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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

dans les arts, adopta Eugène Delacroix et le défendit contre les attaques du camp rival. M. Thiers, qui faisait alors le Salon dans le Constitutionnel, dit à propos de cette toile si louée et si contestée ces paroles remarquables : « Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l’aspect de ce tableau ; j’y retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son entraînement. » En effet, dès lors Eugène Delacroix était un maître. Il n’imitait personne, et sans tâtonnements il était entré en possession de son originalité. Quoi qu’en puissent dire ses détracteurs, il avait apporté dans la peinture française un élément nouveau, la couleur, à prendre le mot avec ses acceptions multiples. Le Massacre de Scio, qui figura au salon de 1824, porta au dernier degré d’exaspération les colères de l’école classique. Cette scène de désolation rendue dans toute son horreur sans souci du convenu, telle enfin qu’elle avait dû se passer, soulevait des fureurs qu’on a peine à concevoir aujourd’hui en voyant cette passion, cette profondeur de sentiment, ce coloris d’un éclat si intense, cette exécution si libre et si vigoureuse. A dater delà, les jurés fermèrent souvent les portes de l’exposition à l’artiste novateur, mais Eugène Delacroix n’était pas homme à se décourager, il revenait à la charge avec l’opiniâtreté du génie qui a conscience de lui-même. La mort du doge Marino Faliero, le Christ au jardin des Oliviers, Faust et Méphistophélès, Justinien, Sardanapale, le Combat du giaour et du pacha, se succédèrent au milieu d’un tumulte d’éloges et d’injures.

On appliquait à Delacroix la qualification trouvée pour Shakspeare : « Sauvage ivre ». Et certes rien n’était mieux imaginé pour désigner un artiste nourri dans la familiarité des poètes antiques et modernes, écrivain lui-même, dilettante passionné, homme du monde, déli-