Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 8/05
CHAPITRE V.
Après de longs débats occasionnés par le refus de maître Target que Louis XVI avait désigné pour être un de ses défenseurs (honneur dont il était bien indigne !), il fut décidé que la défense du Roi serait confiée à l’honorable M. de Sèze, assisté de MM. de Malesherbes et Tronchet. Ce pauvre Malesherbes, qui nous avait tant fait de mal ! Quand son vieux père avait dit au Roi : « Je supplie votre Majesté de ne confier jamais aucune grande place à mon fils qui ne saurait la bien servir… » Il ne prévoyait guère le genre de service et le dernier service que son fils serait appelé à rendre au Roi de France[1] !
Un grand nombre de personnes, au nombre desquelles il est juste de mentionner MM. de Gazâtes, de Bouillé, de Lally-tollendal, de Narbonne, Malouet, Bertrand de Molleville, de Grave et Mesnil-Durand, eurent le courage d’élever la voix en faveur de Louis XVI et de se proposer pour le défendre ; mais il parut à la même époque une lettre de l’Abbé de Talleyrand qu’il avait eu l’infamie d’écrire de Londres à la Convention nationale, et dans laquelle il se défendait courageusement d’avoir eu l’intention d’être utile à celui qu’on venait de mettre en accusation. Je me souviens qu’il y reprochait au Roi, notamment, d’avoir eu des inquiétudes de conscience aux approches de Pâques, à propos du culte cathotique, de ce culte que la nation avait bien voulu payer, uniquement parce qu’il tenait à la croyance du plus grand nombre et nullement parce qu’il aurait été plus divin qu’aucune autre religion.
L’Assemblée nationale avait détruit la royauté, mais c’est l’Assemblée constituante qui a tué le Roi. La Convention n’a tué que l’homme. Les constituans l’avaient accusé, détrôné, dépouillé, condamné ; les conventionnels n’ont fait que le livrer à la hache ; ils ont été parricides, mais tes véritables régicides ont été les Lafayette et les Talleyrand[2].
Entre les opinions qui furent émises à la Convention par les régicides, et qui nous furent transmises par les journaux du temps, il n’est pas mal à propos de vous signaler celle du député Saint-Just, à cause de sa dialectique.
« Représentans, on voudrait vous persuader que le ci-devant roi devrait être jugé en simple citoyen ; et moi, je vous dit qu’il doit être jugé en ennemi ; que vous avez moins à le juger qu’à le combattre, les formes de la procédure à son égard ne devant point être prises dans le droit civil, mais dans la loi du droit des nations. Les lenteurs, le receuillement et l’équité vulgaire seraient ici de véritables imprudences ; la plus funeste serait celle qui vous ferait temporiser avec lui. Un jour on s’étonnera qu’au dix-huitième siècle on ait été moins avancé que du temps de César. Là, le tyran fut immolé en plein sénat, et aujourd’hui vous voulez faire avec une sorte de respect le procès d’un homme assassin du peuple ? Que ne doivent pas craindre les véritables amis de ta liberté en voyant trembler la hache dans vos mains ? Pour moi je n’y vois point de milieu, cet homme doit régner ou mourir : et ne pas juger un roi comme on jugerait un citoyen ? Ceci ne manquera pas d’étonner la postérité froide. Hâtez-vous donc, car il n’est pas de citoyen qui n’ait sur Louis le même droit que Brutus avait sur César. Louis étant un autre Catilina, son meurtrier pourrait dire, comme le consul de Rome, qu’il a sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple ; il est vaincu, c’est un barbare, c’est un étranger, c’est un criminel ! Ce traitre n’est pas le roi des Français, ou, pour mieux dire, il ne l’est plus ; c’est le chef de quelques conjurés. Il est le meurtrier de la Bastille, du cinq juin et du dix août. Quel ennemi, quel étranger a jamais fait plus de mal à notre patrie ?… »
Écoutez présentement l’Abbé Grégoire, cet évêque janséniste et constitutionnel, institué par M. de Talleyrand « Lorsque j’ai entrepris de lutter il y a seize mois, contre les brigands de l’Assemblée nationale, j’ai prouvé que Louis Capet pouvait et devait être mis en jugement. Tous les monumens de l’histoire déposent que la royauté et la justice sont, comme les deux principes des Manichéens, dans une lutte perpétuelle ; que les rois sont la classe d’hommes la plus immorale que lors même qu’ils font un bien apparent, c’est pour s’autoriser à faire un mal réel ; que cette classe d’êtres purulens fut toujours la lèpre des gouvernemens et l’écume de l’espèce humaine… Ils répètent l’absurde maxime qu’ils tiennent leurs couronnes de Dieu, eh bien ! les peuples, prêts à broyer ces monstres, qui se disputent les lambeaux des hommes, vont, prouver qu’ils tiennent leur liberté de Dieu et de leurs sabres. »
— « Citoyens s’écriait Manuel, il fut roi, donc il est coupable, car ce sont les rois qui ont détrôné les peuples… Sans ces Mandrins couronnés, il y a tong-temps que la raison et la justice embelliraient et couronneraient la terre. Que de temps, il a fallu pour casser la fiole de Reims ! Législateurs, hâtez-vous de prononcer une sentence qui consommera l’agonie des rois ! Entendez-vous tous les peuples qui la sonnent ? Un roi mort ne compte pas pour un homme de moins. »
Le philanthrope Condorcet vient ensuite aligner géométriquement certaines affinités qu’il a découvertes entre la raison universelle des peuples et les lois éternelles de l’équité générale ; il se met à disserter sur l’existence collective des agrégations humaines qui doivent refuser d’admettre les influences des anciennes habitudes, en prétendant modeler tous les peuples dans tous les ages sur un archétype invariable, et c’est à cause de cela qu’il propose à la Convention de condamner le Roi Louis XVI à la peine des fers c’est-à-dire a la galère perpétuelle.
— « Écoutez, s’écrie d’un air sinistre et d’une voix sépulcrale, le frère aîné de notre aimable et malheureux camarade de prison, le jeune André de Chénier, — Écoutez, citoyens, mes collègues ; écoutez la voix de cette morale naturelle, source de la morale publique, base de tout pacte social, type de la déclaration des droits de l’homme ! C’est elle qui dans les mouvemens révolutionnaires remplit l’interrègne des lois : c’est elle qui distingue l’insurrection de la révolte et la tyrannie de l’assassinat. Frappez, tandis que le tocsin de la liberté sonne dans l’Europe entière la première heure des nations et la dernière heure des Rois »
À la suite de cette amplification dramaturgique, c’est un autre député nommé Thibaudeau, qui s’élance à la tribune… — « Sommes-nous republiccains ? s’écrie-t-il en rugissant, eh bien, jugeons promptement Louis XVI, et que l’échafaud d’un roi devienne le trône de la république universelle… Ne vous laissez entrainer par aucun mouvement de générosité ! Les nations en pardonnant à leurs oppresseurs se sont toujours préparé de nouveaux fers. Que Louis soit donc jugé, et que sur la place de son supplice il soit élevé un monument qui retrace à la postérité la plus reculée ce que firent les Arcadiens après avoir mis à mort Aristocrate leur roi, traître envers la patrie. »
Le jeune Roberspierre est d’avis qu’on adopte la forme la plus expéditive, attendu qu’il n’est pas à craindre de manquer de justice envers un être aussi pervers qui n’est que crimes et forfaits. — « Je propose de décréter que Louis Capet soit traduit à la, barre pour y entendre prononcer son jugement de mort, et être conduit sur-le-champ au supplice. »
Tout cela, comme vous pensez bien, nous semblait effrayant, sans contredit, mais par-dessus tout, monstrueusement absurde. Le chef-d’œuvre du temps fut, à mon avis, le discours de Robert (des Ardennes), et j’ai toujours conservé le Journal du Soir, où j’avais trouvé ce beau parangon de l’éloquence révolutionuaire.
« Assez et trop longtemps, les rois ont usurpés le droit de juger les hommes, et le jour est venu où les hommes vont juger les rois. Des citoyens encore étonnes de la glorieuse et heureuse journée du dix août, se font une grande affaire de juger un roi ; leur étroite cervelle conçoit avec quelque peine l’idée que sa Majesté le Roi de France et de Navarre sera interrogé par nous ; que le descendant de Henri IV et de Louis-le-Grand sera amené à notre barre ; que la hache du bourreau pourra abattre cette exécrable et orgueilleuse tête qui osait s’élever au-dessus du peuple ! Ah ! que ces hommes sont au-dessous de ma pensée ! Qu’ils sont loin de la vôtre, législateurs du monde ! allez, si quelque chose est petit dans notre mission, si les représentans de la république française et de la nation pouvaient paraitre en disproportion morale et politique avec la hauteur immense où la votonté et le libre choix de leurs concitoyens les à placés, n’est-ce pas à cause que nous en sommes réduits, nous représentans d’un peuple libre, à nous occuper d’un roi, c’est-à-dire non seulement d’un tigre, d’un anthropophage, d’un de ces êtres que la liberté abhorre, que l’égalité repousse, que l’humanité exile à jamais de la terre des vivans ! mais d’un insecte, d’un vil insecte !… Quel est celui d’entre vous qui a jamais pu entendre prononcer le nom du roi sans horreur sans mépris et sans dégoût ? Oui, je le dis sans crainte d’en être démenti par la conscience d’aucun être éclairé, probe et sincère ; tous les actes sanguinaires ou de cruauté qui paraîtraient avoir souillé la révolution depuis le meurtre de Réveillon en 89, jusqu’aux massacres du dix août et du deux septembre, ont été l’ouvrage de ce perfide et lâche tyran ! Si celui qui a commis plus de cruautés que Néron, que Don, Pèdre ; si un homme, au nom de qui, et par qui, et pour qui il a été égorgé plus d’humains que son existence ne se compose d’heures, de momens, je vous demande de quel droit cet être prétendrait au privilége absurde et barbare de se baigner impunément dans le sang, non pas de ses semblables, mais des individus malheureux dont il a toujours été le fléau persécuteur ? Louis Capet ne ressemble à rien dans la nature, si ce n’est à cette femme exécrable complice de ses crimes. – La mort dans les vingt-quatre heures ! — La mort ! » Et puis arrivèrent les 387 votes sanglans, dont nous suivions les formules avec une horreur inexprimable. Ce Legendre, boucher de profession, qui n’est pas, dit-il, de ces hommes d’état, qui peuvent ignorer qu’on ne frappe les Rois qu’à la tête ; et ce Barrère avec son arbre de la liberté, qui ne peut croître qu’arrosé de sang, maxime qu’il avait pillée dans le koran des nouveaux Templiers. Vous parlerai-je de ce député de l’Aveyron qui trouve les formes judiciaires observées par la Convention, trop solennelemt longues et trop protectrices, et qui condamne à mort en faisant un plat calembourg, et disant : — « Oui, citoyens !, je demande l’exécution la plus prompte, et je vote pour la mort dans une seconde, parce que je m’appelle Seconde. »
Entendez-vous le Duc d’Orléans qui vote la mort du Roi, et parce que le Roi mérite la mort, ose-t-il dire, et ne voyez-vous pas la main de Dieu qui commence à s’appesantir sur lui ? Il avait compté sur une sorte de confraternité dans le crime, et voilà Manuel, un autre régicide, qui fait tomber sur lui ces paroles de sinistre, augure : — « Nous sommes des législateurs et non pas des juges. Si la Convention nationale était un tribunal, on n’aurait pas eu la surprise d’y voir siéger le plus proche parent de Louis XVI, qui n’a pas eu, sinon la conscience, au moins la pudeur de se récuser… » – Sur la première, question, dit le représentant Duprat, je dirai oui avec d’autant plus de confiance que d’Orléans a dit non. – Il ne nous reste que le choix des maux, reprend Caton Salles ; mais heureusement que Louis Capet nous laisse de tous ses parens celui qui peut le mieux, dégoûter de la royauté ! – En votant la mort de Louis, s’écrie Barbaroux, je m’apprête à voter la mise en jugement d’un autre Bourbon…
Ô profondeur de l’éternelle justice ! n’admirez-vous pas le regret honteux de ce d’Orléans ! son accablement, sa terreur, quand il entend ce pronostic funeste avec ces cris dérisoires et cette rumeur de mépris ! Voyez donc ce fléau qu’on assomme et ce monstre dont l’enfer se moque !
Les révélations qui se rattachent aux sombres particutarités de la Tour du Temple, ainsi qu’à l’admirable mort du Roi, ne sont ignorées de personne, mais il existe un document peu connu, qui pourrait tomber dans l’oubli du peuple Français, et qui mérite, assurément d’en être préservé. C’est une lettre du bourreau de Louis XVI, en réplique à l’accusation d’un journal intitulé le Patriote, où l’on avait osé dire que le fils de Saint-Louis avait manqué de courage et de fermeté sur l’échafaud.
« Citoyen,
« Un voyage d’un instant a été la cause que je n’ai pas eu l’honneur de répondre à l’invitation que vous me faites dans votre journal, au sujet de Louis Capet. (Le journaliste contredit par Sanson l’avait invité à tracer le récit exact de l’execution du Roi). Voici, suivant ma promesse, l’exacte vérité de ce qui s’est passé. Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui a dit qu’il fallait ôter son habit ; il fit quelques difficultés en disant qu’on pouvait l’exécuter comme il était. Sur la représentation que la chose était impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit ensuite la même difficulté lorsqu’il s’est agi de lui lier les mains, qu’il donna lui-même lorsque la personne qui l’accompagnait lui eut dit que c’était un dernier sacrifice. Il s’informa si les tambours battraient toujours ; il lui fut répondu que l’on n’en savait rien, et c’était la vérité. Il monta sur l’échafaud ; il voulut foncer sur le devant, comme voulant parler ; mais on lui représenta que la chose était impossible ; encore il se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attacha et où il s’est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent ! ensuite, se retournant vers nous, il nous dit Je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français.
Voilà, Citoyen, ses dernières et véritables paroles. »
« L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’échafaud, roulait sur ce qu’il ne croyait pas nécessaire qu’il ôtat son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-meme les cheveux. »
« Et pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés, et je reste très convaincu qu’il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion, dont personne plus que lui ne paraissait pénétré et persuadé. »
« Vous pouvez être assuré, Citoyen, que voilà la verité dans son plus grand jour. »
Paris ce 20 février, an 1er de la république.
Tous les domestiques et tous les voisins de Mme de la Reynière ont dit qu’ils avaient aperçu le général Égatité, ci-devant Duc de Chartres, lequel était monté sur une borne à la porte de l’hôtel de la Vieuville (c’est-à-dire au coin de la place Louis XV et de la rue des Champs-Élysées), et lequel avait les yeux fixés sur l’échafaud. Aussitôt que l’exécuteur eut élevé la tête du Roi pour la montrer aux spectateurs, le général Égalité monta sur un cheval qu’on lui tenait en lesse à la porte de l’hôtel de la Reynière ; et il s’éloigna précipitamment. On a dit que c’était pour aller annoncer à l’armée républicaine, où il avait de l’emploi, que le tyran n’existait plus ; mais je ne sais pas si cette partie de la nouvelle était bien exacte. C’est un article de notre bulletin que je n’ai pas pris la peine de vérifier.
Il est assez connu que le Sieur Leduc, ancien tailleur de la maison du Roi, avait envoyé une pétition pour qu’il lui fût permis de faire inhumer à ses frais le corps de Louis XVI. On lui fit son procès dans les vingt-quatre heures, et il fut conduit à l’échafaud le lendemain matin.
Pendant la nuit du 22 au 23 janvier, l’Abbé du Puget, aumônier du Roi, fut introduit dans le cimetière de la Madelaine, et de concert avec le chef des fossoyeurs, il y revêtit ses habits sacerdotaux. Pendant qu’il y récitait l’office des morts à la lueur d’une lanterne sourde, il entendit un vacarme affreux à la porte du cimetière ; c’était une patrouille de bonnets-rouges, et comme il ne douta pas qu’ils n’eussent aperçu de la lumière, et qu’ils ne finissent par enfoncer la porte, il se hâta de procéder à la bénédiction de la fosse où l’on avait jeté le corps du Roi, et quand il se fut acquitté de cette pieuse fonction, pour laquelle il avait été commis par l’Abbé de Dampierre : — Restez ici, dit-il au fossoyeur, et tâchez de vous sauver tandis qu’ils vont être occupés de moi… Il s’achemina du côté de cette porte, en surplis, avec son étole et sa croix de St.-Lazare,… il ne doutait pas de marcher au devant d’une mort certaine ; mais il espérait charitablement que la fureur de ces révolutionnaires allait s’acharner et s’épuiser sur lui.
Tout en avançant dans une obscurité profonde, et dans un trouble qui n’était pas moins profond, il sentit ses deux pieds glisser sur le bord d’une fosse dans laquelle il tomba sur une bière qu’on n’avait pas encore eu le temps de recouvrir de terre, et sur laquelle il se trouva tout naturellement étendu, comme pour y recevoir le coup de la mort. Quand les sectionnaires eurent forcé la porte et qu’ils eurent fait irruption dans le cimetière, ils n’y aperçurent qu’un autre sans-culotte en bonnet ronge et en sabots qui piochait à la clarté d’une petite lanterne, et qui leur dit : — Pourquoi donc venez-vous troubler les bons citoyens ? Est-ce que je savais que vous étiez des patriotes ? Vous voyez bien qu’il faut que je travaille la nuit, car voilà une fosse que je n’ai pas encore eu le temps de combler… et c’était celle où se trouvait l’Abbé du Puget. — C’est vrai, se dirent les hommes de la patrouille, et ils s’en allèrent.
Ce fossoyeur de la Madelaine avait nom Brutus Gauthier. Nous lui fîmes donner une cinquantaine de mille francs en assignats, ce qui ne le rendit pas bien riche ; mais l’Abbé du Puget l’a revu plusieurs fois depuis notre mise en liberté, et si je ne tarde pa à mourir, ainsi qu’il est présumable, ayez la bonté de ne pas lui retrancher les cinquante francs que je lui fournis sur une pension de cinquante écus, à l’effet de payer l’apprentissage de son fils Mutius-Scévola Gauthier, qui se destine à l’épinglerie.
À l’imitation de Philippe Égalité, leur patron, tous les jacobins avaient pris des noms de circonstance. Un ancien maître d’école à Nevers, appelé Chaumet, fut élu procureur de la commune de Paris, et voici le discours qui lui avait obtenu la majorité des suffrages. « — Citoyens, je m’appelais ci-devant Pierre Gaspard, parce que mon parrain croyait aux saints du paradis, mais moi, qui ne crois qu’à la révolution, qui est l’enfer des tyrans et des esclaves, j’ai pris le nom d’un saint qui a été pendu pour ses principes républicains je m’appelle Anaxagoras. » Il avait paru des essaims d’Agricola, de Publicola, d’Aristide, de Caton, de Gracchus, et d’Anacharsis ; un sans-culotte imagina de nommer son fils Marat-Couthon-Pique ; et les journaux de vanter l’intelligence et le patriotisme avec lesquels on avait contracté ces trois noms indicateurs du plus ardent civisme et des plus pures vertus !. Les mêmes gazettes nous annoncèrent aussi que le ministre Lebrun s’était distingué parmi ces idiots en donnant à une de ces filles les noms de Civilisation-Jemmapes-Victoire-Republique-Française.
Cependant la famine était dans Paris, et la famine était surtout dans les prisons, où l’on avait distribué, pendant huit ou dix jours, une espèce de pain de si mauvaise facture et de si mauvais goût, que les chiens n’en voulaient pas manger. Quand on en avait retiré la croûte qui était la seule partie plus ou moins comestible, il ne restait qu’une espèce de bouillie noire et visqueuse qui s’attachait aux couteaux, et qui restait collée sur le fond des assiettes, en s’y déformant comme un cataplasme. Ma provision de riz fut bientôt consommée, comme aussi le gruau de la Princesse de Ghistelles et l’orge perlé de la Duchesse de Choiseul, attendu que nous les répartîmes exactement sur tous nos compagnons d’infortune, y compris la famille de notre geôlier qui se mourait de faim. Si j’avais pu m’effrayer pour le lendemain, j’aurais cru faire insulte à la providence de Dieu. À chaque jour suffit sa peine, et ce n’est pas le pain du lendemain que nous demandons à Notre Père qui est aux cieux.
Cependant le mauvais pain finit par manquer à toute la population de Paris, si mauvais qu’il fût, et le gouvernement fit distribuer un jour à chacun de ses prisonniers une douzaine de petites mesures de toutes sortes de graines, telles que pois chiches, fèves de marais, haricots, seigle, froment, orge, maïs avoine, épautre et sarrazin, graine de chou, graine de navets, graine de salade et graine de luzerne ; il y avait jusqu’à du chenevis, et la mesure de chacune de ces provendes était un gobelet de verre. — Tirez-vous-en comme vous pourrez. Si vous avez des moulins ou des mortiers avec des pistons, faites-en de la farine, et sinon faites-tes bouillir en macédoine.
Les commissaires du comité de subsistance dirent à nos guichetiers qu’on n’avait pas pu réduire toutes ces graines en farine pour nous en fabriquer du pain comme à l’ordinaire, parce que la rivière était à sec et qu’il n’avait pas fait assez de vent pour faire tourner les moulins.
La personne la plus contrariée de ce mauvais régime était la Comtesse d’Hinnisdaël, attendu qu’elle était continuellement préoccupée de gourmandise. — Imaginez ce que j’ai vu à-bas ! s’écrie-t-elle en nous arrivant éperdument.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui va nous arriver ?… Qu’est-ce que c’est donc ?
— C’est le jardinier qui déjeune en mordant a même un pain de quatre livres, et dans une botte de radis sans la délier.
— Que le diable t’emporte avec tes histoires de mangerie ! lui dit sa tante de Ghistelles, tu nous es venue faire une frayeur mortelle, et tu n’as de souci que pour ne pas mourir de faim[3].
La Princesse de Ghistelles avait une charmante histoire de table à propos de M. Necker, et c’était qu’un jour, en sa maison de campagne, à Saint-Ouen, les convives de cet adorable homme étaient en admiration devant un plateau dormant, sur le milieu duquel on avait mis un gros vase avec une gerbe de fleurs ! Mme de Staël en témoignait une sorte de mécontentement inexplicable. — Comment pourrais-je aimer, disait elle en soupirant, comment pourrais-je aimer un surtout qui m’empêche de voir mon père ? …
Ces Dames avaient passé deux mois à la prison de la Bourbe, où tout le monde se levait respectueusement, nous dirent-elles, aussitôt qu’on voyait paraître Mlle de Sombreuil, à qui tes guichetiers n’osaient parler qu’en tenant leur bonnet rouge à la main[4].
Chaque prisonnier qui s’entendait appeler pour être conduit à ce qu’on appelait l’interrogatoire allait embrasser ses amis et faire ses adieux à tous ses compagnons de captivité. Mme de Ghistelles et d’Hinnisdaël nous racontaient comment le Baron de Grand-Champ s’était ouï demander à la geôle à neuf heures du matin (l’heure fatale), qu’il s’était levé, qu’il avait été prendre congé d’elles en essuyant une larme, et puis qu’il avait eu l’heureuse idée de se faire appeler une deuxième fois. Aux prénoms écrits sur la liste que vinrent lui montrer les deux commissaires du tribunal, il reconnut qu’il était question d’un autre gentilhomme qui portait le même nom de Grand-Champ, mais sans aucune parenté connue, et dont il avait reçu plusieurs fois les lettres et les papiers, comme il arrive assez souvent dans les méprises de nom — Citoyens, dit-il aux commissaires, je m’appelle Adrien-Joseph et non pas Charles-Isidore ; ainsi mon tour n’est pas venu.
Le beau-frère de ce M. de Grand-Champ qu’on poursuivait, se trouvait précisément à la Bourbe, et M. de Grand-Champ, qui venait de sortir d’affaire, eut le bonheur d’apprendre que son homonyme était à l’armée de Condé.
Si nous avions pu rire de quoi que ce fût, nous aurions pris le divertissement d’écouter la Duchesse de Valentinois, qui disait mille choses inouies. Elle était, comme je vous en ai déjà prévenu, la fille et l’héritière de la Duchesse de Mazarin qui donnait de si belles fêtes champêtres mais la mère était la sagesse même en comparaison de notre camarade aux Oiseaux[5].
Imaginez que le feu venait de prendre dans ma chambre au milieu de la nuit et que je me réfugiai dans la sienne, où je la trouvai tete-à-tête avec les débris d’un gros pâté. Elle était à s’éventer avec une assiette d’argent.
— Par ma foi, dit-elle, je suis bien aise de l’accident qui vous amène et nous allons passer toute la nuit à causer ensemble. Vous êtes une femme d’esprit, à ce que disait ma mère, et j’ai toujours détesté les ennuyeux. — À propos d’ennuyeux, poursuivit-elle en éctatant de rire il faut que je vous dise une drôle de chose d’un laquais que j’avais pris à Chilly et qui s’appelait La Brie. Je lui avais commandé de ne pas me laisser entrer des ennuyeux, et de se mettre aux aguets pour les empêcher de passer ma première antichambre (si les suisses de ma porte avaient la négligence d’en laisser monter) ; mais comme on avait laissé venir jusqu’à moi M. de la Tour-Maubourg, j’envoyai chercher ce La Brie pour le tancer de la belle manière ; et savez-vous ce qu’il me répondit ? — Non je n’imagine pas ce que La Brie… — Madame, il me répondit avec un air de fierté, comme un géant qu’il était : — Comment donc Mlle la Duchesse peut-elle dire que M. le Comte de la Tour-Maubourg est un ennuyeux ? — un homme de cinq pieds dix pouces !
Elle avait encore une étrange histoire de laquais, et celle-ci n’avait pas plus de six mois de date. Elle avait pris un homme de confiance qui avait un certificat de civisme, et qui lui avait été recommandé par la citoyenne de Châteaugiron : ce devait être un paratonnerre assuré ! — Vous allez couvrir le feu, lui dit-elle un soir, après s’être mise au lit ; mais comme il n’en finissait pas, — Dépêchez-vous donc, lui dit-ette. – Encore un moment, répliqua-t-il, et comme elle entr’ouvrit ses rideaux, elle aperçut qu’il était à mettre ses cheveux en papillotes, et la voilà qui s’écrie : — Comment donc ! vous êtes à vous coiffer de nuit devant ma glace ! avez-vous perdu la tête ? – Mais, citoyenne, est-ce que je n’ai pas l’avantage de coucher… — J’espère bien que non, répliqua-t-elle en se mettant sur son séant. — Mais j’ai dû penser… — Comment vous avez dû penser que j’étais capable… — Mais citoyenne, vous m’aviez dit de couvrir le feu, et voyez-vous, c’est que je sors de chez la citoyenne Dev… et lorsqu’elle me disait de couvrir le feu… Enfin je suis bien au regret d’avoir fait attendre inutilement la citoyenne et de l’avoir impatientée.
Cette extravagante personne avait fait prier André de Chénier de lui choisir et de lui envoyer des livres, et comme elle était restée dans les apparences et les conditions de l’ancienne élégance pastorale, avec des nœuds et des guirlandes à ses chapeaux, Chénier lui fit apporter, par notre Guichetier, les Idylles de Gessner et les Églogues de Fontenelle.
— Je ne sais pas, nous dit-elle en baillant, pourquoi les poètes établissent toujours les bergères avec les bergers sur de la fougère ? J’ai fait des parties de campagne avec plusieurs officiers de la garnison de Monaco, et je vous assure que la fougère n’est pas plus commode que toute autre chose…
M. le Duc de Penthièvre était tombé malade immédiatement après la condamnation de Louis XVI, et l’Abbé de Dampierre ne put me laisser ignorer que sa maladie ne laissait aucune espérance. La dernière lettre que j’aie reçue de cet excellent prince était du 19 février 1795. Il m’y disait expressément qu’il ne pourrait survivre à la mort du Roi, qu’il me faisait ses adieux et qu’il me recommandait sa fille ainsi que l’Abbesse de Fontevrauld dont la conscience avait été surprise par les artifices du Cardinal de Loménie. Vous pensez bien que son affliction ne pouvait être adoucie par la conduite de son gendre ni par celle de son petit-fils ? Quand l’heure de sa mort allait sonner, je pensai que ce serait pour lui celle de la délivrance, et je vous assure que j’eue le courage et la charité de m’en réjouir. Je lui répondis seulement deux ou trois lignes au crayon. — Ne m’attendez pas, Monseigneur, vous souffririez trop ; je ne tarderai pas à vous rejoindre ; la foi me soutient je dompte mes larmes. Adieu mon ami, c’est-à-dire à Dieu.
M. le Duc de Penthièvre est mort un mois avant le décret de la Convention qui ordonnait d’emprisonner tous les princes français et d’apposer le séquestre sur leurs biens. Son corps est dans le même caveau de l’église de Saint-Étienne de Dreux où j’avais l’habitude de m’arrêter… Je ne vous en dirai pas davantage à l’occasion de cette mort, où l’excès des inquiétudes et des prévisions funestes me faisait puiser une sorte de consolation. Aucune langue ne saurait peindre les sentimens qui se combattaient dans mon cœur, et je n’aurai pas la témérité de chercher à les exprimer. Quand on est devenue si vieille et qu’on sent que les larmes vous gagnent, il faut abattre son voile et pleurer sous son voile[6].
En exécution de ce que m’avait recommandé M. de Penthièvre, j’écrivis à Mme de Fontevrauld[7], et je lui fis porter ma lettre par Dupont qui fut en recherche environ pendant six semaines avant de pouvoir la trouver. Ce qu’il me rapporta de sa triste position me fendit l’âme. On n’avait tenu aucun compte du testament de feu M. de Penthièvre dont tous les biens étaient séquestrés. Mme la Duchesse d’Orléans, dont on avait saisi tous les meubles (et jusqu’à son linge de corps), avait été se réfugier auprès de sa pauvre tante, et Dupont les trouva logées dans un misérable appartement d’une vilaine maison située dans la petite rue Saint-Antoine. Mme D’Ortéans-Penthièvre, car elle n’a jamais voulu s’appeler citoyenne Égalité, venait d’y revenir en fiacre. Cette grande héritière et cette puissante Abbesse n’avaient pour les servir qu’une ancienne tourière de Fontevrauld, et leur diner consista dans un mauvais pâté de 15 sous qu’elles mangèrent avec des fourchettes de fer. Mon pauvre Dupont ne cessait d’en parler.
Je suis obligée de vous dire que cette bonne religieuse avait eu la faiblesse de prêter serment à la constitution civile du clergé, en vertu de laquelle on l’avait dépossédée de son Abbaye (qui lui rapportait soixante mille écus de rente) ; mais le Duc d’Orléans l’avait fait circonvenir par de telles manœuvres, qu’il était impossible de la blâmer. Imaginez qu’il avait fait intercepter toutes les lettres qu’on lui adressait à Fontevrauld et qu’il avait fait contrefaire un bref du Pape, à dessein de la tromper mieux. MM. de Loménie et de Talleyrand s’étaient promis un beau résultat de ce scandale, attendu l’importance et la richesse de la congrégation de Fontevrauld enfin le Cardinal de Loménie avait fait le voyage de Touraine uniquement pour y séduire et tromper cette innocente fille. Isolée, déçue, obsédée comme elle l’avait été par ces trois hommes de fraude, il n’est pas étonnant qu’elle eut ignoré la vérité sur le serment qu’ils avaient voulu lui faire prêter ; aussi, M. de Penthièvre et moi n’avons jamais eu le courage de lui reprocher cette malheureuse illusion dont elle a gémi pendant sept ans. Mme de Fontevrauld m’envoya deux jours après sa rétractation que je fis parvenir à l’Abbé de Dampierre. Vous verrez dans la copie que j’en ai gardée comme elle est humblement édifiante, et vous devez penser que ce fut une grande consolation pour nous. Voici le moment de vous parler d’une honnête personne à qui sa conscience ne disait pas grand chose.
Charlotte de Corday était une jeune fille de condition qui avait toujours eu la tête ardente, et qui s’était détraqué la cervelle en lisant l’histoire Grecque et Romaine. Après avoir lu quelques numéros de l’Ami du peuple, dont les plus forcenés jacobins ne parlaient qu’avec mépris, elle imagina de s’en venir de chez elle à Paris pour y poignarder Marat, ce qu’elle exécuta le plus résolument du monde, et tandis qu’il était dans sa baignoire. Le ciel me préserve de l’admirer et de l’approuver…[8].
Comme elle ne connaissait rien de ce qui se passait à Paris que par les journaux ; elle avait supposé, dans son village de Saint-Saturnin, que Marat ne pouvait manquer d’exercer une grande influence politique à Paris, tandis que c’était une bête féroce, un aboyeur hydrophobe, un cannibale en démence, qui ne pouvait être compté parmi les chefs d’aucun parti ; et voilà ce qui fit dire a Monsieur le Régent que le coup avait été bien appliqué mais très mal adressé. Ce que je pardonne le moins à cette demoiselle, c’est d’avoir été la cause de la plus risquable et la plus pénible contrariété que j’aie de ma vie soufferte, et voici l’aventure.
On avait déifié Marat dont on avait résolu de transporter le cadavre au Panthéon ; mais, pour ne pas exposer son ignoble face à la dérision publique, attendu qu’il avait toujours été d’une laideur infâme, et parce qu’on n’avait jamais pu lui fermer les yeux qu’il avait toujours eu louches et qui s’étaient retournés horriblement, on n’avait pu venir à bout, non plus, de lui fermer la mâchoire, ce que le docteur Séguret, notre comprisonnier, ne comprenait pas, et ce qui tenait sans doute à ce qu’on avait négligé de s’y prendre à temps. Imaginez donc qu’on avait pris le parti de lui couper la langue afin qu’elle ne lui sortit pas de la bouche ; mais le peintre David avait eu beau faire, on ne put jamais accommoder cette figure de Marat de manière à ce qu’elle ne fût pas une chose hideuse, et ceci fit prendre la détermination de n’en rien montrer du tout.
On avait recouvert d’un pavillon tricolore une baignoire de porphyre qu’on avait fait enlever des salles du Louvre, et dans laquelle on avait placé le corps de Marat pour le conduire au Panthéon ; il en sortait par-dessous le drap tricolore qui était relevé de côté, comme en draperie, il en sortait un avant-bras droit dont la main tenait une plume de fer ; et comme il y eut des gens qu’on avait apostés pour aller baiser cette main morte et cette plume allégorique qui étaient censées devoir être celles de l’Ami du peuple, il en résulta je ne sais quelle dislocation qui fit tomber tout cet appareil d’avant-bras mort et de fils d’archal sur le milieu du parvis Sainte-Geneviève, et l’on vit par là que ce membre avait été fourni par un autre cadavre que celui de Marat. Les journaux de Paris n’osèrent en rien dire ; mais ne soyez pas étonné de me trouver si bien apprise, et sachez que le peintre David avait décidé que presque tous les détenus qui se trouvaient dans les seize prisons du faubourg de l’Abbaye, devaient être alignés sur la place du Panthéon français, à l’effet d’y figurer en forme d’attribut ou décoration pour l’apothéose de Marat.
Comme je me portais bien je ne voulus pas abandonner cette pauvre Duchesse de Fleury qu’on avait appointée pour faire partie de cet affreux cortège et qui pouvait à peine se soutenir. Nous avions vu passer la baignoire, et personne ne nous avait insultées, si ce n’est en paroles : encore en étions-nous quittes à si bon marché que nous n’en revenions pas de surprise et de satisfaction ; mais nous n’étions pas à la fin de nos peines, et je vous dirai qu’on nous ramena par le jardin du Luxembourg, où l’on rendait un culte religieux au cœur de Marat, ce qui devenait bien autrement inquiétant pour nous que de voir passer une charogne dans une baignoire.
Je m’aperçus qu’on avait l’intention de nous faire participer à cette dégoûtante idolâtrie, par cette raison qu’au lieu de nous reconduire tout droit de la grille de la rue d’Enfer à la grille de la rue de Vaugirard, au travers du parterre, ce qui était notre droit chemin pour retourner à la rue Notre-Dame-des-Champs, qui s’appelait alors rue de Lucrèce-Vengée, on nous avait conduits par la terrasse du château, sur laquelle on voyait une espèce de reposoir avec des étendards nationaux, des bustes de plâtre et des guirlandes obligées en torsades de chêne avec force glands et des rubans tricolores à profusion. Le cœur de Marat s’y trouvait sur un autel civique, enfermé dans un précieux vase d’agate qui provenait du garde-meuble de la couronne, où le peintre David avait choisi tout ce qu’il avait pu trouver de plus beau. — « Ô cœur de Marat ! cœur sacré, viscère adorable ! s’écriait un pontife en houpelande de serge rouge n’as-tu pas autant droit aux hommages réligieux des Français affranchis, que le cœur de Jésus en avait jadis à l’adoration des fanatiques et stupides Nazaréens ! Les travaux ou les bienfaits du fils de Marie peuvent-ils être compares à ceux de l’Ami du peuple, et ses apôtres aux Jacobins de notre sainte Montagne, les Pharisiens aux aristocrates et les publicains aux financiers ? Leur Jésus n’était qu’un faux prophète, et Marat est un Dieu ! Vive le cœur de Marat ! Ô Marat ! mais, que dis-je ? il est devenu froide poussière, Marat ! Marat ! » Et puis c’étaient des hymnes républicaines à grand orchestre !…[9]
— Ma chère Marquise, me dit votre tante de Fleury, nous voici parvenues à notre dernier moment ; mais j’ose espérer que le bon Dieu va nous accorder la grâce de nous laisser martyriser plutôt que de manquer à ses saintes lois !…
— Parlez-moi plus bas, Duchesse, ou ne m’appelez pas Marquise ; je ne sais quel rôle on peut nous destiner dans cette exécrable parade, mais je défie bien qu’on me fasse faire chorus avec ces chiens enragés et ces louves, et je sais bien que je vais me faire assommer plutôt que de m’agenouiller, ou tout autre chose à l’avenant ; je vous en réponds !…
La Providence n’agréa pas mon sacrifice ; la Duchesse de Fleury tomba par terre et s’évanouit par excès de fatigue et d’émotion ; tous nos prisonniers vinrent s’empresser autour d’elle en rendant grâce à Dieu de cet évanouissement qui nous tirait d’embarras, et nous restâmes accroupis sur le sable jusqu’à la fin de la cérémonie qui finit par une libation bachique en l’honneur de l’Ami du peuple. Il en arriva jusqu’à Mme d’Hinnisdaël un petit coup de sacré nom républicain qui lui fit tous les biens du monde et qui lui parut un excellent digestif. Elle avait acheté tout le long du chemin et mangé toute la journée de ces abominables gâteaux qu’on appelle des chaussons, et ce qu’il y avait de plus surprenant dans sa gourmandise, était d’y mettre une sorte de gloriole, ce qui faisait dire au jeune Chénier qu’elle tenait également de l’autruche et de la dinde. Hélas, mon Dieu ! je me rappelle qu’ils sont partis sur la même charrette et qu’ils ont péri sur le même échafaud. J’en ai comme un regret d’avoir écrit ces moqueries.
Mlle de Corday fut interrogée, condamnée, décapitée quelques jours après, sans avoir laissé paraitre aucun sentiment de regret ni de faiblesse, mais heureusement que l’abbé Emmery, ce calotin, protégé de l’accusateur public, se trouvait encore à la conciergerie, et je vois dans notre bulletin du 19 juillet, que M. E. avait accueili le repentir de C. C. en lui conférant l’absolution, dans la soirée du mardi précédent, qui était te 16 et qui fut la veille de sa mort.
On a dit que sa tête, à laquelle un valet de bourreau avait eu l’outrageuse infamie d’appliquer un soufflet en la montrant au public, avait eu l’air de se ranimer et qu’elle avait jeté sur lui des regards de colère et d’indignation.
Le Docteur Séguret, ancien professeur d’anatomie, très habile et consciencieux personnage, ainsi qu’il est prouvé par sa conduite à Marseille, aussi bien que dans notre prison, le Docteur Séguret nous assura que la chose était possible. Il nous dit qu’il avait été chargé de faire des expériences sur les effets de la guillotine : qu’il s’était fait livrer les restes de plusieurs criminels immédiatement après leur supplice, et qu’il en avait constaté les résultats suivans.
Deux têtes ayant été exposées aux rayons du soleil, les paupières qu’on avait soulevées se refermèrent avec une vivacité brusque et toute la face en avait pris une expression de souffrance. Une de ces têtes avait la bouche ouverte et la langue en sortait ; un élève en chirurgie s’avisa de la piquer avec la pointe d’une lancette, elle se retira, et tous les traits du visage indiquèrent une sensation douloureuse. Un autre guillotiné, qui était un assassin nommé Térier, fut soumis à des expériences analogues, et plus d’un quart d’heure après sa décollation, si ce n’est sa mort, la tête séparée du tronc tournait encore les yeux du côté par où on l’appelait[10].
Le Père Guillou m’a dit qu’il avait su directement par le vieux Sanson, avec lequel il avait tous les ans des rapports de conscience, que la tête d’un conventionnel et prêtre jureur, appelé Gardien, avait mordu (dans le même sac de peau), la tête d’un autre girondin nommé Lacaze, et que c’était avec tant de force et d’acharnement qu’il fut impossible de les séparer.
Le Docteur Sue m’a dit que la sensibilité pouvait durer plus de vingt minutes (après ta decollation) dans les différentes parties de la tête. M. Séguret et M. Sue considéraient comme très funeste à l’humanité cette opinion qu’on voulait accréditer, par hypocrisie d’abord, ensuite par un calcul de célérité pour les exécutions révolutionnaires, en soutenant que le supplice de la guillotine était purement instantané. – Il est si peu douloureux, avait dit M. Guillotin, qu’on n’en saurait que dire si on ne s’attendait pas à mourir, et qu’on croirait n’avoir senti qu’une légère fraîcheur#1.
– La guillotine est un des genres de mort les plus horribles et les plus inhumains qu’on ait jamais inventés, me disait le Docteur Séguret (à l’oreille, afin de ne pas effrayer les faibles). Les douleurs qui suivent la décapitation sont épouvantables, et je crois fermement qu’elles se perpétuent jusqu’à l’extinction de la chaleur vitale. Cette invention philantropique est d’une exécution facile, elle est expéditive, elle est profitable à la république française, et sur toute chose, elle est favorable à la commodité du bourreau, mais il ne faut pas nous dire qu’elle soit avantageuse ou favorable aux condamnés, car il est prouvé que la strangulation ne saurait être aussi douloureuse.
Les médecins philosophes et les gouvernans qui se disent populaires auront beau nous faire des phrases, pendant que je ne les verrai pas conseiller et adopter l’administration de la peine de mort au moyen d’une savante et douce potion somnifère, je ne croirai jamais à la réalité de leurs intentions philantropiques.
Si je ne vous parle pas souvent de l’héroïque Vendée, c’est parce que notre congrégation royaliste (dite de la Régence) n’avait pu trouver aucun moyen de correspondre habituellement ni sûrement avec les chefs de l’armée royale ; et c’est parce que nous n’en recevions la plupart du temps aucune autre information que par les journaux républicains, qui ne disaient certainement pas la vérité. N’oubliez pas, je vous le répète encore une fois, que je vous raconte l’histoire d’une femme, et que je n’ai jamais ni médité ni promis de vous faire une histoire de la révolution. Je vais me borner à vous présenter un aperçu de la législation révolutionnaire.
Sur la proposition du député Cambacérès, à qui l’initiative a toujours appartenu pour la poursuite et la rédaction des lois les plus oppressives, la Convention nationale avait décrété la peine de mort à l’égard de tous ceux qui correspondraient avec un émigré, qui donneraient asile à un prêtre réfractaire, ou qui dissimuleraient une partie de leur fortune, à dessein de ne pas contribuer équitablement à la taxe imposée pour soulager les indigens (il n’était plus question de pauvres ; c’est un mot qui sentait le fanatisme et puait l’aristocratie).
En exécution de la loi du 23 août proposée par Barrère, on avait décidé que tous les Français devaient être en état de réquisition permanente, attendu que la nation française était dans l’obligation de se lever en masse pour défendre la Convention. Les citoyens non mariés ou restés veufs sans enfans depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à vingt-cinq devaient marcher les premiers, et l’on appellerait tous les individus plus âgés, successivement, et suivant les besoins de la république. Il y avait des fabriques d’armes établies dans presque toutes les églises de France. Toutes les terres avaient été frappées d’énormes contributions en nature, à dessein de former des approvisionnemens pour une armée de douze cent mille vokontaires. Tandis que les jeunes citoyens iraient à la rencontre de l’ennemi, les hommes mariés devaient charroyer les subsistances et forger les armes ; les femmes se réuniraient pour fabriquer des gibernes et des chaussures, ou serviraient dans les hôpitaux, et les enfans s’amuseraient à faire de la charpie ; enfin les vieillards auraient soin de se tenir dans les places publiques et d’y haranguer leurs concitoyens pour enflammer les courages et pour exciter la haine des rois. L’emploi qu’on assignait aux vieilles femmes était de célébrer l’indivisibilité de la république. Tout ceci n’était pas d’une observation également facile mais ce qui suit fut exécuté ponctuellement.
Tous les édifices publics qui n’étaient pas convertis en prisons, devinrent des casernes, et toutes les places publiques furent transformées en ateliers. Toutes les caves avaient été vidées, fouillées et grattées pour en extraire du salpêtre, et la réquisition des chevaux fut si rigoureusement poursuivie qu’il n’en restait dans tout Paris, disait-on que deux cent soixante et dix. Danton avait proposé de faire dévaster la France en cas d’invasion. : « Si les satellites des tyrans mettaient notre liberté en danger, avait dit cet énergumène, surpassons-les en audace ! Nous dévasterons, nous détruirons plutôt le sol français. Avant qu’ils ne puissent le parcourir, le terrain manquera sous leurs pieds, et les riches seront les premières victimes de la fureur populaire ! »
Je ne chercherai pas à dénigrer la bravoure et ce qu’il est convenu d’appeler la gloire des volontaires et des réquisitionnaires qui formaient originellement les armées de la république, mais relativement à leurs premiers succès, prenez garde à l’observation suivante.
On parle continuellement de la perfidie et de l’immoratité du gouvernement anglais, ce qui n’est certainement pas sans raison ; mais il est à savoir que le gouvernement prussien s’est conduit à l’égard du Roi Louis XVI avec une perversité beaucoup plus noire et plus basse que tout ce qu’on avait connu jusque là. La présence de l’armée prussienne en Champagne ne contrariait pas infiniment les membres de la commune de Paris, parce qu’elle exaspérait les Jacobins frénétiques et qu’on s’en était servi pour déterminer et justifier les massacres des prisons. Cependant la commune avait eu des momens d’inquiétude, et je ne saurais douter qu’elle ait envoyé proposer vingt-cinq millions qui furent acceptés par la Prusse ; d’où vient que c’est le gouvernement prussien qui a profité du carnage et du pillage de Paris. La commune s’était engagée à payer à la Prusse un subside de deux millions par mois, pour obtenir sa neutralité. Le traité subsiste, et même une partie des meneurs avait eu l’envie de faire élire le Duc de Brunswyck pour Roi de France, au lieu du Duc d’Orléans. Ce n’était pas la première fois qu’une idée pareille avait fermenté dans les cerveaux révolutionnaires, et nous avons des papiers de l’Amiral de Coligny où l’on aperçoit les traces d’un projet semblable en faveur d’un autre Duc de Brunswyck. Si le Roi de Prusse a repris les armes contre la France, ce fut parce que les républicains ne purent ou ne voulurent pas remplir tes conditions pécuniaires qu’ils avaient stipulées, et je vous assure que toutes ces manœuvres de la Prusse, en 1792 ont été d’une infamie sans pareille. Mais revenons à notre législation de 93 et 94.
La Convention nationale avait décrété que les parens des réquisitionnaires, appelés aujourd’hui des conscrits, étaient responsables de leur bonne conduite à l’armée républicaine, et s’ils ne rejoignaient pas les drapeaux, c’était à leurs parens qu’on s’en prenait ; à défaut de parens, c’était à leurs parrains et leurs marraines. Cette assemblée législative avait également ordonné la vente des biens de tous les émigrés et de tous les condamnés. Elle avait déclaré traitres à la patrie tous ceux qui placeraient ou conserveraient des fonds sur les banques étrangères, ou dans un comptoir de banquier en Angleterre, en Autriche, etc. Enfin toutes les propriétés des personnes qui avaient été ou qui seraient mises hors la loi, devaient appartenir à la république, et l’intention d’un pareil décret n’était pas difficile à saisir : En exécution de la loi des suspects, on pouvait être incarcéré sur toute dénonciation qui serait provenue d’un citoyen porteur d’une attestation de civisme, et si tous les incarcérés n’ont pas été suppliciés, c’est assurément parce que les tribunaux révolutionnaires et la guillotine (en permanence) n’y suffisaient pas.
L’accaparement devait être puni de mort. Étaient considérés comme accapareurs tous ceux qui tenaient en réserve des comestibles ou des marchandises de première nécessité, tels que les grains, le vin, le pain, les viandes, les fruits, les légumes, le beurre, l’eau-de-vie, le miel et le sucre (les confitures exceptées, pourtant), et puis le fer, le savon, le bois, les cuirs, les bonnets, les souliers et les sabots, les draps, la toile et genéralement toutes les étoffes, ainsi que les matières qui peuvent servir à leur fabrication ; mais c’était sans y comprendre les soieries ni les soies brutes, attendu que ce sont des denrées aristocratiques.
Il était prescrit d’aller faire sa déclaration concernant tous les objets qu’on pourrait avoir en provision, et ceci dans les 24 heures qui suivaient la promulgation du décret. Il était enjoint de les exposer en vente par petits lots et de les livrer à tout chaland, d’après la taxe du maximum, ce qui n’équivalait certainement pas au sixième de leur valeur. Vous supposez bien qu’il y avait des gens qui logeaient au troisième étage ou qui demeuraient dans le fond d’une cour, ainsi jugez comme il était commode et profitable pour eux d’aller tenir boutique à la porte de leur maison, pour étaler sur la rue quelque livres de riz ou quelques aunes de toile ? On croit rêver quand on se rappelle un pareil régime, et toutefois on avait décrété la peine de mort contre tous ceux qui cacheraient ou feraient de fausses déclarations ! Tous les fabricans et marchands étaient obligés d’afficher à la porte de leurs magasins ou de leurs boutiques, une pancarte où la nature et la quantité de leurs marchandises étaient spécifiées, faute de quoi faire, on les pouvait dénoncer et condamner pour accaparement. Le tiers du produit des marchandises confisquées appartenait légalement au dénonciateur, et les jugemens rendus en vertu de cette loi n’étaient pas soumis aux formalités de l’appel. Vous conviendrez que voilà des boutiquiers et des bourgeois bien récompensés pour avoir applaudi (sinon contribué) à la destruction de l’ancien régime !
Par une autre loi du 25 septembre, il était enjoint d’apporter dans les caisses nationales tous les dépôts qui auraient été faits précédemment chez les notaires et autres officiers publics.
Par un décret du 5 octobre, il est déclaré, 1° que les congrégations de filles employées pour le service des indigens et des malades sont déchues de leurs fonctions ; 2° qu’en cas de partage d’opinions, dans les procès sur les délits contre-révolutionnaires, ce n’est pas l’avis le plus doux qui doit prévaloir ; de sorte que si les voix des quatre juges sont partagées, on sera tenu d’en appeler un cinquième.
Le maître jardinier de l’hotel de Biron fut terriblement compromis pour avoir laissé parvenir à floraison deux touffes de lys ; et si notre bon Duperron n’avait pas été chargé du départage, il en aurait couru le plus grand risque[11].
Indépendamment des tribunaux révolutionnaires en permanence, la Convention avait établi une armée révolutionnaire ambulante, qui parcourait tous les départemens en y traînant une artillerie formidable avec la guillotine entourée par une légion de bourreaux enrégimentés.
« Puisque notre vertu, notre modération, nos idées philosophiques, ne nous ont servi de rien, agissons comme des brigands ! » s’était écrié le représentant Thuriot ; « que les comités révotutionnaires en arrêtant un homme suspect ou une femme suspecte, n’aient pas besoin d’expliquer leurs motifs ! sentons notre dignité, point de demi-mesure ! l’homme qui combat à la face du monde pour une révolution qui a pour but la liberté, l’égalité, l’humanité, le bonheur du monde, veut que rien ne lui résiste ! Il faut que cette révolution déifie tous les Français, il faut qu’on lise dans l’histoire avec tendresse les noms de tous ceux qui auront soutenu ce vote énrgique, etc. »
C’était Merlin (de Douai) qui était l’auteur de cette fameuse loi des suspects adoptée par le comité de législation, présidé par Cambacérès, et tout ce que je vous dirai de cette loi, c’est qu’elle ordonnait de mettre en arrestation les individus qui se seraient montrés, soit par leur propre conduite, ou soit par leurs relations, les partisans de la tyrannie, de l’aristocratie ou du fédéralisme ; tous ceux à qui l’on aurait refusé des certificats de civisme, enfin tous les ci-devant prêtres et les ci-devant nobles, ou parens, amis, ou agens d’émigrés, qui n’auraient pas manifesté constamens le plus ardent amour pour la révolution : les tribunaux révolutionnaires, étant pourvus de la faculté de faire incarcérer tous les prévenus de suspicion qui auraient été acquittés par les tribunaux criminels de la juridiction ordinaire. Ce décret inique a produit l’arrestation de quatre cent soixante mille personnes, et Collot-d’Herbois avait consacré son vote au moyen des paroles suivantes à qui je trouvai beaucoup de signification. « Tout est permis à quiconque agit dans le sens de la révolution républicaine, et quiconque a l’air d’en dépasser le but n’y est pas encore parvenu. »
Il y eut un décret du 21 septembre 1793, qui défendit aux galériens de porter le bonnet rouge parce qu’il était devenu l’emblème de la liberté, et qui prescrivait à toutes les femmes françaises de se parer de la cocarde nationale, sous peine de huit jours de prison, et en cas de récidive, d’être considérées comme suspectes, et incarcérées jusqu’à la paix générale. Je ne veux pas oublier de vous dire, qu’en vertu d’une autre loi proposée par Cambacérès, on était obtigé d’afficher à la porte de chaque maison, le nom de toutes les personnes dont elle était le domicile, avec leurs prénoms émondés de toute dénomination fanatique, et qui plus est avec la date préfixe de leur naissance et de leur âge, ce qui désobligeait prodigieusement un grand nombre de citoyennes, et ce qui faisait du quartier d’Antin, par exemple, un foyer de dénonciations, de contestations et de poursuites judiciaires à n’en pas finir. Il y eut bonne citoyenne appelée Pérégaux, qui fut dénoncée par une de ses voisines et qui fut condamnée a 500 fr. d’amende et dix jours de détention, pour délit de faux en écriture publique, et déclaration trompeuse[12]. Il en était de ces élégante de comptoir et de ces philosophes de boudoir, ainsi que des boutiquiers démocrates, et je les trouvais également bien récompensées de leur engouement révolutionnaire.
Item, on était bien prévenu « que tous les propriétaires d’anciennes maisons, parcs, jardins, d’enclos, et généralement toutes sortes d’édifices où l’on aurait conservé des signes de la royauté ou de la ci-devant aristocratie, seraient considérés comme suspects, et que lesdits endos, jardins, parcs, anciennes maisons, et autres édifices, seraient confisqués au profit du gouvernement républicain. » Je vous dirai précipitamment que Mme de Mesmes avait une horreur de maison, dans la rue de la Sourdière, ou l’on découvrit un restant d’armoiries sur le fronton d’une porte à l’intérieur de la cour. On partit de là pour la confisquer, ce qui ne fit aucune peine à la Présidente, attendu qu’on l’obligeait annuellement à payer de quinze à dix-huit cent livres d’impôt pour cette vilaine maison, qui ne lui servait à rien du tout.
Sur la proposition de cet implacable et infâme Barrère, on avait arrêté
1° Que la veuve du tyran allait être livrée au tribunal révolutionnaire
2° Que la dépense de ses deux enfans allait être réduite au plus strict nécessaire ; c’est-à-dire que la cuisine du temple était supprimée, que les femmes et les valets de chambre étaient renvoyés chez eux, et que les frais occasionnés par ces deux individus, devaient se borner à ce qui est absolument indispensable pour la nourriture et l’entretien de deux enfans.
3° Que tous les tombeaux des ci-devant Rois et Reines qui se trouvaient, soit à St-Denis, soit dans aucun autre lieu, seraient détruits pour le 10 août.
4° Que la garnison de Mayence allait être transportée en poste dans la Vendée ; qu’il y serait envoyé, à la diligence du ministre de la guerre et sur-le-champ, des matières combustibles de toute espèce, afin d’incendier les maisons, les bois, les taillis et les genêts ; on avait déjà décidé que toutes les forêts y seraient abattues pour y détruire les repaires de ces bêtes féroces appelées royalistes ; que les récoltes y seraient coupées sur pied, par des compagnies d’ouvriers républicains, pour être ensuite portées sur les derrières de l’armée nationale ; enfin que tous les bestiaux des Vendéens seraient saisis réquisitionnairement, et que tous les habitans de la Vendée seraient amenés prisonniers à l’intérieur du pays.
Nous savions qu’il existait dans les cervelles et les cartons du comité de sûreté générale un autre projet fiévreux qui n’était pas moins révolutionnaire, et qui s’appliquait aux propriétés confisquées sur les condamnés, les proscrits et les suspects ; et si le règne de la terreur s’était prolongé quelques mois encore, je ne doute pas que ce beau projet n’eût été mis à exécution. Celui-ci consistait à démolir tous les châteaux ainsi que toutes les églises cathédrales, à raser de fond en comble toutes les habitations ci-devant royales, et à diviser en lots de cent arpens toutes les furets de la couronne et les nôtres aussi, bien entendu. Tous les matériaux provenant de la démolition des Tuileries, du Louvre, de Notre-Dame et du Luxembourg, ainsi que de Versailles, St-Cloud, St-Germain Meudon, Vincennes, Fontainebleau, Chambord, Compiegne, etc., devaient être partagés entre les sans-culottes du district, avec six arpens de terre par individu, à la charge de se construire un asile et de prendre femme, ou d’adopter un enfant, ou de se charger d’un vieillard, ad libitum. Toutes les familles sans fortune et dont les vertus civiques étaient connues, devaient avoir part à cette distribution. Il était convenu qu’on allait faire construire un grand nombre de villages dans les forêts royales et autres, afin d’y découvrir le sol à grande distance, et pour qu’il ne s’y trouvât plus que des massifs de bois de cent arpens, tout au plus. Le comité de salut public avait adopté cette proposition qui provenait originellement des frères Roberspierre ; on l’enregistra afin d’en régulariser l’adoption légale, et les citoyens Laloy, Fourcroy ; Cochon et Thuriot, qui la souscrivirent, avaient eu soin d’y mettre pour considérant que « la République française honorait la loyauté, le courage, la vieillesse, la pieté filiale, le malheur, et que les comités de salut public et de sûreté génerale remettaient l’execution de cette proposition véritablement patriotique sous la sauvegarde de toutes les vertus. »
Le procunsul Fouché, ancien janséniste et père de l’Oratoire, était bien autrement éloquent que tous ces illettrés, et voici de sa prose à l’occasion des massacres et des démolitions de Commune-Affranchie ; je vous recommande particulièrement cette proclamation de l’oratorien Fouché.
« Ci-devant Lyonnais, on veut effrayer vos imaginations de quelques decombres, de quelques cadavres, qui ne se trouvaient plus dans l’ordre de la nature, et qui vont y rentrer par la destruction. On veut embraser l’esprit public a la flamme de quelques maisons incendiées, de peur qu’il ne s’allume au feu de la liberté. Républicains ! quelques ruines anticipées sur le temps, et quelques destructions individuelles ne doivent pas même être aperçues dans une révolution où l’où ne doit voir que l’affranchissement du genre humain. De faibles rayons s’éclipsent devant l’astre du jour ! La République ne saurait être assise que sur des débris. N’est-ce pas avec des ruines, avec les destructions des édifices de l’orgueil et de la superstition, que nous devons élever aux amis de l’égalité, aux braves guerriers mutilés dans les combats, d’humbles demeures pour le repos de leur vieillesse ou de leur malheur ? N’est-ce pas sur les cendres des ennemis du peuple qu’il faut rétablir l’harmonie sociale, la paix et la félicité publique ? Le peuple nous a remis entre les mains le tonnerre de sa vengeance ; nous ne le déposerons pas, sinon lorsque tous ses ennemis seront foudroyés. Nous aurons le courage énergique de traverser des files de tombeaux et de marcher sur de vastes ruines, pour arriver au bonheur des nations et à la régénération du monde. On ose nous peindre comme des hommes avides de sang et de destruction, mais quelques efforts qu’on fasse, nous demeurons inexorables, impassibles ! La partie méridionale de la république est rongée par un poison destructeur, il faut en former la foudre de la justice, pour écraser nos ennemis, et que leurs cadavres ensanglantés, précipités dans le Rhône, offrent sur les deux rives, à son embouchure et sous les murailles de l’infâme Toulon, aux yeux des lâches et féroces Anglais, l’expression de l’épouvante et l’image de la toute-puissance du peuple français ?… Je ne pas par quelle imbécile complaisance on laisse encore des métaux entre les mains des personnes suspectes ? Avilissons l’or et l’argent ! Trainons dans le sang et la boue ces dieux de ta monarchie. Il faut qu’il n’existe plus ni pauvre ni riche,… que la foudre éclate par l’humanité ! Je le répète, ayons le courage de marcher sur des cadavres, pour arriver à la liberté des peuples. » Mais en voilà sûrement plus qu’il ne vous en faut, et vous voyez que l’éloquence laconienne de Fouché (de Nantes) n’avait rien de laconique.
La Convention nationale avait supprimé non seulement les institutions, mais toutes les appellations qui pouvaient rappeler, disait Cambacérès, une idée de l’ancien régime ; ainsi voyez tout ce qu’il y avait à démolir, et représentez-vous, si vous pouvez, quel amas de décombres il y avait autour de nous.
Depuis que les conventionnels avaient décrété que la religion catholique était remplacée par le culte de la Raison, sublime Déesse, à qui la ci-devant église de Notre-Dame était particulièrement affectée, il était interdit d’employer le mot Saint, même dans les noms de famille où la particule de se trouvait dans le même état de proscription. Tout le monde a su quel embarras avait été celui de M. de Saint-Denis, qu’on interrogeait à la section de Guillaume Tell : — Je m’appelle Saint… — il n’y a plus de Saint ! — Alors je me nommerai De… — Il n’y a plus de de ! — Mais pour lors je m’appellerais Nis, si vous ne voulez pas m’en laisser davantage ?… Chacun a su l’histoire de cette Baronne de Boisfeuvrillé, qui était une vieille bretonne, et que le comité révolutionnaire de son district nous avait expédiée sous le nom de Malcovie Bahuno, veuve Bois-pluviose ce qui lui sauva la vie, parce qu’elle ne voulut jamais répondre à ce nom-là. Quand on venait l’appeler pour aller au tribunal, elle avait l’air de n’y rien comprendre, et comme personne ne la trahissait, les commissaires en perdirent la trace, au bout de deux ou trois mois. Notre concierge avait bien voulu barbouiller son registre au numéro d’inscription de cette bonne Dame, et je n’ai jamais vu d’entêtement breton si bien conditionné, ni si bien récompensé. J’ai toujours estimé les entêtés et les Bretons.
Après la déclaration favorable à l’existence de l’Être Suprême, il m’a toujours semblé que la plus absurde et la plus extravagante opération des terroristes avait été la publication de leur calendrier républicain. Leur année commençà dans le mois de septembre auquel ils avaient donné le nom de Vendémiaire ; ensuite arrivait Brumaire (ainsi nommé disait l’almanach, à cause de ces brumes basses qui sont la transudation de la nature) et puis Frimaire, avec une engelure au nez ; vilain mois, qui précéda tristement les pénibles mois de Nivôse, Pluviôse et Ventôse. Ceux-ci furent suivis de l’innocent Germinal de l’agréable Floréal et de Prairial le rustique. Aimable trio, vêtu d’un blanc virginal et couronné de végétaux champêtres. Enfin, comme le temps marche toujours en dépit des folies humaines, les trois mois de la belle saison se présentèrent à nous sous les superbes noms de Messidor, de Thermidor et de Fructidor. Figurez-vous, si vous voulez, que Thermidor était resplendissant comme un Phœbus, et que Fructidor était coloré comme une orange.
Le mois de pluviôse était dédié à la mort des tyrans et à la pudeur. Celui de ventôse était consacré particulièrement à la frugalité courageuse floréal à la foi conjugale, et quant aux autres consécrations des mois républicains, je ne m’en souviens plus. Je vous dirai seulement que les cinq ou six jours complémentaires et nommés sanculotides étaient destinés à fêter les Vertus, le Génie, le Travail, l’Opinion, les Récompenses et la Franciade, qui tombait en l’année 1794 un Sextidi. Je n’en ai pas su davantage à l’égard de la Franciade, et je n’ai trouvé personne qui m’ait pu dire quelle était cette Récompense nationale ou cette Vertu républicaine. Chacun de ces douze mois composés de trente jours étaient divisés par trois décades et vous allez voir quels étaient les saints et les patrons du nouveau calendrier.
Pour vous en donner une idée, c’est bien assez d’avoir fait copier ce qui suit dans l’Annuaire National de l’an troisième de la République française, une, indivisible et triomphante ; ce qui reviendrait à l’année 1794, en dialecte grégorien, autrement dit vieux style, ou patois aristocratique.
Je me souviens que la fête solennelle de l’OIE tomba le premier Ouintidi de Brumaire, et cette de DINDON quinze jours après ce qui fut un grand motif de réjouissance et de festivité pour les guichetiers de notre prison, surnommée des Oiseaux : (Voyez l’esprit et la malice ! ) On disait dans ce temps-là que le principal opérateur de ce bel œuvre était un membre de ne je sais quelle académie, qui s’appelait M. Delaplace[13].
La proposition de Barrère n’avait pas manqué d’être adoptée par les montagnards et les autres buveurs de Sang avec lesquels elle avait été concertée d’avance, et je ne saurais vous exprimer quelles furent mes angoisses et mon affliction pendant qu’on instruisait le procès de la Reine. On avait l’inhumanité de l’outrager si cruellement, que sa condamnation nous apparut comme une sorte de délivrance, ou du moins, de soulagement pour elle.
Tandis quêta Reine était à la Conciergerie, nous avions eu la triste consolation de savoir de ses nouvelles à peu près tous les jours. La femme du concierge, appelé Richard, était notre intermédiaire auprès de cette princesse ; et ce fut ainsi que nous eûmes connaissance d’un projet qui avait été conçu par la Marquise de Janson[14]. Elle avait commencé par emprunter sept a huit cent mille livres en engageant toute sa fortune, ensuite elle alla trouver l’Abbé du Puget pour qu’il eût à nous demander de lui procurer trois ou quatre cent mille francs qui lui manquaient encore et dont son mari fournirait la caution. Comme il était question d’en acheter la délivrance de la Reine et que Mme de Janson méritait toute sorte de confiance, il ne fut pas difficile de lui procurer cette somme. Je n’avais plus à ma disposition que cent vingt-cinq mille livres, mais j’écrivis en deux mots a la Princesse de Talmont qui demeurait dans la rue du Gindre, au coin de la rue du Pot-de-Fer et qui s’appelait la citoyenne Trotin. (J’avais si bien mis ceci dans ma tête que je l’y retrouve encore). Mme de Talmont me répondit que j’aurais bien pu disposer de ses petits pois sans le lui dire, et que j’étais devenue ridiculement cérémonieuse : en conséquence de quoi je fis sortir cent mille écus à Mme de Talmont, de la cachette du Grand-Vicaire ; j’y fis ajouter cent mille livres de mon argent, et l’on fut avertir Mme de Janson que la somme était à ses ordres, mais qu’elle eût à s’ingénier pour la faire transporter au lieu de sa destination, car l’Abbé de Dampierre et Dupont, mon factotum, ne savaient absolument comment sortir d’un pareil embarras. Celui-ci calculait avec raison que s’il ne pouvait se faire aider pour la translation de ce monceau d’or, ce ne serait pas l’affaire d’une journée. Le volume de ces quatre cent mille livres équivalait, disait-il, à celui d’une grosse citrouille.
La Marquise de Janson me fit demander quelques jours de répit, et nous apprîmes alors en quoi consistait sa négociation, ce qui nous remplit d’attendrissement et d’admiration pour elle. Chabot, député de Loir-et-Cher et capucin défroqué, avait été pressenti sur l’exécution de ce projet, moyennant la promesse d’un million qu’il aurait mission de partager, comme il entendrait, avec le concierge Richard et deux inspecteurs des prisons, qui s’appelaient Jobert et Michonit. Mme de Janson demandait une permission pour entrer à la Conciergerie sous un prétexte d’interrogatoire ou de confrontation, enfin sous un prétexte quelconque ; elle proposait de laisser évader la Reine au moyen d’un déguisement qui serait aisément fourni par elle, attendu qu’elles changeraient d’habits : Mme de Janson prendrait sa place au cachot ; on dirait que la prisonnière avait été si parfaitement bien déguisée qu’on n’avait pu s’y reconnaître, et toutes les vengeances de la Convention se trouveraient accumulées sur Mme de Janson qui promettait de mourir sans parler, et qui du reste, avait une telle ressemblance avec la Reine qu’il était aisé de s’y méprendre. Chabot s’était laissé pratiquer ; mais la Reine y mit un refus persévérant, une résistance invincible, et cette grande Princesse ne voulut jamais accéder à la proposition de Mme de Janson ; généreuse personne, à qui je n’ai pas toujours eu la satisfaction de voir accorder la justice et l’approbation qui lui revenaient à si juste titre !
La Reine avait écrit définitivement ce qui suit, moyennant des piqûres d’aiguille sur un morceau de papier : Je ne dois ni ne veux accepter le sacrifice de votre vie. Adieu. Adieu.
Chabot, qui avait reçu pour environ cent mille francs de louis d’or, et qui craignait que le secret n’en fût divulgué, s’empressa d’aller dénoncer Mme de Janson, ainsi que Michonit et Jobert qu’il accusa d’avoir entrepris de le corrompre et qui furent condamnés à mort au mois de novembre 1793 ; environ quinze jours après l’exécution de la Reine. Mme de Janson trouva moyen d’aller rejoindre sa famille en émigration ; Jobert se cacha dans notre maison de la Croix-Rouge, et ce pauvre Michonit fut supplicié sur la place de la Bastille. C’était un ancien vainqueur de la Bastille, à ce que disait notre geôlier.
Marie-Antoinette Jeanne de Lorraine d’Autriche, Reine mère et douairière de France et de Navarre, était née le 2 novembre 1755. Elle a péri sur l’échafaud le 16 octobre 1793. Sa robe de veuve était en lambeaux, et la femme du geôlier de la Conciergerie lui avait fait l’aumône d’une jupe et d’une camisole de cotonnade blanche. Elle a été conduite au lieu de son, exécution sur une charrette, ayant les mains attachées derrière le dos avec une corde tachée de sang. Elle avait à côté d’elle un prêtre assermenté qu’elle avait refusé d’entendre et qu’elle n’écoutait pas. Elle paraissait affaissée sous le poids de la souffrance, ses regards étaient fixes et les pommettes de ses joues étaient colorées d’une rougeur fiévreuse. Au moment où l’exécuteur (qui n’était pas le vieux Sanson) arracha violemment le mouchoir de toile qui lui recouvrait le col et la poitrine, elle en fit un mouvement d’indignation toute royale et qui parut intimider les bourreaux ; mais l’auguste victime baissa les yeux sans proférer une seule parole, et l’on a vu par le mouvement de ses lèvres qu’elle n’avait cessé de prier jusqu’à ce que sa tête ait été tranchée par le couteau.
Je ne sais comment j’ai pu trouver la force de vous rapporter ces affreux détails ? il nous ont été donnés par l’Abbé du Puget qui s’était placé sur le passage de la Reine, à l’angle de la rue Royale et de la place Louis XVI, afin de l’absoudre, in articulo mortis, avec indulgence appliquée sur une relique de la vraie croix. On avait trouvé moyen d’en faire prévenir Sa Majesté ; mais comme on avait omis de lui dire que cet aumônier du feu Roi se placerait du côté gauche au dessous du garde-meuble, et comme cette Princesse avait le dos tourné de ce même côté (parce qu’on l’avait fait asseoir sur un banc qui était en longueur de la charrette et non pas en travers), elle avait commencé par regarder devant elle, et du côté de l’hôtel de Coislin, mais n’y reconnaissant personne, elle avait précipitamment retourné sa tête, et son visage éclata d’une sainte joie quand elle aperçut la vénérable figure de M. du Puget qui s’était fait monter sur un talus de pierres et qui lui fit voir un crucifix en lui donnant l’absolution.
Avant de sortir du régime de la Terreur, il me reste à vous parler de la condamnation de Philippe-Égalité, de la chute de Roberspierre et de la délivrance des prisonniers après le 9 thermidor ; je comptais m’en acquitter aujourd’hui, mais je ne m’en sens pas le courage. Je ne saurais penser qu’à la Reine, et je vais prier le bon Dieu pour le repos de son âme.
- ↑ Voyez, à l’appui de cette observation, l’ouvrage intitulé Particularités sur les ministres des finances, par le Baron de Monthyon. Londres, 1812. (Note de l’Éditeur).
- ↑ Le Cardinal Maury disait en 1812, au conventionnel Fouché de Nantes : Les Notables étaient des extravagans : à l’Assemblée nationale, nous étions des écervelés : les membres de la Constituante étaient des coquins : mais ceux de la Convention nationale étaient des gredins, vous n’en disconviendrez pas, Monsieur le Duc. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Louise Élizabeth de Melun, Princesse d’Épinoy, Grande d’Espagne, etc, veuve de Philippe Emmanuel Prince de Ghistelles et du S. Empire, Marquis de Saint-Floris et de Croix. Elle était la dernière de sa maison, ce qui valut la Grandesse d’Espagne à son mari. (Note de l’Auteur).
- ↑ Marie de Viriot de Sombreuil, née en 1775.
On sait à quel prix il lui fallut acheter la clémence des bourreaux pour son père. Ils lui présentèrent un verre de sang ! … Mademoiselle de Sombreuil n’est morte qu’en 1823.
Au bout de 50 ans il lui était encore impossible de boire et de regarder du vin rouge. (Note de l’Éditeur).
- ↑ Louise-Félicité-Victoire d’Aumont de Rochebaron de Villequier, Duchesse héritière de Mazarin, née en 1755, mariée en 1777 à Honoré-Charles de Goyon-Grimaldi, Duc de Valentinois, prince héréditaire de Monaco, etc., more à Paris en 1826.
- ↑ Louis-Jean-Marie de Bourbon, Duc de Penthièvre, d’Aumale, de Damville, de Rambouillet et de Châteauvillain, Souverain Prince de Dombes, et Comte et Pair d’Eu, Prince d’Anet et Marquis d’Arc en Barrois, Comte de Vezin, de Dreux, de Vernon, de Lamballe et de Guigamp, Prince légitime du sang Royal, Grand Amiral, Grand Veneur, et trois fois Pair de France. Il est mort en son château de Vernon le 4 mars 1793, étant veuf de Marie-Thérèse d’Est, fille de François IV, Duc de Modène, et de Charlotte-Aglaé d’Orléans. (Note de L’Auteur)
- ↑ Julie-Sophie-Charlotte de Pardaillan de Montespan d’Antin d’Épernon, Abbesse de l’insigne église royale de Fontevrauld, chef d’ordre, née à Versaille le 2 octobre 1725, et morte à Paris le 21 novembre 1799. Elle était cousine-germaine de M. le Duc de Penthièvre. (Note de l’Auteur).
- ↑ Marie-Anne-Charlotte Corday d’Armans, née à Saint-Saturnin, diocèse de Seez, en Normandie, morte à Paris en 1793, agée de 24 ans.
- ↑
Marat, du peuple le vengeur,
De nos droits la ferme colonne,
De l’égalité défenseur,
Ta mort a fait couler nos pleurs,
Des vertus reçois la couronne ;
Ton temple sera dans nos cœurs !
Mourir pour la patrie,
Mourir pour la patrie,
C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie ! - ↑ Voyez le mémoire du savant M. Julia de Fontanelle, intitulé : Recherches médico-légales sur la douleur après la décollation. Paris 1833. (Note de l’Éditeur)
- ↑ Les bonnes traditions de 93 ne sont pas perdues. Depuis l’heureuse et glorieuse ascension de M. le Duc d’Orléans sur le trône de juillet, on n’a pas manqué d’arroser tous les printemps, avec de l’eau-forte, environ 60 ou 80 touffes de lys qui sont restées dans les parterres des Tuileries, et c’est évidemment pour en empêcher la floraison. On ose demander au roi citoyen pourquoi il ne les a pas fait arracher comme les fleurs de lys de ses frontons et de ses balcons du Palais-Royal.
Il y a des gens, tels que M. Cadet-Cassicourt et M. Odilon Barrot qui détestent les Crucifères. Il y en a qui ne sont occupés que des Rosacées. Il y en a qui préfèrent les Liliacées, et l’on nous accordera que c’est la partie la plus notable de la société d’horticulture. Tous les habitues du jardin des Tuileries s’intéressent à ces végétaux magnifiques, à ces fleurs candides ; on s’en occupe, on les observe ; et par une belle soirée du mois de mai, on ne manque jamais de remarquer leurs tiges verdoyantes et vigoureuses ; mais voilà qu’on les retrouve le lendemain matin brunies, hâlées et roussies comme de la friture ! Il parait que cinq à six heures de nuit suffisent à cette opération morbide. On dirait un apologue à l’usage des plantes parasites et des rejetons verreux…
On se demande si c’est une allégorie politique, un symbole d’exécution nationale ? (Note de l’Éditeur)
- ↑ C’était la mère de la maréchale Marmont, duchesse de Raguse, et de M. le Comte Pérégaux, dont le père était banquier du Comité de salut public. (Note de l’Éditeur)
- ↑ Bonaparte en avait fait un membre du Sénat conservateur et un Comte de son Empire ; c’était un des Sénateurs les plus génuflexibles, et grâce a M. Decazes, il est devenu Pair de France et Marquis de la Place en 1822. (Note de l’Éditeur.)
- ↑ Son mari, de la maison de Forbin, doit être votre parent par Messieurs du Muy, et sa femme est une personne incomparable pour le dévouement et pour le courage. Elle est fille du Prince de Galéan qui était le parent et l’ami de mon neveu du Châtelet. (Note de l’Auteur.)