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qui, eux aussi, n’étaient censément que les âmes ou les mânes des morts portant envie à l’humanité vivante, et dont on imagina d’apaiser par tous les moyens possibles les instincts haineux et cruels.

Comme on ne savait au juste à quelle catégorie de démons on avait affaire, le culte qu’on leur rendait était nécessairement empreint d’une crainte et d’une terreur dont l’âme ne pouvait se défendre. On ne s’approchait qu’en silence des banquets servis en l’honneur des héros ; le voisinage de ces êtres invisibles, tenant en leurs mains le sort des mortels, avait toujours quelque chose de redoutable. La terreur s’accroissait au coucher du soleil ; la rencontre d’un héros pendant la nuit était censée porter malheur.

Dans les lois de Zaleucus et de Charondas, il est formellement question de génies malfaisants ou funestes, de démons vengeurs, qui perdent les familles, les souillent et y sèment la discorde. On peut lire dans Pausanias et Élien l’histoire de cet esprit malfaisant, jadis homme, devenu pour les habitants de Locres une espèce de monstre, exterminateur, qu’on ne pouvait apaiser que par l’offrande annuelle de la plus belle fille du pays, qui fut enfin vaincu par le locrien Euthymus, un célèbre athlète, et disparut pour toujours sous les flots de la mer.

Les oiseaux étaient les emblèmes naturels des démons et des héros, que l’on se figurait habitant les plaines de l’air. C’est sous cette forme que les Perses se représentaient leurs génies vigilants. De là, sans doute, l’origine des oiseaux prophétiques, consultés par la mancique grecque et romaine. À Babylone, on en tenait enfermés dans des cages d’or, sous l’inspection des mages, et on leur donnait le nom de « langues ».

Le génie ou démon était considéré comme le compagnon, l’initiateur de la vie, et, suivant l’expression d’Horace, le dieu de la nature humaine. Se concilier le génie, l’apaiser quand il s’irritait, était donc un des soins principaux de la vie.

Le culte qui leur était rendu venait de cette croyance générale que tel ou tel de ces esprits avait apparu aux siens en quelque grande circonstance, et qu’il ne cessait de veiller sur eux. Ce culte était essentiellement un culte funèbre ; on dédiait aux génies, comme aux dieux echtoniens, une sorte d’autel bas, ou de foyer recouvert d’une grille de bois, et disposé pour recevoir les offrandes funèbres ; l’enceinte qui leur était consacrée, le plus souvent près de leurs tombeaux, s’appelait Heroon[1]. La victime qu’on leur immolait avait la tête penchée en bas (la tête des victimes immolées aux dieux était rejetée en arrière et regardait le ciel), et son sang coulait dans une fosse pratiquée au-dessous. Des livres spéciaux, dont il est parlé dans

  1. À Athènes, la peine de mort était prononcée contre celui qui couperait un rameau de chêne dans le bocage consacré à un héros.