« Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/144 » : différence entre les versions

 
(Aucune différence)

Dernière version du 22 octobre 2020 à 14:48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le culte des mânes finit comme il avait commencé, par le sang.

« Pour joindre le plaisir et l’intérêt à la cruauté, comme dit Tertullien, on remplaça autour du tombeau les anciennes immolations d’esclaves par des jeux de gladiateurs qui remplissaient le même but et prirent le nom de bustuaires, du bûcher (bustum), dont ils ensanglantaient les cendres. » Valère Maxime nous montre les fils de Junius Brutus offrant un présent de gladiateurs funéraires pour honorer les cendres de leur père. Suétone raconte comment Jules César, voulant réjouir les mânes de sa fille morte, institua des combats de bêtes et de gladiateurs comme on n’en avait jamais vu. Des sièges vides étaient réservés dans ces réjouissances funèbres aux âmes des morts qu’on voulait honorer.

On ne s’étonnera plus que saint Paul et les Pères de l’Église se soient élevés si sévèrement contre d’aussi impies superstitions, que l’esprit du mal essayait de perpétuer parmi les chrétiens.

Je n’en finirais pas si je voulais relever chez les différents peuples modernes toutes les traditions singulières où revivent en partie ces erreurs païennes, et que Satan met tous ses soins à entretenir chez les esprits faibles qui n’ont pas l’enseignement de l’Église ou qui s’en éloignent. Je n’en citerai qu’un exemple frappant, emprunté à l’histoire d’un des peuples qui se disent les plus éclairés et les plus libres de toute superstition, l’Angleterre. Pour empêcher les suicidés de revenir sur la terre tourmenter les vivants, la loi anglaise les traitait comme on traitait les vampires : on les enterrait ignominieusement dans un carrefour, le corps traversé d’un pieu. Ce n’est qu’en 1824 qu’un Acte de Georges IV défendit cette absurde pratique.

D’après de nombreuses traditions encore en cours, les âmes des suicidés, comme celles des damnés, forment les orages et les tourbillons. Dans beaucoup de pays allemands, quand une tempêté violente vient à souffler, on dit que le diable passe avec l’âme d’un pendu.


Il ne faut pas croire que ces superstitions diaboliques n’avaient cours que dans les croyances populaires ; elles étaient partagées par les esprits les plus éminents : un Pythagore qui disait : « L’air est tout rempli d’âmes, d’esprits (âmes des morts, démons ou héros) qui envoient aux hommes les songes et leur indiquent des remèdes dans leurs maladies » ; un Platon, pour qui la divination tout entière était en rapport nécessaire avec l’existence des esprits : « C’est, disait-il, par des communications avec ces êtres intermédiaires entre la divinité et nous que viennent les prophéties, les rites sacrés, les initiations, les oracles, tous les autres moyens de connaître la volonté des dieux et de nous les rendre propices. » Chez les Romains, Quintilien parlait comme Platon : « De là, dit-il (de la croyance aux esprits), l’apparition des âmes évoquées et ces visions de leurs images toujours chères, de leurs