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<section begin="texte"/>cet élément volatil n’entends pas ceux qui se trouvaient dans le corps à la naissance. Ils n’y sont entrés qu’hier ou avant-hier par la nourriture et la respiration<ref>[Cf. ''supra'' VI, 15, 3{{e}} note : {{lang|grc|ἀναθυμίασις καὶ… ἀνάπνευσις}}. Nous avons vu que, pour un Stoïcien, toute la vie pouvait tenir en ces deux mots.]</ref>. C’est seulement ce que le corps a reçu qui change, non ce que la mère avait enfanté<ref>[« Ce que la mère a enfanté, » en effet, ne change plus, ayant été remplacé depuis longtemps ; ou bien, s’il en reste quelque chose en nous, cela ne changera qu’à la mort : c’est la {{lang|grc|ποιότης}}, dont il est question dans la phrase finale.]</ref>. — Suppose, d’ailleurs, qu’un lien très fort t’unisse encore à cet enfant : je ne vois pas ce que cela pourrait faire au raisonnement qui précède<ref name=p215>[Ici, il y a une lacune dans le cahier de M. Couat. Le texte des manuscrits : {{lang|grc|ὑπόθου δ΄ὄτι ἐκεῖνό}} (ou {{lang|grc|ἐκείνῳ}} : A) {{lang|grc|σς λίαν προσπλέκει τῷ ἰδίως ποιᾤ, οὐδὲν ὄντι οἶμαι πρὸς τὸ νῦν λεγόμενον}}, est, d’ailleurs, inintelligible. Il manque le sujet du verbe {{lang|grc|προσπλέκει}}, — à moins qu’on ne le corrige en {{lang|grc|προσπλέκῃ}} ; — il est évident que la leçon de la vulgate {{lang|grc|έκεῖνο}} est un texte amendé pour répondre à ce besoin. D’autre part, la syntaxe {{lang|grc|οὐδὲν ὄντι}} est fort suspecte, malgré l’exemple d’un {{lang|grc|μηδὲν ὄντες}} (''Apologie de Socrate'', 41, e) et d’un {{lang|grc|μηδὲν ὄντας}} (''Ajax'', 1275). Tous les exemples qu’on cite (Kühner-Gerth, ''Syntaxe'', t.&nbsp;I, p.&nbsp;61) de rupture d’accord entre {{lang|grc|οὐδὲν}} ou {{lang|grc|μηδὲν}} et le participe dont il est l’attribut concernent l’accord en genre et en nombre, mais non l’accord en cas : ou bien le participe au génitif ou au datif, dont un article indique le cas, est sous-entendu à coté d’{{lang|grc|οὐδὲν}} ou {{lang|grc|μηδὲν}} invariable, et l’on trouve dans la même proposition une expression comme {{lang|grc|ὁ οὐδὲν ὤν}}, qui atténue l’étrangeté ou la hardiesse de ce tour (cf. ''Ajax'', 1231 : {{lang|grc|ὄ τ΄οὐδέν ὤν τοῦ μηδὲν ἀντέστης ὕπερ}}). Rien de pareil ici. Aussi ai-je supposé le déplacement, dans nos manuscrits, des deux lettres {{lang|grc|τι}}, qui achèvent si malencontreusement le participe {{lang|grc|ὄν}}, et qui, une ligne plus haut, pourraient servir de sujet au verbe {{lang|grc|προσπλέκει}}. J’écrirais donc : {{lang|grc|ὐπόθου δ΄ὅτι ἐκείνῳ σέ τι λίαν προπλέκει τῷ ἰδίως ποιῷ, οὐδὲν ὃν κτλ.}} La correction est discrète et me paraît donner un sens satisfaisant.
<section begin="texte"/>cet élément volatil n’entends pas ceux qui se trouvaient dans le corps à la naissance. Ils n’y sont entrés qu’hier ou avant-hier par la nourriture et la respiration. C’est seulement ce que le corps a reçu qui change, non ce que la mère avait enfanté. — Suppose, d’ailleurs, qu’un lien très fort t’unisse encore à cet enfant : je ne vois pas ce que cela pourrait faire au raisonnement qui précède.
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<section begin="notes"/>{{bloc|1. [Cf. ''supra'' VI, 15, 3{{e}} note : {{lang|grc|ἀναθυμίασις καὶ… ἀνάπνευσις}}. Nous avons vu que, pour un Stoïcien, toute la vie pouvait tenir en ces deux mots.]

2. [« Ce que la mère a enfanté, » en effet, ne change plus, ayant été remplacé depuis longtemps ; ou bien, s’il en reste quelque chose en nous, cela ne changera qu’à la mort : c’est la {{lang|grc|ποιότης}}, dont il est question dans la phrase finale.]

3. [Ici, il y a une lacune dans le cahier de M. Couat. Le texte des manuscrits : {{lang|grc|ὑπόθου δ΄ὄτι ἐκεῖνό}} (ou {{lang|grc|ἐκείνῳ}} : A) {{lang|grc|σς λίαν προσπλέκει τῷ ἰδίως ποιᾤ, οὐδὲν ὄντι οἶμαι πρὸς τὸ νῦν λεγόμενον}}, est, d’ailleurs, inintelligible. Il manque le sujet du verbe {{lang|grc|προσπλέκει}}, — à moins qu’on ne le corrige en {{lang|grc|προσπλέκῃ}} ; — il est évident que la leçon de la vulgate {{lang|grc|έκεῖνο}} est un texte amendé pour répondre à ce besoin. D’autre part, la syntaxe {{lang|grc|οὐδὲν ὄντι}} est fort suspecte, malgré l’exemple d’un {{lang|grc|μηδὲν ὄντες}} (''Apologie de Socrate'', 41, e) et d’un {{lang|grc|μηδὲν ὄντας}} (''Ajax'', 1275). Tous les exemples qu’on cite (Kühner-Gerth, ''Syntaxe'', t.&nbsp;I, p.&nbsp;61) de rupture d’accord entre {{lang|grc|οὐδὲν}} ou {{lang|grc|μηδὲν}} et le participe dont il est l’attribut concernent l’accord en genre et en nombre, mais non l’accord en cas : ou bien le participe au génitif ou au datif, dont un article indique le cas, est sous-entendu à coté d’{{lang|grc|οὐδὲν}} ou {{lang|grc|μηδὲν}} invariable, et l’on trouve dans la même proposition une expression comme {{lang|grc|ὁ οὐδὲν ὤν}}, qui atténue l’étrangeté ou la hardiesse de ce tour (cf. ''Ajax'', 1231 : {{lang|grc|ὄ τ΄οὐδέν ὤν τοῦ μηδὲν ἀντέστης ὕπερ}}). Rien de pareil ici. Aussi ai-je supposé le déplacement, dans nos manuscrits, des deux lettres {{lang|grc|τι}}, qui achèvent si malencontreusement le participe {{lang|grc|ὄν}}, et qui, une ligne plus haut, pourraient servir de sujet au verbe {{lang|grc|προσπλέκει}}. J’écrirais donc : {{lang|grc|ὐπόθου δ΄ὅτι ἐκείνῳ σέ τι λίαν προπλέκει τῷ ἰδίως ποιῷ, οὐδὲν ὃν κτλ.}} La correction est discrète et me paraît donner un sens satisfaisant.


<p>M. Rendall (''{{lang|en|Journal of Philology''}}, XXIII, p.&nbsp;152) propose de lire ici : {{lang|grc|ὑπὀθου δ΄ὄτι ἐκείνῳ σὺ λίαν προσπλέκῃ τῷ ἰδίως ποιῷ, οὐδὲν ὄντι κτλ.}}, et se refuse, en interprétant le texte ainsi amendé, à réunir les mots {{lang|grc|ἐκείνῳ}} et {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}}, qui lui semblent trop éloignés les uns des autres pour pouvoir entrer dans la même syntaxe. De ces datifs, le second exprimerait ce par quoi, le premier ce à quoi nous restons unis. Pour M. Rendall, {{lang|grc|ἐκείνῳ}}, c’est {{lang|grc|ἐκείνῳ ὁ ἡ μήτηρ ἔτεκεν}} ; — {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}} aurait cette fois le sens abstrait qu’il n’a jamais dans Marc-Aurèle (cf. ''supra'' IX, 25, note 2), mais que lui ont donné d’autres Stoïciens, et serait synonyme de {{lang|grc|τῇ ἰδίᾳ ποιότητι}}. Dans ma leçon, c’est le mot {{lang|grc|τι}} qui exprime l’idée de « ce qui demeure en nous de la naissance jusqu’à la mort ». Nos deux corrections aboutiraient donc au même sens. Je reconnais, d’ailleurs, volontiers que le changement du passif {{lang|grc|προσπλέκῃ}} en l’actif {{lang|grc|προσπλέκει}} serait la moindre des erreurs imputables à l’iotacisme : même que la séparation des mots {{lang|grc|ἐκείνῳ}} et {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}} est assez choquante, si l’on prétend les grouper dans un même accord. Mais je m’étonne davantage de la rencontre des mots {{lang|grc|οὐδὲν ὄντι}} que n’a pas songé à éviter M. Rendall : et surtout je reproche à sa conjecture de ne pas porter sa justification en elle-même. Comment {{lang|grc|συ}} a-t-il pu devenir {{lang|grc|σε}} ? Si la seconde lettre du mot a été effacée dans l’archétype, il était si naturel de la rétablir et si absurde de la changer, qu’on ne peut comprendre l’erreur commise.</p>
<p>M. Rendall (''{{lang|en|Journal of Philology''}}, XXIII, p.&nbsp;152) propose de lire ici : {{lang|grc|ὑπὀθου δ΄ὄτι ἐκείνῳ σὺ λίαν προσπλέκῃ τῷ ἰδίως ποιῷ, οὐδὲν ὄντι κτλ.}}, et se refuse, en interprétant le texte ainsi amendé, à réunir les mots {{lang|grc|ἐκείνῳ}} et {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}}, qui lui semblent trop éloignés les uns des autres pour pouvoir entrer dans la même syntaxe. De ces datifs, le second exprimerait ce par quoi, le premier ce à quoi nous restons unis. Pour M. Rendall, {{lang|grc|ἐκείνῳ}}, c’est {{lang|grc|ἐκείνῳ ὁ ἡ μήτηρ ἔτεκεν}} ; — {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}} aurait cette fois le sens abstrait qu’il n’a jamais dans Marc-Aurèle (cf. ''supra'' IX, 25, note 2), mais que lui ont donné d’autres Stoïciens, et serait synonyme de {{lang|grc|τῇ ἰδίᾳ ποιότητι}}. Dans ma leçon, c’est le mot {{lang|grc|τι}} qui exprime l’idée de « ce qui demeure en nous de la naissance jusqu’à la mort ». Nos deux corrections aboutiraient donc au même sens. Je reconnais, d’ailleurs, volontiers que le changement du passif {{lang|grc|προσπλέκῃ}} en l’actif {{lang|grc|προσπλέκει}} serait la moindre des erreurs imputables à l’iotacisme : même que la séparation des mots {{lang|grc|ἐκείνῳ}} et {{lang|grc|τῷ ἰδίως ποιῷ}} est assez choquante, si l’on prétend les grouper dans un même accord. Mais je m’étonne davantage de la rencontre des mots {{lang|grc|οὐδὲν ὄντι}} que n’a pas songé à éviter M. Rendall : et surtout je reproche à sa conjecture de ne pas porter sa justification en elle-même. Comment {{lang|grc|συ}} a-t-il pu devenir {{lang|grc|σε}} ? Si la seconde lettre du mot a été effacée dans l’archétype, il était si naturel de la rétablir et si absurde de la changer, qu’on ne peut comprendre l’erreur commise.</p>


<p>Quoi qu’il en soit, Marc-Aurèle, après avoir défini la vie comme une suite continue de changements, se ravise et reconnaît pourtant que « quelque chose » demeure en nous, et ne change qu’à la mort. La fixité relative de cette « détermination » ou « qualification », à laquelle notre auteur attachait un peu plus d’importance lorsqu’il voyait en elle (''supra'' VI, 40) « la force même qui nous a constitués », ne saurait, sans doute, nous empêcher de considérer le changement comme la}}
<p>Quoi qu’il en soit, Marc-Aurèle, après avoir défini la vie comme une suite continue de changements, se ravise et reconnaît pourtant que « quelque chose » demeure en nous, et ne change qu’à la mort. La fixité relative de cette « détermination » ou « qualification », à laquelle notre auteur attachait un peu plus d’importance lorsqu’il voyait en elle (''supra'' VI, 40) « la force même qui nous a constitués », ne saurait, sans doute, nous empêcher de considérer le changement comme la</ref>.<section end="texte"/>
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