« Page:La Société nouvelle, année 9, tome 1, 1893.djvu/199 » : différence entre les versions

 
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==VI==
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Avril touchait à sa fin ; cette année-là le printemps était apparu soudainement. Les rivières s’étaient dégelées, la neige avait fondu depuis longtemps, mais il continuait à faire froid ; la végétation se développait lentement, sans énergie, comme à contre-cœur. Chaque brin d’herbe avait l’air de se faire prier pour secouer la torpeur hivernale et sortir de dessous terre une tige tendre et frileuse. On ne sentait en rien la fièvre du renouveau. Cependant une nuit la pluie vint, fine et tiède, et dès ce moment ce fut comme une féerie. Il semblait que chaque petite goutte d’eau tiède et parfumée versait un levain dans le sein de la terre. Il y eut un réveil général, une passion de vivre ; tout se hâtait, écartant le voisin, l’écrasant, semblant craindre d’arriver trop tard ; chaque molécule vivante paraissant décidée à défendre son droit.
Avril touchait à sa fin ; cette année-là le printemps était apparu soudainement. Les rivières s’étaient dégelées, la neige avait fondu depuis longtemps, mais il continuait à faire froid ; la végétation se développait lentement, sans énergie, comme à contre-cœur. Chaque brin d’herbe avait l’air de se faire prier pour secouer la torpeur hivernale et sortir de dessous terre une tige tendre et frileuse. On ne sentait en rien la fièvre du renouveau. Cependant une nuit la pluie vint, fine et tiède, et dès ce moment ce fut comme une féerie. Il semblait que chaque petite goutte d’eau tiède et parfumée versait un levain dans le sein de la terre. Il y eut un réveil général, une passion de vivre ; tout se hâtait, écartant le voisin, l’écrasant, semblant craindre d’arriver trop tard ; chaque molécule vivante paraissant décidée à défendre son droit.