« Souvenirs d’une actrice » : différence entre les versions
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Michot
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Les artistes ne sont vraiment aimables que lorsqu'ils n'ont d'autre fortune que celle que put leur procurer leur talent. Du moment qu'ils deviennent spéculateurs, qu'ils acquièrent des propriétés, semblables au savetier financier, ils n'ont plus de joyeux flon-flon.
Avant 1790, le traitement des acteurs était loin d'être aussi considérable qu'il l'est maintenant. Six, huit, dix mille francs, c'étaient des appointements qu'on n'accordait qu'aux grandes réputations. Celui qui n'avait d'autre patrimoine que son talent, dépensait son revenu et souvent au-delà : ce fut bien autre chose lorsqu'arrivèrent les assignats!
Michot était intimement lié avec mon mari. À mon arrivée de la Belgique, il m'amena sa petite femme, jolie comme un ange, jalouse comme un tigre, et qui aurait bien pu dire, ainsi que Colette:
Si des galants de la ville,
J'eusse écouté les discours ;
Mais comme elle, aussi :
Pour l'amour de l'infidèle
J'ai refusé mon bonheur!
Nos maris avaient été charmés de nous réunir, afin d'être plus libres. Nous n'étions riches, ni les uns, ni les autres. Ces messieurs avaient trop peu d'ordre, et nous trop de jeunesse, pour y remédier ; mais nous possédions encore la gaîté, l'insouciance de cet âge où l'on ne prévoit pas. Pourvu qu'il ne manquât rien à notre toilette, le reste nous occupait fort peu.
Michot était un de ces hommes qui ne prennent jamais la vie au sérieux. Il riait de tout, et faisait rire les autres, ce qui n'était pas un petit avantage en ce temps où la gaîté n'était pas à l'ordre du jour. Il avait un esprit original, et sa manière de dire les choses le rendait aussi comique dans la vie privée que sur la scène. Sa figure ouverte et joyeuse, sa voix pleine de sensibilité qui faisait venir la larme à l'oeil par un mot naïf ou dans une situation touchante, et le rendaient toujours vrai, quel que fût le caractère de son rôle. Il plaisait dans le monde comme au théâtre.
Dans le temps de la république, Michot venait souvent nous raconter des histoires, qu'il recueillait je ne sais où, mais qui nous faisaient éclater
Il fit sourire la municipalité qui était peu gaie!
Un jour il vint nous raconter qu'un membre de sa section avait demandé la parole pour une
«Je dénonce Coco l'épicier pour avoir vendu du sable
Lorsque l'administration du théâtre passa entre les mains de M. Sageret, les artistes furent mal payés; Michot avait composé un dialogue sur l'air des pendus. Il disait à ses camarades assemblés:
Es-tu payé de fructidor ?
TOUS :
LE RÉGISSEUR :
Les
Lorsque je revins de l'étranger, en 1813, Michot était devenu riche, mais il n'était plus aimable. Ce n'était plus cette vie d'artiste, rieuse et insouciante ; ce n'était plus Michot que j'avais connu en 90. Il avait quitté cette jolie Sophie ! c'était un propriétaire ! c'était le seigneur de Verrières !
Volanges était un de ces acteurs de genre pour lesquels on compose des ouvrages et qui les font presque toujours réussir. Ils finissent même souvent par acquérir une immense vogue, comme nous l'avons vu depuis, et comme nous le voyons encore. Volanges était célèbre dans
Sa vogue fut si grande, son talent tant admiré, qu'on le crut capable de réussir dans tous les genres. Alors une plus grande scène que celle où il brillait lui ouvrit ses portes: ce fut le théâtre Favart; on y jouait la comédie à cette époque. Il y avait de fort bons acteurs, et ils exploitaient particulièrement le répertoire de Marivaux. Ils voulurent avoir l'acteur à la mode; car, alors comme à présent, on se persuadait que, lorsqu'on a montré un grand talent dans un genre, on doit réussir dans tous. L'expérience tant de fois renouvelée n'a pu convaincre encore qu'à Paris surtout, en changeant de cadre, je dirai même de quartier, par conséquent de public, l'on perd tous ses avantages. C'est ce que nous avons vu pour d'excellents acteurs de vaudeville, et que l'on vit alors pour Volanges. La foule, qui s'était portée à son premier début, diminua bientôt à ceux qui suivirent, et ensuite on n'en parla plus; il fut trop heureux de revenir à son genre, et alla l'exploiter en province et à l'étranger.
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Bordier venait de périr, à Rouen, victime d'une émeute populaire. On fit venir, pour le remplacer, Fusil qui était à Marseille. Je connaissais peu le talent de Bordier, le théâtre des Variétés étant celui où j'allais le moins, lorsque j'étais à Paris chez madame Saint-Huberty. À mon retour, Bordier était mort, mais voici ce que j'ai entends raconter à Michot et à Dumaniant qui le savaient pertinemment.
Bordier relevait d'une maladie dangereuse (dont il eût mieux fait de mourir). Un de ses amis l'engagea à passer quelque temps à la campagne, près de Rouen, pour se remettre tout à fait. Il n'était nullement dans l'intention d'y donner des représentations, mais il fut tellement sollicité, qu'il ne put résister aux instances des jeunes gens de la ville qui l'accueillirent avec transport. Ils l'entraînaient sans cesse à de nouvelles parties de plaisir. Un soir qu'il venait de la chasse avec ses amis, ils trouvèrent la ville en rumeur et en révolte ouverte contre l'autorité. Un avocat, avec lequel Bordier était intimement lié, se trouvant à la tête de l'émeute, il fut entraîné par un groupe qui marchait à l'Hôtel-de-Ville, et il suivit, sans savoir même de quoi il s'agissait. Les troupes les eurent bientôt dispersés, et plusieurs d'entre eux furent arrêtés : l'avocat et Bordier, qui raccompagnait, se trouvèrent du nombre.
Parmi ces turbulents, il y avait des jeunes gens qui appartenaient aux premières familles de la ville. Lorsqu'on instruisit le procès, ils furent mis hors de cour. L'avocat et Bordier furent condamnés, parce qu'il fallait faire un exemple, et pour empêcher que les troubles ne se renouvelassent.
C'était bien le cas de lui appliquer cette malheureuse prophétie qu'il répétait si souvent dans la pièce des
Mademoiselle Fiat, qui devait épouser Bordier, quitta le théâtre: ce fut
une grande perte.
Mademoiselle Candeille était douée de tout ce qui peut faire une personne accomplie. Sa taille était bien prise, sa démarche noble, ses traits et sa blancheur tenaient des femmes créoles. Elle possédait à un très haut degré plusieurs talents, la harpe, le piano surtout. Elle avait de l'esprit et de l'instruction; nous avons vu d'elle plusieurs ouvrages qui ont réussi. Elle jouait agréablement la comédie; c'était la meilleure personne du monde, et elle avait un caractère charmant: enfin elle réunissait à elle seule plus de qualités qu'il n'en eut fallu à plusieurs pour être admirées. Il semblait que les fées eussent assisté à sa naissance et l'eussent douée de tous les dons; mais, hélas! on avait sans doute oublié d'y convier une petite fée Carabosse qui s'en était bien vengée, car d'un seul coup de baguette elle avait détruit leur ouvrage. «Tu auras, lui avait-elle dit, un défaut qui t'empêchera de profiter de tous tes avantages, l'
On comprend difficilement qu'on ait de la gaîté, du naturel dans la société, et qu'on soit morne et froid sur la
Il arrive un soir au foyer et se met à causer avec Du gazon, d'une manière très vive. Celui-ci, qui paraissait entièrement occupé de ce que lui disait son interlocuteur, répondait les yeux attachés sur les siens, de manière à fixer son regard ; pendant ce temps, il prenait ses attitudes de corps, ses mouvements, sa physionomie ; enfin, il imitait toute sa pantomime, de façon à lui ressembler parfaitement.
Ils étaient debout sous le lustre, et parlaient avec chaleur, tout en gesticulant. Ceux qui étaient à quelque distance s'apercevaient insensiblement de cette scène des deux sosies, et se sauvaient pour ne pas éclater de rire. Cela dura assez
Ce foyer était alors fréquenté par les gens de lettres et les amis des artistes; on s'y amusait sans mauvais goût, et l'on y accueillait tout le monde avec grâce et politesse. On avait surnommé les plus assidus
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