise abbatiale de Saint-Denis; celle de la chapelle de
Saint-Germer, qui reproduisait très-probablement la rose primitive de la
sainte Chapelle du palais à Paris; celle du croisillon sud de la cathédrale
de Sées, habilement restaurée par M. Ruprick Robert. Parmi les roses
de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle et du commencement du XIV<sup>e</sup>, celles du transsept
de la cathédrale de Clermont, qui sont ajourées, compris les écoinçons
hauts et bas, comme la rose de la sainte Chapelle de Saint-Germain en
Laye<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]]; celles du transsept de la cathédrale de Rouen, charmantes de
style et d'exécution.
 
L'école normande toutefois, comme l'école anglaise, fut très-avare de
roses. Dans l'architecture de ces contrées, les grandes fenêtres remplacent
habituellement les roses ouvertes dans les murs-pignons des
transsepts.
On ne voit pas que l'architecture gothique rhénane ait adopté
les grandes roses. À la cathédrale de Metz, par exemple, ce sont
d'immenses
fenestrages qui éclairent le transsept. Les roses appartiennent
donc aux écoles laïques de l'Île-de-France et de la Champagne, et
encore
voyons-nous que, dans cette dernière province, les roses sont inscrites
sous les formerets des grandes voûtes, et peuvent ainsi être considérées
comme de véritables fenêtres.
 
<br><br>
Ligne 532 ⟶ 992 :
de la butte Saint-Jacques. Lorsqu'on les frappe, ces pilettes résonnent comme du
métal.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : Voyez CHAPELLE, fig. 4, 5 et 6.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : <i>L'architecture du</i> V^e <i>au</i> XVI<sup>e</sup> <i>siècle,
et les arts qui en dépendent</i>. Gide édit., t. I.
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : Voyez PORCHE.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : La section des réseaux ayant beaucoup de champ (voyez celle du réseau de la rose
sud de Notre-Dame de Paris), et peu de largeur, pour laisser plus de place aux vitraux, il
est évident que si une pression s'exerçait sur un point du grand
cercle, les rayons, ne
pouvant rentrer en eux-mêmes, trouvant une résistance sur leur champ, poussaient l'œil
dans le sens le plus faible de leur section et le faisaient pivoter.
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Voyez la <i>Monographie de la sainte Chapelle du palais</i>, par V. Caillat, 1857.
 
<span id="footnote12">[[#note12|12]] : Voyez la <i>Monographie de la cathédrale de Chartres</i>, publiée par Lassus, sous les auspices
du Ministère de l'instruction publique.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : À la cathédrale de Clermont, les roses ajourées en carré sont ouvertes sous un formeret
donnant une courbe très-plate, ce qui produit un assez mauvais effet. Mais ce
n'est pas à Clermont qu'il faut aller étudier l'art du XIII<sup>e</sup>.